• Aucun résultat trouvé

La déqualification des immigrants économiques au Québec

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La déqualification des immigrants économiques au Québec"

Copied!
60
0
0

Texte intégral

(1)

Université Paris 1

École nationale d’administration

L A DÉQUALIFICATION DES IMMIGRANTS ÉCONOMIQUES AU Q UÉBEC :

CAUSES , CONSÉQUENCES ET PISTES DE SOLUTION

Mémoire professionnel

Études européennes et relations internationales

soutenu par

Pierre-Philippe Couture

CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)

Juin 2018

Master Études européennes et relations internationales Spécialité Relations internationales et Actions à l’Étranger

Parcours "Action internationale"

Master Études européennes et relations internationales Spécialité Relations internationales et Actions à l’Étranger

Parcours "Action internationale"

La déqualification des immigrants économiques au Québec

Causes, conséquences et pistes de solution

Sous la direction de La déqualification des immigrants économiques au Québec

Causes, conséquences et pistes de solution Sous la direction de

Hélène Harter

Professeur des universités en histoire contemporaine à l’Université

Rennes 2

(2)

2 S

OMMAIRE

R

EMERCIEMENTS

3

I

NTRODUCTION

4

P

REMIÈRE PARTIE

8

1. D

ÉFINIR LES PRINCIPAUX CONCEPTS

8

2. T

RACER L

HISTORIQUE DES POLITIQUES D

IMMIGRATION AU

Q

UÉBEC

14

3. A

NALYSER LES STATISTIQUES LIÉES À L

IMMIGRATION ÉCONOMIQUE

19

D

EUXIÈME PARTIE

23

4. R

ETRACER LES LIMITES DE LA POLITIQUE D

IMMIGRATION DU

Q

UÉBEC

23 5. A

NALYSER LES PROGRAMMES GOUVERNEMENTAUX EN PLACE AINSI QUE LE RÔLE DES

ACTEURS ÉTATIQUES DANS LA LUTTE CONTRE LA DÉQUALIFICATION

37

6. P

ISTES DE SOLUTION ET MEILLEURES PRATIQUES

45

C

ONCLUSION

49

B

IBLIOGRAPHIE

53

A

NNEXE

59

(3)

3 R

EMERCIEMENTS

Je tiens à adresser mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce mémoire. D’abord, je remercie sincèrement madame Hélène Harter, professeur des universités en histoire contemporaine à l’Université Rennes 2, pour l’aide fournie tout au long de la rédaction. Ses réflexions et ses commentaires ont contribué à améliorer considérablement le présent travail.

Également, je souhaite remercier particulièrement Silvia Shardonofsky et Néstor Stella qui ont

accepté généreusement de me livrer un témoignage sur leur expérience d’immigration et

d’insertion au Québec. La combattivité et la résilience dont ils ont fait preuve m’ont beaucoup

touché. Enfin, un grand merci à mon collègue et ami Jean-Michel Vern pour ses pistes de

réflexion et son avis critique.

(4)

4 I

NTRODUCTION

Le Canada est une nation qui s’est bâtie grâce à l’immigration. Environ un Canadien sur cinq est né à l’étranger

1

. Sa stabilité politique, son ouverture, sa diversité, sa tolérance ainsi que ses lois migratoires en font l’un des pays qui connaît le plus haut niveau d’immigration par habitant au monde

2

. Le Québec, seule province majoritairement francophone, projette l’image d’une société accueillante, prospère et inclusive, notamment auprès des immigrants qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare. C’est un endroit reconnu pour sa qualité de vie, où chacun peut se sentir en sécurité et où la diversité culturelle est un atout valorisé. En 1991, la signature de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains a permis à cette province de jouir de pouvoirs accrus en termes de sélection et d’intégration des immigrants sur son territoire

3

. Une grille synthèse à la sélection des travailleurs qualifiés axée sur les caractéristiques du capital humain (âge, scolarité, expérience professionnelle, etc.)

4

a permis au Québec d’accueillir en son sol des migrants qui sont, en moyenne, plus éduqués et plus scolarisés que la moyenne des natifs. En effet, en 2016, 33% des immigrants montréalais détenaient un diplôme universitaire, soit un taux moyen de neuf points plus élevés que celui des natifs (24%)

5

. L’objectif poursuivi par le gouvernement est simple : ces nouveaux arrivants doivent contribuer rapidement et efficacement au développement économique de la province tout en assurant la vitalité du fait francophone au Québec. Or, divers rapports

67

et études

89

témoignent de données préoccupantes quant à l’intégration de ces nouveaux arrivants au Québec et au Canada, notamment sur le marché du travail. Alors qu’une grille de sélection des

1 Statistique Canada, « Profil du recensement, 2011 », Fichiers de téléchargement complets, 2018. Disponible sur : http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/dp-pd/prof/details/download-

telecharger/comprehensive/comp-csv-tab-dwnld-tlchrgr.cfm?Lang=F, consulté le 2 mai 2018.

2 OCDE, « Canada », dans Perspectives des migrations internationales 2017, Éditions OCDE, Paris, 2017.

3 Gouvernement du Québec, Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, Québec, 1991. Disponible sur : http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/divers/Accord-canada- quebec-immigration-francais.pdf, consulté le 12 février 2018.

4 La grille synthèse des facteurs et critères applicables à la sélection des travailleurs qualifiés (en date du 24 octobre 2017) peut être consultée en annexe.

5 Gervais Lisa-Marie, « Des immigrants plus scolarisés, moins employés », Le Devoir, décembre 2016. Disponible sur https://www.ledevoir.com/economie/486516/montreal-les-immigrants-sont-plus-scolarises-mais-moins- employes, consulté le 29 mai 2018.

6 OCDE, Trouver ses marques : Les indicateurs de l’OCDE sur l’intégration des immigrés 2012, Éditions OCDE, Paris, 2012.

7 Direction des communications, L’immigration au Québec. Le rôle du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion et de ses partenaires, Québec, Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2016.

Disponible sur : http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/dossiers/DOC_RoleQuebecImmigration.pdf, consulté le 20 février 2018.

8 Lacroix, Julie, Alain Gagnon, et Vincent Lortie. « À l’intersection du genre et de l’origine nationale : quels sont les parcours professionnels des immigrants sélectionnés au Québec ? », Population, vol. 72, no. 3, 2017, pp. 435- 462.

9 Cousineau Jean-Michel et Brahim Boudarbat, « La situation économique des immigrants au Québec », Relations industrielles, vol 64, n.2, 2009, pp. 230-249.

(5)

5 migrants est en place afin de choisir ceux qui ont davantage de chance de contribuer au développement économique de leur société d’accueil, ces derniers peinent à s’intégrer. En effet, nombre d’entre eux subissent le phénomène de déqualification, qui se traduit par un déclassement professionnel. La déqualification des migrants demeure une pierre angulaire de l’échec de leur intégration socio-économique. Selon l’OCDE, le déclassement professionnel est le fait d’occuper un emploi moins qualifié ou moins bien rémunéré que le niveau d’instruction permettrait théoriquement de l’envisager

10

. À titre d’exemple, ceci pourrait être le cas d’un omnipraticien marocain qui immigre au Québec dans la perspective de pratiquer sa profession, mais qui est contraint (pour diverses raisons sociales, économiques, linguistiques ou culturelles) à occuper un poste qui ne nécessite ni qualification, ni éducation particulière, tel que conducteur de taxi.

Problématique et hypothèse

L’immigration a joué un rôle important dans la construction de la société québécoise et continuera très certainement à être un facteur de croissance économique et démographique.

Depuis les dix dernières années, un emploi sur deux à Montréal a été pourvu par des immigrés, soulageant ainsi la pénurie de main-d’œuvre

11

. Dans ce contexte, il est opportun de se demander si l'importante implication du gouvernement du Québec, à travers ses politiques et stratégies d'immigration, garantit une bonne intégration des immigrants économiques sur le territoire.

