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Les interactions entre eau douce et eau marine : étude des risques potentiels et modalités de gestion

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Academic year: 2021

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Territoire en mouvement

1  (2007)

Les risques côtiers

...

Jérôme Longuepée et Olivier Petit

Les interactions entre eau douce

et eau marine : étude des risques

potentiels et modalités de gestion

...

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Référence électronique

Jérôme Longuepée et Olivier Petit, « Les interactions entre eau douce et eau marine : étude des risques potentiels et modalités de gestion  », Territoire en mouvement [En ligne], 1 | 2007, mis en ligne le 15 février 2012, consulté le 12 octobre 2012. URL : http://tem.revues.org/503

Éditeur :

http://tem.revues.org http://www.revues.org

Document accessible en ligne sur : http://tem.revues.org/503 Ce document est le fac-similé de l'édition papier.

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Les interactions entre eau douce

et eau marine : étude des risques

potentiels et modalités de gestion

1

Résumé

Cet article examine la manière dont les risques résultant de l’interaction entre l’eau douce et l’eau marine sur un territoire hybride, situé entre terre et mer – le littoral – amènent à interroger les modalités de gestion des res-sources naturelles et de l’environnement. Après avoir rappelé le caractère bidirectionnel des risques sur le lit-toral lorsqu’ils sont véhiculés par l’eau, nous analysons deux approches de gestion intégrée : la gestion intégrée des ressources en eau et la gestion intégrée des zones cô-tières. Tout en reconnaissant de nombreux points com-muns à ces deux approches, nous soulignons la nécessité de dépasser cette distinction qui tend à cloisonner des politiques qui mériteraient, au contraire, d’être envisa-gées de concert. Enfin, en nous appuyant sur l’exemple du territoire des Wateringues, situé dans la région Nord-Pas-de-Calais, nous illustrons les défis auxquels sont confrontées ces zones domestiquées par l’homme depuis plusieurs siècles, mais soumises à de multiples pressions et lieux de conflits d’usage que les risques peuvent parfois exacerber.

Mots-clés : Risques, littoral, eau douce, eau marine,

ges-tion intégrée des ressources en eau, gesges-tion intégrée des zones côtières, conflits d’usage, Wateringues, France

Abstract

This article deals with the way hazards, resulting from the interactions between fresh and marine waters in coastal zones, lead to question the variety of management prac-tices of natural resources and the environment. In a first step, we underline the bidirectional character of hazards driven by fresh and marine waters in coastal areas. We discuss, in a second step, two way of dealing with integra-ted management of natural resources in those areas : na-mely Integrated Coastal Zone Management (ICZM) and the Integrated Water Resources Management (IWRM). While it is easy to recognize a convergence in the phi-losophy of such processes, we stress the necessity to go beyond distinctions, in order to build a more compre-hensive approach. Finally, with the example of the Wa-teringues territory, located in the North of France, we illustrate the stakes of an integrated approach, in an area characterized by multiple pressures, where use conflicts are sometimes strengthened by the presence of hazards.

Keywords: Hazards, coastal zone, freshwater, marine

wa-ter, Integrated Water Resources Management, Integrated Coastal Zones Management, use conflicts, Wateringues, France

Jérôme LONGUEPEE

Maître de Conférences en Sciences Économiques

Centre EREIA (EA 4026, Université d’Artois & IFRESI-CNRS) 9, rue du Temple – BP 665

62030 ARRAS CEDEX, France jlonguepee@free.fr

Olivier PETIT

Maître de Conférences en Sciences Économiques

Centre EREIA (EA 4026, Université d’Artois & IFRESI-CNRS) Membre de « rés-eau-ville » (GDR 2524 du CNRS)

9, rue du Temple – BP 665 62030 ARRAS CEDEX, France olivier.petit@univ-artois.fr

1 Nous tenons à remercier les deux lecteurs anonymes de la revue ainsi que Stéphane VANHEE de l’institution inter-départementale des Wateringues pour leurs remarques très constructives qui ont aidé à enrichir le présent texte. Nous restons seuls responsables néanmoins des erreurs qui pourraient subsister.

IntroductIon

La zone littorale, située à l’interface terre-es-tran est sujette aujourd’hui à des enjeux gran-dissants (urbanisation, tourisme, environne-ment...) qui engendrent mécaniquement une inflation des conflits d’usage. Cependant, cette dernière relève également des interactions

qu’elle entretient avec l’intérieur des terres. Ces interactions prennent une figure spécifique au travers de certains vecteurs, comme l’eau notamment. Dans ce cadre, les conflits d’usage sont l’expression de risques spécifiques tels que le risque d’inondation, de pollution ou de pé-nurie pour l’alimentation en eau potable.

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La prise en charge de ces risques est toutefois délicate à assurer. Le territoire côtier, où se con-centre géographiquement la majorité des risques recensés, ne se construit pas autour des interac-tions entre eau douce et eau marine. Comme le soulignent V. Morel et al. (2004 : 142), « Sur ce territoire, l'eau est rarement au cœur des pro-blématiques ; elle est intégrée dans des approches sectorielles. Ainsi, l'eau est soit porteuse de res-sources (pêche, aquaculture...), d’aménités (bai-gnade, vue sur la mer, promenade...), soit vecteur de risques (érosion, submersion, pollution...). Elle apparaît donc comme un agent ambivalent, aux ca-ractères positifs ou négatifs selon les circonstances et les approches ».

Mais, depuis une dizaine d’années on assiste, sur la scène internationale, à des recommanda-tions visant à mettre en œuvre des approches intégrées dans la gestion des ressources natu-relles et de l’environnement. Ces approches se déclinent, pour l’objet qui nous concerne, en une Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC) et une Gestion Intégrée des Ressour-ces en Eau (GIRE). Pourtant, bien que Ressour-ces deux approches relèvent de la même philosophie et tentent d’englober l’ensemble des défis qui sont posés par les acteurs, les ressources et les activités concernées sur les territoires où elles opèrent, elles se sont développées de manière relativement autonome. De telles approches sont-elles adaptées pour prendre en charge les risques liés aux interactions entre eau douce et eau marine sur le littoral ? Sont-elles mutuel-lement exclusives ou bien est-il envisageable de les combiner ? Sur quels principes reposent-elles ? Comment peut-on rendre opérationnels ces principes ? Les expériences anciennes de gestion des risques liés à l’eau s’inscrivent-elles dans cette logique ?

Afin d’envisager toutes ces questions, nous reviendrons d’abord sur l’ensemble des ris-ques liés à l’eau sur le littoral, en mobilisant les données scientifiques récentes sur le sujet. Nous soulignerons alors les interdépendances spatiales entre les risques recensés et les phé-nomènes qui engendrent ces risques. Puis, nous engagerons une discussion sur les origines et sur les rapprochements nécessaires qu’il convient d’opérer entre la GIZC et la GIRE. Enfin, nous étudierons les problèmes de gestion des eaux à la fois marines et continentales sur le territoire

des Wateringues du Nord-Pas-de-Calais ainsi que les modalités de la gestion de ces interac-tions, en soulignant l’importance d’une prise en compte des solidarités territoriales qui se tissent dans ce type de situation, afin de comprendre comment les principes de la gestion intégrée sont mis en œuvre.

