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Les impacts de la multimorbidité et des troubles mentaux sur les admissions à l'urgence

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Academic year: 2021

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Les impacts de la multimorbidité et des troubles

mentaux sur les admissions à l'urgence

Mémoire

Myles Gaulin

Maîtrise en santé publique - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

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Les impacts de la multimorbidité et des

troubles mentaux sur les admissions à

l’urgence

Mémoire

Myles Leo Gaulin

Sous la direction de :

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Résumé

La multimorbidité, ou cooccurrence de maladies chroniques, est une problématique croissante dans les pays industrialisés. Elle est associée à l’utilisation accrue des soins de santé, incluant les admissions fréquentes à l’urgence. Les troubles mentaux affectent jusqu’à 30 % des patients multimorbides et pourraient exacerber les maladies physiques. Ils sont associés indépendamment aux admissions fréquentes à l’urgence. Cependant, aucune étude n’a examiné leur impact combiné, qui pourrait différer de l’addition de leurs impacts indépendants. Cette différence réfère aux contextes d’interaction ou d’effet modifiant.

Nous avons réalisé une étude de cohorte populationnelle à l’aide de données administratives afin de déterminer si les troubles mentaux modifient l’impact de la multimorbidité sur les admissions fréquentes à l’urgence. Nos objectifs primaires étaient de mesurer l’interaction absolue (échelle additive), en termes des nombres d’admissions populationnels, et l’effet modifiant relatif (échelle multiplicative), en termes du risque individuel.

Sur l’échelle additive, la multimorbidité physique et les troubles mentaux interagissent positivement, menant à plus d’admissions que prévu en additionnant leurs effets indépendants. Entre 0 et ≥4 maladies physiques, la proportion d’utilisateurs fréquents de l’urgence augmente plus chez ceux avec des troubles mentaux graves (16,2 %) qu’avec troubles courants (15,3 %) ou sans troubles mentaux (11,4 %). Sur l’échelle multiplicative, l’effet de la multimorbidité est relativement moins important pour les personnes ayant des troubles mentaux, dû à leurs admissions considérablement plus fréquentes, même sans multimorbidité physique. Pour les personnes sans troubles mentaux, la cote d’admissions fréquentes à l’urgence en présence de ≥4 maladies physiques est 6,20 (6,08 ; 6,35) fois la cote de celles sans maladies physiques. En présence des troubles mentaux courants et graves, les rapports de cotes sont de 4,75 (4,60 ; 4,90) et 3,37 (3,18 ; 3,57). Des recherches supplémentaires s’imposent pour mieux traiter les troubles mentaux, particulièrement chez les personnes multimorbides.

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Summary

Multimorbidity, or the coexistence of multiple chronic illnesses, is a growing concern in industrialized countries. Multimorbidity is associated with increased healthcare use, including frequent emergency room admissions. Mental disorders affect up to 30% of people with multimorbidity. They are known to exacerbate physical illness and are also associated independently with frequent ER use. However, no previous study has examined their combined impact, which may differ from a simple combination of their effects. This difference is termed effect modification or interaction.

We conducted a population-based cohort study using administrative data to determine whether mental disorders modify the impact of multimorbidity on frequent ER use. Our objectives were to measure this effect modification on the additive scale, in terms of numbers of admissions in a healthcare system, and the multiplicative scale, in terms of risk for individuals.

On the additive scale, we found that physical multimorbidity and mental disorders interact positively, resulting in more admissions than addition of their effects would predict. Between 0 and ≥4 physical conditions, risk of frequent ER visits increased more for individuals with serious mental disorders (16.2%) than common (15.3%) or no disorders (11.4%). On the multiplicative scale, the increase in risk due to multimorbidity is relatively less important for those with mental disorders, because people with mental disorders already use the ER considerably more often than those without, before addition of physical multimorbidity. For people without mental disorders, odds of frequent ER visits with ≥4 physical conditions were 6.2 (CI 95%: 6.08; 6.35) times the odds for people without physical conditions. For individuals with common and serious mental illnesses, corresponding odds ratios were 4.75 (4.60; 4.90) and 3.37 (3.18; 3.57), respectively. Addditional research is necessary to promote high-quality care for mental illness, particularly in multimorbid individuals.

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Table des matières

Résumé ... ii

Summary ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Liste des abréviations ... viii

Dédicaces ... ix

Remerciements ... x

Avant-propos ... xi

Introduction et pertinence ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 3

1.1 : Sujet / question de recherche générale ... 3

Chapitre 2 : Cadre théorique, état des connaissances, et hypothèses ... 5

2.1. Cadre théorique — Chronic Care Model ... 5

2.2. Association entre la multimorbidité et l’utilisation des soins ... 6

2.3. Interaction et effet modifiant des troubles mentaux ... 8

2.4 L’admission à l’urgence ... 9

2.5 Aspects méthodologiques de la surveillance de la multimorbidité ... 11

2.5.1. Mesures de la multimorbidité ... 11

2.5.2 Conceptualisation des troubles mentaux ... 13

2.5.3 La surveillance de multimorbidité : bases de données médico-administratives ... 14

2.6 Hypothèse et objectifs ... 14

2.6.1 Synthèse des constats principaux et hypothèses ... 14

2.6.2 Objectifs de recherche ... 16

Chapitre 3 : Méthodologie ... 17

3.1 Contexte de l’étude ... 17

3.2 Description et justification des méthodes d’investigation ... 17

3.2.1 Source des données ... 17

3.2.2 Devis d’étude, population à l’étude, stratégie d’échantillonnage ... 19

3.3 Variables à l’étude ... 20

3.3.1 Variables indépendantes ... 20

3.3.2 Variable dépendante ... 21

3.3.3 Variables potentiellement confondantes ... 22

3.4 Analyse statistique ... 23

3.4.1 Analyses descriptives ... 23

3.4.2 Modèle explicatif ... 23

3.4.3 L’interaction et l’effet modifiant ... 25

3.4.4 Fardeau sur les systèmes de santé– interaction sur l’échelle absolue (additive) ... 25

3.4.5 Fardeau sur les patients – effet modifiant sur l’échelle relative (multiplicative) ... 26

3.5 Calcul de puissance statistique ... 27

3.6 Analyses de sensibilité ... 27

3.7 Risques compétitifs ... 27

3.8 Considérations éthiques ... 29

Chapitre 4 : Combined impacts of multimorbidity and mental disorders on frequent ER use in Quebec, Canada ... 30

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Methods ... 35

Study population and data source ... 35

Variables ... 35

Statistical analysis ... 36

Results ... 38

Public health impact ... 41

Patient impact ... 44

Sensitivity analyses ... 45

Interpretation ... 45

References ... 48

Chapitre 5 : Discussion ... 52

5.1 Synthèse des principaux résultats ... 52

5.1.1 Fardeau sur les systèmes de santé ... 53

5.1.2 Fardeau sur les patients ... 53

5.1.3 L’interaction et l’effet modifiant : un paradoxe explicable ... 54

5.1.4 Convergence avec les évidences existantes ... 55

5.2 Limites et biais potentiels ... 57

5.2.1 Biais d’information ... 57

5.2.2 Biais de confusion ... 58

5.2.3 Biais de sélection ... 59

5.2.4 Autres limites ... 60

5.3 Puissance statistique ... 60

5.4 Importance pour la santé publique ... 60

Conclusion ... 62

Bibliographie ... 63

Annexe 1 : (Article intégré, annexe 1) Studied physical and mental disorders and diagnostic codes ... 70

Physical conditions in the Combined Index ... 70

Obstetric care codes ... 70

Mental disorder codes ... 71

Annexe 2 : (Article intégré, annexe 2) Method of calculation for adjusted proportions due multimorbidity, mental disorders, and synergy... 72

Annexe 3 : (Article intégré, annexe 3) Cohort flow chart illustrating exclusions by fiscal year (FY), 1 April-31 March ... 76

Annexe 4 : (Article intégré, annexe 4) RERIs for each combination of physical conditions and mental illness status ... 77