Quelles actions posent le gouvernement du Québec pour assurer l’intégration des nouveaux arrivants éduqués et qualifiés? Est-ce que les immigrants économiques subissent une déqualification lors de leur arrivée au Québec? Si oui, est-ce un phénomène propre au Québec et au Canada? Quelle en est l’ampleur? Quelles en sont les causes, les conséquences et les pistes de solution?

Malgré l’importance que revêtent les questions d’immigration économique au Canada et plus particulièrement au Québec, les politiques d’immigration et d’intégration ne semblent pas prendre en considération l’importance des enjeux liés à la déqualification, phénomène qui engendre des problématiques économiques et sociales (précarité d’emploi, chômage, déficit d’efficacité économique, démotivation, etc.). Devant faire face à de nombreuses barrières linguistiques, culturelles et professionnelles, je prétends que les immigrants économiques subissent une importante déqualification lors de leur arrivée au Québec. La présente analyse

10 OCDE, International Migration Outlook 2017, Éditions OCDE, Paris, 2017.

11 Porter Isabelle, « Le chômage est en baisse chez les immigrants », Le Devoir, 2017. Disponible sur https://www.ledevoir.com/societe/491112/le-chomage-est-en-baisse-chez-les-immigrants, consulté le 2 mai 2018.

(6)

6 apporte une réponse et des explications à cette hypothèse, de même qu’aux nombreuses questions énoncées ci-dessus.

Méthodologie

Afin de savoir si les politiques d’immigration et d’intégration mises en place sont efficaces, il est nécessaire, voire essentiel d’en définir les contours, d’en recenser les axes principaux et d’en évaluer les résultats. Il convient de s’interroger dans quelles mesures et pour quels motifs, le cas échéant, les résultats des immigrants diffèrent de ceux des natifs. La présente étude recense et analyse des statistiques, des politiques publiques ainsi que des programmes gouvernementaux afin de comparer la situation socio-économique des natifs aux immigrants.

Une revue de la littérature sur la déqualification permet d’appréhender ce phénomène et d’en extraire les principales explications qui peuvent être attribuables au cas du Québec et du Canada. L’analyse des barrières à une intégration socio-économique réussie contribue à une meilleure compréhension des facteurs contextuels et pourrait permettre à terme, si des actions sont prises en lien avec les recommandations émises au sein de cette étude, à une meilleure intégration des immigrants dans le marché du travail et, à titre d’exemple, à mettre fin à la pénurie des médecins au Québec. Une telle étude trouve sa pertinence dans le fait de poser un regard critique sur les actions menées par le gouvernement du Québec en matière d’immigration économique et d’intégration, en plus de proposer des pistes de solution en s’inspirant de meilleures pratiques de provinces voisines et d’autres pays.

Plan

Une première partie définit les principaux concepts utilisés au sein de l’étude, contextualise les politiques d’immigration québécoises en retraçant leur historique et présente des statistiques liées aux nouveaux arrivants.

Une deuxième partie propose une étude des limites des politiques d’immigration et d’intégration en tentant d’expliquer les causes de la déqualification, analyse les programmes gouvernementaux en place visant à lutter contre ce phénomène et suggère des pistes de solutions. Afin de bien ancrer la problématique dans la réalité, le cas pratique de la pénurie de médecins et de l’intégration professionnelle longue et complexe de médecins diplômés à l’étranger est présenté.

En conclusion, un retour est fait sur les principales causes et conséquences de la déqualification

des immigrants économiques au Québec. Quelques pistes de solution pouvant être mises en

(7)

7

place par le gouvernement provincial afin de lutter contre ce phénomène sont également

proposées. Enfin, des pistes de recherche supplémentaires sont énoncées afin d’approfondir les

nouvelles problématiques soulevées au sein de cette étude.

(8)

8 P

REMIÈRE PARTIE

1.

D

ÉFINIR LES PRINCIPAUX CONCEPTS

L’immigration

L’OCDE définit la population immigrée comme toute personne née à l’étranger et possédant une nationalité étrangère à la naissance

12

. Au Canada, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (2001) définit un étranger comme étant « une personne autre qu’un citoyen canadien ou un résident permanent »

13

. La Loi sur l’immigration au Québec (1981) corrobore cette définition. Au contraire, le terme natif réfère à une personne dont la présence dans un lieu peut être établie depuis plus d’une génération (dont les ancêtres sont originaires du lieu).

Pour le migrant, plusieurs motivations peuvent justifier le choix de quitter son pays natal, que ce soit pour des facteurs politiques, sécuritaires, familiaux, personnels, fiscaux ou économiques.

Au sein de l’OCDE, les motifs familiaux (environ 52%) et professionnels (environ 25%) expliquent la grande majorité des flux migratoires. Les motifs humanitaires, académiques et autres représentent chacun moins de 8% des intentions. Au Canada, c’est plutôt l’immigration économique (63%) qui est le principal objectif poursuivi, loin devant le regroupement familial (24%) et les motifs humanitaires (12%). À l’instar du Canada, l’immigration économique est également en tête de file au Québec (67%), suivie par le regroupement familial (23%) et les motifs humanitaires (10%)

14

. À titre comparatif, l’Australie accueille des profils de migrants très semblables (les deux tiers immigrent pour des motifs économiques, environ un tiers pour des motifs familiaux et moins de 8% à titre de réfugiés), alors que l’immigration professionnelle de non-Européens en France représente seulement 16% des titres de séjours délivrés en 2016

15

. De façon générale, lorsqu’une personne prend la décision de migrer, c’est dans l’espoir de tendre vers un avenir meilleur : améliorer son statut économique ou social, retrouver des membres de sa famille ou améliorer sa sécurité.

Pour le pays hôte, l’accueil de migrants répond notamment à un désir de favoriser le développement économique du pays. Or, il convient de faire une distinction entre les réfugiés et les immigrants. Selon la définition du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les

12OCDE, Trouver ses marques : Les indicateurs de l’OCDE sur l’intégration des immigrés 2012, Éditions OCDE, Paris, 2012.

13 Gouvernement du Canada, Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, Ottawa, 2001. Disponible sur : http://laws.justice.gc.ca/fra/lois/I-2.5/index.html, consulté le 2 mai 2018.

14 Vultur Mircea, La surqualification au Québec et au Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, 318 p.

15OCDE, Le recrutement des travailleurs immigrés : France 2017, Éditions OCDE, Paris, 2017.

(9)

9 Réfugiés (UNHCR), ces premiers sont « des personnes qui fuient des conflits armés ou la persécution »

16

, alors que les seconds ont fait le choix délibéré de quitter leur pays, « non pas en raison d’une menace directe de persécution ou de mort, mais surtout afin d’améliorer leur vie »

17

. Cette distinction est considérable, car les États gèrent les immigrants conformément à leurs propres lois et procédures en matière d’immigration, alors qu’ils « gèrent les réfugiés en vertu des normes sur la protection des réfugiés et de l’asile qui sont définies dans les lois nationales et internationales »

18

. La Convention relative au statut des réfugiés de juillet 1951, dite Convention de Genève, a été ratifiée en 1969 par le Canada. Les sections E et F de l’article premier concernant la définition du terme réfugié sont reproduites en annexe de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (2001)

19

.

L’immigration économique

L’immigration économique n’a pas de référence légale. Il s’agit plutôt d’un terme générique qui réfère à l’éventail des personnes qui migrent de pays afin de faire progresser leurs perspectives économiques (salaire supérieur, prestations sociales avantageuses ou emploi prometteur). Afin de combler la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, l’administration publique et les dirigeants d’entreprises sont favorables à l’immigration économique

20

. Afin de rivaliser sur le marché mondial, contrer les faibles taux de fécondité (1,6 au Canada et 1,59 au Québec en 2016), contrebalancer le vieillissement démographique alarmant (au Canada, le nombre de personnes de 65 ans et plus a surpassé les 14 ans et moins en 2016) ainsi que favoriser la croissance et le renouvellement de la main-d’œuvre, il y a consensus pour stimuler l’immigration économique au Canada

21

.