1. Les InteractIons eau douce – eau saLée en zone LIttoraLe sont-eLLes vecteurs de rIsques ?

Les écosystèmes littoraux, réputés être parmi les plus vulnérables, sont sujets à des pressions anthropiques multiples, du fait notamment de l’urbanisation croissante, du développement du tourisme côtier ou de phénomènes tels que les marées noires. L’eau sert alors souvent de vecteur aux risques subis par les écosystèmes comme par les communautés humaines. Mais l’espace litto-ral est aussi le lieu de rencontre de l’eau douce et de l’eau marine et les interactions entre ces deux éléments peuvent parfois être elles aussi à l’origine de risques, comme les inondations qui surviennent en cas de crue d’une rivière couplée à une surcote marine. Évidemment, l’importan-ce de l’aléa dépend aussi des enjeux conl’importan-cernés. Ces situations peuvent recouvrir un caractère dramatique pour les activités humaines, dans la mesure où de nombreuses villes à travers le mon-de se situent sur le littoral. Le second rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau (UNESCO, 2006 : 10) insiste sur ce point lorsqu’il souligne : « Non seulement beaucoup de grandes villes et de mégapo-les du monde se situent sur le littoral mais mégapo-les den-sités rurales près des côtes augmentent également. Nombre de ces localités se situent à peu près au niveau de la mer ou en dessous. Par conséquent, le risque d'inondation augmente au même titre que le niveau de la mer ou l'intensité et la fréquence des tempêtes. Le caractère vulnérable des populations habitant ces régions représente un défi supplémen-taire pour les autorités civiles responsables ». Mais, au-delà des enjeux mentionnés dans le rapport, la dégradation des écosystèmes littoraux peut être engendrée par plusieurs phénomènes dis-tincts (pollution de l’eau douce par les nitrates, dysfonctionnement ou sous-dimensionnement des systèmes d’assainissement...) et avoir des impacts économiques, sociaux et environne-mentaux à plus ou moins long terme.

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1.1. Les risques générés par la pollution de l’eau douce sur la qualité de l’eau de mer

Pour bien prendre la mesure de ces phénomè-nes, il est utile de se référer aux indicateurs établis dans le cadre des documents de suivi de l’état de l’eau douce, qui font référence aussi aux impacts de la pollution de l’eau douce sur le littoral. Dans le contexte français, la gestion de l’eau douce est répartie depuis la loi de 1964 par grands bassins hydrographiques et chaque Agence de l’Eau2 a mis en place, suite à la loi

sur l’eau de 1992, un Schéma Directeur d’Amé-nagement et de Gestion des Eaux (SDAGE). Ce document fixe les orientations pour une gestion équilibrée de l’eau dans chaque grand bassin. Parmi les enjeux jugés prioritaires pour les bassins ouverts sur le littoral, on retrouve la préservation et la restauration des écosystèmes littoraux. Trois grands types d'indicateurs d'état du milieu sont actuellement suivis dans le ca-dre des tableaux de bord des SDAGE, même si chaque SDAGE, en fonction des spécificités du bassin concerné, ne suit pas l'ensemble de ces indicateurs. Ces indicateurs révèlent les risques auxquels sont soumis les écosystèmes littoraux, du fait des interactions susceptibles de se pro-duire suite à la pollution de l’eau douce.

Le premier indicateur fait le point sur l’eutro-phisation des eaux littorales (phénomène con-nu aussi sous le nom de marées vertes). Le ta-bleau de bord 2003 du SDAGE Loire-Bretagne (DIREN Centre, DIREN de bassin Loire-Bre-tagne, 2003 : 65) précise ainsi : « La cause de ces proliférations est liée à l’augmentation des flux de nitrates printaniers parvenant à la côte. Ils sont le fait dans la majorité des cas, de l’intensification de l’agriculture. Ce phénomène se développe préféren-tiellement en fond de baie, dans les sites comportant une plage sableuse en pente douce, une masse d’eau peu renouvelée et recevant des apports excessifs de nitrates ». On peut souligner l’interdépendance des activités économiques présentes ou non sur le littoral, dans la mesure où la pollution dif-fuse par les nitrates (essentiellement d’origine agricole) génératrice de marées vertes, peut avoir une incidence sur le tourisme balnéaire, mais aussi sur la pêche côtière. Mais au-delà des considérations spatiales, la dimension

tem-porelle est elle aussi en jeu dans la mesure où la pollution par les nitrates a des incidences contrastées suivant le couvert végétal (possi-bilité de cultures dites « pièges à nitrates »), la topographie, etc. ; si bien que le délai de transfert des nitrates vers l’eau douce (le lessi-vage des nitrates), puis ultimement vers le lit-toral, est très variable. Dans ce contexte, même avec un changement des pratiques agricoles et d’élevage, la présence d’algues vertes sur les cô-tes pourrait continuer à progresser pendant plu-sieurs années. De fait, ce phénomène de marées vertes est en progression sur le littoral breton, puisque le tableau de bord indique que le nom-bre de sites où une marée verte de plus ou moins grande envergure a été observée, a augmenté de plus de 10 % sur cinq ans.

Le second indicateur s’attache à la qualité des eaux de baignade, mais son suivi révèle aussi de manière plus générale la pollution de l’eau marine engendrée ou aggravée par les activités humaines. En effet, si l’eau peut être considérée comme trop polluée pour permettre la baignade, on peut imaginer l’importance du suivi de cet indicateur pour la protection des écosystèmes littoraux, mais aussi pour le maintien d’autres activités économiques sur le littoral (conchy-liculture notamment). Le suivi de la qualité sanitaire des eaux de baignade repose sur deux grands types de paramètres : des paramètres microbiologiques et des paramètres physico-chimiques. Comme le rappelle le Ministère de la Santé et des Solidarités, « les paramètres mi-crobiologiques sont des germes témoins de conta-mination fécale qui ne sont pas dangereux en eux mêmes, mais dont la présence peut s'accompagner de celle de germes pathogènes. Le risque sanitaire augmente avec le niveau de contamination de l'eau par ces indicateurs de pollution »3. Les paramètres

physico-chimiques font l’objet, dans un pre-mier temps, d’une mesure visuelle ou olfactive. On retrouve parmi ces paramètres les mousses, les phénols, les huiles minérales, la couleur, les résidus goudronneux et les matières flottantes, ainsi que la transparence. D’autres paramètres plus spécifiques peuvent être mesurés, suivant les circonstances (pH, nitrates, phosphates, chlorophylle, micro-polluants...). Suite à la

2 Il en existe six sur le territoire métropolitain. 3 Source : http://baignades.sante.gouv.fr/

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directive européenne 76/160/CEE sur la qualité des eaux de baignade (Conseil des communau-tés européennes, 1976), le suivi de la qualité de ces eaux a été rendu obligatoire dans les pays de l’Union Européenne durant la période bal-néaire. En France, ce sont les Directions Dé-partementales des Affaires Sanitaires et Socia-les (DDASS) qui sont chargées de ce suivi. Le rapport pour la saison balnéaire 2005 de l’état sanitaire des eaux de baignade en mer et en eau douce (Ministère de la Santé et des Solidarités,

2006) indique qu’entre 2003 et 2005, le pour-centage des eaux de baignade non conformes s’établissait dans une fourchette relativement stable comprise entre 3,1 et 4,3 %, après une net-te amélioration par rapport à l’année 2002 (voir figure 1). En outre, il est notable qu’en 2005, aucune analyse n’ait conduit à retenir le classe-ment d’un quelconque échantillon dans la caté-gorie D (eau de mauvaise qualité), signalant par là que les échantillons non conformes révèlent uniquement un état de pollution momentané. Figure 1 : Évolution des taux de conformité des points classés entre 2002 et 2005

