...
J
/LA LEGENDE DU "COEUR MANGE"
..
,
{
•
o/
... ' ,.
'," /.
'LA LEGENDE DU COEUR MANGE DANS LES LITTERATURES
.
FRANCAISE ET ITALIENNE DU XIIe AU XIVe SIECLE
.'
)by
Anna Mar ia Costanza Czech
A) Thes is ) ,
Stfbmitted to
.
The Faculty of Gra'duate Studies and Research McGill University
In partial fu!filment of the requirements For the Degree of '
Master of Arts
Departments of French and Italian Language and Literature
1
'," fô\
i \:::;/ Arma
Hari.
aoatanza C.ecÏl
.'
•
r
~\.", :
.
, ~~,!:~1.~;~;,'~ '.\ ... "
Departments of French
&Ita 1 ian
Language and Literature
Mas ter of Arts
Anna Maria Costanza Czech
LA LEGENDE DU COEUR MANGE
PANS LES LITTERATURES
FRANCAISE ET ITALIENNE DU XIIe AU XIVe SIECLE
RESUME
o
.
La propagat.ion du conte folklorique du "coeur mangé"
durant les XIIe, XIIIe et XIVe
si~clesinclusivement a
parti-culièrement attiré 'notre attention.
Le récit en question
o'"
s'est effectivement présenté sous diverses formes narratives
dont les relations structurales sémantiques parmi les
person-,nages ont subi des
transf~rmationsmajeures.
Nous avons suivi
!
--.
1~développement narratif de chaque récit
attachan~'une·tmpor-...
tance considérable aux rapports structurés qui
s'y
trouvent
iifi'i\
de déterminer leurs fonctions respectives
~
o o
•
•
r
/
1
°Departments of French
&Italian
Language and Literature
Mas ter of Arts
,
Anna Maria Costanza Czech
LA LEGENDE DU COEUR MANGE DANS LES LITTERATURES
FRANCAISE ET ITALIENNE
DUXIIe
AliXIVe SIECLE
f
ABSTRACT
The propagation of the legend of the
Ileaten heart
I lduring the XIIth, XIIth and XIVth centuries inclusively has
partic~arly
interested u&.
The story itself effectively
developed in a series of narrations whose structural and
semantic relations amongst the characters have suffered major
r
trapsformations.
Ç)We' have followed the narrative developnent
of each story attaching a considerable importante to its
respective structural relations in order to 4etermine their
specifie functions-,
o
> •
•
,
TABLE DES MATIERES
..
INTRODUCTION
,
. .
. . . .
.
. . . .
..
. .
.Chapitre premier - ETUDE ANALYTIQUE SUR LE LAI DE GUIRON ET SUR LE LAI DI IGNAURE " "(" " " Chapitre II
..
LA BIOGRAPHIE DE GUILHEM pE CABESTANH - REDACTIONS l ET IV. . . . . . . . . . .Chapitre III - IN MORTE DE BLACATZ " " " • • • • •
Chapitre IV - LE ROUMAN DU CASTELAN DE COUCY ET DE LA DAME DE FAYEL . • • . • • . . • . .
Chapi tre V ' \ - IL NOVELLINO ET IL DECAMERON CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE. • o o i i o age 1 13 40 65 79 96 137 143
•
•
, '
\
INTRODUCTION
Le récit du "coeur mangé" occupe une place favorable parmi les contes traditionnels qui vivaient avant le XIIIe siè-cIe et qui vivent encore aujourd'hui; il fait partie d~ trésor des littératures populaires, i l avoisine les contes merveilleux et les fables et comme~tel il intéresse les folkloristes. Comme tout conte populaire, i l se développa à travers les siècles sui-vant les deux courants essentiels: le mouvement littéraire et le mouvement oral; par conséquence, sa présence se manifesta dans le monde entier car ce qui est dans le folklore français se retrouve dans tpus les autres.
Il n'y a pas, à proprement parler, du folk- ~
lore français, ou allemand, ou italien, mais un seul folk-lore européen; et telle c~oyance
ou telle l.égende qui parait isolée dans un coin isolé d'une p~vince de France est soudain
rapportée par un voyageur dans des termes ana~ loques ou identiques de chez quelque peuplade
d'Afr~que ou d'Australie. l
lJoseph'Bédier, Les Fablia.ux (Paris: Librairie Honoré Champion, 1964), p. 50 •
<J
•
•
r j ,
2
Diverses formes du récit ont donc surgi; par contre le drame essenti,el persiste toujours afin de nous dévoiler son thème initial dans lequé! un ma~i offensé-4:~~~ar vengeance, manger à son épouse le coeur de celui qu'elle aimait.