Cette analyse peut être partagée par l’ensemble des États de l’OCDE. En effet, tous les pays industrialisés sont concernés par l’immigration de travailleurs qualifiés. En ce sens, les politiques d’immigration sont développées pour attirer les candidats les plus brillants et les plus

16UNHCR, « Point de vue du HCR : « Réfugié » ou « migrant » - Quel est le mot juste? », juillet 2016. Disponible sur http://www.unhcr.org/fr/news/stories/2016/7/55e45d87c/point-vue-hcr-refugie-migrant-mot-juste.html, consulté le 27 avril 2018.

17 Id.

18 Id.

19 Gouvernement du Canada, Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, Ottawa, 2001. Disponible sur :

http://laws.justice.gc.ca/fra/lois/I-2.5/index.html, consulté le 2 mai 2018.

20Le Comité interministériel sur la reconnaissance des compétences des personnes immigrantes formées à l’étranger, Comité interministériel sur la reconnaissance des compétences des personnes immigrantes – Rapport, Québec, 2017. Disponible sur : http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/dossiers/RAP_ReconnComp.pdf, consulté le 2 mai 2018.

21 Institut de la statistique du Québec, Taux de fécondité selon le groupe d’âge, Québec, 2018. Disponible sur : http://www.bdso.gouv.qc.ca/pls/ken/p_afch_tabl_clie?p_no_client_cie=FR&p_param_id_raprt=785, consulté le 5 mai 2018.

(10)

10 prometteurs dans un contexte de forte compétition internationale. Le volume de migrants accepté fluctue normalement en fonction des besoins internes du marché du travail, des capacités d’accueil du pays hôte et de l’opinion publique vis-à-vis la venue de cette nouvelle main-d’œuvre. Les pays développés se livrent généralement une « lutte aux cerveaux » afin de contrer les pénuries importantes de travailleurs dans des domaines prisés et de pointe tels que le biomédical, l’informatique et la haute technologie

22

. À titre d’exemple, on peut citer les campagnes canadiennes de recrutement de nouveaux concepteurs de logiciels en 1997 et en 1999, soit en plein cœur de la bulle technologique. Pour des questions notamment de disponibilité de données et d’intérêt de recherche, la présente analyse porte un regard particulier sur les immigrants dits « économiques ». Ceux-ci comprennent la sous-catégorie des travailleurs qualifiés, dont les candidats sont sélectionnés afin de répondre, entre autres, aux besoins exprimés par le marché du travail (voir grille synthèse des facteurs et critères applicables à la sélection des travailleurs qualifiés en annexe).

L’intégration socio-économique

Indissociables de l’enjeu migratoire, l’accueil et l’intégration des personnes immigrantes sont un processus long, complexe, dynamique et multidimensionnel. Les nouveaux arrivants peuvent faire face à plusieurs obstacles, tels que la maîtrise de la langue française, l’installation, les différences culturelles, la compréhension des mœurs, la nécessité de faire reconnaître ses compétences, la recherche d’un emploi, l’inscription aux services essentiels, etc. L’immigration contraint notamment le migrant à un processus d’acculturation, qui consiste en une adaptation socioculturelle et psychologique de la culture de sa société d’accueil

23

. Le succès de l’intégration résulte de l’engagement partagé de la personne migrante et de la société d’accueil.

La participation active des immigrés au marché du travail et, de façon générale, à la vie de leur nouvelle communauté, est une condition sine qua non afin d’assurer la cohésion sociale et l’acceptation de nouveaux migrants par l’opinion publique. L’emploi est considéré par plusieurs chercheurs comme étant l’une des principales clefs du succès de l’insertion des immigrants dans la société d’accueil

24

. L’accès à un premier emploi en lien avec les compétences et les qualifications du migrant ainsi que les revenus de celui-ci sont deux données généralement utilisées pour mesurer l’intégration économique. Or, plusieurs obstacles peuvent

22 Parant, Marc, « Les politiques d’immigration du Canada : stratégies, enjeux et perspectives », Les Études du CERI, n. 80, 2001, 36 p.

23 Kanouté Fasal, « Intégration sociale et scolaire des familles immigrantes au Québec. Une prise en compte globale des familles », Informations sociales, vol. 7, n. 143, 2007, pp. 64-74.

24 Boulet Maude, L’intégration des immigrants au marché du travail à Montréal : défis, acteurs et rôle de la Métropole, Montréal, CIRANO, 2016, 65 p.

(11)

11 freiner celle-ci, tels que des connaissances linguistiques insuffisantes, l’adaptation à une nouvelle culture, la discrimination ainsi que le développement de nouvelles compétences pour un emploi. Les différentes barrières à l’intégration seront développées davantage dans la deuxième partie de ce mémoire.

Au Québec, au Canada ainsi qu’au sein des pays membres de l’OCDE, la détermination de la composition de l’immigration et du nombre de personnes immigrantes tient compte de la lecture des dirigeants de leurs besoins et de leur capacité d’accueil. Au Québec, les mesures d’intégration sont regroupées autour de cinq grands axes

25

:

- Inciter les personnes immigrantes à amorcer leurs démarches d’intégration avant leur départ (autoformation et obtention d’information sur les professions et métiers réglementés);

- Faciliter l’utilisation des services qui leur sont offerts (démarches d’installation et services de santé);

- Favoriser l’apprentissage et la maîtrise du français;

- Faciliter l’adaptation au marché du travail (sessions d’information sur le monde du travail, services d’aide à l’emploi et mesures de formation de la main-d’œuvre);

- Lever les obstacles à l’emploi (formations d’appoint et réseautage).

La déqualification

L’un des effets néfastes d’une intégration non réussie sur le marché du travail est ce que l’on nomme le phénomène de déqualification. La déqualification des migrants demeure une pierre angulaire de l’échec de leur intégration socio-économique. De façon générale, on explique le déclassement professionnel (ou la déqualification) par la difficulté de transférer des acquis obtenus à l’étranger, soient principalement la scolarité et l’expérience du marché du travail

26

. La déqualification peut être considérée comme étant un synonyme de surqualification, qui se définit par le fait de posséder un niveau de compétences supérieur à celui qui est requis par le poste occupé

27

. Au Canada et au Québec, la surqualification touche un tiers des travailleurs

25 Direction des communications, L’immigration au Québec. Le rôle du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion et de ses partenaires, Québec, Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2016. Disponible sur :

http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/dossiers/DOC_RoleQuebecImmigration.pdf, consulté le 20 février 2018.

26 Chiswick Barry et Paul Miller, The international transferability of immigrants’ human capital, Economis of Education Review, 28 (2), 2009, pp. 162-169.

27 Vultur Mircea, La surqualification au Québec et au Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, 318 p.

(12)

12 (immigrants et natif compris), ce qui témoigne de l’incapacité du marché du travail à offrir à un nombre conséquent de personnes des emplois qui correspondent à leurs qualifications

28

.

Selon la théorie du capital humain

29

, la déqualification serait un phénomène temporaire qui émanerait d’une mauvaise transmission de l’information. Ainsi, les travailleurs les plus qualifiés et les plus instruits seraient embauchés dans des emplois de haut niveau. Tout déséquilibre ne serait que temporaire, car résolu une fois que l’employeur et le travailleur détiennent l’information complète et fiable sur les opportunités d’embauche. Par un processus d’ajustements successifs, un équilibre visant à maximiser salaire et profit serait atteint. Le présent travail de recherche montrera que cet idéal ne se traduit pas dans la réalité pour les migrants. En effet, les nombreuses données statistiques sur la déqualification persistante des migrants tendent à contredire les conclusions de cette théorie. Le tout sera abordé plus amplement au sein des chapitres trois et quatre.