Source : Ministère de la Santé et des Solidarités, 2006 : 15

Nombre et pourcentage de points conformes

à la directive européenne 2002 2003 2004 2005

Baignades en mer 87,5% 96,2% 95,7% 96,9%

Baignades en eau douce 92,5% 92,5% 94,9% 95,9%

Ensemble des baignades 89,7% 95,3% 95,3% 96,5%

Pourtant, il est intéressant de s’arrêter quel-ques instants sur les motifs de non-conformité à partir des analyses effectuées durant la saison 2005. D’après le Ministère de la Santé et des Solidarités (2006 :16), « les principales causes de non-conformité sont liées essentiellement à des pro-blèmes structurels ou ponctuels de l'assainissement des collectivités. Elles justifient la nécessité pour les collectivités de poursuivre les efforts d'amélioration de la collecte et du traitement des eaux résiduaires ». La qualité de l’eau de baignade est donc forte-ment influencée par la gestion de l’eau douce réalisée en amont et par les investissements consentis par les collectivités et par les indivi-dus pour l’assainissement des eaux résiduaires. En effet, suivant le Ministère de la Santé et des Solidarités (2006), plus de 30 % des causes de pollution des eaux de baignade sont liées à une insuffisance structurelle de l’assainissement. Le troisième indicateur s’attache à la qualité des zones conchylicoles. La conchyliculture est une activité conditionnée par la qualité de l’eau de mer car les coquillages se nourrissent des matiè-res organiques présentes dans le milieu et sont donc très sensibles aux pollutions bactériennes. Les coquillages fouisseurs (palourdes et coques) sont d’ailleurs plus sensibles encore à cette pol-lution que les coquillages non fouisseurs (huî-tres et moules) car ils vivent dans les sédiments, milieu où se concentrent les pollutions

bacté-riennes. La qualité des zones conchylicoles est estimée à partir d'études bactériologiques por-tant sur la présence d'Escherichia coli (E. coli), qui servent de germes tests de contamination fécale. En France, c'est le Réseau Microbiologi-que (REMI), animé par l'IFREMER, qui assure ce suivi. Comme le souligne ce dernier (IFRE-MER, 2004), « en pratique, le niveau du risque sanitaire est évalué en fonction de l'importance de la pollution d'origine fécale, c'est-à-dire de l'abon-dance des témoins (E. coli). La réglementation a ainsi défini 4 catégories (A, B, C, D) pour les niveaux de contamination des zones de production de coquillages. Par leur présence, ces témoins de contamination fécale indiquent la probabilité, mais non la certitude, d'une contamination par des pa-thogènes de même origine car la présence et le nom-bre des pathogènes dépendent de l'état de santé de la population responsable de la pollution fécale. À l'inverse, l'absence de témoin n'est pas une preuve de l'absence de risque sanitaire car certains mi-croorganismes pathogènes, en particulier les virus, peuvent survivre plus longtemps qu'E. coli dans les eaux littorales et les coquillages ».

Là encore, il est intéressant de s’attarder sur les causes de la pollution : « La contamination bactériologique des eaux littorales est essentielle-ment due, plus ou moins directeessentielle-ment, aux activi-tés terrestres (l’urbanisation, l’agriculture et dans une moindre mesure, les activités nautiques).(...)

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4 Note de bas de page dans l’édition originale.

Les secteurs les plus contaminés sont généralement situés en fond d’estuaire, dont les eaux sont dégra-dées par l’ensemble des rejets microbiologiques is-sus des activités domestiques et d’élevages dévelop-pées sur les bassins versants » (DIREN Centre, DIREN de bassin Loire-Bretagne, 2003 : 71). Ce troisième indicateur met une fois de plus en évidence l’interdépendance qui existe entre le bassin versant et le littoral.

Cependant, après nous être arrêtés sur les con-séquences de la pollution de l’eau douce sur la qualité du milieu marin côtier, il est intéressant de voir quels sont les impacts de l’eau de mer sur l’eau douce.

1.2. Le caractère bidirectionnel des risques liés à l’eau en zone côtière

Le caractère bidirectionnel des risques liés à l'eau sur les territoires côtiers est bien souligné par V. Morel et al. (2004 : 149) qui précisent : « le littoral est un système à l'interface entre les hydrosphères marine et continentale qui s'inter-pénètrent et interagissent l'une sur l'autre. L’eau apparaît comme un vecteur renforçant la mobi-lité et les transferts de pollution et ce de manière bidirectionnelle. S’agissant des transferts d’eau continentale vers les eaux marines, ces mobilités remettent en cause des activités humaines (con-chyliculture, baignade...). Quant aux eaux ma-rines, elles peuvent provoquer la pollution chimi-que des estuaires et marais maritimes ou encore affecter les nappes phréatiques limitant considéra-blement les usages de ces derniers ».

De fait, les territoires côtiers révèlent parfois des configurations géologiques spécifiques et la présence de nombreux aquifères côtiers, contenant une eau douce de bonne qualité destinée généralement aux usages agricoles, industriels et à l’alimentation en eau potable, permet de souligner les risques d’intrusion sa-line et leurs conséquences sur ces activités et sur les milieux (zones humides notamment) qu’ils contribuent à faire vivre. Comme le rappelle S. Ferrari (2003 : 55), « l’exploita-tion des nappes souterraines peut s’accompagner d’une contamination saline qui affecte alors du-rablement la qualité du stock d’eau douce. Cette question de la contamination de l’eau douce par intrusion saline d’eau de mer se pose avec acuité

dans de nombreuses régions côtières du monde (...). Sous l’effet du pompage, la remontée du biseau salé [Le biseau salé représente l’interface eau douce-eau salée4] réduit en effet la disponi-bilité du stock d’eau douce. La qualité de la res-source est alors menacée et à la limite, aucun prélèvement n’est plus possible ». Notons que si les conséquences sanitaires de ces intrusions salines sont importantes, elles peuvent égale-ment graveégale-ment endommager les écosystèmes ou rendre non cultivables les terres agricoles si celles-ci sont irriguées à partir d’aquifères chargés en sel.

Un second risque, le risque d'inondation, doit retenir notre attention, car outre les consé-quences économiques, sociales et environne-mentales spécifiques qu'il génère, il exacerbe les risques de pollution sur le littoral. Les inondations dans cet espace sont potentielle-ment dévastatrices, particulièrepotentielle-ment dans les zones de polders, et la construction de digues et d’ouvrages de défense maritime a été très tôt engagée. Dans les pays en développement cependant, les épisodes de fortes pluies tropi-cales peuvent avoir des conséquences humai-nes importantes, dans la mesure où les plus démunis sont souvent massés le long des côtes et sont régulièrement inondés, sinon noyés. On a pu mesurer l’ampleur de ce phénomène à l’occasion du Tsunami de décembre 2004 sur les côtes indonésiennes notamment. Si de tels événements constituent des risques natu-rels particuliers, les inondations n’épargnent pas pour autant les pays développés, dans des proportions souvent bien moins dramatiques, mais néanmoins coûteuses : on considère à ce propos que le tribut est généralement plus lourd en vies humaines dans les pays du Sud tandis que la question des coûts économiques se pose avec une acuité grandissante dans les pays du Nord. Les inondations de l’été 2002 au Nord de l’Allemagne, suite à une crue historique de l’Elbe, dont le niveau avait atteint plus de sept mètres (soit trois fois environ son niveau nor-mal), en sont le témoignage (GéoRisques, 2003). Lors des épisodes d’inondations, un grand nombre de problèmes peuvent survenir. Nous nous limitons ici à quelques exemples sans souci d’exhaustivité.

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Premièrement, les inondations peuvent engen-drer des désordres sanitaires. En effet, qu’elles soient provoquées par de fortes pluies ou soient générées par des intrusions d’eau de mer dans les deltas (phénomène assez rare dans les pays développés qui se sont dotés d’ouvrages de pro-tection, mais que l’on peut constater plus cou-ramment dans les pays en développement), la présence d’eau stagnante peut empêcher la dis-tribution normale d’eau douce car les systèmes d’assainissement peuvent être endommagés ou ne pas fonctionner correctement. Ceci a des conséquences sanitaires évidentes, doublées de problèmes spécifiques posés par la très forte pol-lution des eaux, qui, en stagnant, vont se char-ger de polluants et permettre le développement de bactéries.

Deuxièmement, les terres agricoles peuvent devenir impropres à la culture, suite à la sali-nisation des terres en cas de mélange d’eau de mer et d’eau douce. Tel est le cas décrit par la FAO (2005) consécutivement au Tsunami de décembre 2004.