'-La question de l'origine et de la propagation de ce ·conte ne doit pas se poser, car toute tradition popUlaire
pos-sède une force singulière de persistance et de diffusion. Ce problème s'imposa et les érudits du XIXe siècle établirent di-verses théories qui actuellement se contredisent. Elles sont:
la théorie aryenne d'où le conte populaire moderne renferme
,
des détr i tus d'une ancienne mythologie aryenne; la théorie anthropologique affirmant que le conte populaire renferme des survivances de croyances, de moeurs abolies; la théorie des co!ncidence§ accidentelles et finalement la théorie orientaliste
eJ
dans laq\telle tout conte dérive d'une source commune, qui est l'Inde des temps historiques.
Aujourd'hui l'histoire ne permet pas de supposer ~'il ait existé une race pr'iviléqiée, indienne ni autre, qui inventa les contes; au contraire, elle démontre que chaque peuple créa son propre folklore littérai~e. Il faut donc conclure, selon
l
l'expression de M. Gaidoz, à la polygénêse des con~es,
••
"•
r" ~..:h .. ~tl~~J'i; ~", Lh>~.~ /.A' 3c'est-à-dire, l,'imrnense majorité des récits populaires naquit en des lieux divers, en des temps divers à jamais indétermina-bles. Cette hypothèse n'exclut pourtant pas la possibilité, que
\
certains modes littéraires de telle époque, de tel pays, re-,cueillis et mis en oeuvres par le~ lettrés, aient exercé de
l'influence sur des conteurs des'autres pays.
Ainsi le récl.t du "coeur mangé" n'est caractéristique d'aucune nation spéciale car i l vagabonda par le monde sans con-naître plus de règles fixes qu'une graine emportée par le vent. Nous le retrouvons donc sous ses diverses formes littéraires dans le continent européen et oriental; mais ce qui nous im-porte est surtout sa présence en France et en Italie, deux con-trées manifestant multiples interprétations sur lesquelles se portera notre étude. Ces deux pays nous offrent la liste chro-nologique suivante du même récit:
France XIIe siècle.
1. Lai de Guiron (disparu) 2. Bref résumé de ce dernier
dans le Tristan de Thomas, 1150.
•
•
France
XIIIe siècle.
1. Li Lays d'Ignaure,
1202. //
/ /, / / 2.La Biographie de Guilhem
de C abes taing,
;'
1206.3. Li Rouman du Castelan
de Coucy et de la Darne
de Fayel,
1228.XIVe siècle.
,-, 11
1
4It.alie
1. In Morte di Blacatz,
1237. 2.Il Novell,ino, nouvelle
LXII,
1281.
1. Il Decameron,
IV,l, 9,
1349-1351.
\~
__J-Le Lai
d~Guiron est sans nul doute la
toute,premi~rerédaction française du récit du
I~oeurmangé".
Il n'existe
p+us:
pourtant plusieurs anciens poèmes
yfont allusion 1?armi
lesquels,le Tristan de Thomas.
Is~ut,séparée de Tristan,
dis-trait sa tristesse en chantant un lai sur la harpe.
En sa chambre se set un jor,
~t
fait un lai pitus d'amer.
•
, 1
•
\
5
"Comment don Guirien fu surpris, Pur l'amur de la d~e ocis, , Que i l sur tute rien ama. Et cornant li cuns puis dona Le cuer Guirien a ~~a moillier Par engin un jor a manger , Et la dolur que la dame out
Quant la mort de sun ami saut.l
"
(,
Le Lai de Guiron appartient aux vieilles traditions
cel-tique~~qui par l'intermédiaire des Normands de France et d'Angle-'
terre, firen~ irruption dans les littératures romanes et
germaniques du XIIe s~ècle. L'amour coupable et la vengeance féroce sont le sujet de cette poésie mélancolique et amoureuse.
)
Le trait d'union entre les rédactions ultérieures et le
/ 2
La~ de Guiron est fourni par le Lai d'Ignaure daté de 1202; un lai breton contenant l'histoire du chevalier Ignaure qui servit à la fois douze dames et dont le coeur fut 'offert en pâture à
celles-ci. Renaut [de Beaujeu], l'auteur du Lai d'Ignaure, a introduit dans son oeuvre deux notions exc~ptionnelles: le
lCité par Henri Hauvette, Etudes sur Boccaee, 2e éd. (Torino: Bottega d'Erasmo, 1968), p. 361.
2Renaut [?e Beaujeu], Le Lai dlI naure 0 Prisonnier, éd., Rita Lejeune, Académies Royales Littérature française de Belgique. Textes Ancie (Bruxelles: Palais des Académies, 1938), p. 44~
Lai du Langue et , Tome 3 , }
..
c'.
