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Chapitre 5 : Discussion

5.2 Limites et biais potentiels

5.2.1 Biais d’information

Ce mémoire a utilisé des données secondaires, qui n’étaient pas recueillies aux fins de recherche. Les fichiers utilisés documentent surtout l’assurabilité, les réclamations, les actes médicaux, et les hospitalisations ; les diagnostics sont recueillis comme données supplémentaires. Dans le fichier des actes médicaux, seules les maladies pour lesquelles les personnes ont obtenu un traitement apparaissent. De plus, les soins médicaux reçus hors Québec ne sont pas inclus, tout comme les traitements donnés par les médecins qui ne sont pas rémunérés à l’acte, une proportion croissante, mais faible des professionnels au Québec. Ces lacunes entraînent inévitablement une sous-estimation des maladies chez les personnes incluses (Blais et al. 2014).

Les données du SISMACQ pourraient sous-estimer la prévalence des troubles mentaux, qui peuvent être traités par des psychologues dans le système privé et par des travailleurs sociaux. Cette sous-estimation est probablement plus importante chez les personnes ayant des troubles mentaux courants, comme celles avec des troubles sévères sont plus souvent hospitalisées ou simplement traitées en milieu hospitalier et seraient donc répertoriées dans le SISMACQ (Institut national de santé publique de Québec, 2012). Un biais d’information différentiel découlant de cette sous-estimation est possible; les utilisateurs fréquents de l’urgence ont plus d’opportunités de se voir diagnostiquer avec un trouble mental dans le système public. Dans ce cas, l’association entre les troubles mentaux et l’utilisation fréquente de l’urgence serait surestimée. Par contre, le lien entre l’utilisation de l’urgence et les troubles mentaux est bien documenté, et les mesures d’effet trouvées dans ce mémoire s’accordent avec la recherche existante.

un biais d’information différentiel qui pourrait affecter les mesures d’interaction et d’effet modifiant. Cela pourrait causer une surestimation si la sensibilité augmentait avec le niveau de multimorbidité ou une sous-estimation si elle diminuait. Des études de validation futures pourrait clarifier cet élément.

Le biais d’enregistrement est inévitable dans une base de données aussi importante que le SISMACQ. Des erreurs lors de l’entrée des données pourraient introduire un biais. (Tamblyn, Lavoie, Petrella, & Monette, 1995) ont examiné 1 917 214 ordonnances documentées par la RAMQ et ont trouvé diverses erreurs : 0,4 % des ordonnances avaient un numéro d’assurance erroné, 0,4 % avaient une quantité de médicaments manquante ou inexacte, entre autres détails. Dans un sous-échantillon, 11 % des réclamations trouvées dans les dossiers de la RAMQ incorporaient des données erronées sur le nom du médicament ou le médecin qui l’a prescrit. Des erreurs semblables peuvent exister pour d’autres types de réclamations, comme celles pour les actes médicaux. Ces erreurs seraient aléatoires, non liées aux variables dépendantes ou indépendantes, et donc non différentielles. Elles auraient tendance à sous-estimer les associations mesurées (Rothman, 2012).

Nonobstant les biais d’information possibles avec les bases de données administratives, les définitions de cas pour les maladies physiques ont déjà montré une validité élevée avec des données administratives québécoises (Lambert et al., 2012). Bien que nos définitions de cas pour les troubles mentaux ne sont pas validées, elles ont été utilisées dans d’autres études et ont montré une validité externe élevée (Diallo et al., 2018). Bien que nous n’avons pas d’accès direct aux données sur les congés des patients des urgences, notre algorithme pour l’utilisation avec le fichier des soins rémunérés à l’acte a été validé (Belzile et al., 2011). Globalement, nos mesures d’exposition et d’issues sont valides pour tirer des conclusions populationnelles.

5.2.2 Biais de confusion

Les variables de l’âge, du sexe, de la ruralité et de l’indice de défavorisation sont incluses dans le modèle comme covariables, ce qui permet de corriger les biais dus à ces facteurs. Ils sont tous liés à la multimorbidité et l’admission à l’urgence et sont donc potentiellement confondants. Cependant, l’indice de défavorisation est une variable

écologique, qui s’applique aux aires de diffusion et non pas nécessairement à chacun des individus dans une aire de diffusion. Il est possible qu’une personne ait un statut plus ou moins défavorisé que l’ensemble de ses voisins. De plus, il y a divers autres facteurs confondants pour lesquels les données n’existent pas dans le SISMACQ. Les habitudes de vie, telles que l’activité physique, les habitudes alimentaires, et la charge de travail quotidienne, ne sont pas documentées. Par ailleurs, bien que nous ayons considérés ces variables comme potentiellement confondantes, certaines caractéristiques comme les habitudes de vie ou le statut socio-économique pourraient découler de la présence de troubles mentaux. Ils se trouveraient donc dans la chaine causale de l’association observée, et agiraient comme variable intermédiaire. Nous n’avons toutefois pas évalué cet aspect dans l’étude. Aussi, les traitements qui ne sont pas remboursées par la RAMQ, notamment la psychothérapie, ne peuvent pas être examinés. Le soutien social, un aspect important de la gestion des maladies chroniques selon le Chronic Care Model, est aussi absent du SISMACQ. De telles variables pourraient influencer l’association entre la multimorbidité, les troubles mentaux, et l’admission à l’urgence.

5.2.3 Biais de sélection

Le potentiel d’un biais de sélection est limité, compte tenu de la nature populationnelle du SISMACQ. Il n’y a eu ni d’échantillonnage ni de possibilité d’attrition différentielle, la population à l’étude étant le Québec entier. Néanmoins, quelques sous- populations distinctes ne sont pas incluses dans les données du SISMACQ, dont les employés des Forces canadiennes, qui reçoivent leurs soins médicaux aux frais du gouvernement fédéral et les personnes soignées dans les centres d’hébergement et des soins de longue durée (CHSLD). La généralisation des résultats de ce mémoire à ces sous- populations ne peut pas être confirmée. Néanmoins, la taille et la diversité de la population à l’étude font en sorte que nos résultats sont utiles à l’échelle de la population québécoise.

Nous avons choisi d’exclure les personnes décédées ou en fin de vie durant les trois années de suivi, dû à l’utilisation atypique des soins par les personnes en fin de vie. Un total de 245 625 personnes (4,3 % de la cohorte originale) ont été exclues pour cette raison. Cela pourrait engendrer un biais de survie en excluant les personnes les plus à risque des maladies physiques et troubles mentaux. Des modèles de risques compétitifs auraient pu

5.2.4 Autres limites

Des analyses de sensibilité supplémentaires auraient pu être réalisées dans le cadre de cette étude. Par exemple, il aurait été possible de vérifier la robustesse des choix de la définition de notre exposition, en répétant les analyses statistiques avec des regroupements différents du nombre de maladies physiques et d’autres classements de troubles mentaux. Pour examiner l’impact de notre mesure d’issue, plusieurs seuils différents auraient pu être testés pour définir les admissions fréquentes à l’urgence, au-delà de trois et de quatre admissions, voire même le regroupement des admissions à l’urgence avec les hospitalisations. D’autres analyses auraient pu examiner l’impact sur les résultats de l’exclusion des décès. De telles démarches auraient mis en lumière les effets de nos choix méthodologiques et potentiellement montré la robustesse des associations que nous avons trouvées. De plus, les analyses auraient pu être répétées dans diverses sous-populations, telles que des groupes d’âge, de sexe, ou de ruralité pour voir si les associations étaient constantes à travers ces groupes, ou limitées à des groupes particuliers. Des études futures pourraient répondre à ces questions.

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