Troisièmement, la question des inondations en milieu littoral pose le problème de l’écoulement des eaux continentales, et plus particulièrement pour ce qui concerne les fleuves côtiers. En ef-fet, les crues des fleuves côtiers peuvent résulter de la conjonction de plusieurs facteurs influen-çant les caractéristiques de l’aléa : les précipi-tations, la saturation des nappes phréatiques et une difficulté à l’écoulement à l’estuaire ou plus généralement à l’exutoire en cas de marée. On peut citer enfin le cas des précipitations en-gendrant, sur le littoral, des problèmes d’érosion côtière par ruissellement des eaux continentales. C’est le cas par exemple sur le littoral Côte d’Opa-le sur d’Opa-les falaises de craie du site du Cap Blanc-Nez ou encore dans le Finistère sur le site situé entre la baie des Trépassés et la pointe du Van. Ces exemples tendent ainsi à illustrer l’existence de liens de solidarités, parfois « malheureuses », que génèrent les flux d’eau qui se manifestent sur les espaces littoraux, et qui contribuent à leur caractérisation d’interface entre terre et mer. Comme nous avons pu le voir, les interactions entre eau douce et eau marine engagent à la fois les dimensions qualitatives et quantitatives et s’appliquent à de multiples échelles territoriales en convoquant, au-delà du seul espace littoral,

une gestion sur l’ensemble du bassin versant. Par ailleurs, afin de prendre en compte simul-tanément les aspects économiques, sociaux et environnementaux de la gestion de l’eau-res-source, mais aussi de l’eau-milieu, support de vie des écosystèmes, il est nécessaire de privilé-gier une approche multidimensionnelle.

2. pour une approche Intégrée de La gestIon des rIsques LIés à L'eau sur Le LIttoraL

S. Ferrari et P. Point (2003), en introduction d’un ouvrage collectif consacré à l’eau dans l’es-pace littoral insulaire soulignent d’emblée : « La focalisation sur le littoral ajoute bien sûr à la complexité de la gestion de la ressource en eau ; complexité liée aux interactions multiples entre eaux douces et eaux salées, complexité résultant aussi des pressions démographiques, sociales et éco-nomiques considérables et croissantes qui s’exer-cent dans les zones côtières. (...) Cette situation a conduit à s’interroger sur la pertinence des moda-lités de gestion par ce type de territoire. Face à un éclatement géographique et sectoriel des compéten-ces, l’idée d’une nécessaire gestion intégrée est ap-parue. » Cette gestion intégrée, déclinée pour le littoral en Gestion Intégrée des Zones Cô-tières (GIZC) apparaît également aux yeux de V. Morel et al. (2004), comme l’unique moyen de prendre en compte les risques spécifiques liés à l’eau sur le littoral, compte-tenu des insuffi-sances des mécanismes de gestion des risques existants en France. On peut toutefois, sans re-mettre en cause ce double diagnostic, proposer une autre voie qui tente de concilier les impé-ratifs de la GIZC à ceux de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), comme invite à le faire un récent document du Fonds Français pour l’Environnement Mondial (2005). Cette perspective plaide finalement pour une appro-che globale et pour des mécanismes construits de manière procédurale, afin d’appréhender au plus près la complexité des enjeux, indépen-damment de cadres d’application thématique. Nous souhaitons revenir dans la présente sec-tion sur les nosec-tions de GIZC et de GIRE pour montrer que ces deux approches relèvent d'une même volonté, mais que la polysémie qui ca-ractérise l'usage de ces deux notions concourt à rendre délicate la formalisation d'une approche unifiée pour traiter du problème de

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l'interac-5 Ils citent notamment une étude de la Commission Européenne en 1978 sur l'aménagement intégré du littoral breton. 6 L’article 17.28, alinéa h de l’Agenda 21 de Rio recommande ainsi de « participer à la mise au point et à l'application de techniques et modes d'utilisation des sols qui soient écologiquement rationnels et limiter le ruissellement vers les cours d'eau et les estuaires d'effluents qui pollueraient ou endommageraient le milieu marin ».

7 L’article 18.39, alinéa h de l’Agenda 21 de Rio fixe aux États l’objectif de « Mettre en place des stratégies de gestion écolo-giquement rationnelle des écosystèmes d'eau douce et des écosystèmes côtiers connexes, y compris en ce qui concerne les pêcheries, l'aquiculture, les pâturages, les activités agricoles et la diversité biologique. »

tion entre eau douce et eau marine. Cet état de fait entre en contradiction même avec l'ob-jet de ces deux approches, dont la prétention holistique est tout à fait manifeste. Pourquoi dès lors ne pas revenir à une notion générale de Gestion Intégrée des Ressources Naturelles et de l'Environnement, plutôt que de vouloir développer pour chaque type de ressource ou de milieu, des concepts qui se croisent sans jamais réellement se rencontrer ?

2.1. Petite histoire comparée de l’émergence des notions de GIZC et GIRE

Si les notions de GIZC et de GIRE ont été pro-pulsées sur le devant de la scène dans les années 1990, à la faveur de la médiatisation du som-met de la terre de Rio de Janeiro, on retrouve dans les travaux scientifiques, comme dans les documents officiels, des traces de ces notions au cours des décennies précédentes. P. Deboudt et al. (2005) évoquent la décennie 1970 pour la GIZC5 et bien que les racines de la GIRE

remontent, suivant A. Biswas (2004), à une soixantaine d'années, c'est à l'occasion de la conférence sur l'eau de Mar del Plata en 1977 que cette notion réapparaîtra (Petit, 2006). Ces deux notions émergent donc à la veille de la décennie 1980 qui sera marquée par le lance-ment sur la scène politique internationale de la notion de développement durable. D’ailleurs, cette filiation avec le développement durable n'est pas fortuite, dans la mesure où la notion de gestion globale et intégrée reprend ses grands principes généraux, bien avant que le concept n'ait été nommé. O. Godard (1980 : 11) écrit ainsi dès 1980 : « L’expérience quotidienne en ma-tière de gestion des ressources conduit à souligner le caractère nécessaire d’une gestion globale et in-tégrée des ressources naturelles, tant les pratiques et les modes de gestion apparaissent parcellaires ou inadéquats. Cependant, cette aspiration intuitive à une globalisation et à une intégration de la ges-tion demande à être clarifiée. Jusqu’où et par quels moyens assurer cette intégration ? Quel doit être

son champ d’application ? Comment enfin con-cilier ce souci d’intégration entre tous les facteurs qui concernent l’exploitation et l’utilisation des res-sources naturelles, la qualité de l’environnement et le développement économique et social avec la nécessité, afin de rendre possible concrètement la prise de décision, de procéder à certains découpages territoriaux, de définir des problèmes aux contours délimités ou d’isoler certains sous-systèmes ». On retrouve dans cette longue citation tous les in-grédients du développement durable, et notam-ment les trois « piliers » traditionnels : efficaci-té économique, équiefficaci-té sociale et protection de l’environnement. Au-delà, la recherche d’une échelle territoriale pertinente et les problèmes posés par la prise de décision sont aussi men-tionnés. La gestion intégrée constitue donc une préoccupation forte à cette époque. De fait, si le rapport Brundtland de 1987 n’évoque pas la GIRE, il mentionne en revanche la gestion in-tégrée des zones côtières et la gestion inin-tégrée des océans dans son chapitre 10. L’agenda 21 de Rio jouera un rôle décisif dans la promotion de la gestion intégrée puisque ses chapitres 17 et 18 insistent sur la nécessité de mettre en œu-vre une GIZC (chapitre 17) et une GIRE (cha-pitre 18). Si les deux notions, présentées dans deux chapitres distincts, peuvent apparaître de ce fait relativement déconnectées, il faut souli-gner qu’à plusieurs reprises, les mécanismes de gestion de l’eau douce sont mentionnés dans le chapitre 17 au titre des moyens à mettre en œu-vre pour parvenir à une GIZC6, avec une

atten-tion toute particulière réservée à la gesatten-tion des eaux usées. Le chapitre 18 consacré à la GIRE n’approfondit pas vraiment les interactions en-tre eau douce et eau marine. Hormis dans les grands principes de gestion où ces interactions apparaissent clairement7, cette question n’est

soulevée qu’à l’évocation des risques d’éléva-tion du niveau de la mer qui serait engendrée par le changement climatique, et dans le cas des risques d’intrusions salines dans les aquifè-res côtiers.

