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Le jugement des expressions faciales dynamiques : l'importance de l'intensité maximale et finale, et de la moyenne globale

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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ERIC GIRARD

LE JUGEMENT DES EXPRESSIONS FACIALES DYNAMIQUES: L’IMPORTANCE DE L’INTENSITÉ MAXIMALE ET FINALE,

ET DE LA MOYENNE GLOBALE

Thèse présentée à

la Faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

JUIN 1999

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L'objectif de ces travaux est d'établir les bases servant à l'élaboration d'un modèle de jugement des expressions faciales dynamiques. Se basant sur des données présentées par Kahneman et ses collègues (1993) qui montrent que les jugements complexes d'épisodes temporels sont fonction de l'intensité maximale d'une série et de l'intensité de son dernier élément, une première étude démontre l'importance de ces paramètres dans l'évaluation de la hauteur moyenne d'une séquence de rectangles dont la hauteur varie en fonction du temps. Cette étude montre aussi que la hauteur moyenne des rectangles en influence l'évaluation. La seconde étude a pour but de déterminer si les mêmes paramètres sont impliqués dans le jugement d'expressions faciales dynamiques. Les résultats montrent que l'intensité maximale, l'intensité finale ainsi que l'intensité moyenne influencent le jugement de l'intensité et de la valence. Il est suggéré d'ajouter la moyenne globale aux paramètres pouvant influencer le jugement d'épisodes temporels dans le modèle présenté par

Kahneman et ses collègues. Nous considérons donc qu'il s'agit d'un point de départ pour l'élaboration d'un modèle de traitement des expressions faciales dynamiques.

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L'objectif de ces travaux est d'établir les bases servant à l'élaboration d'un modèle de jugement des expressions faciales dynamiques. Plusieurs auteurs ont souligné qu'il n'existe . pas vraiment de modèle théorique permettant d'expliquer les processus sous-jacents au

jugement des expressions faciales, particulièrement en ce qui concerne les expressions faciales dynamiques et qu'il s'avère indispensable de définir des modèles qui décrivent ces processus. Se basant sur des données présentées par Kahneman et ses collègues (1993), montrant que les jugements complexes ( e.g. inconfort, valence, etc.), dont l'intensité et la qualité varient en fonction du temps, sont fonction de l'intensité maximale d'une série et de l'intensité de son dernier élément, une première étude démontre l'importance de ces

paramètres dans l'évaluation de la hauteur moyenne d'une séquence de rectangles dont la hauteur varie en fonction du temps. Ces expériences montrent aussi que la hauteur moyenne des rectangles en influence l'évaluation. La présente étude a pour but de déterminer si les mêmes paramètres sont impliqués dans le jugement des expressions faciales dynamiques. Des mouvements faciaux dynamiques (sourire et froncements des sourcils) sont présentés à l'ordinateur. La tâche des participants est d'indiquer l'intensité moyenne ainsi que la valence de chacun des stimuli. Les résultats montrent que l'intensité maximale, l'intensité finale ainsi que l'intensité moyenne influencent le jugement de l'intensité et de la valence. Ces résultats permettent de suggérer une modification au modèle présenté par Kahneman et ses collègues (1993). En effet, nous suggérons de considérer la moyenne globale parmi les facteurs énumérés dans le modèle développé par Kahneman et collaborateurs qui stipule que des jugements complexes d'épisodes temporels sont effectués en fonction de l'intensité maximale et de l'intensité du dernier stimulus d'une série. La seconde étude est la première à démontrer qu'un modèle d'intégration de

l'information tel que développé par Kahneman et ses collègues, et modifié par Girard et Kappas, peut s'appliquer à l'étude des expressions faciales. Nous considérons donc qu'il s'agit d'un point de départ pour l'élaboration d'un modèle de traitement des expressions faciales dynamiques, inspiré par le modèle présenté par Kahneman ses collaborateurs.

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Avant-propos

J’y suis enfin rendu! Je vais obtenir mon grade de Philosophiae Doctor bientôt! Il y a certains moments où je croyais bien que je ne réussirais pas à terminer mon doctorat. Comme vous le savez certainement, il y a plusieurs choses qui peuvent se passer en un peu plus de quatre ans! J’avais, et j’ai toujours, plusieurs intérêts et il m’était parfois difficile de ne pas m’éparpiller. J’ai vraiment apprécié de pouvoir enseigner, de diriger !’association des étudiants et de pouvoir m’impliquer dans toutes sortes d’autres activités. Heureusement, j’avais suffisamment de détermination pour me rendre jusqu’au bout de mon doctorat et j’en suis très heureux. Aujourd’hui, j’ai l’impression que tout s’est déroulé très rapidement et que ce ne fût pas trop difficile. Disons que ça fait mon affaire d’avoir une mémoire sélective! ! !

Durant toutes ces années, j’ai appris énormément de choses et ce, pas seulement au niveau académique. J’ai dû me surpasser, aller au fond de moi-même et trouver des ressources dont j’ignorais l’existence. Je suis très heureux d’avoir pu vivre cette aventure avec mon directeur, Arvid Kappas. Je crois queje peux affirmer, sans trop me tromper, que nous avons appris ensemble ce qu’implique la relation directeur-étudiant. Comme je suis son premier étudiant à se rendre aussi loin et comme c’est mon premier (et mon dernier!) doctorat, nous avons dû faire plusieurs ajustements durant toutes ces années. Ce que je retiens de tout ça aujourd’hui est que le support qu’il m’a apporté et l’encadrement théorique et pratique furent essentiels à la réussite de ce doctorat et je lui en suis très reconnaissant. Je m’en voudrais aussi de ne pas mentionner l’appui et l’aide que j’ai reçus des autres membres de notre laboratoire. Je n’oublierai jamais la très dynamique Anna et son aversion pour Dennett. Merci à Jean de m’avoir encouragé et brassé lorsque c’était nécessaire. Tu es un ami vraiment précieux. Merci à François pour ton support et tes jujubes. Merci aussi à tous les autres qui ont fait parti de notre laboratoire. Votre présence

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Je veux aussi remercier les membres de mon comité de thèse qui m’ont appuyé pendant mon doctorat. Il s’agit de Gilles Kirouac, Robert Rousseau et Pierre Gosselin. Nos rencontres constituaient toujours un défi intéressant et constituaient une réelle source de motivation. Le respect et la confiance que vous m’avez démontrés m’ont permis de me rendre jusqu’au bout! Merci aussi aux membres du personnel de l’école de psychologie pour avoir facilité et égayer mon séjour d’environ 10 ans dans cette vénérable institution. Je pense particulièrement à Marcelle, Andrée, Nicole et tous les autres que j’oublie de mentionner.

Comme je l’ai déjà exprimé, plusieurs choses peuvent se passer en plus de quatre ans, et mes amours n’ont pas fait exception à la règle. Loin de moi l’idée et l’intérêt de vouloir étaler ce qui s’est passé et de vouloir régler des comptes. Je tiens à remercier Malorie de m’avoir appuyé durant la fin de mon doctorat et d’être très patiente avec moi. Merci aussi à Katia pour m’avoir encouragé à me lancer dans cette aventure que constitue le doctorat.

Bien sûr, je ne peux ignorer l’apport de ma famille dans cet accomplissement. Le sentiment d’appartenance à ma famille est très important pour moi. Les relations que j’entretiens avec les membres de ma famille m’apportent beaucoup. Il est aussi évident que ça demande beaucoup! Les relations familiales sont parfois difficiles à définir. Ce n’est pas parce que nous avons des liens sanguins que nous n’avons pas de travail à effectuer pour entretenir et ce ne sont souvent pas des relations que nous avons choisies, mais elles sont tellement précieuses. Je vous aime!

Evidemment, il y a aussi une quantité incroyable d’ami(e)s que je tiens à remercier. Tout d’abord, je veux remercier Jean et Stéphane. Vous m’avez incité à toujours me dépasser et vous n’avez jamais permis queje baisse les bras, et ce, dans tous les aspects de ma vie. Je ne vous remercierai jamais assez. Je veux remercier Lucie, Annie, Caroline, Nadia, Julie, Marlène, Mélanie, Sébastien, Kathleen, Emmanuelle et toutes les autres personnes de l’école de psychologie avec qui j’ai vécu de très bons moments. Vous êtes très précieux pour moi. Merci aussi à Marc, Josée et tous les autres qui m’avez accordé

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votre amitié. Cette amitié est essentielle à mon équilibre personnel et j’espère qu’elle va se perpétuer.

