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La déqualification professionnelle des hommes hispanophones latino-américains sur le marché d'emploi québécois et son impact sur leur bien-être personnel et familial

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Academic year: 2021

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LA DÉQUALIFICATION PROFESSIONNELLE DES HOMMES HISPANOPHONES LATINO-AMÉRICAINS SUR LE MARCHÉ D’EMPLOI

QUÉBÉCOIS ET SON IMPACT SUR LEUR BIEN-ÊTRE PERSONNEL ET FAMILIAL

Mémoire

Margarita Morales

Maîtrise en Service Social

Maître en service social (M.Serv.Soc.)

Québec, Canada © Margarita Morales, 2016

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Résumé

Le but de la présente étude est d’explorer la problématique de la déqualification professionnelle1 des hommes immigrants hispanophones latino-américains et résidants dans la ville de Québec depuis moins de cinq ans; leur processus d’intégration économique, principalement en lien avec le marché de l’emploi, et les difficultés vécues sur les plans personnel, familial et social. Pour ce faire, une analyse de contenu a été réalisée à partir de dix entrevues. L’étude s’appuie sur la théorie des rôles de genre dans l’interprétation des résultats.

Les résultats reflètent que tous les participants rapportent avoir vécu la déqualification professionnelle. Selon eux, elle est difficile à surmonter, en raison de la non-reconnaissance des diplômes, du manque d’expérience sur le marché de l’emploi québécois, de la non-maitrise du français et de l’absence d’un réseau social et professionnel puisque beaucoup d’emplois offerts ne sont pas toujours annoncés.

Cette situation les affecte tant sur le plan personnel que sur le plan social et le plan familial. Sur le plan personnel, les participants rapportent vivre des sentiments comme la colère, la peur, la détresse, des sentiments dépressifs, et une remise en question de leurs capacités et de leur image sociale. Sur le plan social, ils nomment l’isolement et la non-participation à la vie active dans la ville. Sur le plan familial, ils rapportent que leurs relations avec leur conjointe et leurs enfants en sont affectées.

Enfin, une grande importance est accordée à l’accomplissement du rôle de pourvoyeur par les hommes hispanophones latino-américains au sein de leur famille. La rupture (ou la non-continuité) de l’accomplissement de ce rôle lors de leur arrivée dans la ville de Québec, par rapport aux pays d’origine des participants, est vécue péniblement. Les conséquences autres qu’économiques de cette rupture se vivent surtout sur le plan de la confiance et de l’image de soi.

1 La déqualification professionnelle consiste au fait de la non-correspondance entre le niveau du diplôme le

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre premier ... 3

L’immigration ... 3

Définition du terme immigration ... 3

L’ampleur de l’immigration ... 5

Emploi et déqualification professionnelle ... 8

La réalité des personnes immigrantes sur le marché de l’emploi canadien et québécois 12 L’intégration des personnes immigrantes ... 17

La pertinence de l’étude envisagée ... 21

Chapitre deuxième ... 23

Le cadre théorique : Les hommes, le genre et l’identité masculine ... 23

Les tensions de rôle de genre et la santé des hommes ... 23

Chapitre troisième ... 29

L’approche méthodologique ... 29

La question de recherche ... 29

Le type de recherche ... 29

La population à l’étude et les critères de sélection ... 30

L’échantillonnage ... 32

Le recrutement ... 33

L’échantillon ... 34

Outils de collecte de données ... 36

Traitement et analyse des données ... 37

Les aspects éthiques ... 38

Chapitre quatrième ... 41

Résultats ... 41

Le sens du travail ... 41

Processus de recherche d’emploi ... 42

Obstacles rencontrés lors de la recherche d’emploi ... 43

La maîtrise de la langue ... 43

Le manque d’information... 45

Un faible soutien perçu de la part des organismes d’aide à la recherche d’emploi ... 47

Les pratiques d’embauche, les méthodes de sélection et de recrutement perçus du marché de l’emploi de la ville de Québec ... 48

Stratégies utilisées lors de la recherche d’emploi... 51

Le réseau social ... 51

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Faire des études à Québec et avoir une expérience d’emploi au Québec ... 53

Expériences sur le marché d’emploi québécois : déqualification professionnelle et discrimination perçue ... 54

Déqualification professionnelle et ses conséquences ... 55

Expériences négatives vécues dans le milieu d’emploi ... 57

Les enjeux du rôle de pourvoyeur selon les hommes hispanophones latino-américains ... 59

Rôle de pourvoyeur dans les pays d’origine ... 59

Rôle de pourvoyeur au Québec... 62

L’intégration ... 67

Entraves à l’intégration... 67

Chapitre cinquième ... 71

Discussion ... 71

Entraves à l’intégration ... 71

1-La déqualification professionnelle ... 71

2- Une offre des services en immigration dispersée et non concertée. Le besoin d’un accompagnement cohérent et global ... 73

3-Méconnaissance ou préjugés envers l’immigration ... 73

4-Marché d’emploi québécois : écart entre la réalité et les attentes des immigrants ... 74

Conséquences perçues sur l’intégration, la santé et le bien-être personnel, familial et social ... 76

La perte du rôle de pourvoyeur et les conséquences sur la santé et le bien-être et sur les relations de couple et familiales ... 76

Conclusion ... 81

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Liste des tableaux

Tableau 1. Expérience professionnelle prémigratoire et parcours professionnel

postmigratoire………... 35 Tableau 2. Stratégies pour surmonter les entraves à l’intégration selon les

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Remerciements

Je voudrais témoigner ma reconnaissance à toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont participé à l’élaboration de ce mémoire.

Tout d’abord, je voudrais adresser mes remerciements à mon directeur de recherche Gilles Tremblay qui malgré ses nombreuses occupations et ses voyages autour du monde, a su se rendre disponibilité pour répondre à mes questionnements. Merci tout particulièrement pour ta patience et ta très grande ouverture face à ma condition de mère étudiante et employée à temps plein.

Je remercie aussi Guylaine Doré et son conjoint, le regretté Jean-Jacques, qui tous les deux m'ont fourni des conseils précieux et précis sur l’entrevue et sur la recherche qualitative.

Je tiens à témoigner ma gratitude à mon conjoint Walter Chavarria pour son soutien moral et psychologique. En même temps aux études doctorales, il a trouvé le temps de m’initier au logiciel RQDA et m'a soutenue pour trouver des solutions aux défis qui composent les études de deuxième cycle. Tes conseils judicieux ont contribué à alimenter ma réflexion, à me faire avancer sur les plans personnel et professionnel.

Je ne saurais terminer sans souligner la compréhension de mes enfants Alexandra Chavarria et Walter-Francisco Chavarria. Alexandra tu as longuement joué le rôle de gardienne auprès de ton petit frère et je te remercie. Walter-Francisco, ta sensibilité et ton attention ont fait la différence dans mes doutes. Merci chers enfants, vous êtes ma plus grande source d’inspiration et de motivation.

Enfin, je souhaite remercier le soutien amical et chaleureux de mes collègues de travail et amis qui m’ont apporté leur support moral tout au long de cette démarche. Un grand merci à Ann Ruel, Sœur Suzanne Giguère, Danielle Sévigny, Lise Poulin et Gilles Vignola pour leurs conseils, leurs commentaires et l’aide que vous avez su m’apporter.