Sur le plan de l’équité, la déqualification a pour conséquence d’engendrer, entre natifs et migrants, des écarts salariaux importants, un taux de chômage plus élevé ainsi qu’une précarité d’emploi. Sur le plan individuel, ceci se traduit par une diminution de revenus, une perte de confiance en soi et une démotivation

30

. Le Conference Board of Canada estime que, sur le plan collectif, les pertes attribuables à la non-reconnaissance des diplômes pour l’ensemble des travailleurs au Canada (issus de l’immigration ou non) oscillent entre 13,4 et 17 milliards de dollars annuellement

31

. Toujours selon cette même source, des gains individuels supplémentaires de 16 000 $ à 20 000 $ annuellement en moyenne seraient envisageables si l’on reconnaissait les compétences de ceux-ci.

Chicha ainsi que de nombreux chercheurs déplorent « l’énorme gaspillage de compétences ainsi que les coûts élevés individuels et sociaux de la déqualification d’une main-d’œuvre immigrée très scolarisée »

32

. Ce phénomène est relativement élevé au sein de la population canadienne, mais sévit particulièrement chez les personnes nées à l’extérieur du pays. Selon Chicha, le Québec réserve un chemin long, complexe et coûteux aux migrants économiques alors que la

28 Id.

29 Se référer aux travaux de Gary Becker à ce sujet. Ce dernier place l’humain (et son éducation) au cœur des

questions économiques.

30 Chicha Marie-Thérèse, Le mirage de l’égalité : les immigrées hautement qualifiées à Montréal, Montréal, Centre Métropolis du Québec, 2009, 136 p.

31Grant Michael, Brain Gain 2015: The State of Canada’s Learning Recognition System, The Conference Board of Canada, Toronto, 2016, 94 p.

32 Chicha Marie-Thérèse, Le mirage de l’égalité : les immigrées hautement qualifiées à Montréal, Montréal, Centre Métropolis du Québec, 2009, p.22.

(13)

13

province dépend grandement de ceux-ci afin de relativiser son déficit démographique et

combattre une pénurie de main-d’œuvre. La déqualification des migrants représente un défi

complexe à résoudre sur le plan des politiques publiques. Outre le « gaspillage des cerveaux »,

ceci encourage la naissance d’inégalités socio-économiques entre migrants et natifs.

(14)

14 2.

T

RACER L

HISTORIQUE DES POLITIQUES D

IMMIGRATION DU

Q

UÉBEC

La genèse des spécificités de la province du Québec

Historiquement, il convient de rappeler que le Canada a pratiqué une immigration « de peuplement » afin d’occuper le territoire et mettre en valeur les vastes terres agricoles

33

. Les politiques d’immigration, à la fois canadiennes et québécoises, ont dès lors été élaborées en prévoyant un établissement permanent des immigrants, voire d’un enracinement au sein de leur communauté d’accueil. Suivant la logique d’un système fédéraliste, l’article 95 de la Constitution du Canada (1867) stipule que la compétence en matière d’immigration est partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cependant, la législation adoptée par le Québec se doit d’être conforme et compatible avec celle du Parlement fédéral du fait de la prépondérance de cette dernière. En éliminant en 1967 des réglementations discriminatoires vis-à-vis la sélection d’immigrés en provenance de pays non européens, le Canada connaît une diversification rapide en termes de communautés culturelles. Pionnière en assurant aux nouveaux arrivants le respect et la liberté de préserver leur culture, la première politique multiculturelle de 1971 a schématisé le multiculturalisme canadien.

Depuis la Révolution tranquille

34

, l’intervention du Québec devient systématique dans ce créneau de politiques publiques. Ceci s’inscrit dans une volonté plus ferme d’autonomie à l’égard d’Ottawa alors que les tensions entre le fédéral et le provincial s’exacerbent de plus en plus dans les années 1970 et 1980

35

. Tirant profit de la forte décentralisation du système canadien, le Québec souhaite être une terre d’accueil de choix afin d’assurer, entre autres, son poids politique et démographique au sein d’un pays qui est majoritairement anglophone. Faisant face à une diminution de l’immigration francophone, le Québec se dote d’un ministère de l’Immigration en 1968. Ses actions initiales sont somme toute limitées, dirigeant deux bureaux d’immigration (en France et en Italie) et proposant quelques services d’accueil et d’assistance sociale aux nouveaux arrivants. Au fil du temps, le Québec accroît progressivement ses moyens financiers et humains, ainsi que ses pouvoirs en matière de sélection et d’intégration des immigrants sur son territoire.

33 Turcotte Yvan, « Naturalisation et promotion de l'intégration sociale des immigrants au Québec », La naturalisation: un passeport pour une meilleure intégration des immigrés ?, Éditions OCDE, Paris, 2011, pp.

281-293.

34 Période de grands changements rapides vécue par le Québec dans les années 1960.

35 Dard Olivier et Gérard Fabre, « Pourquoi étudier l’histoire du Québec aujourd’hui ? », Vingtième Siècle.

Revue d'histoire, vol. 129, no. 1, 2016, pp. 5-12.

(15)

15 1991 : accord historique entre le Canada et le Québec

Entente phare, l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission des aubains (1991) vise, entre autres, « à préserver le poids démographique du Québec au sein du Canada et à assurer une intégration des immigrants dans la province respectueuse de son caractère distinct »

36

(art. 2). L’article 3 mentionne que le gouvernement fédéral est le seul responsable de l’admission des immigrants sur le territoire canadien, du volume annuel d’immigration (bien qu’il tienne compte des recommandations du Québec en ce sens) et des normes générales de traitement et de catégorisation des immigrants. Grâce à cet accord de février 1991, le Québec a notamment obtenu, en matière d’immigration permanente, la responsabilité exclusive dans plusieurs domaines : (1) la planification du volume d’immigrants souhaité, en fonction de ses besoins et de sa capacité d’accueil; (2) le recrutement et la sélection des candidats (outre les demandeurs du statut de réfugié et ceux de la catégorie du regroupement familial); (3) l’accueil, la francisation et l’intégration des personnes migrantes. Afin de s’acquitter de ses nouveaux devoirs, une compensation financière de l’ordre de plus de 250 millions de dollars par an lui est versée par Ottawa. Dès lors, on peut statuer que cette province a choisi d’occuper activement ce champ d’intervention dans les politiques publiques.

Les dilemmes de la grille de sélection des travailleurs qualifiés

Sur le plan législatif, les objectifs généraux en matière d’immigration au Canada sont énoncés dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (2001). L’article 3 stipule que les immigrants doivent contribuer à la croissance économique du pays, à l’enrichissement culturel et social, respecter l’ordre public et encourager la venue de nouveaux ressortissants étrangers au sein de la société canadienne

37

. Au niveau quantitatif, le nombre d’immigrants est fixé dans un rapport annuel présenté au Parlement par le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Le Canada distingue trois grandes catégories de migrants : économiques, regroupements familiaux et les réfugiés. Le Québec adopte une distinction similaire, à savoir les catégories économiques, familiales et de détresse. En termes de sélection des migrants, les agents canadiens accordent davantage de priorité à l’éducation (25 points), aux compétences linguistiques (24 points), à l’expérience professionnelle (21 points), à l’âge (10 points), à l’employabilité (10 points) et à la capacité d’adaptation (10 points). La note de passage est fixée à 67 points. Le principe sous-jacent est que les immigrants bien pourvus en capital humain, soit

36 Gouvernement du Québec, Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, Québec, 1991. Disponible sur : http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/divers/Accord-canada- quebec-immigration-francais.pdf, consulté le 12 février 2018.