Annexe 5 : (Article intégré, annexe 5) Patient impact (multiplicative scale) ... 78

Annexe 6 : (Article intégré, annexe 6) Senstivity analyses ... 79

Comparison of model using weighted multimorbidity score and unweighted physical condition count ... 79

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Liste des tableaux

Tableau 1. Characteristics of adult (>18 years) population, non-frequent, and frequent emergency room (ER) users, fiscal year 2014-2015

Tableau 2. Crude proportion and crude and adjusted odds ratios of frequent ER users, fiscal year 2014-2015

Tableau 3. ER admissions (%) in Quebec due to physical multimorbidity, mental disorders, and synergy, fiscal year 2014-2015

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Liste des figures

Figure 1. Healthcare system burden (absolute scale). Adjusted proportions of frequent ER users (≥3 admissions/year) in Quebec by number of physical illnesses, stratified by mental disorder status, fiscal year 2014-2015

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Liste des abréviations

AFU : Admissions fréquentes à l’urgence CAI : Commission d’accès à l’information CDS : Chronic Disease Score

CHSLD : Centre d'hébergement de soins de longue durée CI / IC : Confidence interval / intervalle de confiance

CIM / ICD (-9 et -10): Classification internationale des maladies / International Classification of Diseases

EI : Elixhauser Index ER : Emergency room

FIPA : Fichier d’inscription des personnes assurées ICC : Indice de comorbidité de Charlson

INSPQ : Institut national de santé publique du Québec

MED-ECHO : Maintenance et exploitation des données pour l’étude de la clientèle hospitalière

QICDSS : Quebec integrated chronic disease surveillance system RAMQ : Régie de l’assurance maladie du Québec

RC / OR: Rapport de cotes / odds ratio

RERI : Relative excess risk due to interaction ROC : Receiver operating characteristic SAS : Statistical Analysis Software

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Dédicaces

À mon partenaire incomparable, Nizar, dont l’amour, la générosité, et l’encouragement sont indispensables dans ma vie. Grâce à toi, j’ai eu l’audace d’aller à Québec et de faire une maîtrise dans ma langue seconde.

À mes parents, Bruce et Jane. Votre générosité, votre compassion, et votre fierté rayonnante de vos enfants sont des dons incroyables. Je serai toujours reconnaissant de vos sacrifices et des valeurs que vous m’avez apprises.

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Remerciements

Je tiens à remercier ma directrice de recherche, la Dre Caroline Sirois, qui m’a offert l’opportunité de travailler dans son équipe. Elle cherche toujours à donner à ses étudiants des opportunités précieuses — des congrès, des bourses, et divers projets de recherche. Sa passion pour l’enseignement brille.

Je remercie également mon co-directeur, Marc Simard, m’ayant approché il y a deux ans pour proposer ce projet de recherche. Son expertise en statistique et en SAS, ainsi que ses conseils sur les présentations orales et les innombrables révisions portées à mon article m’ont été indispensables. Il était un immense plaisir de travailler avec lui.

Je remercie Valérie Émond et tout le personnel de l’INSPQ pour leur accueil chaleureux et pour l’opportunité précieuse de travailler avec le SISMACQ. Mon expérience de travail à l’INSPQ a excédé toutes mes attentes.

Je remercie Bernard Candas pour son aide dans le développement de mon projet de recherche ainsi que ses commentaires perspicaces sur mon manuscrit.

Je remercie Alain Lesage pour son aide avec les éléments en lien avec les troubles mentaux et son enthousiasme pour aider les jeunes chercheurs.

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Avant-propos

Ce mémoire porte sur un projet de recherche réalisé dans le cadre d’une maîtrise en Santé publique (volet général). L’article inséré dans le mémoire, intitulé « Combined impacts of multimorbidity and mental disorders on frequent ER use in Quebec, Canada » apparaitra dans l’édition du 2 juillet du Canadian Medical Association Journal (CMAJ 2019 July 2;19. doi: 10.1503/cmaj.181712). Myles Leo Gaulin est le premier auteur de cet article. Il a choisi la question de recherche et a joué un rôle indispensable dans l’élaboration du projet, a fait les analyses statistiques, et a écrit l’article sous la supervision de Caroline Sirois (B. Pharm., Ph.D.) et Marc Simard (M.Sc.). Les co-auteurs de l’article sont Caroline Sirois (B. Pharm., Ph.D.)1,2,3 et Marc Simard (M.Sc.)2, Bernard Candas

(Ph.D.)1,4, et Alain Lesage (M.D.).

1Département de médecine sociale et préventive, Faculté de médecine, Université Laval ; 2Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ; 3Centre d’excellence sur le

vieillissement de Québec ; 4Institut national d’excellence en santé et en services sociaux

(INESSS)

Les résultats de ce projet de recherche ont été présentés également dans le cadre de divers congrès scientifiques, dont la 5e Journée de la recherche des étudiants de l’axe Santé publique — Santé des populations et pratiques optimales en santé (8 juin 2018), les Journées de la recherche en santé 2018 (23 mai 2018), Santé publique 2018 (Association canadienne de santé publique) (28-31 mai 2018), le Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health Symposium (15-18 avril 2018), la 3e Journée scientifique du Regroupement stratégique Santé mentale du Réseau de recherche en santé des populations du Québec (19 juin 2017), et le Congrès de l’Association francophone pour le savoir, comme conférencier invité (7-11 mai 2018).

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Introduction et pertinence

Durant les décennies récentes, le vieillissement de la population et les changements des habitudes de vie ont mené à une croissance importante du nombre de personnes vivant avec plusieurs maladies chroniques. La présence concurrente de ces maladies est connue comme la multimorbidité. Dans la population canadienne, un adulte sur huit et un aîné sur trois souffre de multimorbidité (Roberts, Rao, Bennett, Loukine, & Jayaraman, 2015). Ce portrait est similaire à ce qui est observé dans d’autres pays. Entre 1985 et 2005, la proportion d’adultes avec deux ou trois maladies est restée relativement stable (8 % et 5 % respectivement) alors que celle d’adultes avec quatre maladies ou plus a augmenté de 2,8 % à 7,5 %, selon une étude réalisée aux Pays-Bas (Uijen & van de Lisdonk, 2008).

La multimorbidité est associée à une utilisation accrue des services de santé, particulièrement de première ligne (Barnett et al., 2012). En Ontario, le nombre annuel moyen de visites chez un médecin de famille pour les personnes de 20 ans et plus n’ayant pas de maladie chronique est de 3,5 alors que ce nombre est de 10 pour celles ayant six maladies ou plus (Muggah, Graves, Bennett, & Manuel, 2012). Bien que les patients multimorbides ne constituent pas la majorité des visites chez un médecin de famille, en raison de leur part minoritaire de la population, ils représentent un nombre disproportionné des visites (Muggah et al., 2012). Étant donné l’accroissement continue du nombre de patients multimorbides, ceux-ci risquent de contribuer de plus en plus à l’utilisation totale des soins.

Un des services de première ligne potentiellement affectés par la croissance de la multimorbidité est l’utilisation des services d’urgence. La littérature scientifique démontre une association positive entre le nombre de maladies et le nombre d’admissions fréquentes à l’urgence (Adams, Koop, Quan, & Norris, 2015; Baretto et al., 2014; Ionescu-Ittu et al., 2007; McCusker et al., 2012; Payne, Abel, Guthrie, & Mercer, 2013). Les admissions fréquentes à l’urgence sont considérées comme un indicateur de soins primaires inefficaces ou inaccessibles (Billings & Raven, 2013; LaCalle & Rabin, 2010). Quand les maladies ne sont pas prises en charge adéquatement, les patients pourraient avoir recours aux soins d’urgences pour combler leurs besoins. Cependant, les admissions à l’urgence sont plus coûteuses et moins efficaces qu’un suivi régulier par un médecin de famille (Cunningham, Mautner, Ku, Scott, & LaNoue, 2017; Krieg, Hudon, Chouinard, & Dufour, 2016).