(9)

8 Voir notamment Biswas A.K., 2004.

9 Considérant n°9 du préambule de la directive cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000. 2.2. Un flou sémantique partagé

Bien qu'il existe une multitude de définitions de la GIZC et que, suivant O. Lozachmeur (2004), chaque auteur « s'évertue » à trouver une dé-finition différente, on peut partir, à la suite de P. Deboudt et al. (2005) de la définition que B. Cicin-Sain et R.W. Knecht (1998) retien-nent dans leur ouvrage. La GIZC y est décrite (Cicin-Sain et Knecht, 1998 :2) comme un « processus dynamique qui réunit gouvernement et société, science et décideur, intérêts publics et privés en vue de la préparation et de l'exécution d’un plan de protection et de développement des systèmes et ressources côtières. Ce processus vise à maximiser les choix à long terme privilégiant les ressources et leur usage raisonné et raisonnable. La GIZC apparaît ainsi comme l’instrument privilégié du développement durable de cet "éco-socio-système" complexe, en réconciliant déve-loppement et équilibre biologique des ressour-ces sur le long terme, et en liant définitivement les questions environnementales et sociales ». Si cette notion a connu un développement assez rapide suite au sommet de la terre de Rio, en 1992, son institutionnalisation y a en grande partie contribué. Ainsi, dans le contexte européen, avec la publication d’une « stratégie européenne de GIZC » en 2000, puis en 2002 d’une recommandation du Conseil et du Parlement européen aux États membres, la GIZC semble aujourd’hui être devenue une « boîte à outils » incontourna-ble pour envisager un développement duraincontourna-ble des zones côtières. En France, l’inscription de la GIZC dans les textes de loi en 2002 et la définition d’un nouveau cadre pour la politi-que du littoral, basé sur la notion de GIZC, participe de ce mouvement.

Si la GIZC a manifestement pris son essor, à la fois dans les discours et dans les pratiques, à partir de la conférence de Rio, la GIRE est devenue une notion phare sur la scène in-ternationale au tournant du millénaire. Cet effet de focalisation récent est le fruit de dis-cussions menées dans le cadre des travaux du Partenariat Mondial de l’Eau et du Conseil Mondial de l’Eau, entité organisatrice des Fo-rums Mondiaux de l’Eau. Jusqu’alors, la GIRE

désignait pour beaucoup un processus de ges-tion de l’eau dans un cadre territorial spécifi-que : le bassin versant (Ferragina et al., 2002), ce qui permettait d’ailleurs à l’État français de signaler qu’elle avait adopté cette modalité de gestion depuis les années 1960. Le Partenariat Mondial de l’Eau a proposé en 2000 une défi-nition de la GIRE qui fait office de référence pour la plupart des textes et sommets inter-nationaux (Global Water Partnership, 2000 : 24), malgré son caractère très discutable8 : « La

gestion intégrée des ressources en eau est un pro-cessus qui favorise le développement et la gestion coordonnés de l’eau, des terres et des ressources connexes, en vue de maximiser, de manière équi-table, le bien-être économique et social en résul-tant, sans pour autant compromettre la pérennité d’écosystèmes vitaux ». Bien que la directive cadre européenne sur l’eau de 2000 ne donne pas de définition de la GIRE, elle reconnait dans l’un de ses considérants qu’il « est néces- saire d’élaborer une politique communautaire

in-tégrée dans le domaine de l’eau »9. Ainsi, cette

thématique est devenue si fédératrice que le sommet mondial du développement durable de Johannesburg, en 2002, recommandait la mise en place de mécanismes de GIRE dans tous les pays, d’ici 2005. Le dernier Forum Mondial de l’Eau qui s’est déroulé à Mexico en mars 2006, tout comme le rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau (UNESCO, 2006), rendu public à la même occasion, plaident pour une mise en œuvre rapide de la GIRE, dans tous les pays. Le prochain rapport des Nations Unies faisant l’état de l’eau dans le monde, qui doit paraître en 2009, devrait même être construit autour de cette notion (Donovan, 2006). On pourra donc souligner le caractère ex-trêmement flou et évolutif des deux notions retenues ici et la difficulté pour rendre opé-rationnels des principes, qui, à l’image du développement durable, apparaissent comme des principes normatifs sans norme (Theys, 2003). Cependant, puisqu’ils participent de la même logique, le rapprochement de ces deux notions semble utile pour prendre en compte les risques liés à l’eau sur le littoral.

(10)

10 La directive cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000, pour bien insister sur l’unicité de la ressource et montrer les interdépendances entre eaux de surface et eaux souterraines, préfère même parler de « masses d’eau ».

2.3. Vers un rapprochement des deux démar-ches ?

Le sommet mondial du développement durable qui s’est déroulé à Johannesburg en août-sep-tembre 2002, a permis de faire le point sur les enjeux jugés prioritaires sur la scène internatio-nale, en matière de gestion des ressources na-turelles et de l'environnement, de lutte contre la pauvreté et de développement économique dans un contexte de mondialisation. Même si le rapport Brundtland en 1987, puis le sommet de Rio en 1992 avaient déjà plaidé pour une approche intégrée dans la gestion des ressources naturelles et de l'environnement (Lozachmeur, 2006 ; Petit, 2006), le sommet de Johannesburg a insisté sur le nécessaire croisement des domai-nes de gestion. Ainsi, bien que les notions de GIZC et de GIRE se soient développées avec une philosophie commune, dans le sillage de la notion de développement durable, le lien entre ces deux approches est rarement explicité. Ceci tient sans doute à une focalisation légitime de la GIZC sur le territoire côtier et à un intérêt accru de la GIRE pour le bassin versant et pour les systèmes aquifères. On pourrait bien sûr re-lativiser cette affirmation, car la GIZC, tout comme la GIRE, entendent transcender les dé-coupages territoriaux habituellement mobilisés pour traiter de problèmes spécifiques, afin de proposer un cadre territorial adapté à chaque si-tuation. Pourtant, bien que l’espace littoral, qui sert souvent d’espace de référence pour la GIZC, soit diversement interprété suivant les discipli-nes, mais aussi à l’intérieur même des disciplines (Bellan, 2002), il s’étend rarement à l’ensemble des bassins versants ayant une influence sur la qualité et la quantité des eaux qui parviennent jusqu’à la côte. De même, la séparation entre les eaux « terrestres » et les eaux « marines » montre les limites de la compétence des insti-tutions chargées de la gestion de l’eau douce. La GIRE, si elle permet en théorie d’aborder les interactions entre eau douce et eau marine, n’envisage habituellement comme territoire de gestion pertinent que le bassin versant pour les eaux de surface ou le système aquifère pour les eaux souterraines10. On peut d’ailleurs relever

une certaine ambigüité dans l’utilisation de ces

deux démarches, dans la mesure où, par exem-ple, la mise en place d’un tableau de bord pour le suivi du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux, dans le bassin français Rhône-Méditerranée Corse, est présentée par l’UNESCO (2001) comme l’illustration d’une démarche de GIZC. Or, on pourrait fort bien envisager cette expérience sous l’angle de la GIRE.

Si nous tentons à présent de retenir plusieurs points communs à ces deux démarches, on peut tout d’abord souligner leur caractère procédural. Il n’existe pas de recette « toute faite » et la ges-tion intégrée (qu’il s’agisse de la GIZC ou de la GIRE) est avant tout un processus qui doit cha-que fois être réinventé selon les caractéristicha-ques économiques, sociales et environnementales de la région ou du territoire considéré. La configu-ration institutionnelle, le système juridique et les acteurs impliqués sur ces territoires varient également. Ceci explique sans doute pourquoi, au-delà de grands principes généraux, les deux démarches ont pour point commun de se ba-ser sur un catalogue de « bonnes pratiques » aptes à guider l’action des collectivités qui souhaiteraient s’engager dans de tels processus (UNESCO, 2001 ; UNESCO, 2006). Un autre point commun à ces deux approches est la vo-lonté de construire une vision patrimoniale, ba-sée sur la prise en compte du long terme et vi-sant à résoudre les conflits d’usage. L’accent mis sur ces deux aspects invite à s’appuyer sur une approche écosystémique. Enfin, on peut relever l’insistance portée par les deux approches pour la dimension participative, chacune des parties-prenantes étant invitée à contribuer à l’élabo-ration des outils dérivés (Dauvin, 2002 ; Fonds français pour l’environnement mondial, 2005). Signalons pour finir que le rapprochement des deux démarches commence à être discuté d’un point de vue scientifique et opérationnel. Le Fonds français pour l’environnement mondial (2005 : 5) reconnaît par exemple : « Au nom du continuum physique, écologique et social des bas-sins versants et de leurs zones côtières, il est pro-posé de rapprocher ces deux démarches (GIRE et GIZC) aux principes identiques, et de mettre en œuvre une approche qui englobe le bassin versant,

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11 À ne pas confondre avec l’Institution Interdépartementale des Wateringues, financée par les Conseils Généraux du Nord et du Pas-de-Calais.

le littoral et les eaux côtières (incluant la zone éco-nomique exclusive des pays), pour aboutir à leur gestion intégrée aux diverses échelles de planifica-tion territoriale requises ». Si un tel rapproche-ment peut sembler naturel, dans la mesure où l’eau doit être gérée sur l’ensemble de son cycle (intégrant eau douce et eau salée), il nécessite néanmoins la rencontre de communautés épis-témiques distinctes, qui n’ont pas nécessaire-ment l’habitude de travailler ensemble.