"•
<:>-•
0' 6fervent amoureux se présente d'abord comme le galant serviteur de douze femmes: d~autre part, i l n1est pas seul~ent tué par
jal~~sie, il est "desmembrél l et l'horrible festin, dès lors, ne
,
"
se compose pas que de son coeur. Ces notions ne sont reprises
..
ni par les biogràphies de
Guil~em
de Cabestahn ni par le Roman~
du Castelain de Couci, ni par les nouvelles de Boccace. Lamultiplicité
..
d~s amoureuses n1apparatt que dans '\lU-conte l~en _cieux du Noveliino.Dans le conte populaire du ·coeur mangé Il " conune dans
d''Ptres contes, il ne faut pas seulement classer les récits ,d'après des div~gences de détail. Il faut établir une
distinc-tion fondamentale. Il y a les auteurs qui, ,d'un thème
essen-tiell~ent tragique, ont tiré une oeuvre sérieuse. PUis, i l y
a les auteurs qui on~, volontairement, traieé 1e& choses à la 'i •
~ légère: Renaut [de Beaujeu] et l'auteur du Novellino sont de ceux-là.
rNotre conte popuiaire s'énonce quelques
r-
plus tardd~S
la Biographie de Guilhem de Cabestahn, un troubadourcont~poJ:in
à Alphonse" II q'Aragon, 1162-1196.1 Ce travail\
lGuido Fav~ti, éd., Biografie di Trovatori (Genova:
Frate11i-Bozzi, 1~70)" p. 146. ~ ~ .
"
•
/0 (..
•
, 7 "provençal transmet les données générales sur la vie de~e
trou-..-'
badour marquée elle aussi de l'épisode central du récit du "coeur mangé". Le fond de cette "vida" a pu être et a été re-cueilli sérieus~ent avec ~eaQèoup de soin par un biographe,
,
écrivan~
quelques dizaines d'années plus tard sur les lieuxmêmes où Gui1p.em de Cabestahn a vécu. Ce travail date très
1
probablement de l'an 1206 et ne peut certainement pas dépasser , le premier qu~rt du XIIIe siècle. l
,]
Par suite, le récit populaire se présente vers l'an
1228 sous forme d'un roman courtois à dénouement tragique: Li
2
Rouman du Castelan de Coucy et de la Dame de Fayel. L'auteur 'du roman dont le châtelain de Coucy, un poète médiéva,l, fut le
'~~tagoniste, est désigné sous le nom et le surnom de Jakemes
Sak;esep. La forme de ce dernier n'est pas assurée, car i l reste " encore indéchiffrable dans l'acrostiche de son oeuvre., On ne
connait pas. grand-chose sur l'auteur, sauf qu'il pourrait être
1
un certain Jacques B~etex ou Jacquès Bret~ un ménestrel de cour.
t
Fayel, p. xiv.
,
'.IFava i, 'Biografie di Trovatori, p. 46.
stoire .du
~telain
de Couc et de la Dame.A.
Crapelet (Paris: Imprimerie Crapelet,•
de 1829),
•
(..
ù
~.
8
La donnée principale du roman se rattache toujours au cycle du "coeur mangé". Cette fois-ci, des messagers
rappor-tent, embaumé dans un coffret, le coeur de 1 '':runant mort en
.
Terre Sainte~ ultime témoignage de fidélité envoyé à sa dame.
Mais le mari jaloux s'empare du coffret, à l'insu de son épouse,
et', lui fait servir 'l,e coeu~ accommodé par le cu~sinier du
châ-, teau.
Notre thème commence à pénétrer les littératures et
s'annonce en Italie dans le célèbre "plahn" "In Morte di Blacatz If
"
écrit par Sordel peu après ,la mort du Seigneur Blacate en 1237.
...
Sordel, le trouvère le plus important d'Italie au XIIIe siècle, fut parmi ceux qui rimèrent en provençal. Confronté par la mort d'un parfait chevalier et surtout par la décadence universelle
de la courtoisie, Sordel ne trouva qu'une solution à ce
pro-blème: celle d'offrir en repas le coeur d'un valeureux et ver~
tueux seigneur à une poignée de souverains couards.
Il Novellino, un re~eil de cent nouvelles de mati~re
r::.
dl- biblique, classique, de légendes chevaleresques et d'anecdotes,
représente le travail d'un auteur anonyme du ~IIIe sièële qui
l
édifia le tout pour l'an 1281, terminus a quo. La soixante.
lGuido Favati, éd., Il Novellino (Genova: Fratelli-Bozzi,
1970), p. 263.