Enfin, je m’en voudrais de ne pas souligner l’importance des membres de l’équipe de hockey-bottines! Les rencontres hebdomadaires que nous avons eues pendant quelques années étaient vraiment importantes pour moi. Le fait de se retrouver entre hommes (!) une fois par semaine et d’oublier mon intelligence à l’extérieur du vestiaire me faisait vraiment beaucoup de bien. Aussi, le fait de pouvoir s’évader de temps en temps pour un party ou une fin de semaine dans un chalet aidait vraiment à passer au travers de certains moments plus arides!

Alors, je dis un gros merci à tous ces gens et je demande humblement pardon à ceux que j’ai pu oublier. C’est un peu grâce à vous tous si j’ai pu me rendre jusqu’au bout. Je vous en suis infiniment reconnaissant!

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Tabledesmatières

RÉSUMÉ COURT______________________________________________________________ I RÉSUMÉ LONG__________________________ _________________________________ II AVANT-PROPOS_____________________________________________________________ ΠΙ TABLE DES MATIÈRES_______________________________________________________VII

1 1 2 2 4 5 5 5 6

1- ASPECTS FONCTIONNELS DES EXPRESSIONS FACIALES: CONTRIBUTIONS DE CHARLES DARWIN

1.1- Fonctionsdirectes 1.2- Communication

1.2.1- Communicationdesétatsémotionnelsetdesintentions

1.2.2- Interactionsociale

1.2.3- RÉGULATION desconversations

1.3- Régulation

1.3.1- Rétroactionfaciale/autorégulation

1.3.2- Empathie 7 8 9 10 10 11 12 2- MECANISMES DE L’EXPRESSION FACIALE ET ENCODAGE

2.1- Basesphylogénétiques 2.2- Aspectsdéveloppementaux

2.3- Expressionfacialevolontaireetspontanée 2.3.1- Distinctionentrevolontaireetspontanée

2.3.2- Basesneurologiquesetcliniquespourladistinctiondesexpressions facialesvolontairesetspontanées

2.4- Débat: lienentreexpressionfacialeetémotion

13 13 14 15 16 20 22 22 24 25 3- DECODAGE ET PERCEPTION DES EXPRESSIONS FACIALES

3.1- Aspectsdéveloppementaux

3.2- Débat: reconnaissanceuniverselledesexpressionsfaciales 3.3- Facteursinfluençantlejugementdesexpressionsfaciales 3.4- Processusdedécodage

3.4.1- Remiseencausedelavaliditéécologiquedesrecherchesportantsur lesprocessusdedécodage

3.5- Expressionsfacialesdynamiques

3.5.1- Perceptiondesexpressionsfacialesdynamiques

3.5.2- Problèmesméthodologiquesettechniques

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4- OBJECTIFS____________________ ____ _______________ ________________________ 27 4.1- Modèleservantàlaperceptiondestimulidynamiques

4.1.1- NÉCESSITÉ D’UN MODÈLE

4.1.2- L’approchede Kahnemanetcollègues

4.2- Adaptationdumodèlede Kahnemanetcollèguespourlaperception DES EXPRESSIONS FACIALES

5- A NEW EXPERIMENTAL APPROACH FOR THE STUDY OF JUDGMENTS OF 27 27 28

32

SHORT DYNAMIC STIMULI : TOWARDS THE PSYCHOPHYSIC OF DYNAMIC

STIMULI 36

6- JUDGMENT OF DYNAMIC FACIAL EXPRESSIONS: IMPORTANCE OF

MAXIMUM AND FINAL INTENSITY AND ITS GLOBAL MEAN 66

7- CONCLUSION GÉNÉRALE 109

RÉFÉRENCES 113

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Avec l’écriture de son livre “Expression of the emotions in man and animals”, Charles Darwin a grandement contribué à l’avancement des études sur les expressions faciales. Les conceptions de Darwin ont persisté dans un grand nombre de théories des expressions faciales basées sur l’émotion (Ekman, 1972, 1983; Fridlund, 1994).

1.1- Fonctions directes

Dans son livre “Expression of the emotions in man and animals”, Darwin (1872/1965) stipule que les principaux actes de l’expression, chez les humains et les animaux, sont innés et héréditaires, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas un produit de !’apprentissage de l’individu. Selon Darwin (1872/1965), les fonctions de certains mouvements du visage auraient pu se modifier au cours de l’évolution, ce qui signifie que certains mouvements qui servaient des fonctions particulières à l’origine sont devenus fonctionnels aussi dans les interactions sociales, c’est-à-dire que d’autres individus peuvent inférer certaines informations sur l’état mental d’un encodeur ainsi que ses actions potentielles à partir de ces mouvements. Selon Darwin, l’éducation et l’imitation n’auraient presque pas de rôle à jouer dans !’apprentissage des expressions émotionnelles puisqu’il s’agit de vestiges du passé qui subsistent, mais qui servent maintenant des fonctions sociales. Dans le même ordre d’idées, il semble probable que la faculté de les reconnaître est devenue instinctive par un mécanisme similaire à celui qui est proposé pour l’expression.

Plus récemment, certains auteurs comme Rosenberg et Ekman (1994) adoptent le point de vue selon lequel les émotions impliquent des patrons de réponses, dont les

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expressions faciales, qui ont évolué de façon à organiser les différents systèmes corporels pour répondre aux événements critiques de 1 ’environnement. D’autres auteurs tels que Andrew (1963, 1964) et van Hooff (1969, 1976) ont stipulé que plusieurs composantes des patterns du visage peuvent avoir leur origine évolutive dans les réflexes faciaux. Tout comme Darwin, van Boxtel et Waterink (1994) considèrent que l’activité de certains muscles liés à l’expression faciale pourrait avoir certaines fonctions spécifiques. Ainsi, ils suggèrent que l’inhibition de l’activité des muscles péricraniaux pourraient être fonctionnelle durant les états de latence (ou d’attente “expectancy states”). Les résultats d’une étude de van Boxtel et Waterink (1994) montrent que l’activité de la majorité des muscles péricraniaux diminue graduellement durant la période d’attente tandis qu’une augmentation de l’activité des muscles de la partie supérieure du visage peut être observée. Selon van Boxtel et Waterink (1994), plusieurs données indirectes suggèrent que ces patterns de réponses facilitent la détection de stimuli auditifs et visuels (voir Damen et al., soumis pour publication, pour un relevé de littérature dans van Boxtel & Waterink, 1994). Une autre possibilité avancée par van Boxtel et Waterink (1994) est qu’il y a une relation fonctionnelle entre l’activité des muscles de la partie supérieure du visage et le maintien des conditions optimales pour !’acquisition des données visuelles, ce qui a aussi été avancé par

Darwin (1872/1965).

1.2- Communication

1.2.1־ Communication des états émotionnels et des intentions

La communication des états affectifs est considérée comme étant un élément déterminant pour l’adaptation d’un individu à son environnement (Tremblay, Kirouac, & Doré, 1985). Par exemple, il est essentiel de reconnaître les signaux émotionnels de ceux

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qui nous entourent et de pouvoir exprimer correctement ce que nous ressentons pour le bon fonctionnement des rapports humains (Hess, Blairy, & Kleck, 1997; Tcherkassof, 1997). Selon Scherer (1989), Darwin stipule que certains modes d’expressions émotionnelles se seraient spécialement constitués au cours de l’évolution en fonction de la communication. Ainsi, il est possible pour l’homme ou l’animal de transmettre des intentions de comportement à un autre individu. Cette forme de régulation des contacts sociaux revêt une très grande importance pour la coexistence et pour le développement de formes sociales d’organisation. A cet effet, selon Darwin (1872/1965), les mouvements expressifs du visage et du corps seraient utilisés très tôt au cours du développement. Ils constituent l’un des premiers moyens de communication entre la mère et l’enfant. En observant particulièrement son fils nouveau-né, Darwin (1872/1965) a d’ailleurs pu se rendre compte que les nouveaux-nés sont aptes à reconnaître certaines expressions faciales, comme le sourire, et que la capacité de discrimination augmente avec l’âge. Darwin (1872/1965) soutient aussi que les mouvements de l’expression révèlent parfois les pensées et les intentions d’une manière plus vraie que les paroles, qui peuvent être menteuses