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Introduction

L’immigration est une pratique ancienne depuis le début de l’humanité et un phénomène social présent partout dans le monde. Deux termes sont à distinguer : émigration et immigration. D’abord, le terme émigration selon Aprile et Dufoix (2009) fait référence au processus par lequel une personne d’un pays donné quitte son pays d’origine pour s’installer ailleurs. Quant au terme immigration, celui-ci renvoie au processus qui consiste à s’établir dans un pays de destination, un pays différent de celui où la personne est née. Le Haut Conseil à l’Intégration (2013) propose la définition suivante : « […] fait ou action de s’établir temporairement ou définitivement dans un pays autre que le pays d’origine », et selon le Grand Dictionnaire terminologique, de l’Office québécois de la langue française (2013) immigration est : « […] l’arrivée acceptée et installation durable, sinon définitive, sur le territoire d’un État, d’hommes d’origine étrangère ». L’émigration commence donc quand la personne quitte son pays d’origine et l’immigration commence quand elle s’installe dans le pays d’accueil. Dans ce mémoire il sera question du phénomène de l’immigration.

Par ailleurs, le processus d’émigration-immigration ne se fait pas sans heurts. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (2007), la santé physique et mentale des personnes immigrantes peut être affectée par des conditions difficiles d’immigration. La difficulté de trouver des emplois en lien avec leurs compétences professionnelles et d’études est souvent difficilement vécue par les immigrantes et les immigrants (MSSS, 2007). Ceci peut souvent être vécu, comme une expérience pénible et décevante pouvant entraîner un déséquilibre psychologique difficile à surmonter (Kamanzi, Deniger et Trottier 2010; Toureme, 2012). En effet, en raison de l’importance de l’emploi dans la vie de l’être humain, être sans emploi, avoir des emplois précaires ou vivre la déqualification professionnelle est un facteur qui peut contribuer au développement d’un large éventail de problèmes physiques et psychosociaux (MSSS, 2007). Dans ces circonstances, les parents peuvent même perdre l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes et être affectés sur le plan de leurs ressources émotionnelles dans leur rôle de parent et ainsi compromettre l’intégration de leurs enfants (MSSS, 2007).

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Cette étude poursuit l’objectif d’explorer la problématique de la déqualification professionnelle des hommes immigrants hispanophones d’origine latino-américaine, leur processus d’intégration économique (principalement en lien avec le marché de l’emploi) et, de documenter les difficultés vécues sur les plans personnel, familial et social. La question de recherche à laquelle cette étude tente de répondre est la suivante : quelles sont les perceptions des hommes immigrants hispanophones d’origine latino-américaine de l’expérience de déqualification professionnelle lors de leur arrivée dans la ville de Québec?

Dans le premier chapitre de cette étude, la documentation de la problématique décrit le contexte, la situation d’intérêt et permet de justifier la question de recherche. Dans le deuxième chapitre, il est question du cadre théorique qui permet d’étayer les différentes variables à l’étude et d’établir des liens entre celles-ci dans le but de mieux comprendre la problématique. La méthodologie qui permettra de répondre à la question de recherche fera l’objet du troisième chapitre ainsi que les aspects éthiques. Les résultats et la discussion seront traités dans le quatrième chapitre. La conclusion se retrouve dans la dernière section de cette étude.

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Chapitre premier

L’immigration

Définition du terme immigration

Le terme immigration vient du latin immigrare et signifie « pénétrer dans ». Selon le Guide terminologique Thésaurus de l’activité gouvernementale (2011), le terme immigrant renvoie à une personne née à l’extérieur du Canada et admise au pays aux termes de l’un des programmes d’immigration du Gouvernement du Canada. Pour sa part, Statistique Canada (2014) définit l’immigrant comme :

[…] une personne qui est ou qui a déjà été un immigrant reçu/résident permanent. Un immigrant reçu/résident permanent est une personne autorisée à vivre au Canada en permanence par les autorités de l’immigration. Les immigrants sont soit citoyens canadiens par naturalisation (le processus d’obtention de la citoyenneté), soit résidents permanents (immigrants reçus) en vertu des dispositions législatives canadiennes. Certains immigrants résident au Canada depuis un certain nombre d’années, alors que d’autres sont arrivés récemment. La plupart des immigrants sont nés à l’extérieur du Canada.

D'ailleurs, le terme immigrant est très large et plusieurs catégories d’immigrants s’y retrouvent. Les catégories d’immigrants économiques, d’immigrants du regroupement familial et de réfugiés (Citoyenneté et Immigration Canada, 2013a) sont distinguées.

Pour ce qui est des réfugiés, il est possible de les différencier des autres catégories d’immigrants parce que les immigrants appartenant aux autres catégories ont quitté leur pays pour des raisons économiques ou familiales et ils peuvent y retourner au moment où ils le désirent (Pellerin, 2013; MSSS, 1998). La catégorie des réfugiés désigne, selon la convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, une personne qui est partie de son pays natal et qui ne peut pas ou ne veut pas y retourner, par crainte, bien fondée, de persécution sur une base raciale, religieuse, de nationalité, d’opinion politique ou de participation à un groupe social, en particulier (Ministère du Travail et de l’Immigration du

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Manitoba, 2008). On estime à 10,5 millions le nombre de réfugiés dans le monde aujourd’hui. Les pays qui disposent de programmes de réinstallation accueillent chaque année quelque 100 000 réfugiés en provenance de l’étranger (United Nations High Commissioner for Refugees [UNHCR], 2012)

Citoyenneté et Immigration Canada (2013b) considère que les réfugiés sont des personnes à protéger, qu’elles se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada. Le pays a accueilli durant les années 2003 à 2012 entre 21 000 et 35 000 réfugiés par année (Citoyenneté et Immigration Canada, 2012). Selon le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI, 2014), 22 600 réfugiés ont été reçus entre 2009 et 2013 au Québec.

Quant aux visiteurs, ils arrivent au Canada avec un visa de visiteur, pour des raisons de tourisme, d’études ou d’affaires, leur séjour étant limité. Ces derniers peuvent demander une prolongation de leur séjour au Canada, lors de l’expiration de leur visa. Certaines personnes avec un visa de visiteur peuvent demander asile au Canada. Néanmoins, les motifs pour cette demande sont souvent humanitaires et il est à noter qu’il appartient au Gouvernement du Canada de déterminer si un demandeur d’asile est un réfugié au sens de la Convention de Genève. De plus, tout demandeur d’asile reconnu réfugié est, selon la Croix-Rouge (2013) et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (2013) :

[…] une personne se trouvant au Canada qui serait personnellement exposée au risque d’être soumise à la torture, à une menace à sa vie, ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle était renvoyée dans son pays d’origine (son pays de nationalité ou, si elle n’en a pas, le pays où elle avait sa résidence habituelle).

Quant à l’immigrant de la catégorie économique, selon le Conseil canadien pour les réfugiés (2013), il est : « […] une personne qui change de pays afin d’entreprendre un travail ou afin d’avoir un meilleur futur économique ». Il est nécessaire de clarifier que les motivations de l’immigrant économique sont souvent complexes et diverses, mais, parmi ces composantes, celle d’ordre économique est très importante. De plus, ces personnes sont sélectionnées par le gouvernement du Canada en raison de leur capital social, professionnel et économique pour faciliter rapidement leur intégration et leur participation à la croissance économique et à la prospérité du pays (Gouvernement du Canada, 2015).

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Pour sa part, l’immigrants parrainé est considéré comme toute personne dont les besoins essentiels sont pris en charge par son parrain (ou garant) en vertu d’un contrat que ce dernier a passé avec le gouvernement du Québec (Citoyenneté et immigration Canada, 2013b). De ce fait, le parrainage constitue surtout un engagement contractuel entre un parrain et le gouvernement du Québec, en faveur d’une personne parrainée. Pour pouvoir être parrainé, le candidat doit appartenir à la catégorie d’immigration du regroupement familial. La personne doit donc être un proche parent du parrain : son époux ou épouse, son conjoint ou conjointe de fait; son ou ses enfants à charge; ses parents ou ses grands-parents. Il est à noter que le parrainage n’est pas automatique. En effet, les parrains doivent faire la démonstration de leurs capacités financières selon des barèmes précis (Citoyenneté et Immigration Canada, 2013b). Par ailleurs, la fratrie, les neveux et nièces ou les petits-enfants peuvent être parrainés seulement lorsque ces derniers sont orphelins de père et de mère et qu’ils sont âgés de moins de 18 ans et ne sont ni mariés ni conjoints de fait (Citoyenneté et Immigration Canada, 2013b). De plus, la personne à parrainer peut aussi être un enfant à adopter (adoption internationale) (Citoyenneté et immigration Canada, 2013b; Gouvernement du Québec, 2012).