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d’hospitalisation, et de mortalité (McCusker et. al., 2014). Les urgences du Québec sont parmi les plus achalandées au monde (McCusker et. al., 2014). Des efforts pour mieux comprendre afin de mieux agir sur les facteurs de risque pour les admissions à l’urgence sont donc nécessaires.

Les troubles mentaux, qui affectent jusqu’à 30 % de personnes multimorbides (Barnett et al., 2012), sont connus pour exacerber les effets des maladies physiques, ce qui mène à un fardeau symptomatique plus lourd, une espérance de vie plus courte, et une incapacité plus sévère (Katon, 2003; Schmitz, Wang, Malla, & Lesage, 2007; Walker & Druss, 2016). Ces effets sont plus importants quand les troubles mentaux sont graves, comme les troubles bipolaires ou psychotiques (Collins, Tranter, & Irvine, 2012; Parks, M.D., Svendsen, M.D., Singer, M.D., & Foti M.D., 2006). Les troubles mentaux sont associés aux admissions à l’urgence, et ce indépendamment de l’état de santé physique (Billings & Raven, 2013; Krieg et al., 2016; Payne et al., 2013).

Bien que la multimorbidité physique et les troubles mentaux soient associées indépendamment aux admissions à l’urgence, aucune étude n’a examiné en profondeur l’effet combiné des deux facteurs. Étant donné que 30 % des personnes multimorbides ont au moins un trouble mental, il serait pertinent d’examiner si les deux facteurs interagissent ou non entre eux sur le risque d’admissions fréquentes à l’urgence.

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Chapitre 1 : Problématique

1.1 : Sujet / question de recherche générale

Dans le cadre de mon mémoire de maitrise, j’aimerais vérifier si les troubles mentaux ont un impact sur l’association entre la multimorbidité et les admissions fréquentes à l’urgence.

Pour répondre à cette question, ce mémoire fait appel à deux concepts statistiques apparentés -- l’effet modifiant et l’interaction. Ces deux concepts reposent sur le même phénomène statistique, nommément que l’association entre deux facteurs (dans le présent mémoire, la multimorbidité et les admissions fréquentes à l’urgence) peut différer en présence d’un troisième facteur, la variable modifiante (les troubles mentaux) (Knol & VanderWeele, 2012). Pour cette raison, les termes « effet modifiant » et « interaction » sont souvent utilisés de manière interchangeable. Par contre, ils représentent deux perspectives différentes. L’effet modifiant réfère uniquement au changement d’une seule association d’intérêt selon la présence ou non d’une variable modifiante (Knol & VanderWeele, 2012). L’interaction réfère à une situation où il y a deux associations d’intérêt (ou plus), et décrit comment l’effet combiné diffère de l’effet prédit par la somme des effets individuels. Dans ce mémoire, je m’intéresse aux deux concepts. Selon les définitions nommées, le terme « effet modifiant » est utilisé quand le changement d’une seule association est évoqué. Le mot « interaction » est utilisé dans le contexte d’un effet combiné. L’article intégré, étant écrit pour une audience de cliniciens (qui ne sont pas nécessairement des statisticiens), réfère aussi à la synergie, un mot courant dans plusieurs sphères et familier au grand public. Statistiquement, ce mot signifie une interaction positive sur l’échelle additive (Hertz-Picciotto, Smith, Holtzmann, Lipsett, & Alexeeff, 1992).

Mon hypothèse de recherche est que la présence de troubles mentaux amplifie l’effet des maladies physiques sur les admissions à l’urgence fréquentes. Ce phénomène constitue un effet modifiant. Un tel effet modifiant impliquant les troubles mentaux a déjà été démontré avec une autre issue de santé – le risque de congés de travail en raison de l’incapacité (Schmitz et al., 2007). Similairement, je fais l’hypothèse que l’interaction entre les deux est positive – que leur effet combiné est plus grand que la somme de leurs effets individuels.

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Les mesures de l’interaction et de l’effet modifiant peuvent tous les deux différer selon la perspective retenue. En effet, la combinaison de deux facteurs spécifiques peut représenter un risque additionnel pour le système de santé, mais non pas pour les individus, et vice versa. On parle alors de mesure de l’interaction ou effet modifiant sur l’échelle relative et l’échelle absolue respectivement (Rothman, 2012).

Pour les systèmes de santé, l’information la plus pertinente est le nombre d’utilisateurs fréquents de l’urgence et le nombre d’admissions. Le fardeau sur le système de santé est donc mesuré en termes absolus. Si un plus grand nombre d’admissions est observé dû à l’effet conjoint des maladies physiques et des troubles mentaux que celui qui serait prédit en additionnant les effets individuels, la synergie, ou interaction positive sur l’échelle absolue, est présente (VanderWeele & Knol, 2014). Si le nombre observé est moindre, l’effet modifiant est négatif.

Pour les individus, l’information la plus pertinente est comment leur risque d’admissions fréquentes à l’urgence varierait, en termes relatifs, comparativement à leur niveau de base, sans maladie physique. Donc, pour calculer le fardeau individuel, on compare le risque relatif en lien avec l’addition d’une maladie physique entre les personnes avec et sans troubles mentaux. Si l’impact de chaque maladie physique additionnelle diffère selon la présence ou non de troubles mentaux, on dira que les troubles mentaux ont un effet modifiant sur l’échelle relative sur l’association entre la multimorbidité et les admissions fréquentes à l’urgence (VanderWeele & Knol, 2014).

Les objectifs principaux de ce mémoire sont de déterminer, dans la population adulte québécoise, si les troubles mentaux et la multimorbidité interagissent sur l’échelle absolue (la synergie dans la perspective du système de santé) et si les troubles mentaux ont un effet modifiant sur l’association entre la multimorbidité et les admissions fréquentes à l’urgence, sur l’échelle relative (au niveau individuel). L’objectif secondaire est d’estimer le nombre d’admissions dues aux impacts séparés et combinés de la multimorbidité physique et des troubles mentaux.

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Chapitre 2 : Cadre théorique, état des connaissances, et hypothèses

2.1. Cadre théorique — Chronic Care Model

Le cadre théorique du projet de recherche est le Chronic Care Model, développé par (Wagner et al., 2001). Ce modèle décrit les éléments en lien avec les patients, les professionnels cliniques, les systèmes de santé, et la communauté entière qui facilitent ou compliquent la gestion des maladies chroniques. Une bonne gestion implique la prise en charge efficace des maladies et conduit à des issues plus favorables. Le modèle repose sur six « piliers » : l’organisation des soins, l’éducation thérapeutique, les ressources communautaires, le design des systèmes de prestation des soins, le soutien décisionnel, et les systèmes informatiques cliniques (Bodenheimer, Wagner, & Grumbach, 2002).

L’organisation des soins implique les aspects structurels des établissements de santé, ce qui inclut les modalités de remboursement des professionnels, le leadership et la valeur accordée à la qualité des soins chroniques par rapport aux soins aigus (Bodenheimer et al., 2002). Les orientations et incitatifs mis en place par les décideurs peuvent favoriser ou nuire à l’adoption des autres piliers du modèle.

L’éducation thérapeutique, souvent mentionnée par les patients multimorbides comme un besoin non comblé (Kenning, Fisher, Bee, Bower, & Coventry, 2013), constitue le deuxième pilier du modèle. La bonne gestion des maladies chroniques exige l’éducation thérapeutique des patients sur leurs maladies, les saines habitudes de vie, et l’utilisation des appareils médicaux (Bodenheimer et al., 2002). Les organisations qui emploient des professionnels autres que les médecins ou qui ont plus de temps pour l’éducation sont souvent les mieux placées pour informer les patients. Les professionnels peuvent aussi diriger les patients aux ressources communautaires tels que les groupes de soutien, qui peuvent aider l’autogestion et le bien-être psychosocial.