Les expressions faciales sont généralement reconnues comme étant l’un des éléments les plus importants dans ce processus de communication (Collier, 1985; Ekman, 1980; Etcoff & Magee, 1992; Kappas, 1991; Rinn, 1991; Smith & Scott, 1997). Selon certains auteurs l’expression faciale des émotions peut parfois être directement reliée à l’expérience émotionnelle de l’émetteur (voir Buck, 1984; Ekman, 1984; Frijda, 1986; Hess, Banse, & Kappas, 1995; Scherer, 1986; mais voir aussi Femândez-Dols & Ruiz- Belda, 1997; Fridlund, 1991) et est souvent perçue comme étant une source importante d’information concernant l’état émotionnel d’un autre individu durant une interaction

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sociale (Coren & Russell, 1992; Ekman, Friesen, & Ellsworth, 1982; Hess, Kappas, & Scherer, 1988; Noller, 1985). Il est aussi reconnu que les expressions faciales des émotions procurent des informations qui permettent de distinguer des états émotionnels plaisants et non-plaisants (Ekman & O’Sullivan, 1991; Fridlund, Ekman, & Oster, 1987). Des données obtenues à partir de recherches utilisant 1 ’ électromyographie (EMG) faciale appuient cette affirmation (voir Ekman & O’Sullivan, 1991).

Les expressions faciales peuvent aussi permettre, tout comme d’autres indices non- verbaux, de distinguer entre certaines émotions spécifiques et procurer de !’information à propos de l’intensité des émotions ressenties (Boucher & Ekman, 1975; Ekman & O’Sullivan, 1991; Fridlund et al., 1987; Tremblay et al., 1993).

1.2.2- Interaction sociale

Darwin (1872/1965) mentionne aussi qu’il a toujours été frappé de voir qu’un si grand nombre d’expressions soient reconnues instantanément sans que nous ayons conscience d’un effort d’analyse de notre part. Cette reconnaissance peut être très importante dans les relations sociales.

L’importance des expressions faciales pour la communication est maintenant reconnue par plusieurs auteurs (par exemple Ekman, 1980; Kappas, 1991; Rinn, 1991). Selon Ekman (1980), l’expression faciale des émotions est l’un des pivots de la communication entre les êtres humains et !’interprétation des expressions faciales sur le visage d’autrui facilite nos relations sociales. D’ailleurs, selon lui, !’interprétation erronée d’une expression faciale pourrait pousser l’individu à adopter un comportement non adapté à la situation. Donc, selon Ekman, il est très important pour l’humain de connaître la signification exacte des expressions faciales pour le bon fonctionnement des rapports

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humains. Elles jouent aussi un rôle primordial dans les interactions sociales des jeunes enfants (voir Fridlund, Ekman & Oster, 1987 pour un relevé de littérature). Le rôle de Eexpression faciale est tellement important que la reconnaissance des expressions et leur imitation constituent l’une des premières habiletés perceptives et motrices que le jeune enfant apprend (Buck, 1988; Darwin, 1872/1965; Fridlund et al., 1987; Harris, 1989; Rinn,

1991).

1.2.3- Régulation des conversations

Selon Darwin (1872/1965), les mouvements de l’expression servent aussi à donner de la vie et de l’énergie au discours. Cette idée a été davantage élaborée par Ekman (1979) dont certains résultats démontrent que le rôle des expressions faciales est important dans la régulation des conversations. Leur fonction dans cette situation consiste à ponctuer ou à souligner le contenu du discours. Fridlund et Gilbert (1985) vont même jusqu’à stipuler que le rôle principal du visage serait paralinguistique (i.e. accompagner et supporter le discours) plutôt qu’émotionnel.

1.3- Régulation

1.3.1- Rétroaction faciale/autorégulation

Darwin (1872/1965) croyait aussi que l’expression d’une émotion peut avoir un impact sur l’émotion qui est ressentie. La libre expression d’une émotion par des signes extérieurs la rend plus intense et, inversement, les efforts faits pour réprimer toute manifestation extérieure diminuent l’intensité de l’émotion. William James (1890) proposait que les gens infèrent leur émotion en sentant leurs réponses musculaires, glandulaires et viscérales. Donc, pour William James, tout comme pour Charles Darwin, l’activité faciale peut avoir un impact sur l’état émotionnel de celui qui l’exprime.

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Des modèles concernant ce phénomène ont été développés par certains chercheurs dont Tomkins (1962, 1963) et Izard (1977, 1979). Ces modèles ont donné naissance à l’hypothèse de la rétroaction faciale qui stipule que des réactions faciales distinctes provoquent des expériences subjectives qui s’apparentent à certaines émotions spécifiques. De plus, l’intensité des réactions faciales serait corrélée avec l’intensité de l’émotion subjective ressentie (Hager & Ekman, 1983). Cependant, il existe encore beaucoup de controverses et de points de vue différents concernant la rétroaction faciale (voir Kirouac, 1995 pour un relevé de littérature). Principalement, il existe trois versions de l’hypothèse de la rétroaction faciale (Tourangeau & Ellsworth, 1979) : (1) l’hypothèse de la monotonicité qui stipule que la relation entre l’état interne et l’expression serait monotone. Ce qui veut dire qu’une inhibition de l’expression faciale atténue l’état interne sous-jacent et, inversement, une amplification de l’expression intensifie l’état interne. (2) L’hypothèse de la suffisance stipule qu’une expression faciale serait suffisante pour provoquer un état interne sous-jacent relié à cette expression, et (3) l’hypothèse de la nécessité qui stipule qu’une expression faciale serait nécessaire pour la présence d’un état émotionnel respectif. Certains résultats existent pouvant corroborer l’hypothèse de la monotonicité, cependant, peu de données existent pour appuyer les deux autres hypothèses (voir Kappas, 1991).

1.3.2- Empathie

Les réponses faciales que produit un observateur lorsqu’il examine les réactions faciales des autres pourraient aussi avoir un impact sur les émotions qui sont ressenties par l’observateur. A cet effet, plusieurs mécanismes ont été proposés concernant la contagion émotionnelle (Hatfield, Caccioppo, & Rapson, 1994). Certains de ces mécanismes seraient en mesure de produire une transmission automatique des émotions entre les individus. Ces

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mécanismes vont de la réponse conditionnelle et inconditionnelle jusqu’à la mimétisme et la synchronie (ou synchronicité) interactionnelle.

Les travaux de Lanzetta et ses collaborateurs (voir Kirouac, 1995) ont pu montrer que lors de !’observation de mouvements faciaux émotionnels, les participants décodeurs émettent aussi des réponses faciales concordantes qui peuvent être détectées par EM G (Lanzetta & McHugo, 1989). Une recherche de Dimberg (1990) utilisant le EMG a également permis de démontrer que les participants montrent des réponses faciales différentes en fonction de l’émotion représentée sur les diapositives que les participants devaient identifier. De plus, les réponses faciales enregistrées correspondaient aux configurations faciales des émotions présentées.

Les résultats d’une expérience de Wallbott (1991a) semblent démontrer que l’imitation des expressions faciales que nous percevons contribue à leur reconnaissance. L’expérience de Wallbott (1991a) consistait à demander aux participants de déterminer quelle émotion ils avaient visionnée à partir de photographies de leur propre visage prises lorsqu’ils devaient effectuer le jugement de diapositives présentant des expressions faciales. Kappas (1991) stipule que le décodeur participe à un processus de transmission des émotions qui influencerait son propre état interne ce qui pourrait influencer le traitement de !’information inhérente aux expressions émotionnelles qu’il observe.

2- Mécanismesdel’expressionfacialeetencodage

Avant de discuter dans de plus amples détails les découvertes sur la perception des expressions faciales des émotions, il peut être utile de discuter comment elles sont produites. Il est bien connu que l’expression faciale a son origine dans les patterns de contraction des muscles faciaux (Darwin, 1872/1965; Duchenne de Boulogne, 1862/1990;

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Fridlund, 1994; Fridlund et al., 1987; Kirouac, 1995; Rinn, 1991; Yamada, 1993). Ces muscles bougent la peau et les tissus qui sont connectés ce qui crée des plis, des lignes et des rides et ils bougent les différentes parties du visage selon des configurations stéréotypées qui sont reconnues comme étant les expressions faciales (Ekman, Ftuang, Sejnowski, & Hager, 1993; Rinn, 1991).