L’ampleur de l’immigration

Au Canada, en 2011, les immigrants représentaient 20,6 % de la population totale du pays et selon les prévisions statistiques, la population immigrante du Canada se situera entre 25 % et 28 % en 2031 (Statistique Canada, 2010). Les nouveaux immigrants tendent à s’établir dans les grandes régions métropolitaines du pays, spécialement à Toronto, à Vancouver et à Montréal. En effet, ces trois régions constituent les lieux d’établissement de plus de 70 % des immigrants qui ont été admis au Canada entre 2001 et 2006. Cela peut s’expliquer par la présence préalable de membres de leur famille et d’amis, de même que par les plus grandes possibilités d’emploi. En 2006, le Québec, pour sa part, se classait au deuxième rang des provinces d’accueil des nouveaux arrivants, après l’Ontario, avec 19,2 % de tous les nouveaux arrivants. Montréal est la première région métropolitaine de recensement (RMR) de la province à accueillir davantage d’immigrants au sein de sa population (Boudarbat et Boulet, 2010; Statistique Canada, 2014; Ville de Québec, 2009).

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Par ailleurs, la plupart des nouveaux arrivants arrivent au Canada en provenance d’Asie (y compris le Moyen-Orient). Dans l’ensemble du pays, environ 50 % des immigrants proviennent d’Asie, alors que seulement 14 % à s’établir dans la ville de Québec proviennent de ce continent (Ville de Québec, 2009). Contrairement à cette tendance, tant dans la province que dans la ville de Québec, les nouveaux arrivants sont majoritairement francophones. En effet, selon la ville de Québec (2009), les immigrants en provenance des pays francophones sont surreprésentés dans la ville de Québec si on considère leur part dans la province du Québec. De plus, de 2009 à 2013, la France est le principal pays de naissance des nouveaux arrivants hommes au Québec (Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2014). L’immigration en provenance de l’Amérique-Latine et des Caraïbes représente 19 % de nouveaux arrivants dans la province et 14 % de ceux établis dans la ville de Québec (Ville de Québec, 2009). En 2006, dans la ville, les minorités visibles représentaient 44,3 % des nouveaux arrivants dont 22,6 % du total étaient des Latino-Américains (Ville de Québec, 2009). De plus, la ville de Québec affichait en 2006 une proportion de 3,7 % d’immigrants dans sa population totale, la région de Québec (RMR) se situait loin derrière toutes les RMR de 200 000 habitants et plus en ce qui concerne la moyenne d’immigrants (Ville de Québec, 2009). Cependant, il est à noter que le taux de rétention des immigrants à Québec pour la période de 2001-2006 se situe à environ 85 %, au-delà de la moyenne canadienne qui se situe aux alentours de 80 % (Ville de Québec, 2009). Il est très semblable pour la période de 2006-2011, soit environ 81 % (Ville de Québec, 2011).

Enfin, la ville de Québec a la proportion la plus élevée d’immigrants âgés de 25 à 64 ans et ayant un grade universitaire (51,3 %) comparativement à 40,6 % pour Montréal, 45,3 % pour Sherbrooke ou 46, 5 % pour Gatineau. La même situation est constatée en ce qui concerne les détenteurs d’un baccalauréat, 43,3 % pour la ville de Québec comparativement à 32,8 % pour Montréal, 38,8 % pour Sherbrooke ou 40,2 % pour Gatineau (Ville de Québec, 2009).

Par ailleurs, l’immigration ainsi que le processus de demande d’asile ne constituent pas en soi un risque pour la santé mentale de la personne ou des communautés immigrantes (MSSS, 1998). En effet, l’immigration comme telle ne semble pas nécessairement être la

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cause d’une augmentation des risques ou des problèmes de santé mentale ou de santé physique. Au contraire, l’immigration serait plutôt une expérience structurante avec des conséquences positives, telle qu’une amélioration de la qualité de vie et du bien-être personnel pour certains immigrants. Cette expérience peut par contre se transformer en une source de détresse psychologique accrue selon les circonstances dans lesquelles la personne immigrante vit son processus postmigratoire, mais aussi selon son vécu prémigratoire et selon les attentes mises envers l’immigration (Bibeau et al., 1992).

Parmi les circonstances prémigratoires associées au développement de problèmes psychologiques et physiques figurent le vécu de situations de guerre ou de violence organisée ou structurée, de situations traumatisantes ayant touché la personne elle-même ou les membres de sa famille, ou le fait d’avoir été témoin d’actes violents. Cette réalité est plus souvent vécue par les immigrants appartenant à la catégorie des réfugiés. Ces circonstances pénibles expliquent la raison pour laquelle les réfugiés ressentent davantage des sentiments d’insatisfaction, de frustration et d’anxiété (Bibeau et al., 1992; Pica, 2004). Parmi les facteurs postmigratoires associés à des problèmes de santé physique ou mentale figurent l’impossibilité d’avoir accès à un emploi valorisant, la difficulté de trouver un soutien social et le sentiment d’insatisfaction en raison de l’écart entre les attentes et espoirs mis sur l’immigration et la réalité vécue au quotidien (Bibeau et al., 1992; Pica, 2004). Ces résultats confirment que si l’immigration en soi n’est pas un risque pour la santé mentale et physique de la personne immigrante, les circonstances pré et postmigratoires auraient une influence importante et parfois très négative sur le processus d’intégration de ces personnes (MSSS, 1998, 2004).

Quelles sont les raisons qui poussent les gens à émigrer, à tout quitter : leur pays d’origine, leurs amis, leur famille, leurs parents, leur conjoint/e et même leurs enfants? Cela se produit pour diverses raisons : l’une des plus importantes est celle de nature économique « migrations économiques », suivie des « migrations contraintes », c’est-à-dire celles qui résultent des diverses difficultés vécues dans d’autres pays (Refugee Studies Centre, 2008). Par exemple, la famine, les guerres, les invasions poussent les personnes à fuir leur pays et à chercher la sécurité à l’étranger.

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Par ailleurs, selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, à la fin de 2010, au moins 43,7 millions de personnes ont été forcées de se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur de leur pays d’origine en raison de conflits ou de persécutions, dont 15,4 millions de réfugiés (UNHCR, 2010). Il existe un autre motif d’immigration relativement nouveau qui est lié aux changements climatiques. En effet, la dégradation de l’environnement causée par les changements climatiques qui ne permettent pas de vivre normalement, ni en sécurité, ni de subvenir aux besoins fondamentaux pousse les gens à quitter leur pays d’origine et à s’installer ailleurs (UNHCR, 2010).

Plus encore, parmi les motivations qui poussent généralement une personne à sortir de son pays d’origine, celle qui transcende les autres est la quête d’une meilleure condition de vie. Ainsi l’immigration est associée à la réussite sociale et attire des personnes de tous les âges et de divers statuts sociaux vers d’autres pays où la paix et les possibilités d’emploi sont plus accessibles que dans leurs pays d’origine (Clochard, 2007; Diouf, 2011). De fait, l’immigration comme telle s’est accrue en chiffre absolu depuis les années 1960. Selon l’Organisation des Nations Unies (2002), le nombre de personnes qui ont quitté leur pays d’origine pour s’installer dans un nouveau pays est passé de 75 millions en 1960 à 175 millions durant l’année 2000.