37 Gouvernement du Canada, Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, Ottawa, 2001. Disponible sur : http://laws.justice.gc.ca/fra/lois/I-2.5/index.html, consulté le 2 mai 2018.

(16)

16 l’ensemble des aptitudes, qualifications et expériences cumulées par un individu, sont plus susceptibles de s’adapter et de s’intégrer facilement dans le marché du travail. Cette prérogative guide le système de sélection depuis plus de vingt ans

38

. Au Québec, le pointage associé à chaque catégorie est semblable, mais diffère pour ce qui est de l’expérience professionnelle (8 points maximum comparativement à 21 points) et de l’âge (16 points maximum comparativement à 10 points). Ceci reflète le désir de la province de privilégier la venue de

« jeunes » (moins de 40 ans) immigrants (et donc nécessairement, détenant moins d’expérience professionnelle). Le seuil de passage pour un requérant est fixé à 50 points. D’autres pays ont également mis en place des dispositifs officiels de sélection à l’entrée de travailleurs qualifiés, tels que les États-Unis et l’Allemagne

39

. À contrario, ce système n’est pas institutionnalisé dans un pays comme la France, où il n’existe qu’à titre dérogatoire.

Il convient de souligner que l’expérience de travail, le diplôme ainsi que les connaissances linguistiques d’une personne, évalués pour des motifs de sélection, ne répondent pas nécessairement aux exigences des autres acteurs qui interviennent en lien avec la reconnaissance des compétences et qui ont parfois des exigences qui leur sont propres. À titre d’exemple, pour le pays d’accueil, le fait d’avoir un diplôme dans un secteur d’activités où les perspectives d’emploi sont bonnes est valorisé, puisque l’immigration doit répondre à des besoins de main-d’œuvre. Or, pour un ordre professionnel, une attention particulière est portée aux aspects liés à la maîtrise de la pratique de la profession (formations suivies, expériences de travail), car c’est la sécurité du public qui prime. Pour une université, ce sont le contenu des cours, les résultats académiques et le nombre d’heures de formation qui sont pris en compte.

Enfin, l’employeur cherche à convertir en compétences techniques la formation suivie à l’étranger. Ainsi, l’ensemble des exigences de ces différents acteurs ne peut pas être pris en compte dans la grille d’évaluation des immigrants qualifiés, ce qui peut par la suite porter préjudice à leur intégration.

La Loi sur l’immigration au Québec (1994) énonce les objectifs devant être poursuivis. Elle souligne, entre autres, que la sélection des ressortissants étrangers doit permettre « de contribuer à l’enrichissement du patrimoine socioculturel du Québec, à la stimulation du

38 Viprey Mouna, « Le Canada : un modèle ouvert fondé sur la sélectivité », Chronique internationale de l’IRES, spécial « Mouvements et politiques migratoires, les enjeux sociaux », no 84, 2003, 10 p.

39 DGTPE, L’immigration économique : analyse comparative dans six pays, Paris, Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, 2008. Disponible sur : https://www.senat.fr/rap/r07-414/r07-414-scan1.pdf, consulté le 20 février 2018.

(17)

17 développement de son économie et à la poursuite de ses objectifs démographiques »

40

. Deux règlements d’application de cette loi décrivent les procédures de sélection pour évaluer les demandes des étrangers ainsi que la pondération allouée à chacun des critères de sélection (formation, expérience, âge, connaissances linguistiques, capacité d’autonomie financière, etc.)

41

. En effet, de par sa forte attractivité et afin de respecter son caractère distinct au sein du Canada, le Québec pratique une politique relativement stricte de sélection des immigrants.

À partir de 1996, la province produit différentes grilles de sélection basée sur un corpus de critères qui évoluent en fonction de la conjoncture économique. Par exemple, on valorise d’abord les professions en demande et celles dont on prévoit une pénurie de main-d’œuvre

42

. En réponse à une étude exhaustive démontrant que, dans les années qui suivent l’adoption de cette grille, la qualité de l’insertion des immigrants sur le marché du travail québécois s’est

« fortement détériorée à travers le temps et que les répercussions de cette détérioration sont tout à la fois manifestées en termes de taux d’emploi plus bas, de taux de chômage plus élevés, de salaires plus faibles malgré une hausse du niveau de qualifications »

43

, le gouvernement décide d’accorder davantage d’importance aux critères de la scolarité et de la connaissance du français.

Ainsi, une étude de 2009 démontre que 65% des travailleurs qualifiés sélectionnés entre 2006 et 2008 n’ont obtenu aucun point en ce qui a trait aux domaines d’emploi privilégiés

44

. Également, pour ceux qui ont obtenu des points du fait qu’ils comptent pratiquer une profession dans un secteur d’activité en demande, il n’y a aucune assurance que leurs diplômes et leur expérience soient reconnus par les ordres professionnels québécois et leurs futurs employeurs, prérequis essentiels pour pratiquer un métier à titre réservé. Ceci témoigne bien du difficile calibrage entre les objectifs du gouvernement et la dure réalité du marché du travail.

Ainsi, depuis le milieu des années 1990, des réformes successives concernant les critères de sélection ont fait en sorte que les nouveaux arrivants au Québec fassent partie de la tranche d’âge la plus active sur le marché de l’emploi, soient plus scolarisés et maîtrisent davantage le français. Ceci laisse présager une insertion et une intégration réussies des migrants économiques. D’autant plus que, pour ce faire, la province offre une grande diversité de

40 Gouvernement du Québec, Loi sur l’immigration au Québec, Québec, 1981. Disponible sur : http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/I-0.2, consulté le 20 février 2018.

41 Gouvernement du Québec, Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers, Québec, 1981. Disponible sur : http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/I-0.2, consulté le 20 février 2018.

42 Jean-Michel Cousineau et Brahim Boudarbat, « La situation économique des immigrants au Québec », Relations industrielles, vol.64, n.2, 2009, pp. 230-249.

43 Ibid, 244.

44 Chicha Marie-Thérèse, Le mirage de l’égalité : les immigrées hautement qualifiées à Montréal, Montréal, Centre Métropolis du Québec, 2009, 136 p.

(18)

18

programmes d’accompagnement à l’attention à la fois des immigrants (accueil et aide de

première ligne, formation linguistique et développement de l’employabilité) et de leurs futurs

employeurs (programmes d’accès à l’égalité, formations en emploi et en stages, interdiction de

la discrimination et initiatives de gestion de la diversité). Qu’en est-il vraiment?

(19)

19 3.

A

NALYSER LES STATISTIQUES LIÉES À L

IMMIGRATION ÉCONOMIQUE

L’immigration au sein de l’OCDE

Environ 5 millions de migrants se sont installés dans les pays de l’OCDE en 2016, ce qui représente un sommet depuis 2007

45

. En 2010, près de 110 millions d’immigrés vivaient dans l’un des trente-cinq pays membres de l’OCDE. Ceci représentait 9% de la population totale de ces pays. Les États-Unis (33%) et l’Allemagne (10%) accueillent, à eux seuls, près de 43% du total des immigrés vivant au sein de l’OCDE. Néanmoins, lorsque l’on compare le pourcentage de la population née à l’étranger vis-à-vis la population natale, on note que le Canada se classe 6

e

au sein de l’OCDE avec 20%, devant l’Allemagne (12

e

), les États-Unis (14

e

) et la France (15

e

). Comment explique-t-on que le Canada détienne un taux d’immigration par habitant parmi les plus élevés au monde? Plusieurs raisons peuvent être évoquées : les Nations Unies désignent le Canada comme l’un des meilleurs endroits où vivre (sur la base de la qualité de vie qui prend en compte les dimensions de la sécurité, de l’éducation, de l’emploi et des libertés), les immigrants peuvent conserver la double citoyenneté et les citoyens et les résidents permanents peuvent parrainer des membres de leur famille souhaitant immigrer au Canada.