2.1- Bases phylogénétiques

Dans ses recherches, Darwin (1872/1965) avait envoyé des questionnaires à des observateurs à travers le monde afín de voir si les gens de différentes cultures effectuent les mêmes mouvements faciaux dans des circonstances similaires. Cette communauté de mouvements faciaux lui aurait suggéré qu’il existe des éléments phylogénétiques qui sont partagés et aurait pu appuyer la thèse évolutive des registres de comportements. Bien que plusieurs problèmes méthodologiques peuvent être identifiés, les données obtenues par Darwin (1872/1965) suggéraient qu’il existe des expressions faciales semblables chez les membres de différentes cultures. La vision de continuité exprimée par Darwin à propos des expressions faciales a d’ailleurs été acceptée par la plupart de ses contemporains (voir Fridlund, 1994).

Depuis les recherches de Darwin, plusieurs études ont tenté de démontrer l’existence des bases phylogénétiques de l’action faciale humaine (voir Fridlund et al., 1987). Dans cette perspective, il a été démontré qu’il existe une certaine homogénéité dans l’expression émotionnelle entre l’humain et d’autres espèces (particulièrement les primates) et cette homogénéité pourrait indiquer qu’il existe des bases phylogénétiques, évoluées pour les expressions. Les études faites à partir de cette perspective ont pu démontrer que les primates non-humains montrent une variété d’expressions faciales (“facial displays”) très

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différentes les unes des autres, que ces expressions faciales sont liées à des précurseurs spécifiques et qu’il y a des expressions faciales semblables chez les humains et les primates (voir Fridlund et al., 1987).

2.2- Aspects développementaux

Des recherches portant sur les aspects développementaux ont pu démontrer que la musculature faciale est complètement formée et fonctionnelle à la naissance (Fridlund et al., 1987). Différentes expressions faciales distinctes, ressemblant à certaines expressions adultes, ont pu être observées chez les jeunes enfants (Fridlund et al., 1987). En plus, des études ont montré que les habiletés à encoder les expressions faciales et à montrer une expression faciale qui ne correspond pas nécessairement à l’émotion qui est ressentie (duperie) s’améliorent avec l’âge (voir Fridlund et al., 1987). Certaines études rapportées par Fridlund, Ekman et Oster (1987) montrent qu’un enfant de trois à cinq ans est familier avec les expressions des émotions qui sont typiquement reconnues comme étant universelles. En utilisant une variété de tâches, les chercheurs ont pu démontrer que les enfants d’âge préscolaire sont en mesure de (1) mettre ensemble des photographies montrant les mêmes expressions faciales posées par des individus différents; (2) identifier les expressions correspondant aux termes émotionnels ou aux représentations graphiques des situations inductrices d’émotion; et (3) imiter ou produire volontairement les expressions faciales demandées.

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2.3- Expression faciale volontaire et spontanée

2.3.1- Distinction entre volontaire et spontanée

Darwin (1872/1965) a aussi tenté de démontrer qu’il existe une distinction entre !’expression faciale qui est développée, involontaire, réflexive et intimement liée aux émotions et l’expression faciale qui est volontaire et employée à des fins sociales.

Hess et Kleck (1990, 1994) stipulent que l’expression faciale posée et spontanée diffèrent de façon systématique. Les expressions faciales spontanées sont une conséquence directe d’un processus émotionnel élicité par un événement (interne ou externe, Kappas, 1991). L’expression posée semble être plus prototypique (Motley & Camden, 1988). Les. expressions faciales volontaires seraient utilisées pour modifier !’intensité d’une expression spontanée, l’altérer ou la masquer, ou pour montrer quelque chose alors qu’aucune stimulation provoquant une expression faciale spontanée n’est présente (Kappas, 1991).

Certains auteurs (Kappas & Hess, 1995) suggèrent que l’expression des émotions est habituellement contrôlée. L’influence sociale affecterait toutes les facettes de l’émotion, de l’expression faciale aux réactions corporelles en passant par les sentiments subjectifs ressenties (Fridlund, 1991; Kappas, 1991; Manstead, 1988, 1991). Il existerait certaines règles sociales (“display rules”) en fonction des cultures qui définissent les émotions qui peuvent être montrées et celles qui ne peuvent l’être (Boucher, 1974; Ekman, 1973, 1984; Ekman & Friesen, 1969, 1975; Wundt 1903 dans Kappas, 1991). Ekman et O’Sullivan (1991) rapportent que l’expression faciale peut, en plus de refléter une émotion: (1) feindre une émotion alors qu’aucune n’est présente (e.g., le sourire social), (2) atténuer l’intensité apparente d’une émotion positive ressentie (e.g., le sourire atténuateur ou modérateur), et (3) masquer la présence d’une émotion négative ressentie avec une émotion

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alternative simulée (e.g., le sourire masquant). De plus, il semble que les expressions faciales les plus complètes et précises se produisent surtout dans des situations où le participant est seul et filmé à son insu (Kirouac, 1995). Selon Fridlund (1994), même les expressions faciales faites en solitaire possèdent une composante sociale dans le sens où elles sont habituellement dirigées vers un auditoire implicite ou imaginaire.

Récemment, Gosselin et Kirouac (1997) ont souligné certaines difficultés qu’ils ont rencontrées pour la production des expressions faciales volontaires pour une de leurs études. Il serait donc très difficile d’effectuer les configurations faciales reliées à certaines expressions faciales. Ceci entraîne deux conséquences importantes : (1) créer un ensemble d’expressions faciales volontaires pour des fins de recherche peut devenir très ardu; et (2) il est difficile d’obtenir des expressions identiques des différents encodeurs (Gosselin & Kirouac, 1997).

2.3.2- Bases neurologiques et cliniques pour la distinction des expressions faciales volontaires et spontanées

Rinn (1991) stipule que le système cortical moteur est spécialisé dans les comportements faciaux appris et volontairement induits et non dans les comportements induits par l’émotion et involontaires. Des personnes avec lésion du cortex moteur peuvent avoir une paralysie complète d’un côté du visage et être incapables de rétracter les coins de la bouche de façon volontaire. Cependant, elles peuvent tout de même effectuer un sourire normal si quelque chose les amuse (Rinn, 1991). Le sourire peut même parfois être plus prononcé du côté paralysé, probablement dû à une inhibition corticale plus faible de ce côté. Toutefois, des gens ayant des lésions dans certaines régions sous-corticales peuvent avoir les habiletés nécessaires pour bouger le visage mais être incapables de faire des mouvements expressifs spontanés du côté qui est affecté (Rinn, 1991). Ces découvertes

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neurologiques illustrent clairement, selon Rinn (1991), que le cortex contrôle les mouvements volontaires du visage tandis que l’expression faciale spontanée est sous le contrôle d’un système sous-cortical (voir aussi Fridlund et ali, 1987). Les recherches de Rinn (1991) ont aussi montré que des aveugles ont de la difficulté à produire des mouvements faciaux volontaires qui sont typiquement reconnus comme étant des expressions faciales des émotions. Cependant, ils produisent spontanément des mouvements correspondant aux expressions faciales prototypiques durant une conversation.

2.4- Débat: lien entre expression faciale et émotion

Il existe certains débats importants sur les expressions faciales sur lesquels nous ne nous attarderons pas puisqu’ils ne sont pas vraiment pertinents pour la réalisation de ces travaux. Une des questions importantes est de savoir comment il est possible de déterminer si !’information que procure l’expression faciale est un indicateur fiable de l’état émotionnel. Fridlund (1994) stipule que, depuis les recherches de Darwin, les préoccupations centrales des recherches portant sur les expressions faciales étaient de trouver le lien entre les mouvements du visage et les états émotionnels. Il existe peu de données sur le lien entre des émotions spécifiques et les expressions faciales correspondantes (Camras, Holland, & Patterson, 1993). Un des plus grands obstacles pour répondre à cette question est de savoir quelle émotion est vraiment ressentie au moment où une expression faciale survient (Fridlund et al., 1987). Bien que la plupart des théoriciens s’accordent pour dire que certaines émotions sont reliées à certaines expressions faciales, tous ne s’entendent pas sur la façon dont sont reliées les émotions et les expressions faciales. Certains prétendent qu’il n’existe pas de relation entre l’expression faciale et l’état émotionnel sous-jacent (Fridlund, 1991, 1994; Fridlund, Kenworthy, & Jaffey, 1992;

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Mandler, 1984). Selon Mandler (1984), les mimiques faciales sont plutôt des vestiges d’un système archaïque de communication et ]’observateur humain tend à les traiter cognitivement en leur accordant une teneur émotionnelle. Il s’agit toutefois d’un point de vue minoritaire (Kirouac, 1995). Quant à Fridlund (1994), il propose que les expressions faciales exerceraient leur fonction de communication en présence des pairs et seraient totalement indépendantes de l’état émotionnel sous-jacent chez l’émetteur (mais voir Hess et al., 1995). D’autres auteurs, tels Rosenberg et Ekman (1994) et Ruch (1995), stipulent que ce lien existe et que les raisons pour lesquelles ce lien n’a pu être prouvé sont d’ordre méthodologique ou concernent les difficultés à mesurer l’expérience subjective.