Le taux d’immigration au Canada a aussi pris de l’ampleur. Il faut aussi préciser que souvent les personnes admises au pays sont choisies sur la base de leur formation académique et de leurs compétences professionnelles acquises dans leur pays d’origine. Cela représente au Canada 60 % des personnes admises, alors qu’elles sont 42 % en Australie, 21 % aux États-Unis et en Allemagne, et 16 % en France (Defoort, 2008; ONU, 2002).

Emploi et déqualification professionnelle

Notons tout de même que, dans plusieurs recherches consultées, le terme emploi est souvent utilisé comme synonyme du terme travail, mais le Guide terminologique Thésaurus de l’activité gouvernementale (2011) explique que le terme travail est l’« […] ensemble des activités humaines coordonnées en vue de produire ou de contribuer à produire ce qui est utile ». Alors que le terme emploi est défini par le dictionnaire Larousse comme « […] un

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travail rémunéré dans une administration, une entreprise ou chez quelqu’un ». Donc, le travail désigne l’effort physique ou intellectuel exécuté pour faire quelque chose afin d’obtenir un résultat. En revanche, le travail ne devient un emploi que lorsque la personne est rémunérée pour l’effectuer; il est aussi possible d’être employée sans effectuer du travail. Par exemple lorsqu’un employé est en arrêt de travail pour maladie.

Par ailleurs, malgré l’importance accordée par le Canada à la formation académique et professionnelle des candidats dans la sélection de ses immigrants, cela ne mène pas nécessairement à l’obtention d’un emploi ou d’attestations (équivalences) d’études officielles au pays (Statistique Canada, 2010; Eid, Azzaria et Quérat, 2012). Selon Chicha et Charest (2008), dans la grille de sélection d’immigration du gouvernement du Québec, c’est aussi la formation académique et professionnelle qui reçoit la plus forte pondération. Or, une fois arrivés en sol québécois, les immigrants se disent surpris et déçus de réaliser que leurs diplômes n’ont que peu de valeur sur le marché de l’emploi québécois. Dans l’étude, les auteurs observent que, quel que soit le pays d’origine ou la profession des personnes immigrantes, elle déplore toujours et sans exception le clivage entre leurs attentes basées sur ce que les autorités en matière d’immigration leur ont laissé entrevoir et la réalité à laquelle ils sont durement confrontés. Les personnes immigrantes interrogées dans cette étude rapportent toutes la forte valorisation de leurs diplômes et de leur expérience lors de la sélection à l’immigration. Cependant, selon le Vérificateur général du Québec (2014) le taux des travailleurs qualifiés sélectionnés au Québec pour 2012-2013 et n’ayant obtenu aucun point pour la formation lors de l’évaluation de leur demande d’immigration est tout de même de 41,6 %. Ces derniers ont obtenu leur note de passage surtout grâce à d’autres critères, tels que le niveau de scolarité, l’âge et la connaissance du français. C’est donc dire qu’il y a une forte proportion de personnes qui peuvent immigrer au Québec sans obtenir de points pour leur formation.

Par ailleurs, il est juste d’affirmer que pour la plupart des personnes, l’emploi est perçu comme étant indispensable, car il leur permet de survivre et d’assurer leur confort et celui de leur famille. L’emploi leur apporte aussi le respect des autres et la possibilité de jouer un rôle valorisant dans la société. Pour les immigrants, hommes ou femmes, l’importance de décrocher un emploi est essentielle, car l’emploi à part sa fonction

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économique, remplit d’autres fonctions telles que celle de fournir un but dans la vie, de définir un statut et une identité et de permettre d’avoir accès à un réseau social (McKee-Ryan, Song, Wanberg et Kinicki, 2005; Picot et Sweetman, 2005). Ce dernier facteur est d’autant plus important pour les immigrants et notamment les nouveaux venus en raison d’un réseau social moins important que celui qu’ils avaient dans leur pays d’origine. En effet, selon le MSSS « la perte des réseaux de soutien est une des principales conséquences de la migration » (2007 p. 50).

Décrocher un emploi pour les hommes immigrants en concordance avec leurs capacités professionnelles revêt une grande importance (MSSS, 2007). En effet, l’association entre les conditions d’accès à l’emploi et la santé psychologique, le bien-être ou encore l’intégration des hommes immigrants ainsi que celle de leur famille a déjà été documentée par plusieurs études (Cervantes et Lechuga, 2004; Constantine, Okazaki et Utsey, 2004; MSSS, 2007; MSSS, 2004). Cette association mérite d’être étudiée dans un contexte québécois en raison de l’importance grandissante de l’immigration au Québec (Statistique Canada, 2010). En effet, les hommes, souvent plus scolarisés que les femmes immigrantes, refuseraient d’abord les emplois pour lesquels ils sont surqualifiés (Bhanji et Le Courtois, 2010). Lamontagne (2006) constate à cet effet que le mobile de nombreux hommes immigrants pour intégrer le marché de l’emploi hâtivement répond souvent au désir d’accomplir le plus rapidement possible leur rôle de pourvoyeur. Cependant, il est à noter que les femmes, surtout celles appartenant à la catégorie des minorités visibles, sont plus susceptibles que les hommes de se retrouver en chômage (MSSS, 1998). Soulignons aussi que, dans la ville de Québec en 2006, le nombre de femmes immigrantes inactives sur le marché de l’emploi était beaucoup plus élevé que celui des hommes immigrants.

Par ailleurs, la déqualification professionnelle n’est pas un terme utilisé par tous les auteurs, mais les recherches indiquent que les termes utilisés se réfèrent tous à une même réalité, soit la non-correspondance entre le niveau du diplôme le plus élevé détenu par l’immigrant et celui du diplôme exigé par la profession qu’il exerce (Chicha et Charest, 2008). Les termes déclassement et déprofessionnalisation sont aussi employés comme des

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synonymes2, mais dans le cadre de la présente étude, le terme déqualification professionnelle sera préféré puisqu’il est le plus communément utilisé dans la littérature scientifique.

Trois approches existent selon l’OCDE (2007) pour rendre compte de la déqualification professionnelle (dans Chicha et Charest, 2008 p. 7) :

 une approche normative qui repose sur une correspondance établie a priori entre le diplôme et l’emploi;

 une approche statistique qui établit les correspondances les plus communes entre la formation et les caractéristiques de l’emploi; et

 une approche par autodéclaration qui se base sur l’opinion des individus qui se prononcent sur l’adéquation entre la formation suivie et l’emploi qu’ils occupent. L’approche normative établit l’écart qui peut séparer les personnes immigrantes des personnes nées au Canada selon une définition préalable de la formation et de l’emploi. Cette approche est limitée par la difficulté de s’entendre, surtout dans une perspective internationale, sur la définition des termes étudiés. Par exemple, qu’est-ce qu’on entend par un emploi « peu qualifié »? Ou encore, du terme « ingénieur » qui ne reflète pas la même réalité partout. L’approche statistique, pour sa part, documente le fait que certaines populations immigrantes sont plus souvent concernées par la déqualification professionnelle que la population générale d’un pays donné. Ainsi, au Canada, les personnes immigrantes originaires des Philippines, de l’Inde, de l’ex-URSS ou encore de la Colombie, ont un taux de déqualification professionnelle supérieur à la moyenne générale des autres immigrants (Chicha et Charest, 2008).