L’immigration au Canada

Au Canada, les flux migratoires sont très anciens, ce qui explique en partie pourquoi près de 20% de la population migrante a plus de 65 ans

46

. Le Moyen-Orient et l’Asie sont les principales régions de naissance des immigrés au Canada. À l’inverse de l’Europe du Sud et de la Turquie, le Canada est l’un des pays de l’OCDE où la part des diplômés de cycle supérieur parmi les immigrés est la plus élevée (52%, alors que la moyenne se situe à environ 30%). Les immigrés hautement scolarisés sont surreprésentés par rapport aux natifs canadiens, à hauteur d’environ 12 points de pourcentage. Ceci peut laisser croire que leur intégration socio-économique au Canada soit facilitée. Cet enjeu sera largement exposé et analysé dans la seconde partie de cette étude.

De 2011 à 2016, 1 212 075 nouveaux migrants se sont établis au Canada. Ces migrants récents représentent 3,5% de la population totale du Canada en 2016 (36,29 millions d’habitants)

47

. Pour l’année financière 2015-2016, le pays a accepté un peu plus de 320 000 immigrants, un nombre record par rapport à une moyenne annuelle avoisinant les 250 000. À titre comparatif,

45 OCDE, « Canada », dans Perspectives des migrations internationales 2017, Éditions OCDE, Paris, 2017.

46 Parant Marc, « Les politiques d’immigration du Canada : stratégies, enjeux et perspectives », Les Études du CERI, n. 80, 2001, 36 p.

47 Le Quotidien, « Immigration et diversité ethnoculturelle : faits saillants du Recensement de 2016 », octobre 2017, 8 p.

(20)

20 l’Australie, avec une population de 24,13 millions d’habitants en 2016, a accueilli 182 165 migrants sur la même période. La France, avec une population frôlant les 67 millions d’habitants, a quant à elle délivré 227 500 titres de séjour en 2016. En vertu du plan pluriannuel des niveaux d’immigration, le gouvernement de Justin Trudeau a dévoilé en novembre 2017 son intention de hausser les seuils annuels d’immigration au Canada, qui passeront de 310 000 en 2018 à 340 000 nouveaux migrants en 2020. Bénéficiant d’une grande réputation, peu d’activités de promotion et de recrutement sont organisées à l’étranger.

En 2016, on a recensé plus de 7,54 millions de personnes nées à l’étranger et installées au Canada via le processus d’immigration

48

. Ceci représente plus de 20% de l’ensemble de la population canadienne. La majorité de ces nouveaux migrants ont été admis sous le volet économique. L’Asie, y compris le Moyen-Orient, demeure le principal continent d’origine des nouveaux immigrants (61,8% sont nés en Asie en 2016)

49

. En effet, près d’une personne sur deux née à l’étranger (48,1%) provient d’Asie (notamment des Philippines, de l’Inde et de la Chine). L’Afrique a, pour une première fois en 2016, devancé l’Europe en importance en termes d’immigration récente et occupe ainsi le second rang. Sans surprise, les centres économiques que sont Vancouver, Toronto et Montréal demeurent les lieux de résidence de plus de la moitié de l’immigration récente. Deux enfants canadiens sur cinq sont issus de l’immigration, ce qui démontre bien la contribution des migrants à la diversité et au renouvellement démographique du pays.

L’immigration au Québec

À l’instar du Canada, le Québec projette à l’international l’image d’une société prospère, accueillante et inclusive. Selon l’Institut de la statistique du Québec, 53 084 migrants ont été admis au Québec en 2016. Ceci représente une hausse de 8 403 personnes par rapport à 2006, avec une croissance annuelle moyenne de 1,7% sur cette période. La part du Québec dans l’immigration canadienne a connu une récente baisse, passant de 22,2% pour la période 2006- 2010 à 19,9% pour 2011-2015

50

. Tout comme au niveau canadien, plus de 60% des personnes

48 Statistique Canada, « Faits saillants en tableaux, Recensement de 2016 », Faits saillants en tableaux, 2018.

Disponible sur : http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/dp-pd/hlt-fst/index-fra.cfm, consulté le 20 février 2018.

49 Le Quotidien, « Immigration et diversité ethnoculturelle : faits saillants du Recensement de 2016 », octobre 2017, 8 p.

50Direction des communications, L’immigration au Québec. Le rôle du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion et de ses partenaires, Québec, Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2016. Disponible sur :

http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/dossiers/DOC_RoleQuebecImmigration.pdf, consulté le 20 février 2018.

(21)

21 immigrantes admises ces vingt dernières années l’ont été sous la catégorie économique. Il s’agit d’une augmentation significative dans le temps, alors qu’elle représentait en moyenne 46,1%

de 1996 à 2000, puis 67,4% de 2011 à 2015

51

. Conséquence directe de la crise syrienne, le Québec a augmenté considérablement l’accueil de réfugiés sur son territoire de 2014 à 2016 (augmentation de 78% sur la période pour atteindre 9 274 personnes).

Parmi les dix principaux pays de naissance des immigrants accueillis, il n’y a que la France et la Roumanie qui sont des pays « occidentaux »

52

. Les nouveaux arrivants s’installent en majorité à Montréal et dans les grandes villes pour des raisons relatives à l’accès à l’emploi, à la présence de famille et d’amis et à l’existence de services spécifiques qui leur sont dédiés

53

. En moyenne, 87% des migrants choisissent la région métropolitaine de Montréal, centre économique du Québec. Ceci explique pourquoi la présente étude se focalise tout particulièrement sur l’intégration des immigrants en zone montréalaise. Au sein des migrants économiques et, plus particulièrement, de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés, 46,6%

sont des migrantes. Près des trois quarts des migrants économiques ont moins de 35 ans à leur arrivée et plus de la moitié déclare connaître la langue française au moment de leur admission.

Selon les caractéristiques socio-géographiques des personnes immigrantes admises de 2011 à 2015, le niveau de scolarité des personnes admises âgées de 15 ans ou plus est élevé : près de 68% totalisent 14 années et plus d’études

54

. On note également que les catégories professionnelles les plus populaires sont les sciences naturelles et appliquées (15%) ainsi que les affaires, la finance et l’administration (10%).

Concernant la sélection des migrants, le Québec a émis cinq principes de base : 1. Mettre de l’avant une analyse universelle et non discriminatoire;

2. Évaluer leurs chances de réussite sur le territoire;

3. Favoriser la réunification familiale;

4. Favoriser l’établissement permanent des immigrants au Québec;

51 Id.

52 Chuin Tina, Kim Tran et Hélène Maheux, « Immigration au Canada, un portrait de la population née à

l’étranger – Recensement de 2006 », Division de la statistique sociale et autochtone, Statistique Canada, Ottawa, 2007, 42 p.

53 Kanouté Fasal, « Intégration sociale et scolaire des familles immigrantes au Québec. Une prise en compte globale des familles », Informations sociales, vol. 7, n. 143, 2007, pp. 64-74.

54 Le Comité interministériel sur la reconnaissance des compétences des personnes immigrantes formées à l’étranger, Comité interministériel sur la reconnaissance des compétences des personnes immigrantes – Rapport, Québec, 2017. Disponible sur : http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/dossiers/RAP_ReconnComp.pdf, consulté le 2 mai 2018.

(22)

22 5. Refléter la tradition humanitaire du Québec qui vise à accueillir les personnes en

situation de détresse.

Rendue publique en mars 2016, la politique québécoise en matière d’immigration, de participation et d’inclusion Ensemble, nous sommes le Québec (2016-2021) met de l’avant une vision rassembleuse sous l’égide d’une société inclusive et francophone qui vise une plus grande prospérité en s’appuyant sur l’immigration et la pleine participation des migrants dans leur société d’accueil. Cette politique veut affirmer l’identité distincte et plurielle du Québec, de même que valoriser davantage la richesse et le vaste potentiel que représente la diversité dans la province. Il s’agit d’une politique transversale qui engage 26 ministères et organismes et qui vise principalement à mieux sélectionner, mieux intégrer et mieux vivre ensemble

55

.