Toutefois, le lien entre l’expression faciale et l’émotion sous-jacente n’est pas réellement important pour les besoins de cette recherche puisqu’une distinction nette peut être effectuée entre l’encodage et le décodage (Kirouac, 1995). Il n’est donc pas vraiment nécessaire de se prononcer à savoir comment l’expression faciale est liée à un état émotionnel pour comprendre les processus de décodage, processus qui constituent le thème central des présents travaux.

3־ Décodageetperceptiondesexpressionsfaciales 3.1- Aspects développementaux

Des études ont montré que des enfants de trois à quatre mois réagissent de façon différente en fonction des expressions faciales (Fridlund et al., 1987) et que les habiletés à décoder les expressions faciales et à détecter la duperie s’améliorent avec l’âge (voir Fridlund et al., 1987). Il semble aussi que les nouveaux-nés ont une capacité innée à imiter les mouvements faciaux (Buck, 1988; Darwin, 1872/1965; Fridlund et al., 1987; Harris,

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1989; Rinn, 1991) ce qui implique qu’ils doivent être en mesure d’en faire la discrimination jusqu’à un certain niveau.

3.2- Débat: reconnaissance universelle des expressions faciales

Un débat important à propos des expressions faciales concerne la reconnaissance universelle des expressions faciales. Plusieurs études semblent montrer que les observateurs étiquettent certaines expressions faciales des émotions de la même façon peu importe leur culture. Il semble aussi que les membres de différentes cultures montrent les mêmes expressions faciales lorsqu’ils ressentent la même émotion sauf lorsque des règles spécifiques à leur culture interfèrent (voir aussi section 2.3 du présent ouvrage; voir Fridlund, Ekman & Oster, 1987 pour une revue de la littérature).

Cependant, Russell (1994) considère que la thèse de l’universalité n’est toujours pas démontrée clairement et qu’il existe différentes explications alternatives qui pourraient rendre compte des résultats obtenus. Selon lui, différents problèmes concernant le devis expérimental, le choix des participants, la qualité des stimuli, la validité écologique, le mode de réponse des participants ainsi que certains autres éléments peuvent affecter les résultats des études dont il a fait la recension. Il propose, entre autres, que les expressions faciales puissent être jugées selon des dimensions bipolaires (plaisant, non-plaisant) plutôt que selon des catégories spécifiques. Il suggère aussi que les expressions faciales pourraient être interprétées comme étant une réponse à une situation spécifique ou comme étant une des composantes d’un ensemble d’actions instrumentales. Il est aussi possible, selon Russell (1994), que l’observateur base son jugement sur des unités d’action spécifiques plutôt que sur le visage au complet.

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Russell (1994) arrive tout de même à la conclusion que les expressions faciales sont associées aux étiquettes émotionnelles. Plus précisément, il stipule que les dimensions sous-jacentes aux expressions faciales sont universelles mais les étiquettes qui y sont associées sont apprises et sont une fonction des conventions culturelles.

3.3- Facteurs influençant le jugement des expressions faciales

Les données disponibles sur le jugement des expressions faciales ont démontré que l’émotion spécifique illustrée est un facteur qui joue dans !’identification de l’expression faciale (Kirouac & Doré, 1983, 1984). Il peut être remarqué, par exemple, que la joie obtient souvent les taux de reconnaissance les plus élevés alors que la peur obtient habituellement les taux les plus faibles (Matsumoto, 1992).

Parmi les autres aspects qui sont souvent étudiés, on retrouve le sexe des décodeurs. Une recherche de Hall (1984) a démontré une certaine supériorité des participants féminins pour le décodage des expressions faciales. Certains auteurs (Buck, 1984; Noller, 1986) stipulent que cette supériorité peut s’expliquer par le fait que les femmes connaissent mieux les règles de la communication et ont plus de facilité à les utiliser. Une étude de Billette, Girard, Lévesque et Kirouac (1992) montre que les femmes sont plus habiles à détecter les expressions faciales spontanées. Toutefois, selon cette étude les hommes sont plus habiles à détecter les expressions faciales volontaires (Billette et al., 1992). Cependant, il semble que le facteur sexe n’explique que très peu de variance dans la plupart des recherches qui ont porté sur ce facteur (voir Kirouac, 1995). Un autre facteur étudié est le nombre d’années de scolarité. Une étude de Kirouac et Doré (1985) a démontré que le nombre d’années de scolarité n’influence pas la capacité à identifier les expressions faciales des émotions.

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Les études de reconnaissance des expressions faciales montrent que les erreurs des participants se distribuent habituellement selon des patrons précis. Tomkins et McCarter (1964) de même qu’Ekman (1972) constatent la présence de patrons de confusion spécifiques. Les erreurs les plus fréquentes dans les résultats obtenus par Ekman (1972) étaient les suivantes: la peur est prise pour de la surprise et inversement, aussi, le dégoût est pris pour la colère. Ces résultats ont pu être observés dans plusieurs études dont celles de Kirouac et Doré (1983, 1984).

Plus récemment, Girard (1994) a aussi obtenu des patrons de confusion semblables et cela même si les participants n’avaient pas à faire !’identification des expressions faciales qui étaient présentées. La tâche des participants était de faire le rappel sériel immédiat de six photographies qui étaient présentées au rythme d’une par seconde. Pour effectuer la tâche, les participants devaient replacer des photographies représentant le même visage ou un visage différent dans le même ordre que la série présentée. Les confusions ont été observées pour les paires peur-surprise et dégoût-colère.

3.4- Processus de décodage

Bien que beaucoup d’informations soient disponibles sur les expressions faciales et leur reconnaissance, il y a peu de données sur les processus cognitifs sollicités lors du traitement et de !’identification des expressions faciales (Kirouac, 1995; Scherer, 1993; Wallbott, 1991). De plus, il existe beaucoup de controverses concernant les interprétations des résultats obtenus (Scherer, 1993) et la plupart des recherches n’aboutissent qu’à des constats d’incertitude (Tcherkassof, 1997). Les processus cognitifs qui interviennent lors de la reconnaissance des expressions faciales émotionnelles et leur relation avec les processus qui jouent dans le traitement de !’information en général sont donc méconnus. Il

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en va de même des éléments constitutifs des configurations faciales émotionnelles qui sont nécessaires et suffisants pour une identification adéquate des émotions exprimées par les expressions faciales.

Il y a tout de même plusieurs mécanismes de reconnaissance de Γexpression faciale qui ont été proposés (voir Tcherkassof, 1997). Essentiellement, il y a trois façons de concevoir la perception des expressions faciales (Kappas & Simard, en préparation). Un premier mécanisme serait constitué de “détecteurs de caractéristiques” innés permettant de reconnaître des combinaisons particulières de caractéristiques du visage composant certaines expressions faciales spécifiques (voir Kappas & Simard, en préparation; Wallbott & Ricci-Bitti, 1993; aussi Darwin, 1872/1965). Les évidences supportant Γexistence de ce mécanisme sont une certaine stabilité de la reconnaissance des expressions faciales d’une culture à l’autre et l’habileté de très jeunes enfants à imiter les expressions faciales (e.g., Buck, 1988; Darwin, 1872/1965; Fridlund et al., 1987; Harris, 1989; Rinn, 1991). Les individus feraient une analyse séparée de chacune des caractéristiques de l’expression faciale et constitueraient une impression globale à partir de ces analyses (voir Smith & Scott, 1997). Kirouac, Bemier et Doré (1986) ont d’ailleurs démontré que les participants sont aptes à reconnaître une expression faciale lorsqu’ils ne voient qu’une partie du visage, ce qui suggère qu’ils puissent différencier les expressions faciales des émotions à partir de certaines caractéristiques spécifiques. Elle montre aussi que certaines régions du visage apparaissent plus importantes pour la reconnaissance de certaines émotions. Par exemple, la région du front et des sourcils semble être plus critique dans !’identification de la tristesse et de la peur.