La dernière approche (l’autodéclaration) est celle qui est la plus facile à appliquer et celle qui est la plus souvent utilisée par plusieurs études et enquêtes, par exemple l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada (ELIC) effectuée par Statistique Canada

2 Pour Giroux, le déclassement s’applique aux : « personnes qui travaillent dans leur domaine de formation,

mais dont le niveau de scolarité requis pour l’emploi est inférieur à leur formation. On dira alors de ces personnes qu’elles sont déclassées et non déqualifiées, puisqu’elles demeurent dans leur domaine professionnel d’origine » (2011, p. 60).

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(2003). Cette approche respecte la perception que les personnes ont elles-mêmes de leur propre vécu (identification) envers leur déqualification professionnelle. Pour ces raisons, dans ce mémoire, l’approche autodéclarée a été privilégiée comme critère pour établir si un homme vit de la déqualification professionnelle dans sa recherche d’emploi ou encore dans son milieu de travail. Il est tout de même important de mentionner que cette approche comporte aussi ses limites en raison du caractère subjectif de l’information autorapportée. Quoi qu’il en soit, en 2002 Chicha et Charest (2008) ont documenté au Québec la perception de déqualification professionnelle comme étant plus élevée chez les personnes en provenance de l’Asie de l’Ouest et du Moyen-Orient (62,9 %) par rapport à celles en provenance de l’Europe de l’Ouest (34,6 %). En dépit d’un biais de perception, cela peut aussi refléter une réelle déqualification (ou discrimination) professionnelle de la société canadienne envers les personnes immigrantes issues surtout de l’Asie de l’Ouest et du Moyen-Orient.

Dans le même esprit, une étude faite aux États-Unis auprès des immigrants latino-américains a noté une plus grande déqualification professionnelle à leur égard (Constantine, Okazaki et Utsey, 2004). Qui plus est, la perte des rôles sociaux que ces hommes assumaient auparavant dans leur pays d’origine et l’impossibilité de les actualiser dans la société d’accueil les amèneraient à éprouver des sentiments d’amertume, de colère, de nostalgie, de frustration et d’anxiété (Constantine, Okazaki et Utsey, 2004). Cervantes et Lechuga (2004) soutiennent pour leur part que le sentiment de faillir aux responsabilités familiales pour les hommes immigrants latino-américains peut avoir des impacts négatifs sur leur estime de soi et sur leur bien-être psychologique. Ce phénomène s’explique, selon Constantine, Okazaki et Utsey (2004), par le fait que les rôles tenus par ces hommes dans leurs pays d’origine leur procuraient une certaine valorisation sociale qui n’est pas retrouvée dans le pays hôte en raison des emplois occupés souvent en deçà de leurs capacités professionnelles.

La réalité des personnes immigrantes sur le marché de l’emploi canadien et québécois

Au Canada, Picot et Hou (2003) ont documenté que les personnes immigrantes gagnent 16,6 % de moins que celles nées au pays ayant les mêmes caractéristiques et le

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même nombre d’années d’étude. Les auteurs sont arrivés à la conclusion que, pour annuler cet écart, il faudrait aux personnes immigrantes acquérir 21,6 années d’expérience professionnelle supplémentaires par rapport aux personnes nées au Canada. Ces résultats ne peuvent pas être expliqués par la méconnaissance de la langue, car l’échantillon était constitué seulement de personnes ayant acquis une bonne connaissance d’une des deux langues officielles (Picot et Hou, 2003). Selon le Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion « même si la scolarité des immigrants récents est nettement supérieure à celle de leurs prédécesseurs, elle n’a pas entraîné à la baisse le risque de faible revenu, comme on aurait pu s’y attendre lorsqu’on compare le lien entre la scolarité et le faible revenu chez les personnes nées au pays [Québec] » (CEPE, 2014, p.19). Il arrive toutefois que le taux de faible revenu observé chez les personnes immigrantes se rapproche de celui observé pour les natifs de la province avec le temps. Les auteurs concluent que ce rapprochement dans le temps témoigne d’un processus d’intégration qui n’est pas instantané pour les immigrants, mais qu’il s’améliore au fil des ans (CEPE, 2014).

Par ailleurs, si ce n’est pas la langue, quels sont les facteurs associés aux difficultés d’accès à un emploi qualifié pour les personnes immigrantes? Selon Aycan et Berry (1996), ces facteurs sont nombreux et très complexes. Par exemple, l’accréditation professionnelle est un processus pénible pour toute personne immigrante, notamment lorsqu’il faut passer des examens préalables à la reconnaissance d’un diplôme. Ces examens sont souvent très exigeants, coûteux, culturellement orientés et accompagnés d’un mode d’administration non approprié qui implique souvent une discrimination systémique à l’égard de la personne immigrante. Un deuxième facteur, selon Drudi (2006), serait la discrimination faite en lien avec la maîtrise d’une des langues officielles du pays d’accueil ou de l’origine ethnique différente de la personne immigrante. En effet, les différences perçues en raison de la langue ou de l’ethnie placent les personnes immigrantes à risque de discrimination de la part des collègues, des gestionnaires et même de la clientèle avec laquelle elles doivent interagir. Les auteurs considèrent ces manifestations de discrimination comme faisant partie du néoracisme qui se manifeste de manière très subtile pour les minorités visibles3 en leur

3 Statistique Canada (2014) précise que les minorités visibles sont des personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche. Principalement les personnes des groupes suivants :

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offrant, par exemple, une rémunération plus faible comparativement à celle offerte à d’autres immigrants en provenance d’autres régions comme l’Europe.

Il est important de préciser que la discrimination peut être faite pour diverses raisons : en raison de l’origine ethnique (par exemple la discrimination envers une personne racisée), de l’âge (par exemple la discrimination envers les personnes âgées), du sexe (par exemple la discrimination envers les femmes), etc. Toutefois, pour les besoins de cette étude, celles faites en raison de l’origine ethnique sont privilégiées. Selon Legault (2002), la discrimination peut se manifester de différentes formes : directe, indirecte ou systémique. La discrimination directe, selon sa définition juridique, se produit « lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation semblable. Elle peut être volontaire ou non, consciente ou non. Elle renvoie à des pratiques objectivables, repérables, observables ». La discrimination indirecte « découle d’une règle ou d’une pratique apparemment neutre, appliquée de la même façon à tous, mais excluant ou désavantageant de façon significative certaines catégories de personnes » (Bosset, 1991, p. 4). Alors que, la discrimination systémique qui peut être directe ou indirecte, va beaucoup plus loin. Elle est décrite par Eid, Magloire et Turenne (2011, p. 14) comme « […] l’interaction dynamique entre des décisions et des attitudes teintées de préjugés, ainsi que sur des modèles organisationnels et des pratiques institutionnelles qui ont des effets préjudiciables, voulus ou non, sur les groupes protégés par la Charte ». Elle est plus difficile à cerner que les deux autres types de discrimination, à expliquer et, de ce fait, à combattre, car elle peut se présenter sous différentes formes de préceptes sociaux, de coutumes et de lois et peut produire des inégalités telles que le chômage et la déqualification professionnelle (Legault, 2002).

Grand nombre d’immigrants, surtout ceux issus de l’immigration récente et ceux appartenant à la catégorie des minorités visibles, risque de vivre la discrimination, qu’elle soit directe, indirecte ou systémique. On peut se demander si lorsqu’on est en présence d’une personne qui en raison de certaines caractéristiques personnelles ou parce qu'elle Chinois, Sud-Asiatique, Noir, Arabe, Asiatique occidental, Philippin, Asiatique du Sud-Est, Japonais, Coréen et Latino-Américain.

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appartient à une catégorie comme « les immigrants », cette dernière peut faire l’objet de discrimination à l’embauche et plus particulièrement de déqualification professionnelle?