Le design des systèmes de prestation des soins englobe les aspects fonctionnels de la pratique tels que la composition de l’équipe médicale, la prise et le déroulement des rendez-vous et les heures d’ouverture (Wagner et al., 2001). L’éducation thérapeutique des patients et la délégation par le médecin vers les infirmières des tâches telles que les tests diagnostiques ou les examens de routine peuvent faciliter l’accès à ces services

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Le soutien décisionnel décrit les ressources disponibles au personnel soignant pour prendre des décisions éclairées et scientifiquement appuyées quant à la prise en charge des patients (Bodenheimer et al., 2002). Des lignes directrices pour des maladies particulières et des liens étroits avec des spécialistes facilitent le soutien décisionnel.

Les systèmes informatiques cliniques peuvent aider les fournisseurs de soins et les patients de diverses façons. Ils peuvent entre autres rappeler aux médecins et aux patients les tests nécessaires et les rendez-vous, faciliter la communication entre les professionnels, et permettre aux médecins de recevoir et consulter les résultats immédiatement (Bodenheimer et al., 2002). Cela peut réduire les défis organisationnels pour les patients et praticiens.

Les ressources communautaires englobent les proches d’un patient ainsi que tous les organismes communautaires qui aident les personnes qui ont des maladies chroniques (Bodenheimer et al., 2002). Concrètement, ces ressources peuvent aider les gens à aller aux rendez-vous médicaux et à accomplir leurs tâches quotidiennes, palliant ainsi la perte d’autonomie due à la maladie. Ils apportent aussi un soutien psychosocial crucial pour la santé mentale (Wagner et al., 2001).

Selon (Wagner et al., 2001) les maladies chroniques exercent une pression significative sur le système de santé précisément parce que les éléments du Chronic Care Model ne sont pas suffisamment présents dans les soins. Bien que l’étude proposée n’examine pas les causes qui sous-tendent l’association entre la multimorbidité, les troubles mentaux, et l’admission à l’urgence, le Chronic Care Model a soutenu la revue de littérature qui suit et les hypothèses de l’étude.

2.2. Association entre la multimorbidité et l’utilisation des soins

La multimorbidité se définit par la présence simultanée de plusieurs maladies sans hiérarchie particulière. Ce concept a pris une importance croissante dans la recherche sur les patients contemporains, souvent affectés par plusieurs maladies chroniques qui sont trop nombreuses pour définir une maladie « index », plus importante que les autres (Afshar, Roderick, Kowal, Dimitrov, & Hill, 2015; Barnett et al., 2012; Boyd & Fortin, 2010).

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La multimorbidité est associée à un état de santé plus faible qu’une seule maladie, avec des conséquences personnelles et collectives. Les patients multimorbides peuvent subir une réduction de la capacité physique, présenter une qualité de vie plus faible et de la détresse psychologique, et avoir un taux de mortalité élevé (Barnett et al., 2012). Ils risquent de devenir incapables de travailler et sont plus susceptibles de perdre leur autonomie. Le niveau d’incapacité augmente de façon non linéaire avec chaque maladie additionnelle, laissant croire que les maladies peuvent interagir pour produire des résultats plus sévères que ceux prévus dans un modèle additif (Boyd & Fortin, 2010). L’autogestion de multiples maladies est souvent plus difficile que celle d’une seule, menant à des issues de santé moins favorables (Boyd & Fortin, 2010). Selon une étude qualitative réalisée à Manchester, au Royaume-Uni, avec 20 patients multimorbides, la multimorbidité a été associée avec un manque d’énergie physique et mental ainsi que des exigences élevées en matière des connaissances et des pratiques de santé, ce qui a rendu très difficile la gestion des maladies multiples (Coventry, Fisher, Kenning, Bee, & Bower, 2014).

L’organisation du système de santé, non adapté au nombre croissant des patients multimorbides, pourrait aussi expliquer l’association entre la multimorbidité et l’utilisation des soins. Malgré la prévalence croissante de la multimorbidité, les hôpitaux et autres fournisseurs de soins sont optimisés pour traiter des maladies uniques ; ils sont divisés en départements, et même en établissements entiers, dédiés aux maladies et systèmes d’organes particuliers. Cette fragmentation des soins peut amener les patients multimorbides à recevoir des soins ou services inefficaces et mal intégrés à un coût élevé (Barnett et al., 2012). Une revue de 35 études portant sur la multimorbidité et l’utilisation des soins conclut à une association forte entre le nombre de maladies et le coût des soins ; approximativement, chaque maladie additionnelle double les dépenses en lien avec les soins d’un patient (Lehnert et al., 2011). La littérature indique clairement que la multimorbidité est associée à l’utilisation accrue des soins. Pourtant, la multimorbidité est souvent traitée dans la recherche comme un seul phénomène; moins de recherche a été faite sur les sous-groupes spécifiques qui peuvent avoir des caractéristiques particulières.

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2.3. Interaction et effet modifiant des troubles mentaux

Les patients avec un ou des troubles mentaux forment une population distincte. La coexistence des maladies physiques et psychiatriques est hautement prévalente. Une étude populationnelle réalisée au Québec a calculé une prévalence de 12 % des troubles mentaux dans la population générale (Institut national de santé publique de Québec, 2012) alors qu’une étude en Écosse a établi que 30,6 % des patients multimorbides avaient au moins un trouble mental (Barnett et al., 2012). Plusieurs études ont trouvé une relation dose-réponse entre le nombre de maladies physiques et la probabilité d’avoir un trouble mental (Barnett et al., 2012; Bobo et al., 2016; Smith et al., 2014). Barnett, par exemple, a calculé des rapports de cotes (RC) d’un trouble mental de 1,95 (IC 95 % : 1,93; 1,98) pour une maladie physique; 2,95 (IC 95 % : 2,90; 3,00) pour deux; 3,91 (IC 95 % : 3,83; 3,98) pour trois; 4,85 (IC 95 % : 4,74; 4,96) pour quatre; et 6,74 (IC 95 % : 6,59; 6,90) pour cinq ou plus. Bien que cette étude comprenne un grand échantillon, soit 1 751 841 personnes provenant de 314 cabinets médicaux, elle ne couvre que le tiers de la population ayant un médecin de famille. Cette étude est vraisemblablement représentative de la population écossaise, mais elle ne constitue pas une véritable étude populationnelle. Il est donc possible qu’un biais de sélection ait affecté les résultats, si les patients de ces cabinets étaient différents de la population générale ; cette possibilité serait éliminée dans une étude populationnelle (Rothman, 2012).

Les troubles mentaux tendent à exacerber les effets néfastes des maladies physiques. Chez les adultes américains, la présence d’une trouble mental ainsi qu’une maladie physique a été associée à un RC de 6,72 (IC 95 % : 5,92 ; 7,63) d’un état de santé autodéclaré inférieur à la moyenne ; pour les personnes ayant seulement des maladies physiques, le RC était de 3,08 (IC 95 % : 2,63; 3,60) (Walker & Druss, 2016). Cependant, cette étude repose sur des autodéclarations, qui sont sujettes au biais de rappel et à la subjectivité des échelles d’évaluation de la santé (Rehmler & Van Ryzin, 2015; Rothman, 2012). Dans une étude auprès des patients atteints de différentes maladies physiques dans trois hôpitaux américains, la présence d’une trouble mental était associée à un RC de 1,60 (IC 95 % : 1,40; 1,82) pour la réadmission durant le prochain mois (Hanrahan, Bressi, Marcus, & Solomon, 2016). Davydow et collègues ont réalisé une étude populationnelle à partir des données médico-administratives danoises qui couvrent les 5 049 353 adultes du Danemark (Davydow et al., 2015). Cette étude portait sur le risque d’hospitalisation chez les personnes atteintes de différentes maladies avec et sans la dépression concurrente. La

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présence de la dépression a augmenté le taux d’incidence de réhospitalisation pour une maladie de 1,21 fois par rapport aux personnes avec la même maladie, mais sans la dépression.