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Une étude effectuée par Etcoff et Magee (1992) a tenté de vérifier l’hypothèse stipulant que le mécanisme responsable de la perception des expressions soit spécifiquement ajusté pour reconnaître chaque combinaison de caractéristiques faciales représentant une émotion particulière; selon ces auteurs, l’expression faciale serait catégorisée comme démontrant l’émotion la plus proche. Ces résultats suggèrent que la perception des expressions faciales des émotions serait catégorielle. Les résultats de leurs travaux tendent effectivement à démontrer que les expressions faciales de joie, de peur, de colère, de tristesse, de dégoût sont perçues de façon catégorielle. Etcoff et Magee (1992) considèrent également que l’expression neutre est perçue de façon catégorielle. Ils ont pu observer que de petites différences physiques dans les caractéristiques faciales à la frontière de catégories émotionnelles différentes sont mieux perçues qu’une différence semblable entre deux expressions de la même catégorie émotionnelle. Selon eux, ceci suggère que les gens semblent se baser sur un moment précis du processus de modification de l’expression, même lorsque la personne est en mesure d’observer les modifications des caractéristiques faciales produisant une expression faciale spécifique. Les informations continues procurées par le processus de modification des caractéristiques faciales seraient transformées en informations catégorielles correspondantes à l’émotion la plus proche.

Toutefois, il y a aussi certaines évidences montrant que l’habileté à détecter les expressions faciales s’améliore avec l’âge, ce qui suggère l’existence d’un deuxième mécanisme. De façon spécifique, il est possible que les individus apprennent à reconnaître certains “prototypes” et certaines caractéristiques importantes pour le décodage des expressions faciales (voir Kappas & Simard, en préparation; Wallbott & Ricci-Bitti, 1993). Poussé à l’extrême, cela signifie que les caractéristiques individuelles de l’expression

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faciale n’auraient aucune valeur lorsqu’elles sont analysées isolément. Les résultats obtenus par Wallbott et Ricci-Bitti (1993) montrent que la stratégie de décodage des expressions faciales dépend des caractéristiques impliquées. Il semble qu’il y ait très peu d’unités d’action qui, visionnées isolément, peuvent transmettre de !’information émotionnelle. Pour la plupart des caractéristiques du visage, la signification des unités d’action peut être différente en fonction de la combinaison des caractéristiques présentes. Wallbott et Ricci-Bitti (1993) suggèrent donc que leurs résultats montrent une prédominance d’une analyse de type configurationnel pour le jugement des expressions faciales. Une étude de Kirouac et Doré (1984) démontre que la reconnaissance des expressions faciales est très élevée même si les temps de présentation de ces expressions varient de 30 à 50 millisecondes. Ces temps très brefs laissent peu de place aux saccades visuelles nécessaires pour une analyse des composantes faciales; ceci suggère que les participants se basent sur la configuration globale de l’expression pour effectuer le jugement. D’autres études qui ont utilisé le temps de réaction (Bemier & Genest, 1984) montrent aussi une très grande rapidité dans !’identification des expressions faciales des émotions, ce qui semble être en accord avec l’hypothèse configurationnelle puisque les participants n’ont pas le temps d’analyser les composantes faciales.

Une troisième façon de concevoir les mécanismes associés à la perception des expressions faciales stipule que la perception pourrait s’effectuer à partir de structures contenant des composantes innées et des composantes apprises (voir Kappas & Simard, en préparation; Tcherkassof, 1997). Plusieurs chercheurs ont d’ailleurs adopté cette position (voir Kappas & Simard, en préparation; Tcherkassof, 1997). Il s’agit d’un point de vue qui permet davantage d’expliquer les nombreux résultats contradictoires qui sont obtenus.

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D’ailleurs, même si les mécanismes impliqués dans la perception de l’activité faciale sont innés, dans leur totalité ou en partie, des variations culturelles sont observées dans !’interprétation de ces “expressions” (Russell, 1994), ce qui suggère aussi la présence de structures innées et apprises pour la perception des expressions faciales.

Il est aussi possible que plusieurs autres facteurs influencent la perception des expressions faciales. Par exemple, au début du siècle, Lipps proposait que la tendance spontanée à imiter les expressions auxquelles nous sommes exposés pourrait être à l’origine de !’identification que nous en faisons (Kirouac, 1995). S’inspirant de cette affirmation, Wallbott (1991a) a fait une étude dans laquelle il enregistrait les réponses faciales des participants pendant qu’ils effectuaient le jugement de diapositives montrant des expressions faciales. Deux semaines plus tard, il a demandé aux participants d’indiquer quelles émotions ils avaient jugées à partir du visionnement de leur propre réponse faciale. Les résultats montrent une forte correspondance entre les deux types de jugement ce qui signifie, selon Wallbott (1991a), que les mouvements faciaux produits durant !’observation d’une expression faciale en faciliterait son jugement. Plusieurs autres études (voir Kirouac, 1995) ont aussi montré que les observateurs effectuent des mouvements faciaux semblables aux expressions émotionnelles observées. Kappas (1991) stipule aussi que l’état interne de l’observateur pourrait être influencé par les états émotionnels des autres ce qui pourrait par la suite affecter le traitement de !’information procurée par les expressions émotionnelle observées. Cet aspect de l’empathie a été traité dans la section 1.3.2 du présent document.

3.4.1- Remise en cause de la validité écologique des recherches portant sur les processus de décodage

Cependant la validité écologique des recherches portant sur les processus de décodage peut être remise en question pour deux raisons. Premièrement, la plupart des

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études utilisent un matériel très semblable représentant des expressions prototypiques ce qui pourrait amener une surestimation de la capacité des juges à identifier les émotions (Russell, 1994). Le taux d’identification chute fortement lorsque les stimuli utilisés sont retirés du contexte d’interaction et lorsque les poses ne sont pas effectuées par des acteurs bien entraînés (voir Gosselin, Kirouac, & Doré, 1995; Kirouac, 1989, 1995). Aussi, les expressions faciales présentées dans les différentes expériences sont très intenses (Edwards, 1998; Hess et al., 1997). D’ailleurs, l’effet de l’intensité de l’expression sur le décodage n’a presque pas été étudié (Hess et al., 1997; Kappas & Simard, en préparation). L’intensité est définie par Hess, Blairy et Kleck (1997), comme étant le degré relatif de déplacement, à partir d’une expression neutre, d’un patron de mouvements musculaires impliqué dans une expression émotionnelle spécifique.

Une autre difficulté concerne le fait que les expressions faciales sont souvent présentées sous le même angle (vue frontale, Edwards, 1998). De plus, il arrive souvent qu’aucune information contextuelle ne soit disponible pour le décodeur (Wallbott, 1991a). Enfin, la plupart des recherches effectuées jusqu’à maintenant ont utilisé des expressions faciales statiques comme stimuli (voir Gosselin et al., 1995; Lemay, Kirouac, & Lacouture, 1995; Wallbott, 1991b). Comme le rapporte Edwards (1998), la notion voulant que le statut temporel de l’expression lui-même soit une composante importante de la perception des émotions a reçu très peu d’attention. Il existe tout de même certaines évidences que la dynamique des expressions faciales procure des informations importantes pour celui qui les perçoit (Bassili, 1979; Edwards, 1998; Frijda, 1953; Hess, Kappas, McHugo, Kleck, & Lanzetta, 1989; Wallbott, 1991a). Ces informations ne seraient pas perçues lorsque des représentations statiques sont utilisées.