À cet effet, Eid, Azzaria et Quérat (2012) mentionnent qu’au Québec plus qu’ailleurs au Canada les immigrants, en général, éprouvent d’importantes difficultés à intégrer le marché de l’emploi, mais que les minorités visibles sont plus susceptibles de vivre cette réalité. Ils affirment que c’est au Québec qu’on retrouve l’écart le plus élevé, entre le taux de chômage des immigrants et celui du reste de la population. En effet, en 2005, le revenu moyen des Québécois détenteurs d’un baccalauréat était de 62 863 $ comparativement à 59 877 $ pour les immigrants n’appartenant pas à une minorité visible et à 42 665 $ pour les immigrants issus des minorités visibles ayant aussi un baccalauréat. Une des explications avancées par certains auteurs pour expliquer ces écarts est que les minorités visibles ont, aux yeux des employeurs, des compétences et des titres jugés moins exportables ou moins valables pour la réalité du pays d’accueil (Duguet, Leandri, L’Horty et Petit, 2007).

Une autre explication est le temps écoulé depuis l’arrivée au pays hôte (CEPE, 2014). Selon une enquête réalisée auprès de fonctionnaires québécois, les immigrants de longue date seraient plus favorisés lors de la recherche d’emploi que les immigrants récents (Simard, 1998). Ces résultats sont controversés d’une étude à l’autre, par exemple, Goldmann, Sweetman et Warman (2009) notent que les emplois accessibles aux immigrants seraient cependant peu qualifiés et mal rémunérés; de plus, une majorité d’immigrants aurait de la difficulté à se trouver un emploi correspondant à celui qui était détenu dans le pays d’origine. Cette réalité perdure dans le temps et touche plus les femmes immigrantes (Chicha 2009; Goldmann et al., 2009). Cependant, une étude qui compare le Québec avec d’autres provinces telles que l’Ontario et la Colombie-Britannique indique que le taux d’emploi des immigrants s’améliore avec le temps, mais que le taux d’emploi pour les immigrants du Québec est tout de même inférieur à celui des immigrants des autres provinces (Boudarbat et Boulet, 2010).

Par ailleurs, les immigrants issus des minorités visibles parviennent à obtenir un emploi, mais pour la plupart du temps sous-qualifié, moins bien rémunéré et en condition de précarité (Collombat, 2004 ; Eid et al., 2011). Les moindres gains des hommes

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immigrants par rapport à leurs homologues nés au Canada sont observés depuis les années 1970, date à laquelle on a observé la dernière cohorte des hommes immigrants qui s’est rattrapée avec le temps sur le plan des gains du revenu (Picot, 2008). Ce constat coïncide avec l’augmentation de l’immigration des minorités visibles au Canada depuis 1970. En effet, selon Statistique Canada (2013), avant 1971 les immigrants appartenant à la catégorie de minorités visibles composaient à peine 12,4 % de tous les immigrants arrivés au Canada alors qu’ils constituaient entre 53,0 % et 67,4 % pour la période établie de 1971 aux années 1980.

Au Québec, le fait de posséder un diplôme acquis à l’étranger ou un niveau d’études universitaires n’est pas non plus une solution pour les personnes immigrantes au problème d’accès à l’emploi ou encore à un revenu en relation avec leurs compétences. En effet, malgré une scolarité de haut niveau, les personnes immigrantes vivent une situation de précarité économique en raison d’un statut professionnel moins élevé, plus précaire et d’un revenu moyen inférieur à celui de la population québécoise (CEPE, 2014; Girard, 2002; Picot et Hou, 2003; Ville de Québec, 2009). Par ailleurs, les coûts qu’engendrent les démarches de reconnaissance des diplômes et la lourdeur de la démarche peuvent inciter à l’abandon du projet de reconnaissance d’études.

Faute d’une reconnaissance professionnelle, ces personnes peuvent se tourner vers la réalisation d’une formation conduisant à l’obtention d’un diplôme d’études professionnelles (DEP) leur permettant d’intégrer plus rapidement le marché de l’emploi. Des études démontrent que ce n’est pas par manque de volonté que les immigrants n’intègrent pas leur profession dans la société d’accueil, mais plutôt par un ensemble de conditions sociales adverses (comme la reconnaissance des diplômes, la discrimination à l’embauche) qui les amène à se désister (George et Doyle, 2006).

Quant aux nouveaux arrivants, ils constituent l’un des cinq groupes avec les familles monoparentales, les personnes ayant des incapacités à l’emploi, les autochtones et les personnes seules âgées de 45 à 64 ans, à vivre dans une situation de pauvreté persistante autant au Canada qu’au Québec (MSSS, 2004). Il va sans dire qu’une intégration économique réussie constitue un facteur du développement des personnes et des communautés, parce qu’elle conditionne la capacité des personnes à accéder aux services

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dont elles ont besoin, une bonne qualité de vie et une participation plus active à la vie sociale et politique de la société d’accueil (MSSS, 1998, 2004). L’intégration économique favorise aussi le développement du sentiment d’appartenance à leur communauté.

L’intégration des personnes immigrantes

Il est important de clarifier ce que l’on entend par intégration qui est un processus multidimensionnel (Pathways to Prosperity, 2015). Selon le Guide terminologique Thésaurus de l’activité gouvernementale du Québec (2011), le mot intégration désigne « l’adaptation des membres à un groupe ou d’un groupe à la société globale; le degré selon lequel les comportements individuels et de groupes partiels s’accordent avec ce qu’attend la collectivité ».

Une intégration complète et approfondie pour une personne immigrante implique qu’elle doit se faire dans trois sphères : 1) la sphère institutionnelle; 2) la sphère économique; et 3) la sphère sociale/communautaire (Pathways to Prosperity, 2015).

Dans la sphère institutionnelle, l’intégration réfère à la capacité des personnes immigrantes de « devenir des citoyens fonctionnels de plein droit, sans faire face à des barrières systémiques émanant des structures et fonctionnements des grandes institutions comme l’éducation, le système de santé, la justice, la police, etc. » (Pathways to Prosperity, 2015). Alors que l’intégration dans la sphère économique réfère à la capacité d’accéder au marché de l’emploi et de trouver un emploi correspondant aux qualifications, aux formations et aux diplômes de la personne immigrante. Enfin, l’intégration dans la sphère sociale/communautaire a trait à la capacité de développer des liens sociaux et des interactions sociales significatives avec la population native du pays d’accueil (Labelle, Field et Icart, 2007; Pathways to Prosperity, 2015).

Une personne immigrante bien intégrée est une personne qui « ne fait face à aucune barrière institutionnelle, à aucun désavantage sur le marché, et à aucun isolement social » (Pathways to Prosperity, 2015). À cet effet, pour la personne immigrante, le seul fait d’interagir avec des personnes issues des communautés culturelles différentes à la sienne peut changer sa façon de penser et de concevoir la réalité et par le fait même, l’amener à agir différemment. Il est à noter que ce processus est aussi vécu pour les personnes

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appartenant à la société d’accueil qui interagissent avec les personnes immigrantes. En effet, certains auteurs suggèrent que l’intégration tant économique que professionnelle des immigrants n’est pas un processus unilatéral, mais plutôt un processus bidirectionnel dans lequel des efforts partagés entre les nouveaux arrivants et la société d’accueil sont nécessaires. La responsabilité des immigrants est celle d’adhérer aux valeurs privilégiées par la société d’accueil et de s’engager à devenir des citoyens respectables et bien intégrés (Vatz-Laaroussi et Charbonneau, 2001), tandis que la responsabilité de la société d’accueil est celle de faciliter l’intégration de ses immigrants en développant des politiques et des programmes en matière d’immigration procurant ainsi les conditions semblables à celles des natifs (Béji et Pellerin, 2010). Au Québec, les efforts du gouvernement pour intégrer tant économiquement que professionnellement les nouveaux arrivants se reflètent surtout dans le développement de politiques et de programmes en immigration, ainsi que dans le soutien aux organismes communautaires œuvrant auprès de cette clientèle. Les services offerts par ces organismes vont de l’aide à la recherche d’emploi à la francisation (Vatz-Laaroussi et Charbonneau, 2001).