Quelques études ont examiné l’effet modifiant des troubles mentaux sur l’association entre une maladie physique et une issue de santé ou l’interaction entre les deux facteurs. Une étude a montré que la multimorbidité physique et la dépression ont un effet synergique sur la cote de congé de travail en raison de l’incapacité physique (Schmitz et al., 2007). L’excédent de risque relatif dû à l’interaction (RERI), qui décrit l’excédent de risque lié à la présence de deux facteurs par rapport au risque prédit par l’addition des effets individuels, était de 0,84 (IC 95 % : 0,31 ; 1,54) pour l’effet combiné de la dépression et une seule maladie chronique et 4,59 (IC 95 % : 2,84 ; 6,54) pour la dépression et au moins deux maladies chroniques. Les deux RERI, ayant des IC 95 % excluant 0, sont statistiquement significatifs. Cependant, l’interaction est considérablement plus forte avec la présence de deux maladies physiques. Dans une étude de cohorte réalisée en Écosse, la présence d’au moins un trouble mental avait un effet potentiellement modifiant sur l’association entre le nombre de maladies physiques et les admissions à l’urgence lors des analyses de sensibilité. Toutefois, l’effet était petit et les résultats non présentés puisque non liés à la question de recherche initiale (Payne et al., 2013). Cette étude portait sur une population de 180 815 patients de 40 cabinets médicaux. Comme les autres études recensées sur les troubles mentaux, elle n’est pas populationnelle et la possibilité d’un biais de sélection existe, si les caractéristiques des patients de ces cabinets étaient différentes de la population générale.

2.4 L’admission à l’urgence

Le taux d’admissions à l’urgence, considéré comme un indicateur des besoins non comblés par les soins de première ligne (Ionescu-Ittu et al., 2007; McCusker et al., 2012), a fait l’objet de plusieurs études. Une étude aux États-Unis réalisée dans le US Veterans’ Affairs Healthcare System a regroupé 5 233 994 patients selon le nombre de systèmes d’organes affectés par une maladie. Chaque système additionnel d’organes affectés (une mesure qui s’apparente au cumul des maladies chroniques) a été associé avec une augmentation moyenne de 0,4 visite à l’urgence par année (Zulman et al., 2015). Une étude

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taux d’admission de 7 % pour chaque point supplémentaire du Charlson Comorbidity Index et de 4 % pour chaque point sur le Chronic Disease Score (Ionescu-Ittu et al., 2007). Cette étude a été réalisée sur un échantillon aléatoire limitée à 95 173 patients dans 68 hôpitaux québécois.

Les admissions fréquentes sont un indicateur plus puissant de l’inefficacité des soins primaires que le taux d’admission à l’urgence (LaCalle & Rabin, 2010). Les utilisateurs fréquents sont généralement plus malades que les utilisateurs occasionnels, et présentent plus souvent des exacerbations et des complications des maladies chroniques (Billings & Raven, 2013; LaCalle & Rabin, 2010). La proportion d’admissions jugées urgentes mais évitables augmente à mesure que le nombre d’admissions par année augmente (Billings & Raven, 2013) et ce, nonobstant les visites plus fréquentes de ces individus chez le médecin de famille (Cunningham et al., 2017). Les soins donnés à ces patients sembleraient inefficaces. Les définitions d’admissions fréquentes apparaissant dans la littérature sont très variables, ce qui nuit à la comparabilité des études. Une revue systématique (LaCalle & Rabin, 2010) révèle que le seuil variait de 2 à 12 admissions par année. Quatre admissions était le nombre le plus commun et correspondaient au 95e percentile du nombre de visites dans la population générale, mais en général, le choix d’un seuil était arbitraire, sans justification théorique.

Les utilisateurs fréquents de l’urgence ont un état de santé autoévalué plus faible, ont plus de maladies physiques et sont moins satisfaits de leurs soins primaires (LaCalle & Rabin, 2010; Vinton, Capp, Rooks, Abbott, & Ginde, 2014). Ils représentent une petite population mais une proportion importante des admissions totales. Dans une revue systématique regroupant des études conduites au Royaume-Uni, en Irlande, en Suisse, en Espagne, au Canada, à Taïwan, en Australie, et en Nouvelle-Zélande, les estimations varient de 3,5% à 7,7 % des patients, qui font 12,1 % à 18 % des visites (van Tiel et al., 2015). Ils représentent donc une opportunité pour des interventions ciblées qui pourraient avoir des répercussions significatives sur le système de soins (Vinton et al., 2014).

Le lien entre la multimorbidité et l’admission fréquente à l’urgence a été observé dans des pays et des types de systèmes de santé différents, incluant le Canada, l’Écosse, et les États-Unis (Hardie et al., 2015; Krieg et al., 2016; McCusker et al., 2014; Payne et al., 2013; Zulman et al., 2015). Les troubles mentaux sont aussi associés aux admissions fréquentes (Billings & Raven, 2013; Graham et al., 2017; Krieg et al., 2016; Payne et al.,

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2013; van der Linden, van den Brand, van der Linden, Rambach, & Brumsen, 2014; van Tiel et al., 2015; Vu et al., 2015).

En résumé, les utilisateurs fréquents ont des problèmes de santé significatifs, et représentent une population mal desservie par le système de santé. Bien qu’ils soient peu nombreux, ils font une proportion significative des visites à l’urgence. Ils représentent donc une opportunité pour la mise en place d’interventions efficaces à l’échelle du système de santé.

2.5 Aspects méthodologiques de la surveillance de la multimorbidité

2.5.1. Mesures de la multimorbidité

Plusieurs méthodes sont utilisées couramment pour définir la multimorbidité dans la recherche. Le plus simple est de compter le nombre de maladies. Ainsi, tout patient ayant deux maladies chroniques ou plus est considéré comme multimorbide. Barnett et al. (2012), par exemple, ont conçu une liste des 40 maladies chroniques les plus utilisées dans les études sur la multimorbidité et ont défini la sévérité de la multimorbidité selon le nombre brut des maladies.

D’autres méthodes plus complexes ont été conçues pour mesurer le niveau de multimorbidité en prenant compte des associations relatives de chaque maladie avec une issue prédéfinie — plus fréquemment, la mortalité (Diederichs, Berger, & Bartels, 2011). L’indice le plus utilisé est l’indice de comorbidité de Charlson (ICC), qui comprend 19 maladies chroniques. Chaque maladie est pondérée en utilisant une valeur de 1 jusqu’à 6 selon son association avec la mortalité durant l’année suivante, calculée à partir d’un modèle de régression. Un individu se voit attribuer un score en sommant le poids de chacune des maladies qu’il cumule. Un score plus élevé indique un fardeau de maladies plus élevé ou un pire état de santé (Yurkovich, Avina-Zubieta, Thomas, Gorenchtein, & Lacaille, 2015). Un outil similaire, l’indice d’Elixhauser, répertorie la présence de 30 maladies (Elixhauser, Steiner, Harris, & Coffey, 1998). Cet indice, conçu comme une collection de 30 variables dichotomiques, permet d’assigner des poids numériques à chaque maladie selon l’association à la mortalité à 30 jours dans un modèle de régression logistique

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(van Walraven, Austin, Jennings, Quan, & Forster, 2009). Comme l’ICC, le score est la somme de poids.

Un Indice combiné de comorbidité a également été construit en combinant les indices de Charlson et d’Elixhauser (Gagne, Glynn, Avorn, Levin, & Schneeweiss, 2011). Il a montré une capacité prédictive supérieure aux deux instruments constitutifs pour la mortalité à 30 jours, ayant une statistique c de 0,860 (IC 95 % : 0,854 ; 0,866), par rapport aux valeurs de 0,839 (IC 95 % : 0,836 ; 0,849) pour l’indice de Charlson et 0,836 (IC 95 % : 0,834 ; 0,847) pour l’indice de Elixhauser (Gagne et al., 2011). L’Indice combiné a été initialement validé pour l’issue de mortalité, mais a été subséquemment utilisé pour étudier les déterminants de l’utilisation de l’urgence (Chavez et al., 2016; Maciejewski et al., 2014; Obermeyer, Clarke, Makar, Schuur, & Cutler, 2016). Récemment, Simard et collègues ont mis à jour l’Indice combiné avec de nouveaux poids et l’ont validé avec des données administratives québécoises (Simard, Sirois, & Candas, 2018). De plus, cette validation a été effectuée pour les codes diagnostics du CIM-9 et du CIM-10, contrairement à l’Indice combiné de Gagne, validé seulement pour les codes CIM-9.