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3.5- Expressions faciales dynamiques

3.5.1- Perception des expressions faciales dynamiques

La perception des expressions dynamiques pourrait donc différer fortement de la perception des expressions statiques. Pour les expressions dynamiques le mouvement de certaines régions du visage pourrait fournir des indices sur les informations pertinentes qui doivent être analysées (Bassili, 1979; Humphreys, Donnelly, & Riddoch, 1993) et ainsi permettre de réduire l’espace de recherche aux caractéristiques qui ont été modifiées uniquement, les éléments qui sont demeurés inchangés n’ayant pas besoin d’être comparés (Humphreys et al., 1993). Les recherches de Bassili (1979), dans lesquelles les participants ne voyaient pas le visage mais seulement des points blancs sur le visage en mouvement, ont montré que seul le mouvement à la surface du visage est suffisant pour reconnaître les expressions faciales. Il a aussi été montré que l’importance des mouvements de la région inférieure et supérieure du visage varie en fonction de l’expression faciale qui doit être identifiée (Bassili, 1979). Une étude de Walters et Walk (1988) a aussi montré que les participants sont aptes à reconnaître une émotion à partir de points blancs en mouvement sur le corps (taux de reconnaissance moyen incluant tous les indices, les indices du haut du corps et les indices du bas du corps : 70,4%). Cependant, le taux d’identification chute fortement (taux de reconnaissance moyen incluant tous les indices, les indices du haut du corps et les indices du bas du corps : 25,5%) lorsque les participants doivent identifier l’émotion à partir d’une photographie qui tente de reproduire les mouvements des points blancs (en faisant de l’exposition prolongée, les mouvements laissent une trace qui montre le mouvement qu’à effectuer le point blanc). Il est possible que les mêmes résultats pourraient être obtenus en utilisant des expressions faciales plutôt que le corps en entier.

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D’autres expériences ont aussi démontré que les indices temporels de l’expression faciale sont importants pour la perception des émotions. Par exemple, une recherche menée par Frijda (1953) a fait la distinction entre la présentation de films ou de photographies pour la reconnaissance des expressions faciales. Deux personnes furent filmées à leur insu alors qu’elles étaient placées dans des situations émotionnelles. Des séquences de quelques secondes furent obtenues et les points culminants de l’expression faciale furent reproduits sur des photographies. Dans cette expérience, les participants voyaient les photographies et les films et ils devaient les interpréter. Les résultats ont démontré que les participants sont en mesure de comprendre quelle expression faciale est représentée lorsque des films ou des photographies d’expression faciale sont présentés. Cependant, les résultats sont vraiment supérieurs lorsque les films sont présentés (44% vs 30.6%). Dans une recherche plus récente d’Edwards (1998), les participants devaient mettre en ordre une série de photographies afin de reproduire la progression “naturelle” d’une expression faciale spontanée. Chacune des photographies représentait un segment de l’expression qui correspondait à une durée approximative de 67 ms en temps réel. Les résultats montrent que les participants sont capables de détecter des indices dynamiques très subtils et peuvent utiliser ces indices pour reproduire la séquence correspondant au déroulement de l’expression faciale dynamique.

Humphreys et ses collègues (1993) ont aussi suggéré que les indices dynamiques et les indices statiques soient analysés séparément et que les informations obtenues pour chacun des processus soient réunies afin de permettre !’identification finale de l’expression. Cette notion est appuyée par des données provenant de recherches neuropsychologiques (Humphreys et al., 1993).

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Certains indices dynamiques peuvent aussi permettre de distinguer entre les émotions volontaires et spontanées (Hess & Kleck, 1990). Il semble qu’il existe certaines différences concernant la durée de l’expression et le nombre de phases (onset, offset et apex) présentes. Les expressions volontaires seraient plus irrégulières et contiendraient plus de phases que les expressions spontanées (Ekman & Friesen, 1982; Hess & Kleck,

1990).

Il semble bien que les indices dynamiques influencent l’encodage, l’emmagasinage et la rétention des stimuli faciaux. Cependant, il y a peu d’informations sur ces effets. D’ailleurs, un groupe de chercheurs, tous des experts dans leur domaine, a été mandaté par la “National Science Foundation (NSF)” des États-Unis en 1992 pour tenir un atelier afin de déterminer les problèmes de recherche concernant la façon d’extraire !’information contenue dans le visage en utilisant les nouveaux développements dans le domaine de !’informatique, des réseaux neuronaux et du traitement de l’image. Parmi les questions soulevées concernant les besoins actuels dans la recherche sur les expressions faciales, ces chercheurs posent la question suivante: “Quelle est la dynamique temporelle des mouvements faciaux et des expressions faciales et est-ce que cela procure de !’information supplémentaire en plus de la configuration?” (Ekman et al., 1993)'.

3.5.2- Problèmes méthodologiques et techniques

Pour contrer les problèmes reliés à !’utilisation de stimuli dynamiques, des comédiens bien entraînés ont utilisées dans plusieurs recherches effectuées jusqu’à maintenant pour produire les expressions faciales désirées (e.g., Billette et al., 1992;

1 "What are the temporal dynamics of facial movements and expressions and does this provide additional information beyond the configuration?" traduction Eric Girard

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Gosselin et al., 1995). Toutefois, il existe certains problèmes à utiliser des comédiens. Un premier problème est que chaque comédien possède sa propre façon de représenter une émotion. Il peut donc y avoir autant de façon de représenter une certaine émotion qu’il y a de comédiens et toutes ces façons peuvent être considérées comme étant représentatives de l’émotion visée par des juges indépendants.

Un autre problème concerne les différences qui peuvent être observées entre les expressions faciales spontanées et volontaires (Hess et al., 1989; Hess & Kleck, 1994; Rinn, 1991). Les expressions spontanées sont une conséquence directe d’un processus émotionnel déclenché par un événement interne ou externe. Quant aux expressions volontaires, elles sont utilisées pour modifier l’intensité d’une expression spontanée, l’altérer ou la masquer, ou pour montrer quelque chose alors qu’aucune innervation spontanée n’est présente (Kappas, 1991). Certaines évidences anatomiques et neurologiques sont avancées par Rinn (1991) pour appuyer la distinction entre les expressions faciales spontanées et volontaires.

Aussi, un troisième problème concerne le manque de contrôle sur le moment où l’expression faciale est effectuée. Dans le but de s’assurer une grande validité interne, il est évident que le plus grand contrôle possible est recherché.

3.5.3- Création de stimuli dynamiques

Les premiers travaux pour le développement de modèles faciaux à l’aide de l’ordinateur ont été faits au début des années 70 par Parke à !’Université de l’Utah et par Gillenson à Ohio State (voir Ekman, Huang, Sejnowski & Hager, 1993 pour un relevé de la littérature). Cependant, jusqu’à tout récemment, la fabrication et la présentation des stimuli faciaux dynamiques où les paramètres pouvaient être bien contrôlés et manipulés de façon

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systématique étaient difficiles, voire impossibles, dû à un manque de technologies adéquates dans ce domaine.

Certains logiciels spécialisés utilisés, entre autres, par Etcoff et Magee (1992) et Mikropoulos, Kossivaki, Katsikis, et Savranides (1994) offrent la possibilité d’utiliser des visages schématiques pour la présentation des stimuli. Ces différents logiciels permettent de manipuler diverses composantes du visage (e.g., la bouche, les sourcils, les yeux, etc.). Un problème important de ces logiciels est qu’ils ne permettent pas de reproduire une image fidèle ou naturelle du visage. Certaines informations comme les ombres et la texture de la peau sont manquantes et les visages ne ressemblent pas vraiment à des visages humains mais bien comme des images générées à l’aide de l’ordinateur. De nos jours, la manipulation numérique de matériel visuel et les possibilités d’édition image par image à l’aide de micro-ordinateur sont suffisamment efficaces pour permettre la création et la présentation de stimuli hautement réalistes servant à des études sur la perception des expressions faciales dynamiques (Kappas, 1993).

L’étude utilisant des expressions faciales dynamiques réalisées dans le cadre des présents travaux utilisent des stimuli resynthétisés, créés par ordinateur, et non des stimuli naturels (e.g., des films). Les stimuli resynthétisés sont faits à partir d’images ou de photographies et sont manipulés à l’aide de l’ordinateur afin d’obtenir une représentation exacte de ce que le chercheur veut montrer. Quant aux stimuli synthétiques, que nous n’utiliserons pas dans nos recherches portant spécifiquement sur les expressions faciales, ils sont entièrement conçus par ordinateur. Le contrôle de tous les paramètres est probablement plus grand avec cette dernière méthode, cependant, la validité écologique peut en être grandement affectée parce que, comme mentionné, les visages paraissent

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vraiment avoir été conçus par ordinateur. Les technologies du traitement de l’image dont dispose notre laboratoire permettent une manipulation précise des images et la création de séquences dynamiques à partir de photographies tout en conservant une très bonne qualité d’image.