L’intégration devient alors un processus complexe, multidimensionnel, bidirectionnel, graduel et continu, mais qui peut être entravé par un parcours migratoire difficile. En effet, un parcours chargé d’expériences négatives peut comporter des effets pernicieux rendant difficile l’adaptation et l’intégration d’une personne immigrante à son nouveau pays (MSSS, 1998).

Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS, 1998; 2007), mentionne que les difficultés d’intégration peuvent aussi être influencées par les perceptions de la personne immigrante. Par exemple, dans l’accès aux services sociaux, en raison de la disparité de la signification de la maladie entre la personne immigrante et le donneur de soins. Par ailleurs, les difficultés d’intégration peuvent aussi être ressenties au sein de la famille en raison des transformations vécues par ses membres. Par exemple, les difficultés familiales arrivent lorsque les familles immigrantes sont confrontées à des conflits intergénérationnels entre les parents et les enfants, mais aussi en raison de la redéfinition des rôles à l’intérieur du couple. D’autres facteurs peuvent aussi nuire à l’intégration des personnes immigrantes comme l’accès à l’information concernant le

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logement ou encore les difficultés à communiquer, surtout lorsque ces dernières ne maitrisent pas bien l’une des langues officielles du pays. L’accès à l’emploi est un des facteurs qui influencent l’intégration sociale et économique des personnes immigrantes ayant fait l'objet de plusieurs recherches (Jobin, 2012; McKee-Ryan, Song, Wanberg et Kinicki, 2005; Pathways to Prosperity, 2015). Plusieurs différences peuvent être observées selon qu’on soit une femme ou un homme. En effet, selon une étude montréalaise, l’intégration au marché de l’emploi se fait plus rapidement pour les femmes immigrantes que pour les hommes immigrants (Huh, 2007). De plus, l’écart du revenu pour les femmes immigrantes par rapport aux femmes de race blanche de Montréal est moins élevé que celui affiché par les hommes immigrants par rapport à leurs homologues blancs (Huh, 2007). Il faut tout de même noter que, parmi les employés à temps plein du Québec, ce sont globalement les femmes (immigrantes et non-immigrantes) qui obtiennent un salaire horaire moyen inférieur à celui des hommes dans toutes les professions, à l’exception de la catégorie transport et conducteurs d’équipement lourd (ISQ, 2014)4.

Il est à noter que, dans d’autres études, les femmes immigrantes sont beaucoup plus défavorisées que les hommes immigrants sur ces deux aspects (Chicha 2009; Goldmann et al., 2009; MSSS, 1998). Ces controverses justifient dans la présente étude de se concentrer sur la perspective de l’intégration économique chez les hommes immigrants par l’emploi. D’autant plus que l’un des principaux indicateurs pour mesurer l’intégration économique est le fait de se trouver en emploi (Cranford, 2005; MSSS, 2004).

En effet, c’est au Québec que l’écart entre le taux de chômage entre les immigrants et les personnes nées au pays est le plus grand. Par exemple, en 2006 en Ontario le taux de chômage était de 6,2 % pour les immigrants alors que celui des Ontariens était de 4,4 %. En Colombie-Britannique, les taux de chômage pour ces deux mêmes catégories étaient respectivement de 5,5 % et de 4,8 %. Au Québec, le taux de chômage chez les Québécois nés au pays était de 5,2 % alors qu’il s’élevait à 11,2 % chez les travailleurs immigrants. Les écarts entre les taux de chômage chez les travailleurs natifs de ces provinces et chez les

4 Les données étudiées pour arriver à cette conclusion sont tirées de Statistique Canada, Enquête sur la population active, tableau CANSIM 282-0070 et elles ont été adaptées par l’institut de la statistique du Québec. Source :

Tableau 1 Salaire horaire moyen des employés à temps plein selon le groupe professionnel selon la Classification nationale des professions pour statistique (CNP-S) et le sexe, Québec, 2012 (ISQ, 2014).

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travailleurs immigrants sont donc de 0,7 point de pourcentage pour la Colombie-Britannique et de 1,8 pour l’Ontario contre 6 points de pourcentage pour le Québec (Baril, 2010).

On constate qu’en 2011, cette différence est toujours très élevée pour le Québec, car le taux de chômage des personnes immigrantes est de 12,4 % pour cette année comparativement à 7,8 % pour l’ensemble de la population québécoise. C’est toujours au Québec, par rapport au reste du Canada, qu’on retrouve le taux de chômage des personnes immigrantes le plus élevé (12,4 %) (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 2012).

De plus, dans la région de Québec, les personnes immigrantes ont aussi un taux de chômage beaucoup plus élevé en dépit d’une plus forte scolarité par rapport aux personnes nées au Québec (Ville de Québec, 2009). Les minorités visibles y ont un taux de chômage beaucoup plus élevé comparativement à d’autres groupes comme les Européens et cela, malgré une scolarisation supérieure. En effet, le Comité aviseur des jeunes (Collombat, 2004) a, pour sa part, révélé que l’écart le plus élevé en matière d’emploi entre les minorités visibles et le reste de la population est observé dans la Ville de Québec, comparativement au reste des régions, et cela malgré une amélioration observée au cours des dernières années (10,6 points d’écart en 1996 comparativement à 7,2 points d'écart pour 2001).

Dans cette étude, on s’intéresse à l’intégration sociale et économique et à la déqualification professionnelle en matière d’emploi telles que vécues par les hommes latino-américains (plusieurs étant membres des minorités visibles ou audibles) dans la ville de Québec.

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La pertinence de l’étude envisagée

Ce mémoire a comme objectif d’étudier les perceptions de la déqualification professionnelle sur le bien-être personnel, familial et social des hommes immigrants hispanophones latino-américains de première génération qui habitent dans la ville de Québec. En effet, même s’il y a plusieurs études portant sur la condition masculine, il semble que peu d’entre elles se soient penchées sur la problématique de la déqualification à l’embauche et ses effets sur les plans personnel, familial et social des hommes immigrants hispanophones latino-américains; c’est pour ces raisons que cette étude s’avère pertinente.

Les résultats de cette étude peuvent servir à identifier des pistes d’intervention plus adaptées aux besoins et aux difficultés de ce groupe d’hommes. L’objectif général de ce mémoire est de tenir compte des réalités que vivent ces hommes immigrants et de mieux comprendre leurs besoins particuliers et leurs préoccupations, et ce, de leur seul point de vue. L’étude vise aussi à connaître les pistes de solution utilisées dans leurs processus d’intégration, les normes véhiculées par la société d’accueil et comment ces hommes immigrants les vivent, afin de dégager des pistes de solution aux difficultés rencontrées en intervention interculturelle. En effet, les intervenants œuvrant auprès de cette clientèle gagneraient à comprendre comment la masculinité se vit différemment selon la culture et à comprendre que les hommes, immigrants ou non, expriment leur souffrance différemment des femmes (Ben Salah, 2011; Tremblay, 2011).

De plus, plusieurs études ont documenté un vécu difficile chez plusieurs hommes immigrants, en particulier ceux issus des minorités visibles, en lien avec les conditions difficiles d’accès à l’emploi. Il s’agit de sentiments d’amertume, d’une faible estime de soi, de la détresse psychologique, de la colère, de la nostalgie, de la frustration, de l’anxiété, ou encore d’un sentiment de faillir aux responsabilités familiales pour ne mentionner que celles-ci (Cervantes et Lechuga, 2004; Constantine, Okazaki et Utsey, 2004).