Il n’y a pas d’indice qui fait consensus. L’indice approprié pourrait dépendre du contexte. Selon une revue systématique, l’ICC prédit la mortalité à un an mieux que l’EI (Yurkovich et al., 2015). Par contre, une autre étude a conclu que l’EI est le meilleur prédicteur de la mortalité à un an (Schneeweiss, Wang, Avorn, & Glynn, 2003). L’Indice combiné, qui regroupe les maladies des deux indices, s’est montré meilleur que les deux (Simard et al., 2018). Les indices basés sur l’utilisation des médicaments tels que le CDS et le RxRisk ont démontré une meilleure validité prédictive pour les variables dépendantes liées à l’utilisation des soins, tels que l’hospitalisation, le coût des soins, et l’utilisation des médicaments (Yurkovich et al., 2015). Cependant, ces résultats proviennent d’un nombre limité d’études comparatives, empêchant une conclusion définitive.

Le choix d’un indice est donc fonction de la validité démontrée, des données disponibles, et de l’issue de santé retenue. L’Indice combiné de Simard et collègues répond favorablement à chacun de ces critères dans le contexte du présent mémoire. Cet indice a été validé pour les mêmes bases de données utilisées dans ce mémoire, en utilisant les mêmes codes diagnostiques. Il performe mieux que les indices de Charlson et d’Elixhauser pour prédire la mortalité à 30 jours. De plus, d’autres chercheurs l’ont déjà utilisé pour

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prédire l’admission à l’urgence. Pour toutes ces raisons, l’Indice combiné a été retenu comme mesure de multimorbidité.

2.5.2 Conceptualisation des troubles mentaux

Les études épidémiologiques qui s’intéressent aux maladies mentales regroupent les troubles mentaux en catégories variables. Par exemple, Payne et al. (2013) ont documenté les troubles dépressifs ; troubles anxieux, névrotiques, et somatoformes ; la dépendance aux drogues et à l’alcool ; la démence ; la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques incluant le trouble bipolaire ; les troubles d’apprentissage ; et l’anorexie et la boulimie. Cependant, dans l’analyse finale, tous ces troubles mentaux étaient réduits en une seule variable dichotomique indiquant la présence d’au moins un trouble mental. D’autres études ont utilisé cette même variable dichotomique (Adams et al., 2015; Barnett et al., 2012; Walker & Druss, 2016). Les auteurs n’ont pas donné de raison motivant cette décision. Parmi les hypothèses possibles, un manque de puissance statistique pourrait avoir imposé une réduction du nombre de variables, les chercheurs pourraient avoir priorisé la parcimonie de leurs modèles, ou les questions de recherche au début pourraient avoir ciblé les troubles mentaux en général et non pas les troubles spécifiques.

Réduire l’information à la simple absence ou présence de maladies mentales masque une variabilité appréciable entre les divers types de troubles mentaux. Les patients multimorbides ayant un trouble anxieux pourraient présenter un profil de risque très différent de celui des patients ayant la schizophrénie, par exemple. Une solution de rechange pratique a été utilisée dans diverses études sur les effets des troubles mentaux sur les hospitalisations répétées chez les personnes avec des maladies physiques (Albrecht et al., 2012; Hanrahan et al., 2016). Ces études regroupent des troubles mentaux spécifiques, incluant la schizophrénie et les troubles schizoaffectifs, les troubles bipolaires et maniaques, la dépression majeure, et les autres troubles psychotiques dans la catégorie des troubles mentaux graves. Ces troubles ont été associés avec des déficits cognitifs et fonctionnels plus sévères chez les personnes affectées (Hanrahan et al., 2016). Une telle distinction entre les troubles graves et courants est susceptible de permettre une estimation plus précise des effets des troubles mentaux sur les admissions à l’urgence.

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2.5.3 La surveillance de multimorbidité : bases de données médico-administratives

Un nombre croissant des études sur la multimorbidité a eu recours à de grandes bases de données médico-administratives, telles que les réclamations d’assurance. Ceci s’explique par le fait que de telles bases de données permettent l’analyse pour l’ensemble d’une population, ce qui mène à des gains importants de puissance statistique, et ce, à un moindre coût que les études utilisant des données primaires (Needham, Scales, Laupacis, & Pronovost, 2005). Au Québec, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a recours à de telles données administratives pour réaliser la surveillance des maladies chroniques. Le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ) est une base de données populationnelle, ce qui exclut la possibilité des biais de sélection ainsi que des biais de rappel qui peuvent survenir lors des études qui ont recours aux données rapportées directement par les participants (Needham et al., 2005). Les données populationnelles peuvent être aussi plus généralisables et donc plus utiles lors de l’élaboration des politiques en santé (Needham et al., 2005).

Les données nécessaires pour identifier les personnes multimorbides et les admissions à l’urgence sont disponibles dans le SISMACQ. Cette base de données médico-administrative couvre la quasi-totalité des Québécois pour leur utilisation des services publics de santé et les diagnostics associés. Elle est le résultat d’un jumelage de divers fichiers détenus par des instances médicales et gouvernementales de la province (Blais et al., 2014). Un avantage particulier du SISMACQ découle du système de santé universel québécois. Tous les Québécois sont inclus dans les fichiers et sont identifiables par leur numéro d’assurance de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Cela rend possible une étude vraiment populationnelle — une rareté dans la littérature sur la multimorbidité et l’utilisation des urgences.

2.6 Hypothèse et objectifs

2.6.1 Synthèse des constats principaux et hypothèses

Quelques constats clés découlant de cette revue de littérature ont motivé le présent mémoire. Premièrement, les personnes multimorbides ont des besoins complexes en lien avec les soins de santé dû à leurs maladies concurrentes. Le système de santé, optimisé

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pour traiter des maladies uniques, pourrait fournir des soins fragmentés et moins efficaces pour ces individus. Cet état de fait pourrait mener à des exacerbations des maladies chroniques, qui nécessitent des admissions fréquentes à l’urgence. Les troubles mentaux, qui affectent jusqu’à 30 % des patients multimorbides, sont liés indépendamment aux admissions fréquentes à l’urgence. Ils sont aussi connus pour exacerber les maladies physiques. Les personnes souffrant de troubles mentaux ont plus de maladies chroniques avec des symptômes plus sévères. Leurs besoins sont plus complexes ; sachant que la complexité des patients multimorbides pourrait être associée aux admissions à l’urgence, il est plausible que les troubles mentaux pourraient intensifier cette association. Bien qu’aucune étude recensée n’ait examiné la possibilité d’une interaction ou d’un effet modifiant dans le contexte des admissions fréquentes à l’urgence, une étude a trouvé une interaction entre les maladies physiques et les troubles mentaux qui augmentait le risque d’incapacité au travail.