3. Les waterIngues du nord - pas-de-caLaIs : un exempLe de gestIon In-tégree ?

3.1. La création des Wateringues ou la résolu-tion de problématiques hydrauliques

La région des Wateringues se situe dans la par-tie la plus septentrionale de la France métropo-litaine au sein d'un triangle reliant d'une part

les villes littorales de Dunkerque et Calais et d'autre part la ville de Saint-Omer (voir figu-re 2). Formant une plaine maritime située sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais (la plaine maritime flamande), cette région couvre une surface de plus de 86 000 hectares traversée par un fleuve côtier et son delta : l'Aa. D'une emprise d'environ 100 000 hectares, le bassin hydrographique de ce cours d'eau recèle un caractère transfrontalier puisque une partie de ce dernier est situé en Belgique.

Du côté français, la région des Wateringues regroupe 65 communes partagées entre le dé-partement du Nord (42 communes) et celui du Pas-de-Calais (23 communes).

Depuis la création de l’Institution des Waterin-gues au XIIème siècle11, l'activité de cette région

s’est manifestée par une vocation résolument orientée vers l’agriculture. C’est en effet princi-Figure 2 : Les Wateringues du Nord-Pas-de-Calais

(12)

palement dans une perspective de mise en cul-ture que les populations locales ont asséché le territoire durant des siècles. Ce combat contre les inondations et les invasions marines se lit aujourd'hui à travers les paysages endémiques : les watergangs et la multitude de petits canaux et fossés découpant encore aujourd’hui le paysage. Les Wateringues sont plus concrètement des as-sociations forcées de propriétaires en charge de gérer localement les problèmes liés à l'eau. Elles ont particulièrement pour objectif la gestion du risque d'inondation et plus généralement la ges-tion de l'écoulement des eaux à l'échelle de la plaine maritime flamande. La vocation initiale était l’assèchement des terres agricoles sur l’en-semble de la plaine maritime, cependant, nous verrons plus loin que les modifications liées à l'industrialisation et l'urbanisation du territoire en ont enrichi les enjeux.

On recense sur le territoire 13 sections de Wa-teringues (8 pour le Pas-de-Calais, 4 pour le département du Nord et une pour le territoire des Moëres, zone non complètement asséchée) dont la taille varie entre 5 et 10 000 hectares avec une moyenne de 23 000 adhérents. Les sections assurent l'entretien de 1 500 km de watergangs ainsi que d'une centaine de pompes destinées à faciliter le rejet des eaux à la mer. Les Wateringues constituent donc la couche or-ganisationnelle d'une dynamique commune de gestion des eaux fondée sur la mise en œuvre d'infrastructures et d'ouvrages d'art permettant d'une part l'évacuation des eaux à la mer en cas de crue et d'autre part la retenue de la ressource en eau à l'intérieur des terres lorsque cette der-nière s'avère en quantité insuffisante. Ces in-frastructures concernent principalement les ca-naux d'évacuation des eaux, appelés watergangs, les clapets d'écoulement permettant la retenue des eaux durant les saisons sèches, ainsi que les ouvrages d'évacuation des eaux à la mer, situés aux exutoires (les écluses armées de pompes). Si chaque section de Wateringues a la respon-sabilité de créer, gérer des ouvrages ainsi que de réfléchir à leur compatibilité avec l’occupation

et les usages des territoires, l'Institution Inter-départementale des Wateringues12 a pour sa

part un rôle de mise en œuvre des grands ouvra-ges d'évacuation des eaux à la mer et d'assurer leur entretien et leur exploitation13. Il existe

par ailleurs une Union des Wateringues, créée en 1972 et dont la fonction est également de promouvoir des actions collectives, mais du fait de l'existence de l'Institution Interdépartemen-tale, cette union tend à être davantage un lieu de rencontre et de partage d’idées. Chaque sec-tion étant farouchement autonome, la coordi-nation entre sections s'effectue par le biais d'un tiers « extérieur » (les conducteurs spéciaux) : la Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt dans certains cas, le Service Navigation Nord-Pas-de-Calais dans d’autres ou encore l’Union des syndicats d’assainissement agricole du Nord.

Si le rôle de l'Institution Interdépartementale est d'assurer les investissements et l'entretien des infrastructures communes à la région des Wateringues14, les sections pour leur part ont

pour rôle l’entretien des watergangs et du fonc-tionnement de la centaine de stations de pom-page « secondaires ».

Ainsi, l’histoire des Wateringues est profondé-ment orientée vers une recherche constante de solutions à des problèmes de gestion de terres agricoles gagnées sur la mer, dont il convient de débarrasser, ou du moins gérer, les flux d’eau, parfois déficitaires, parfois excédentaires. La so-lution passe bien évidemment par l’évacuation hors du territoire, à la mer, c'est-à-dire en zone littorale. Manifestement, il s’agit là d’un mode de gestion qui ne fait que peu de cas des pro-blématiques liées au littoral et pour cause : les enjeux y sont demeurés faibles jusqu’à une pé-riode relativement récente. Ce littoral reste ce-pendant à intégrer dans la stratégie de gestion dans la mesure où les ouvrages d’évacuation des eaux pluviales à la mer...se situent aux exutoires. Nous sommes donc en présence d’une solidari-té « naturelle » entre la zone située à l’insolidari-térieur des terres et la zone littorale, qui résulte du sens

12 Créée en 1977 suite à de graves inondations.

13 L'institution a consacré plus de 30 millions d’euros d’investissements en 30 ans et dispose d'un budget de fonctionne-ment de plus de 1 million d’euros par an.

14 7 stations en bord de mer, 4 stations de relevage intermédiaires et un partiteur, le tout d'une capacité de pompage de près de 110 m3/seconde.

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15 Syndicat Mixte de la Côte d'Opale.

de l’écoulement des cours d’eau. Mais il nous faut constater que cette solidarité est, comme souvent dans les problématiques liées aux cours d’eau, une solidarité de fait, amont-aval, dictée par des lois physiques, qui laisse cependant pré-sager des conflits potentiels...à mesure que les enjeux se développeront en aval.

3.2. Une problématique élargie avec l'urbani-sation, l'industrialisation et l'haliotropisme

Même s’il convient de souligner le rôle de l'ac-tivité agricole, la croissance de la population en milieu urbain et péri-urbain, l’industrialisation sur la frange littorale et la croissance de l'acti-vité touristique marquent davantage que par le passé le territoire des Wateringues. De ce fait, la problématique s'est trouvée fortement élar-gie, densifiée pourrions-nous dire.

Au départ conçues comme des infrastructures d'évacuation des eaux pluviales à la mer, les Wateringues ont vu progressivement se renfor-cer les usages du territoire, de la ressource en eau douce et de celle où cette dernière se déver-sait : le milieu marin.

Les usages permis par les caractéristiques des infrastructures d'évacuation des eaux à la mer sont aujourd'hui beaucoup plus importants que ceux existants il y a quelques décennies.