Par ailleurs, les études faites au Canada et au Québec avec ce type de population sont plutôt rares (George et Doyle, 2006) et, bien que plusieurs d’entre elles aient souligné l’existence de barrières d’accès à l’emploi, les constats mettant en relation ces difficultés

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avec l’intégration, l’éducation et la santé sont encore plus exceptionnels (Houle et Schellenberg, 2010; MSSS, 2007; Zhao, Xue et Gilkinson, 2010). De plus, la plupart des études réalisées sont de nature épidémiologique (enquêtes) et ne donnent pas aux personnes immigrantes l’occasion de s’exprimer ni de considérer leur vécu. La présente étude concède donc une place importante aux perceptions des hommes immigrants quant à leur expérience d’intégration dans le marché de l’emploi québécois. Le but étant de donner la parole aux hommes immigrants en lien avec les difficultés rencontrées et ainsi créer des pistes de solution.

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Chapitre deuxième

Le cadre théorique : Les hommes, le genre et l’identité

masculine

Dans une société en évolution rapide et constante comme la société québécoise où les modèles familiaux se diversifient, le modèle traditionnel du père pourvoyeur unique et peu présent pour sa famille est aujourd’hui moins fréquent qu’il ne l’était auparavant. Les hommes québécois vivent une situation de contradiction intérieure profonde en raison d’une évolution rapide des repères qui le guident (Gagnon, 2004). En effet, les valeurs reliées au rôle traditionnel des hommes québécois sont aujourd’hui contestées et les codes comportementaux masculins appris sont remis en cause. Les hommes immigrants peuvent aussi vivre cette contradiction intérieure en raison de leur propres repères culturels (qui sont constitués la plupart du temps des valeurs et des croyances) qui peuvent aussi être différents de ceux attendus dans la société québécoise pour les hommes (Brodeur et Barré, 2010).

Les tensions de rôle de genre et la santé des hommes

Partout dans le monde, la socialisation se fait à partir de construits différenciés selon le genre de la personne. En effet, ces derniers sont créés à partir des valeurs sociales rattachées pour chaque genre (Campeau, Sirois, Rheault et Dufort, 1993). Dans le cadre de cette étude, nous retenons la définition de socialisation de Rocher (1968, p. 119) qui est « le processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expériences et d’agents sociaux significatifs et, par là, s’adapte à l’environnement social où elle doit vivre ».

Le genre, connu comme le sexe social, représente une construction sociale ou culturelle du féminin et du masculin qui se distingue du sexe biologique. Il se développerait progressivement en fonction de stéréotypes en vigueur dans une société et à une époque

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donnée. Hommes et femmes apprennent dès la petite enfance les comportements attendus selon leur sexe (Lowy et Rouch, 2003; Mejias, 2005). Selon Bussey et Bandura (1999, cité dans Rouyer, 2007), il existerait trois modes de construction du genre : le modelage, l’expérience propre et l’apprentissage direct. Le modelage consiste en un processus par lequel l’enfant extrait par l’observation les modèles et les rôles qu’il généralise et exporte vers ses propres comportements et attitudes. La construction du genre par l’expérience propre renvoie à l’adéquation que fait l’enfant à ses propres conduites et comportements et qui se consolide par le renforcement positif ou négatif de son entourage. Les réactions de ses parents, amis, personnel de l’école, constitueraient une source importante à la construction des conceptions de l’enfant en lien avec son genre. Enfin, l’enseignement direct donne accès à l’enfant à des modèles de rôles et de comportements sexués sous une forme intégrée. Pour les enfants les plus jeunes, son action est moindre par rapport au modelage et à l’expérience dont il peut cependant aider à généraliser l’impact par l’addition des significations générales et des exemples rencontrés dans la vie quotidienne.

Par ailleurs, la construction de rôle social encouragée par l’entourage de l’enfant (construction du genre par l’expérience propre) se manifeste de forme différenciée selon le sexe de l’enfant. Par exemple, pour le genre féminin, les valeurs encouragées par l’entourage seraient souvent la gentillesse et la douceur (Blondin, 1994; Hernandez, 2007; Rouyer, 2007). Pour le genre masculin, les valeurs privilégiées seraient souvent la performance, le contrôle de soi et des émotions, leurs jeux seraient surtout physiques et teintés d’agressivité (exemple : jouer à la guerre, au policier, etc.). La perception de son rôle pour le garçon se limiterait souvent aux attitudes de justicier et aux gestes autoritaires et agressifs (Blondin, 1994; Rouyer, 2007).

Pour sa part, Glicken (2005) signale que les garçons, dès leur plus jeune âge, sont guidés par un code de conduite. Les garçons s’enseignent mutuellement le message qu’ils ont reçu auparavant des garçons ainés (enseignement direct). Ce code apprendrait notamment aux garçons dès leur plus jeune âge que les hommes doivent être différents des femmes, ne doivent jamais pleurer, doivent demeurer stoïques et ne pas céder à la douleur ni à leurs émotions. Ce code montrerait aussi aux garçons l’importance d’être autonomes et indépendants. Ces derniers seraient souvent en compétition afin de prouver leur force et

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leur courage, et leur supériorité face à d’autres hommes. Dans ce contexte, l’utilisation de la violence deviendrait légitime. Pour les personnes du sexe masculin, le jugement de leurs congénères aurait une place exceptionnellement importante dans leur vie. Ainsi, les garçons déploieraient les efforts requis pour être des représentants idéaux de rôle d’homme socialement attendu. À cet effet, le rôle socialement attendu, selon Kilmartin (2007), est un ensemble de comportements et d’attitudes socialement attendus, tout en tenant en compte de la position sociale, du genre de la personne et de la conjoncture.

Pendant plusieurs années, le rôle imposé aux pères dans la société était de subvenir aux besoins de leur famille et d’exercer l’autorité. Ce rôle étant trop rigide et stéréotypé amènerait plusieurs hommes à se renfermer dans des coutumes étroites de la société traditionnelle (Mejias, 2005). Des travaux récents affirment que la disparation du rôle social est une illusion, mais que le rôle social actuel serait plus approprié que celui des années 1950 (Mejias, 2005). Les hommes auraient un registre plus large dans la façon de vivre leur identité de genre. Cependant, cela ne signifierait pas nécessairement que chaque homme est libre de choisir sa conduite au hasard. Il demeurerait difficile pour plusieurs hommes d’assumer les transformations et les changements qu’ils n’ont pas nécessairement souhaités (Mejìas, 2005). Ce phénomène auquel les hommes seraient contraints de se conformer a aussi été étudié dans diverses recherches sur le genre, par exemple la tension de rôle de genre de Pleck (1981) (gender role strain).

Pleck (1981) est l’un des premiers à avoir étudié les hommes et les masculinités dans une optique sociale. Cette théorie a été révisée en 1995 et soutient que le rôle de genre servirait de modèle comportemental aux hommes, mais aussi aux femmes, et que « les tensions de rôle de genre surviennent lorsque des individus intériorisent certaines normes sociales à propos d’un idéal de genre, même si celles-ci sont contradictoires, inaccessibles ou incompatibles avec ce qu’ils pensent être réellement » (O’Neil, Helms, Gable, David et Wrightman, 1986; O’Neil, Good et Holmes, 1995 cités par Tremblay, Morin, Desbiens et Bouchard, 2007). Ainsi, le rôle de genre est basé sur la conformité (socialement attendue) des représentations que les hommes et les femmes ont de la masculinité et de la féminité acquises par le biais de la socialisation (Pleck, 1981). Ces représentations chez les hommes se traduiraient par les attentes de la nécessité d’être fort, de contrôler ses émotions, d’être

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