L’apport des migrants à la construction du Québec

L’accueil de travailleurs étrangers instruits favorise le dynamisme de l’économie et contribue à contrer la pénurie de la main-d’œuvre. Également, en accordant une priorité aux demandeurs qui maîtrisent la langue française, la pérennité et la vitalité de cette langue se retrouvent encouragées. Le Québec est la seule société majoritairement francophone en Amérique du Nord, un îlot au sein d’un Canada majoritairement anglophone et face au voisin américain. La Charte de la langue française (1977) confirme le français comme langue officielle du Québec

56

. Le fait français a toujours été un défi complexe et prioritaire pour la province. Outre un instrument de communication, la langue devient une clef à la participation pleine et active à la vie québécoise et un symbole d’appartenance commun. La connaissance et la maîtrise de cette langue deviennent dès lors une condition essentielle à l’intégration. Outre les apports économiques et linguistiques, il convient de souligner l’apport démographique des migrants.

Face au vieillissement de la population ainsi qu’à un faible taux de fécondité, ceux-ci viennent augmenter le bassin de la population active. Or, comment se déroule l’intégration de ces nouveaux arrivants au Québec?

55 Un résumé de la politique québécoise en matière d’immigration, de participation et d’inclusion ainsi que la stratégie d’action 2016-2021 est disponible au :

http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/dossiers/TXT_FaitsSaillants_AnnexeCommunique_Politique.pdf (consulté le 2 mai 2018).

56 Gouvernement du Québec, Charte sur la langue française, Québec, 1977. Disponible sur : http://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/C-11, consulté le 2 mai 2018.

(23)

23 D

EUXIÈME PARTIE

4.

R

ETRACER LES LIMITES DE LA POLITIQUE D

IMMIGRATION DU

Q

UÉBEC

Le paradoxe des migrants économiques

Les immigrants admis au Canada et au Québec disposent d’un niveau de formation scolaire en moyenne plus élevé que celui des natifs. Un recensement canadien de 2006 révélait que 25%

des immigrants de 15 ans et plus possédaient au minimum un diplôme de baccalauréat, contre environ 15% chez les natifs

57

. Il s’agit d’une tendance qui s’est accentuée en 2009, alors que près de 44% des résidents permanents de 15 ans et plus possédaient un diplôme de baccalauréat ou plus

58

. Chicha et Charest ont comparé les immigrants arrivés entre 1996 et 2001 par rapport au reste de la population et constate que « seulement 16,9% des hommes nés au Canada ont fréquenté l’université tandis que cette proportion est de 38,3% chez les hommes immigrés, soit plus du double »

59

. La majorité des immigrants admis est jeune, scolarisée et maîtrise au moins l’une des deux langues officielles du Canada. Selon l’institut de la statistique du Québec, en 2017, le taux de chômage des immigrants était de 8,7% et augmentait à 15,8% chez ceux arrivés depuis moins de six ans. Concernant la rémunération horaire moyenne chez les immigrants, elle était de 23,81 $ de l’heure contre 25,17 $ chez les citoyens nés au Canada. Force est de constater que le niveau d’éducation supérieure des immigrants vis-à-vis celui des natifs ne leur garantit pas une intégration semblable (et donc équitable) au marché du travail québécois. Plusieurs études mettent en évidence le parcours difficile de ceux-ci dans l’intégration du marché du travail, étant particulièrement victimes de chômage et de déqualification. Comment ceci s’articule-t-il ?

La performance économique inférieure des immigrants par rapport à celle des natifs Au sein des pays de l’OCDE, la moyenne du taux de pauvreté des personnes vivant dans un ménage composé d’immigrants s’élève à 17,3%, contre 8,7% pour les personnes vivant dans un ménage composé de natifs. Au Québec, le taux de chômage chez les immigrants était de 9,8% en décembre 2016, en baisse de près d’un point par rapport à l’année précédente. Depuis 2012, ce taux avoisine les 11%. Certaines communautés, notamment les minorités visibles, sont plus touchées par ce phénomène. Par exemple, le taux de chômage atteint 11,5% pour les

57 Statistique Canada, « Profil du recensement, 2006 », Fichiers de téléchargement complets, 2018. Disponible sur : http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/dp-pd/prof/details/download-

telecharger/comprehensive/comp-csv-tab-dwnld-tlchrgr.cfm?Lang=F, consulté le 2 mai 2018.

58 Boulet Maude, L’intégration des immigrants au marché du travail à Montréal : défis, acteurs et rôle de la Métropole, Montréal, CIRANO, 2016, 65 p.

59 Chicha Marie-Thérèse et Eric Charest, « L’intégration des immigrés sur le marché du travail à Montréal », Politiques et enjeux, 14(2), 2008, 64 p.

(24)

24 immigrants originaires du Maghreb (en baisse de 5,8% par rapport à l’année précédente)

60

. Or, le taux de chômage global était alors de 7,8% au Québec et de 7,1% au Canada. Il existe ainsi un écart considérable du chômage entre la population native et celle issue de l’immigration récente (cinq ans et moins), de l’ordre de trois à dix points selon les années. La ministre canadienne de l’Immigration, madame Kathleen Weil, reconnaît qu’il reste du travail à faire afin de corriger cette inégalité, d’autant plus que cet écart est de moins de 2% en Ontario et en Colombie-Britannique

61

. Or, qu’est-ce qui explique cette différence négative de traitement à l’égard des immigrants ainsi que la particularité du cas québécois?

En 2001, il existait déjà un écart important entre le taux de chômage des immigrés (11,4% pour les hommes et 12,7% pour les femmes) et celui des personnes nées au Canada (6,6% pour les hommes et 5,9% pour les femmes)

62

. Alors que le taux de chômage des immigrants du Québec représentait 2,6 fois celui des immigrants de la Colombie-Britannique en 2006, ce ratio a descendu à 1,4 en 2010

63

. Selon Boudarbat, cette amélioration relative s’explique par la

« grande détérioration de la situation des immigrants sur les marchés du travail de l’Ontario et de la Colombie-Britannique »

64

, et non à cause d’une plus grande efficacité des politiques québécoises pendant cette période. Il ajoute que « la moins bonne performance du marché du travail québécois en comparaison avec les autres provinces canadiennes tient presque uniquement à une piètre intégration de certains groupes d’immigrants »

65

. Il est vrai, comme nous le noterons ci-dessous, que certains groupes sont particulièrement victimes de chômage et de déqualification, notamment les minorités visibles et les femmes.

Boudarbat révèle que le taux de chômage au Québec est systématiquement plus élevé auprès des immigrants ayant obtenu un diplôme d’études postsecondaires à l’étranger (13%) comparativement à ceux qui l’ont obtenu au Canada (7,8%), ce qui va à l’encontre des principes

60 Porter Isabelle, « Le chômage est en baisse chez les immigrants », Le Devoir, 2017. Disponible sur https://www.ledevoir.com/societe/491112/le-chomage-est-en-baisse-chez-les-immigrants, consulté le 2 mai 2018.

61 Dubé Catherine, « Réforme de l’immigration : entrevue avec la ministre Kathleen Weil », L’actualité, février 2015. Disponible sur http://lactualite.com/politique/2015/02/05/reforme-de-limmigration-entrevue-avec-la- ministre-kathleen-weil/, consulté le 2 juin 2018.

62 Statistique Canada, « Profil du recensement, 2011 », Fichiers de téléchargement complets, 2018. Disponible sur : http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/dp-pd/prof/details/download-

telecharger/comprehensive/comp-csv-tab-dwnld-tlchrgr.cfm?Lang=F, consulté le 2 mai 2018.