4- Objectifs

Il existe maintenant une abondance de recherches montrant que les humains sont capables de percevoir les expressions faciales et de les distinguer. Cependant, il n’existe pas vraiment de modèle théorique permettant d’expliquer les processus sous-jacents au jugement des expressions faciales, particulièrement en ce qui concerne les expressions faciales dynamiques (Wallbott, 1991a; Wallbott & Ricci-Bitti, 1993; Young et al., 1997). Aussi, il y a un manque de données sur les indices ou les caractéristiques des expressions faciales que les gens utilisent pour différencier les émotions et déterminer leur intensité. La reconnaissance des émotions est fondamentalement une tâche d’intégration de !’information et il s’avère indispensable de définir des modèles qui décrivent ces processus (Wallbott, 1991a). Les études suivantes visent donc à déterminer les composantes essentielles pour le jugement de différentes caractéristiques de stimuli dynamiques. Plus particulièrement, elles visent à déterminer les composantes de l’expression faciale dynamique qui servent au jugement de l’intensité de l’émotion qui est reliée à cette expression.

4.1- Modèle servant à la perception de stimuli dynamiques 4.1.1- Nécessité d’un modèle

L’expression faciale est un événement dynamique qui a un début et une fin et dont la durée est limitée. Pour pouvoir déterminer le type d’émotion rattaché à l’expression

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faciale qui est perçue, l’humain doit intégrer les informations qui étaient présentes dans l’épisode temporel où l’expression faciale était visible. Cependant, il semble évident que l’humain ne peut retenir et se fier à toutes les informations qui sont présentes dans le visage durant l’occurrence de l’expression faciale. Il doit donc dégager les informations qui sont primordiales et utiles pour la discrimination des expressions faciales. Ces informations peuvent être l’action de certains muscles du visage, la configuration du visage à certains moments-clé, etc. Il y a aussi divers éléments reliés au contexte qui peuvent être importants pour le jugement. Toutefois, compte tenu qu’il s’agit d’une étude exploratoire et pour diverses raisons méthodologiques, ces éléments contextuels ne feront pas l’objet de ces études.

4.1.2- L’approche de Kahneman et collègues

Selon Kahneman, Fredrickson, Schreiber et Redelmeier (1993) et Redelmeier et Kahneman (1993) la cognition humaine aurait tendance à représenter des épisodes temporels par des instantanés (“snapshots”) de certains moments plutôt que par un enregistrement continu de toute l’expérience. Les autres informations ne seraient pas nécessairement perdues, elles sont plutôt rarement utilisées. Kahneman et ses collègues ont effectué une série d’études portant sur les processus d’intégration temporelle des jugements. Comme le modèle proposé par Kahneman et ses collègues est d’une importance particulière dans le contexte des recherches suivantes, plusieurs études pertinentes et leurs résultats seront discutés en détail dans les prochaines pages.

Dans une étude de Yarey et Kahneman (1992), les participants devaient faire une évaluation globale de l’inconfort subit par une autre personne. On montre aux participants une série de marques d’inconfort. Il est expliqué aux participants que ces marques

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d’inconfort ont été faites par un autre individu à des intervalles de cinq minutes durant une expérience non-plaisante (ex. être exposé à un bruit très fort de perçage). Les épisodes à être évalués variaient dans la durée, l’intensité moyenne et la tendance d’inconfort. Les résultats montrent qu’une combinaison de l’inconfort maximal et de l’inconfort ressenti à la fin de l’épisode comptait pour 94% de la variance. Bien que statistiquement significatif, l’effet de la durée était très faible et comptait seulement pour 3% de la variance. Ce dernier résultat est très surprenant. Il serait logique de penser que le participant est influencé par la durée de l’inconfort subi par un autre individu. On pourrait imaginer que plus la durée est longue, plus l’inconfort est grand peu importe si les marques d’inconfort sont plus faibles à la fin. Le participant réduirait donc l’information qui lui est présentée pour ne retenir que ce qui est pertinent afin d’effectuer son jugement.

Dans la même série d’études, Fredrickson et Kahneman (1993) ont effectué une étude portant sur l’évaluation rétrospective d’épisodes de plaisir ou d’inconfort. Les participants visionnent une série de courts films dont le contenu varie de plaisant (des pingouins qui jouent) à hautement aversif (une amputation). Il y a deux versions de chacun des films dont l’une est trois fois plus longue que l’autre. Tous les participants voient une longue version de certains films et une courte version des autres films. Les participants font une évaluation continue de leur affect tout au long du film et une évaluation globale du plaisir ou de l’inconfort à la fin. Les résultats de cette étude montrent que l’évaluation rétrospective peut être assez bien prédite par une moyenne de l’intensité maximale et de l’évaluation finale enregistrée pour chaque film. La durée du film ne ressort pas comme étant un prédicteur indépendant de l’évaluation globale. Encore une fois, ce résultat

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suggère que le participant condense Γinformation et ne retient que ce qui est pertinent pour effectuer son jugement.

Toujours en poursuivant le même but, Redelmeier et Kahneman (1993) ont effectué une expérience portant sur l’évaluation rétrospective d’une procédure médicale douloureuse. Les participants de cette étude devaient subir une colonoscopie ou une lithotripsie. Pendant cette opération, ils doivent évaluer la douleur à toutes les 60 secondes. Les participants font aussi une évaluation rétrospective moins d’une heure après le traitement et un mois après la colonoscopie et un an après la lithotripsie2. Les résultats de cette étude montrent aussi qu’une combinaison de l’évaluation du moment le plus intense et de l’évaluation finale peut prédire les évaluations subséquentes avec une fidélité substantielle. La durée de la procédure (entre 4 et 67 minutes) n’affecte le jugement rétrospectif. Le médecin traitant et l’infirmière font aussi une évaluation rétrospective de la douleur subie pour chaque participant. Cette évaluation est complètement indépendante de l’évaluation des patients. Le jugement de ces observateurs est aussi influencé par le moment le plus intense et la fin de la procédure et non affecté par la durée.

Une autre recherche réalisée par Kahneman, Fredrickson, Schreiber et Redelmeier (1993) vise aussi à déterminer les moments importants pour le jugement d’un épisode temporel. Dans la première condition de leur expérience, les participants doivent mettre la main dans un bassin contenant de l’eau à 14°C pendant 60 secondes. Pour la seconde condition expérimentale, ils doivent aussi mettre la main dans un bassin contenant de l’eau à 14°C pendant 60 secondes, cependant ils doivent garder la main dans l’eau pendant 30

Broiement des calculs urinaires.

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secondes supplémentaires durant lesquelles la température de l’eau est graduellement augmentée jusqu’à 15°C (il s’agit d’une température qui est considérée comme étant encore inconfortable). Les expérimentateurs demandent ensuite aux participants quel essai ils acceptent de reprendre. La majorité des participants préfèrent recommencer le second essai, c’est-à-dire l’essai le plus long. Compte tenu que le second essai engendre encore plus d’inconfort que le premier et que les participants choisissent tout de même de recommencer cet essai, la fin de la séquence influence donc le jugement global. De plus, les résultats obtenus démontrent encore une fois que la durée n’a pas d’importance pour le jugement ce qui suggère que les participants condensent !’information pour en extraire que ce qui semble le plus pertinent. Ces résultats semblent être en accord avec ceux obtenus dans les autres études. Toutefois, le moment le plus intense de l’épisode temporel étant confondu avec la fin de l’épisode temporel, il n’est pas possible d’en évaluer l’importance pour le jugement.

En se basant sur les données recueillies dans les expériences précédentes, Kahneman, Fredrickson, Schreiber et Redelmeier (1993) suggèrent un modèle pour l’évaluation d’états subjectifs ou d’épisodes temporels, basé sur le modèle plus général d’Anderson (1991). Il s’agit d’un modèle mathématique permettant d’expliquer comment se fait l’intégration de toutes sortes d’informations en fonction du temps (Anderson, 1991). Le modèle proposé par Kahneman et ses collaborateurs (1993) suggère que les participants se basent sur le moment le plus intense et la fin d’un épisode temporel pour établir leur jugement. Cette règle du moment le plus intense et de la fin entraîne deux conséquences importantes, 1) la négligence de la durée: comme il a déjà été mentionné, la durée des épisodes a peu d’effet sur l’évaluation globale d’inconfort. Des épisodes ayant le même

Références

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