Une telle interaction est possible aussi en lien avec les admissions fréquentes à l’urgence. En effet, les patients multimorbides sont admis à l’urgence plus souvent en raison de la complexité de leurs maladies et les difficultés du système de santé à combler leurs besoins. Les troubles mentaux augmentent cette complexité, et pourraient donc intensifier cette association. Nos hypothèses sont que :

 Les troubles mentaux interagissent avec la multimorbidité pour augmenter le risque d’admissions fréquentes à l’urgence

 Les troubles mentaux modifient (augmentent) l’effet de la multimorbidité sur admissions à l’urgence

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2.6.2 Objectifs de recherche

Les objectifs principaux de ce mémoire sont d’estimer dans la population adulte québécoise :

 L’interaction entre les troubles mentaux et la multimorbidité sur l’association entre la multimorbidité et les admissions à l’urgence sur l’échelle additive, ce qui correspond à la perspective du système de santé

 L’effet modifiant sur l’échelle multiplicative, ce qui correspond à la perspective des patients

Objectif secondaire :

 Estimer le nombre d’admissions à l’urgence dans la population québécoise attribuable à la multimorbidité physique, aux troubles mentaux, et à la combinaison des deux facteurs

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Chapitre 3 : Méthodologie

3.1 Contexte de l’étude

Ce mémoire s’inscrit dans le mandat de surveillance des maladies chroniques accordé au Bureau d’information et d’études en santé des populations (une direction de l’INSPQ) par le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Ce mandat a été confié dans le contexte du vieillissement de la population et de la prévalence croissante des maladies chroniques, des tendances qui ont mené à un fardeau considérable et croissant sur le système de santé québécois (Blais et al., 2014). Les thèmes de surveillance de l’équipe du BIESP portent sur l’ostéoporose, les maladies ostéoarticulaires, les maladies cardiovasculaires, le diabète, les troubles mentaux, les maladies respiratoires, l’Alzheimer et les maladies apparentées, et le fardeau global de la maladie (Blais et al., 2014). Parce qu’il s’intéresse au fardeau global de plusieurs maladies chroniques simultanément (et non pas à une maladie spécifique), ce mémoire fait partie du thème du fardeau global.

3.2 Description et justification des méthodes d’investigation

3.2.1 Source des données

La source des données était le SISMACQ, une base de données jumelées maintenue et entreposée sur place à l’INSPQ. La présente étude a employé quatre fichiers constituants du SISMACQ : le fichier d’inscription des personnes assurées (FIPA), le fichier de la Maintenance et exploitation des données pour l’étude de la clientèle hospitalière (MED-ÉCHO), le fichier des actes médicaux rémunérés à l’acte par la RAMQ, et le fichier des décès. Le SISMACQ est mis à jour chaque année avec les données de l’année fiscale précédente (du 1er avril d’une année au 31 mars de l’année suivante). Au début de l’étude,

le SIMACQ contenait des données sur 94,4 % de la population québécoise jusqu’au 31 mars 2016.

Le FIPA, alimenté par la RAMQ, comporte des informations démographiques et le lieu de résidence de toutes les personnes admissibles à l’assurance maladie, ainsi que le numéro d’assurance-maladie, qui sert de base du jumelage entre les différents fichiers

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MED-ÉCHO renferme de l’information concernant les soins hospitaliers donnés au Québec, notamment la durée et le lieu du séjour, le diagnostic primaire, jusqu’à 25 diagnostic secondaires (et du décès, si applicable), les services faits par les médecins, les soins intensifs, et les autres interventions médicales. Depuis le 1er avril 2006, les diagnostics contenus dans ce fichier sont codés selon la version canadienne de la 10e

révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10-CA). Cette classification, apparue en 1992, est la révision la plus récente d’une taxonomie des maladies publiée par l’Organisation mondiale de la Santé. Chaque maladie se voit assigner un code alphanumérique, qui sert à l’identifier précisément dans des contextes cliniques ou de recherche (Organisation mondiale de la Santé, 2009).

Des données détaillées concernant les actes médicaux sont incluses pour les personnes qui répondent à des critères de risque, notamment la présence d’au moins un code diagnostique CIM-9 ou CIM-10 dans une liste prédéterminée de maladies chroniques. Pour ces personnes, le fichier des services médicaux comprend toute intervention médicale rémunérée à l’acte par la RAMQ. Les diagnostics posés pour chaque acte médical sont codés selon une adaptation québécoise de la neuvième révision de la Classification internationale des maladies (CIM-9-QC). Un code diagnostique est inclus pour 91 % des actes médicaux (Blais et al., 2014).

Une particularité importante existe dans les données concernant les admissions à l’urgence : les services fournis dans les urgences ne sont pas documentés systématiquement dans MED-ÉCHO (Belzile et al., 2011). Par contre, tous les actes posés par les médecins aux urgences sont inscrits dans le fichier des actes médicaux. Belzile et collègues (Belzile et al., 2011) ont validé un algorithme pour identifier les admissions à l’urgence à partir de ce fichier. Comme les patients peuvent rester à l’urgence durant plusieurs jours consécutifs ou que leur séjour peut simplement chevaucher l’heure de minuit et ainsi comprendre deux jours du calendrier, deux jours consécutifs avec des tels actes médicaux sont considérés comme une seule admission. Cette définition a apporté le meilleur équilibre entre la sensibilité et la spécificité pour le nombre d’admissions dans une étude de validation (Belzile et al., 2011). Un troisième jour consécutif, événement rarissime, serait considéré comme une deuxième admission.

Le statut socioéconomique de chaque individu dans le SISMACQ est indiqué par un indice de défavorisation. Cet indice est calculé en utilisant les données du Recensement

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canadien. Il mesure la défavorisation matérielle et sociale dans une région géographique en utilisant six indicateurs. Trois indicateurs sont liés la défavorisation matérielle : la proportion de personnes 15 ans et plus sans diplôme d’études secondaires, la proportion de ces mêmes personnes sans emploi, et le revenu moyen. Trois autres indicateurs sont liés à la défavorisation sociale : la proportion des personnes 15 ans et plus vivant seules ; la proportion des personnes divorcées, séparées ou veuves ; et la proportion des familles monoparentales (Gamache, Hamel, et Pampalon, 2015). Chaque aire de diffusion, la plus petite unité géographique définie par Statistique Canada, se voit attribuer deux scores correspondant à ses quintiles de défavorisation sociale et matérielle Les individus dans le SISMACQ sont localisés dans une aire de diffusion, en fonction de leur code postal, et se voient attribuer un des quintiles de défavorisation matérielle et sociale de l’aire de diffusion qu’ils habitent.

3.2.2 Devis d’étude, population à l’étude, stratégie d’échantillonnage

Ce mémoire a suivi un devis de cohorte rétrospectif. La période d’étude comprend quatre années consécutives, du 1er avril 2012 au 31 mars 2016. Les deux premières années de données, du 1er avril 2012 au 31 mars 2014, ont été utilisées pour identifier les patients multimorbides ainsi que ceux ayant un trouble mental. Les données de la troisième année (1 avril 2014 à 31 mars 2015) ont été utilisées pour identifier les admissions à l’urgence. Enfin, les décès durant les deux dernières années (1 avril 2014 à 31 mars 2016) ont été documentés et ces personnes exclues, en raison de l’utilisation atypique des services de santé en fin de vie (Langton et al., 2014).

La population cible était l’ensemble des adultes québécois, ayant au moins 18 ans le 1 octobre 2014. La population source était tous les individus inclus dans le SISMACQ, qui contient des données sur toute la population québécoise correspondant aux critères suivants : Premièrement, les individus doivent posséder une carte RAMQ. Pour l’année fiscale 2011-2012, la population admissible à la RAMQ était de 7 995 963 personnes, soit 99,1 % des personnes vivant au Québec. Deuxièmement, les restrictions concernant l’accès à l’information exigent que seules les personnes potentiellement à risque d’une maladie chronique (selon les codes diagnostiques, les codes d’interventions médicales, et les médicaments inscrits dans leurs dossiers) soient retenues dans le SISMAQC. Pour

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2011-à un critère de risque pour une maladie chronique (Blais et al. 2014). Donc, la population source était tous les adultes admissibles à la RAMQ qui étaient potentiellement à risque d’une maladie chronique.

3.3 Variables à l’étude

3.3.1 Variables indépendantes

La multimorbidité et la présence d'un trouble mental ont été identifiées pour chaque membre de la population québécoise à partir des données des années fiscales de 2012/13 et 2013/14. Pour chaque patient, tous les diagnostics CIM-10 inscrits dans MED-ÉCHO et les diagnostics CIM-9 inscrits dans le fichier des actes médicaux durant cette période ont été documentés.