63 Boudarbat Brahim, « Les défis de l’intégration des immigrants dans le marché du travail au Québec : enseignements tirés d’une comparaison avec l’Ontario et la Colombie-Britannique », CIRANO, Montréal, 2011, 62 p.

64 Ibid, 9.

65 Idid, 10.

(25)

25 d’équité et d’égalité

66

. Une étude d’Uppal et LaRochelle-Côté montre que le niveau de déqualification est plus élevé auprès des immigrés diplômés du cycle supérieur ayant obtenu leur diplôme hors Canada ou États-Unis, soit 43% des femmes et 35% des hommes, contre 15 à 20% des natifs diplômés d’une université canadienne ou américaine

67

. Les recherches de Lacroix, Gagnon et Lortie concluent que les immigrées de pays non occidentaux sont doublement désavantagées dans l’accès à l’emploi

68

.

L’immigration : un coût net pour les finances publiques ?

Certaines recherches, dont celle de Dubreuil et Marois, avancent que l’immigration représente, au final, un coût net et non un avantage économique pour la société d’accueil

69

. Ceci s’expliquerait par la valeur supérieure des services publics reçus par les immigrants par rapport au montant que ces derniers versent aux gouvernements sous forme d’impôts et de taxes. À titre d’exemple, le taux de chômage est de deux fois (Toronto) à trois fois (Montréal) plus élevé que celui des natifs. Les programmes gouvernementaux en soutien au chômage, tels que les prestations d’aide sociale, représenteraient ainsi des dépenses plus importantes auprès des immigrants que des natifs. D’autres auteurs, en analysant l’impact de l’immigration sur des indicateurs tels que le produit intérieur brut, la productivité et l’innovation technologique, arrivent plutôt à la conclusion que la contribution de l’immigration à la dynamique économique est faible, mais positive

70

. Tout en reconnaissant son apport, Boudarbat propose une vision nuancée de l’impact économique de l’immigration au Québec. Il a ainsi proposé neuf recommandations au ministère de l’Immigration en 2014, notamment de garder le nombre d’immigrants constant (dans les environs de 50 000 annuellement), de favoriser une plus grande ouverture des employeurs face à l’immigration, de favoriser l’emploi des femmes immigrantes ainsi que de favoriser la venue d’immigrants qui ont une expérience au Québec ou au Canada

71

. Il n’en demeure pas moins que le Québec continuera de recevoir un nombre élevé d’immigrants qualifiés au cours des prochaines années et que leur insertion dans le marché du travail demeure un enjeu socio-économique important.

66 Id.

67 « Chapitre 2. Combler les pénuries de compétences », Études économiques de l’OCDE, vol. 11, no. 11, 2014, pp. 113-155.

68 Lacroix, Julie, Alain Gagnon, et Vincent Lortie. « À l’intersection du genre et de l’origine nationale : quels sont les parcours professionnels des immigrants sélectionnés au Québec ? », Population, vol. 72, no. 3, 2017, pp.

435-462.

69 Dubreuil Benoit et Guillaume Marois, Le remède imaginaire : pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec, Montréal, Éditions du Boréal, 2011, 315 p.

70 Boulet Maude, L’intégration des immigrants au marché du travail à Montréal : défis, acteurs et rôle de la Métropole, Montréal, CIRANO, 2016, 65 p.

71 Boudarbat Brahim, « Les défis de l’intégration des immigrants dans le marché du travail au Québec :

enseignements tirés d’une comparaison avec l’Ontario et la Colombie-Britannique », CIRANO, Montréal, 2011,

(26)

26 Un phénomène mondial

Le Québec ne parvient pas à tirer pleinement profit de tout le potentiel des immigrants qu’il accueille. Comme le démontre une étude de 2013 de l’OCDE, l’inadéquation des compétences sur le marché du travail est un phénomène mondial. Selon cette organisation, le degré d’inadéquation serait faible au Canada, soit en dessous de la moyenne des États membres.

L’Autriche, l’Espagne et la République tchèque se trouveraient dans une situation beaucoup plus alarmante que le Canada, la Finlande ou la Suède. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une problématique que l’on se doit de corriger.

En 2013, Altorjai désirait savoir si les migrants masculins vivant au Royaume-Uni étaient plus susceptibles d’être surqualifiés pour leur travail qu’un employé natif. Son étude démontre que ce phénomène d’inégalité existe, mais qu’il varie en importance en fonction du pays d’origine du migrant

72

. Ainsi, les migrants d’Europe centrale et de l’Est, de l’Afrique, des Caraïbes, de l’Amérique latine et, dans une certaine mesure, du Moyen-Orient et d’Inde, sont davantage victimes de déqualification que leurs homologues anglais. De plus, une étude de Lindley constate que, de 1993 à 2003, 27,3% des hommes migrants sont surqualifiés, comparativement à 22,5% des Britanniques natifs

73

. À l’instar du Canada et du Québec, le Royaume-Uni a mis en place une politique d’immigration sur la base de critères établis. Malgré cela, les immigrants sont plus susceptibles d’être victimes de déqualification que leurs confrères nés au Royaume- Uni, et ce, même s’ils partagent des caractéristiques personnelles, professionnelles et ménagères similaires

74

.

Ce phénomène de déqualification est également visible au sein d’une autre destination populaire auprès des immigrants : l’Australie. Une étude effectuée en 2012 démontre que de 36% à 50% des nouveaux migrants mentionnent ne pas utiliser leurs compétences ou qualifications dans leur travail, et ce, plus de trois ans après leur arrivée en sol australien

75

. L’étude mentionne également que les migrants qualifiés sont plus susceptibles d’être victimes de déqualification que les travailleurs nés en Australie. Bref, la surqualification est un

72 Altorjai Szilvia, « Over-qualification of immigrants in the UK », ISER Working Paper Series, 11, 2013, pp.

80-88.

73 Lindley John, « The Over-Education of UK Immigrants and Minority Ethnic Groups: Evidence from the Labour Force Survey », Economics of Education Review, 28(1), 2009, pp. 80-89.

74 Altorjai Szilvia, « Over-qualification of immigrants in the UK », ISER Working Paper Series, 11, 2013, pp.

80-88.

75 Henderson Michelle, « Overqualified migrants suffer depression », The Australian, 2012. Disponible sur https://www.theaustralian.com.au/news/latest-news/overqualified-migrants-suffer-depression/news- story/08fd58788cae2ecec9604dbc1d80ae69, consulté le 2 mai 2018.

Références

Documents relatifs

Indiquez, par ordre de priorité et selon votre propre expérience, les 5 principaux critères (ou conditions) de succès d'une démarche qualité en recherche.. N°

Selon l’auteur, les travaux de Taylor et Kymlicka ont par exemple contribué à faire du multiculturalisme une fierté nationale, voire « une sagesse conventionnelle » 14 qui peut

Nous assistons à l’offensive des Français et à cette bataille où 8 000 puis 15 000 puis 20 000 Français assaillirent la position des Russes : nous nous représentons les

1) Où sont situés les gaz nobles dans la classification périodique des éléments ?. 2) Citer les trois premiers éléments de

Une autre partie de ces musées, dont on ne parle pas beaucoup, mais qui disposent de collections impressionnantes (nous y avons travaillé avec l’École du patrimoine africain

Il importe de noter ici que, dans l’esprit de la Loi sur l’équilibre budgétaire, ce « retour à l’équilibre budgétaire » signifie que le vrai solde budgétaire doit afficher

J’ai trouvé quelqu’un qui n’aime pas… bondir…, rugir…, battre de la queue…, se balancer…,. se

— L'aide multicritère à la décision est essentiellement caractérisée par : (1) un mode de pensée prenant appui explicitement sur plusieurs points de vue ou critères; (2) un outil