D'une vocation hydraulique, les Wateringues sont passés à un état de patrimonialisation, dans le sens où les usages se sont diversifiés au gré des « modes », des mutations économiques et ur-baines, etc. Cette évolution des usages est donc allée de pair avec une évolution des vocations. Ainsi, selon le SMCO15 (2005), de multiples

vocations et usages peuvent être associés aux réseaux hydrauliques, qui influent sur leurs mo-dalités de gestion. Parmi les plus importants, citons l’évacuation des eaux, la navigation, l’ir-rigation, le maintien de la nappe superficielle, l’alimentation en eau industrielle, agricole et en eau potable, le maintien de la biodiversité, les usages récréatifs et paysagers.

Cette superposition des usages a donc suscité des conflits d'usage, dans un premier temps ré-vélés sur le même territoire des Wateringues. Cependant, eu égard aux caractéristiques de la ressource en eau (mobilité amont-aval), ces conflits d'usage ont peu à peu gagné le littoral

au fur et à mesure du développement conco-mitant de nouvelles pratiques sur ce territoire en aval. Pour être plus précis, au lieu de con-flits d'usage, il s'agit plus simplement d'exter-nalités, d'effets externes que certaines activités génèrent sur d'autres. Ces externalités revêtent cependant un caractère quelque peu différent dans la mesure où elles sont véhiculées par un vecteur : l'eau douce.

Premièrement, la mécanisation a conduit au comblement de nombreux fossés par les exploi-tants. Elle représente ainsi une première forme de modification des caractéristiques du territoire des Wateringues : de manière à laisser passer les machines permettant des labours de plus en plus profonds, bon nombre de fossés (des cours d'eau tertiaires) ont été ainsi comblés. L'impact de ces comblements est à la fois quantitatif et qualita-tif : il réduit la capacité de drainage et d'écoule-ment et favorise de ce fait l'eutrophisation. Cette mécanisation marque le passage d'une agriculture extensive à une agriculture inten-sive, mais elle est aussi synonyme d’un recours accru aux intrants agricoles responsables de l'eutrophisation des cours d'eau (engrais, phos-phates). Nous verrons que cette eutrophisa-tion ne concerne pas uniquement la ressource en eau douce et est par ailleurs exportée vers le milieu marin. Cette agriculture est en outre tenue pour responsable du ruissellement des eaux, de l’érosion des sols, favorisant ainsi les risques d'inondation. Selon le SMCO (2005 : 22), « l’importance de la sédimentation dans les canaux influence la mauvaise qualité des eaux (eu-trophisation) et constitue un obstacle à l’objectif de "bon état chimique et de bon potentiel écologique des eaux" en 2015. Elle est principalement due aux faibles pentes du territoire et donc aux faibles débits véhiculés. Elle est également pour partie in-duite par le surcreusement des wateringues dans les années 80 et à la mise en place des pompes (...) pour favoriser les rendements agricoles. La densité des ouvrages hydrauliques (stations de pompage, barrages, écluses) constitue un obstacle à la libre circulation des poissons.

De même, le régime hydraulique, la mauvaise qua-lité de l’eau et l’état des berges banalisés conduisent à un habitat floristique et faunistique fortement perturbé, néfaste à la vie aquatique. Ces obstacles

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16 Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux.

17 Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique.

à la continuité écologique – et surtout leur gestion du seul point de vue hydraulique et agricole - ne sont pas compatibles avec les objectifs de "bon po-tentiel écologique" ».

Ce constat dressé par le SMCO, structure por-teuse du SAGE16 du Delta de l’Aa, illustre bien

les conflits d'usage pouvant apparaître, à l'inté-rieur des Wateringues, entre les activités agri-coles d'une part et la protection du milieu et des espèces naturelles d'autre part.

Il importe néanmoins de souligner ici que l'apparition de ces conflits d'usage résulte de l'émergence de nouvelles activités sur le terri-toire des Wateringues. Ces dernières se sont vu octroyer cette vocation de zone humide assez tardivement, lorsque les scientifiques ont en-trepris un inventaire des espèces qui y étaient présentes. Ainsi, la question du conflit d'usage n'est apparue qu'à partir de la naissance d'un intérêt, économique ou social, de conserver la biodiversité dans ce milieu.

Se pose ainsi désormais la problématique de l’aspect qualitatif de la gestion de la ressource en eau sur le territoire. Au regard de l’inventai-re ZNIEFF17 (Préfecture de Région

Nord-Pas-de-Calais, DIREN Nord-Pas-Nord-Pas-de-Calais, 1995), la région des Wateringues apparaît particuliè-rement riche : zones humides, milieux aquati-ques, forestiers et littoraux, etc. Les Waterin-gues constituent ainsi une entité écologique de valeur régionale à internationale (ZNIEFF types 1 et 2). Certaines de ces entités figurent parmi les ensembles naturels remarquables les plus représentatifs de la région. Du fait des di-verses pressions qui s’exercent sur le territoire, bon nombre de ces entités naturelles s’avèrent être menacées à plus ou moins court terme. Ces problèmes de compatibilité entre différents usages d'une même ressource ou d'un même milieu sont nombreux sur le territoire des Wa-teringues. Nous avons signalé l'impact de l'agri-culture sur la qualité des eaux des watergangs, mais les exemples abondent. Citons certains d'entre eux :

- l'agriculture et la navigation fluviale : si l’agriculture s’approvisionne en eau prin-cipalement dans les eaux des Wateringues,

certains estiment que la valeur des prélève-ments y est cependant sous-évaluée (SMCO, 2005). De plus, l'agriculture intensive tend à privilégier les labours profonds ce qui implique la nécessité d'un étiage assez bas, ce qui peut être incompatible avec la na-vigation, mais surtout avec, comme nous l'avons signalé supra, une qualité des eaux garantissant une biodiversité et le maintien de certains dispositifs de protection des ber-ges (pieux-planches, etc.),

- l'agriculture et les activités de loisir comme la pêche : le delta de l’Aa regroupe plus de 12 000 pêcheurs pour le Nord et le Pas- de-Calais, acquittant la taxe piscicole. En outre, tous les pêcheurs de ces deux dépar-tements et des autres dépardépar-tements peuvent venir pêcher sur le domaine public (SMCO, 2005). Un taux d'eutrophisation élevé ou un étiage faible nuisent également à la pé-rennisation de cette activité,

- le maintien d'un milieu naturel et la voca-tion d'évacuavoca-tion des crues : certains ouvra-ges de défense contre les inondations peu-vent nuire à la migration des espèces entre les watergangs et le milieu marin. Ainsi, les écluses aux exutoires peuvent entraver les déplacements de population de poissons, etc.

Cependant, ces problématiques de gestion res-tent somme toute communes, sinon tradition-nelles : il s'agit, sur un territoire donné, d'iden-tifier les conflits d'usage sur une ressource : l'eau. Or, les mutations observées à l'heure actuelle rendent compte d'un effet plus singulier : il existe certes des conflits d'usage sur la ressource en eau, mais il convient de mettre aujourd'hui en évidence un phénomène d'exportation de nuisances, ou externalité, d'un territoire vers un autre, au moyen d'un vecteur naturel, l'eau douce.

Ainsi, les activités présentes sur le territoire des Wateringues exercent-t-elles, à distance, des effets sur l'activité en zone littorale. Plusieurs usages sont concernés, notamment les activités récréatives à l'instar de la baignade et les acti-vités de conchyliculture.

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3.3. L'impact de la qualité des eaux douces sur la qualité des eaux littorales

La multiplication des usages sur le territoire des Wateringues pose ainsi la question de leur compatibilité, dans la mesure où elle suscite de nombreux conflits d’usage, parfois potentiels, parfois avérés. Ces solidarités qui se manifes-tent par des effets pervers induits par certaines activités sur d’autres activités, sont désormais de plus en plus observables entre le territoire des Wateringues et le littoral à mesure que les activités sur ce dernier se développent et se di-versifient.