L’Indice combiné a été utilisé pour mesurer la multimorbidité physique (Simard et al., 2018). Cet indice regroupe 32 maladies chroniques contenues dans les indices d’Elixhauser et de Charlson. Les cinq troubles mentaux ont été exclus pour produire une liste de 27 maladies physiques. Cette procédure évite le double comptage des troubles mentaux et assure l’indépendance de l’indice et la présence d’un trouble mental dans le modèle de régression. Pour détecter les maladies chroniques, nous avons appliqué des définitions de cas validées qui prennent compte de tous les diagnostics primaires et secondaires inclus dans les fichiers. Les définitions de cas ont varié selon le fichier source, en raison de la précision différentielle entre fichiers hospitaliers et externes (Klabunde, Potosky, Legler, & Warren, 2000). Dans MED-ÉCHO, un seul code diagnostique a été considéré comme de l’évidence suffisante de la présence d’une maladie, selon la méthodologie utilisée par (Gagne et al., 2011) et (Simard et al., 2018). Pour le fichier des actes médicaux, une règle plus exigeante a été utilisée : deux codes diagnostiques devaient être présents hors d’une même période de 30 jours pour constituer une preuve suffisante. Selon Klabunde et al., (2000), cette méthode a démontré une meilleure capacité prédictive pour les diagnostics documentés dans les dossiers médicaux des patients concernés, par rapport au recours à un seul acte.

Le diabète et l’hypertension gestationnels ont été exclus du calcul de l’indice. Ces maladies se résorbent généralement après la grossesse et ne constituent donc pas de

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véritables maladies chroniques (Chun, Healy-Profitós, & Tu, 2017; Sibai, 2003). Pour ce faire, les diagnostics de diabète ou d’hypertension reçus par une femme qui a aussi reçu des soins en lien avec la grossesse pendant la même année n’ont pas été considérés.

Deux variables ont été construites à partir de la liste des maladies. Un score pondéré a été calculé en ajoutant les poids assignés par l’indice pour chaque maladie physique (Annexe 9.1). Un compte non-pondéré a été calculé en utilisant le nombre de maladies physiques.

Les troubles mentaux ont été également documentés en utilisant les codes diagnostiques dans MED-ECHO et le fichier des actes médicaux. Nous avons appliqué la définition de cas utilisée en surveillance des maladies chroniques, qui requiert un code diagnostique dans MED-ECHO ou dans le fichier des actes médicaux pour établir la présence d’un trouble mental (Diallo et al., 2018; Institut national de santé publique de Québec, 2012). Une fois détectés, les troubles mentaux ont été divisés entre les troubles mentaux graves et courants (Annexe 9.1). Les troubles mentaux graves incluent la schizophrénie et les troubles schizo-affectifs, les troubles bipolaires et maniaques, et les autres troubles psychotiques. Tout autre trouble mental de la CIM-9 et de la CIM-10, est considéré comme courant, incluant par exemple les troubles anxieux et les troubles dépressifs sans caractéristiques psychotiques. Les troubles mentaux sont donc représentés par une variable ordinale à trois modalités : aucun trouble mental, trouble mental courant, et trouble mental grave.

3.3.2 Variable dépendante

La variable dépendante (variable réponse) décrit les admissions fréquentes à l’urgence pendant l’année fiscale 2014-2015. En l’absence d’une définition commune, nous avons choisi un seuil de manière empirique, soit le 95ieme percentile du nombre d’admissions par année. Ceci correspond à 3 admissions. La variable dépendante est une variable dichotomique qui prend la valeur 0 si ≤2 admissions et 1 si ≥3 admissions.

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3.3.3 Variables potentiellement confondantes

L’âge, le sexe, le statut socioéconomique, et la ruralité ont tous été associés avec les admissions à l’urgence et à la multimorbidité et sont donc potentiellement confondants (Institut de la statistique du Québec, 2013). Conséquemment, ces variables ont été contrôlées statistiquement lors de l’analyse des données.

L’âge a été défini comme l’âge du patient en années au milieu de la troisième année de suivi (l’année de mesure des admissions à l’urgence), soit le 15 octobre 2014.

Le sexe a été défini comme une variable dichotomique ayant les valeurs 0, pour les hommes, et 1, pour les femmes.

L’indice de défavorisation de l’INSPQ a été utilisé pour opérationnaliser le statut socioéconomique. Cet indice est divisé en deux sous-indices indépendants : la défavorisation sociale et la défavorisation matérielle. Chacun prend des valeurs de 1-5, correspondant aux quintiles de défavorisation (1 étant le plus favorisé et 5 étant le plus défavorisé). Donc, le statut socioéconomique a été représenté pour chaque personne, en fonction de l’aire de diffusion où il habite, par deux variables ordinales dont les valeurs sont comprises entre 1 et 5.

La variable de ruralité a été construite en utilisant les données géographiques incluses dans le FIPA et provenant des données de recensement canadiennes. Chaque individu dans ce fichier se voit attribuer un des quatre codes correspondant à sa zone de résidence, soit la région de Montréal, une autre région métropolitaine, une agglomération de taille moyenne, ou une zone rurale (Blais et al., 2014). Dans le modèle de régression de la présente étude, nous avons dichotomisé cette variable, car Montréal, les régions métropolitaines, et les agglomérations de taille moyenne avaient des taux semblables d’admissions à l’urgence. La valeur 1 correspond à une zone rurale. Tous les autres types de zones résidentielles sont codés comme la valeur 0 (zone non rurale).

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3.4 Analyse statistique

3.4.1 Analyses descriptives

Avant de construire le modèle explicatif, des analyses descriptives ont été réalisées afin de dresser un portrait de la population québécoise.

Dans la population adulte générale, les variables sociodémographiques ont été résumées statistiquement. Le pourcentage des personnes dans chaque intervalle d’âge de 10 ans a été présenté. Le pourcentage des hommes et des femmes, les scores moyens sur les indices de défavorisation sociale et matérielle, et le pourcentage des personnes vivantes en zones rurales et non rurales ont été également rapportés.

Ensuite, les distributions des variables indépendantes ont été présentées. Le nombre moyen de maladies physiques et le score moyen sur l’Indice combiné ont été calculés. Le nombre de maladies non-pondéré a été divisé entre cinq catégories (0, 1, 2, 3, ≥4) et les pourcentages des personnes dans chaque catégorie ont été calculés. La même procédure a été suivie pour le score pondéré (0, 1, 2-3, 4-5, ≥6). Les proportions des personnes ayant des troubles mentaux graves et courants ont été également rapportées.

Subséquemment, toutes ces analyses descriptives ont été répétées séparément selon les niveaux de la variable dépendante : 0-2 et ≥3 admissions à l’urgence. Cela a permis une comparaison préliminaire des variables indépendantes chez les patients qui ont été et n’ont pas été admis à l’urgence et a démontré la direction des associations entre les variables indépendantes et dépendantes.

3.4.2 Modèle explicatif

Nous avons modélisé les effets de la multimorbidité et des troubles mentaux sur l’admission fréquente à l’urgence ainsi que l’interaction entre la multimorbidité et les troubles mentaux à l’aide de la régression logistique multivariée. La procédure LOGISTIC du logiciel Statistical Analysis System (SAS) produit par le SAS Institute a été utilisée. Le modèle de régression logistique était de la forme suivante :

Figure

Table  1.  Characteristics  of  adult  (>18  years)  population,  non-frequent,  and  frequent  emergency room (ER) users in Quebec, fiscal year 2014-2015
Table  2.  Crude  proportion  and  crude  and  adjusted*  odds  ratios  of  frequent  ER  users  in  Quebec, fiscal year 2014-2015
Figure 1. Public health impact (absolute scale). Adjusted* proportions of frequent ER users  (≥3  admissions/year)  by  number  of  physical  conditions  in  Quebec,  stratified  by  mental  disorder status, fiscal year 2014-2015
Table 3. Number and proportion of ER admissions due to physical multimorbidity, mental  disorders, and potential synergy in Quebec, stratified by mental disorder status, fiscal year  2014-2015

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