L'état des lieux du SAGE du delta de l'Aa ef-fectué par le SMCO (2005 : 80) met en évi-dence une eutrophisation du littoral du fait d'un niveau d’enrichissement tel que des dé-gradations ou des nuisances manifestes peuvent y être constatées. « Ainsi, la bande côtière du Nord-Pas-de-Calais voit tous les ans, en avril-mai, d’abondantes formations d’écume issues de la proli-fération de l’algue Phaeocystis sp ».

D’une manière générale, l’analyse de l’évolu-tion de la qualité des eaux de baignade pour la façade littorale de 1989 à 2004 fait appa-raître deux tendances. La première concerne la façade de Sangatte à Gravelines-Petit Fort Philippe. Sur la période considérée, ce bief con-naît une évolution positive du point de vue de la qualité des eaux, passant d’une qualité B (eau de baignade de qualité acceptable) voire C (eau de baignade pouvant être momentanément pol-luée) à A (eau de baignade de bonne qualité) dans une majorité des cas. Cette amélioration est principalement due à la mise en œuvre de stations d’épuration sur le littoral. À l’opposé, la section qui correspond à la façade comprise entre la digue du Braek à Dunkerque jusque la Dune du Perroquet à Bray-Dunes connaît dans une large mesure une évolution limitée, pour ne pas dire nulle, où l’on observe dans une ma-jorité des cas une qualité acceptable (B) et des améliorations vers une qualité A qui ne sont que temporaires.

L’amélioration de la qualité des eaux de bai-gnade est rendue nécessaire, outre la législation nationale et européenne, par la progression des activités de tourisme et de loisir sur la Côte d'Opale. Cette prise en compte de nouveaux enjeux, par les collectivités, se traduit par le

re-cul de la qualité C, notamment grâce à la mise en place de stations d’épuration. Cependant, le SMCO constate une stagnation de la catégorie B et des difficultés à maintenir les plages en A. Du point de vue des activités d'exploitation des ressources halieutiques, la conchyliculture nécessite une qualité des eaux littorales encore plus importante que les activités de baignade. Cette activité conchylicole est en augmenta-tion sur la zone littorale subissant l'influence de la qualité des eaux des Wateringues. Or, la qualité microbiologique parfois insuffisante des eaux littorales compromet cette activité ; elle constitue un facteur de risque sanitaire car la pollution bactérienne est une contamina-tion rapidement assimilée par les coquillages (SMCO, 2005).

Concernant l'évolution de la qualité des eaux destinées à la conchyliculture, l'état des lieux du SAGE du Delta de l'Aa montre qu'en vingt ans, « la tendance est à l’amélioration de la con-tamination bactériologique des moules, notamment due aux efforts importants des collectivités en matiè-re d’amélioration des stations d’épuration et des ré-seaux d’assainissement. Néanmoins des progrès con-sidérables restent à réaliser » (SMCO, 2005 : 84). Plusieurs enseignements peuvent donc être tirés de ces nouvelles formes de solidarité, souvent de fait, qu’entretient aujourd’hui le territoire des Wateringues avec la zone littorale située en aval.

Premièrement, avec la multiplication des en-jeux et activités humaines sur le territoire des Wateringues sont apparus des conflits d’usage, posant la question des compatibilités des uti-lisations si variées dont fait l’objet l’eau sur ce territoire. Récemment encore, des arbitrages politiques ont été rendus...et rendus nécessaires par l’émergence de ces nouveaux usages à pren-dre en compte mais dont les populations parfois tardent à intégrer. C’est le cas par exemple du risque d’inondation ou encore de la protection des milieux naturels et plus précisément des milieux humides consécutivement à la loi sur l’eau. Les présidents de Commissions Locales de l’Eau (CLE) renoncent ainsi à ce que l’in-ventaire faunistique et floristique classe des terres cultivées en zones humides. Ainsi, les modes de gestion et l’exploitation traditionnels sont confrontés ici à de nouveaux usages que

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l’on tente de concilier, sinon minimiser, par rapport à des usages plus anciens : « Il s’agit en effet de respecter les caractéristiques fortes de notre territoire de Flandre. Les Wateringues, à l’origine vaste delta marécageux, ont été drainées pendant des siècles et sont aujourd’hui entretenues par les Sections de Wateringues. Les Présidents jugent que ces nombreuses terres drainées et pompées pour être cultivées ont ainsi perdues leurs caractéristiques de zones humides et ne peuvent donc plus être consi-dérées comme telles. [Les présidents] comprennent également les inquiétudes soulevées par l’inventaire des zones inondables mené parallèlement par les services de l’État, dans le cadre de l’élaboration des Plans de Prévention des Risques Inondations en Flandre. Ils seront particulièrement attentifs quant à la méthodologie employée pour délimiter ce zonage qui engendrera des contraintes fortes en matière d’aménagement du territoire » (SMCO, 2007 : non paginé).

Deuxièmement, à ces conflits d’usage à l’inté-rieur du territoire des Wateringues se cumulent dorénavant des problèmes liés aux externalités négatives, qui résultent en quelques sortes de l’exportation des polluants en aval. L’émergen-ce de L’émergen-ces externalités, qui prennent la forme par la suite de risques, notamment sanitaires, est due à l’augmentation des enjeux sur le lit-toral qui seront soumis à ces aléas bactériologi-ques et microbiologibactériologi-ques.

Troisièmement, réfléchir sur des solutions à ap-porter du point de vue des externalités induites par les exportations d’eau continentales sur le littoral induit une réflexion, plus en amont18

et qui concerne la compatibilité des usages en-tre eux sur le territoire des Wateringues. À cet égard, on peut raisonnablement penser qu’une partie de ces interactions néfastes entre amont et aval disparaîtront lorsque seront résolus les problèmes de conflits d’usage à l’intérieur du territoire des Wateringues. À titre d’illustration, on peut considérer que les actions entreprises en faveur de la gestion de l’eau en amont sont potentiellement porteuses d’un effet win-win : gagnant en amont comme en aval. Au travers d’un programme de reconquête de la qualité des eaux de surface à l’intérieur des terres, la mise en œuvre de stations d’épuration contribue à

améliorer par ailleurs la qualité des eaux mari-nes. Ainsi, les actions entreprises en faveur de la qualité des eaux douces influent sur celle des eaux littorales.

Il reste cependant de cette énumération le constat d’une grande absente, en l’occurrence la transcription de ces solidarités à l’échelle des documents de gestion. Certes, à l’heure actuel-le, le SAGE du delta de l’Aa vient juste d’ache-ver la phase d’état des lieux, et il est donc trop tôt pour évaluer la pertinence des actions qui seront entreprises. On peut cependant d’ores et déjà remarquer que cette nécessité de prendre en compte l’existence des interactions entre eaux continentales et marines est bien présente à l’esprit des décideurs. En témoigne la prise en compte de concepts, par le SMCO, évocateurs : l’existence d’une masse d’eau de transition « qui se situe à proximité des embouchures de ri-vière, partiellement salines, fondamentalement in-fluencée par des courants d'eau douce : sur notre bassin, ces masses sont les ports de Calais et Dun-kerque, et fortement modifiées. Une « masse d'eau côtière » se situe sur une largeur d'un mille marin, jusqu'à la limite extérieure d'une eau de transition : sur notre littoral, deux masses s’étendent entre Malo et Cap Gris Nez et de la frontière belge à Malo » (SMCO, 2005 : 30).

Ainsi, au travers ces quelques exemples, nous avons voulu montrer comment la gestion de l'eau sur le territoire des Wateringues a été du-rant longtemps et reste encore aujourd'hui un problème de gestion de la quantité. Cependant, étant donnée l'émergence de nouveaux usages (protection ou usages récréatifs en lien avec les ressources naturelles) cette problématique de gestion tend à intégrer d'autres contraintes liées à l'exigence de qualité. À cette montée des considérations qualitatives se superpose par ailleurs celles de l'impact des transferts d'eau douce sur le milieu marin.

Un des enseignements d'une réflexion sur la gestion intégrée des Wateringues concerne la dimension territoriale d'une telle gestion. Il apparaît certes la nécessité d'intégrer les be-soins qualitatifs et quantitatifs de tous au sein du territoire des Wateringues, et ce de manière à assurer le développement et la pérennisation

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