•
•
---. ---. ---.(
---1 1 9 \deuxième nouvelle nous intéresse plus particulièrement car elle
appartient -au cycle du "coeur mangé Il : par contre, la sinistre
histoire change de caractère. Au lieu -<le posséder un
dénoùe-...;.-~
~ ment tragique, la nouvelle finit en vaudeville.
'-.
La liste se termine avec le Decameron de Boccace rédigé
entre les années 1349 et 1351. 9Comme le titre l'indique,
"
-\.l'oeuvre est constituée de cent nouvelles réparties en dix
,)
-jours et narrées par dix jeunes florentins. Chaque jour
déve-loppe un thème, alors ~es amours tragiques reviennent.à la
quatrième journée dont la neuvième nouvelle ainsi que la première
nouvelle attirent notre intérêt.
,
Le récit du "coeur mangé" souleva particulièrement 1
'in-térêt de Gastdn Paris, le célèbre maltre français. Après' avoir
abandonné l'hypothèse d~ l'origin~ celtique du conte, il adopta
la théorie de sa mig{ation d'Orient en Occident. ~l fut sans
,~oute influencé par les trava~ de Théo~ore Benfrey exercés sur
le ~~tchatantra, recueil deifontes indiens cçnstitués de.1-c inq
"
volumes et par les travaux de M. Weber, de M. Max Mtt..ller et de M. Comparetti, des autorités sur la théorie or1enta1iste.1
IG~ston
paris, Les Contes Orientaux dans la Littérature ..française du Moyen Age (Paris: Librairie A.
Franck,
1875) #p. 13.
\
G
-•
1
(),
10L'argum~t fondamental de celle-ci est ce qui suit: à suivre, à
• \ 0
la piste, un conte popula~re, on remonte d'age en.age et de pays
en pays jusqu'à un texte sanscrit. Arrivé là, il faut
s'arré-ter. Invinciblement, nous sommes ramenés vers l'Inde, aux
premiers siècles qu bouâdhismei' à cett~ époque, les conte~
foisonnaient alors que l'antiquité classique, le monde chré-tien jusqu'aux Croisades paraissent encore les ignorer.
1G
Enfin, Gastonparis~t
de même et exposa ses trouvail-les dans son article, "La Légende d? Chatelain de Coucy dans l'Inde,", dans Romania, vol. XII,' 1883. Dans cet article, il
oJ
discuta la dérivation indienne du conte en présentant le récit oral "recueilli de la bouche des villageois du pendjab" et
"
"relative à l'ancien héros national, le rqi Rasalou" et en
le cam~arant de très près aux versions occidentales afin de
Prouver son issue •. ·!l~I. ~
Cette thèse fut soutenue par M. Cecione, un érudit
italien dans son article ,"CUore Mangiato" dans la Rivista
Contemporanea l, sept. 1888 et par M. Her.mann Patzig dans
l'article Il ZUr <:;eschichte der HerzmAre" dans Remania, vol. XXI,
o 0 •
1891 ~ aucune, innovation ne fut apport'e soit par l'un 'ou par
/ ~ \
l'a~e.
,certes, d'autres'thèses sont apparuessu~
l'écran provoquant ainsi une forte dissension par.mi les opinions•
•
•
Il
érudites. J. E. 'Matzke,' dans son article "The Legend of the Eaten Heart JI dans Modern Lanquaqe Notes, vol. XXVI,
1911, expose une longue liste des multiples théories euro-péennes, aryennes et orientalistes en évitant de se pronon-cer en faveur de l'une d'entre elles.
Deux autres travaux critiques existent, mais ceux-ci " ne se préoccupent guère de l'origine de notre récit. L~
pre-\~ mier d'entre eux est: Die Biographie des Trobadors Gui1lem de capestainq und ihr historischer werth, von Emil
Beschnidt, Marburg, 1879. Cette brè~e thèse doctorale, divi-sée en deux parties, aborde une discussion comparative des diverses rédactions de la biographie provençale de Cabestanh;
()
puis la valeur historique de éhacune d'entre elles.
Les traJaux de Henri Hauvette, rédigés-en 1912 et
/
en 1914, soit respectivement Etudes sur Boccace et Boccace, étude biographique et littéraire, pr~cisèrent la place
exacte qu'occupe la trente-neuviàme nouvelle du Deçameron dans le groupe européen da ce conte. Il se ltmita ~
pré-.
santer une étude comparative très superifcielle entre la Biographie de Guilhem de Cabestanh et la nouvelle du
••
•
12
Decameron se basant surtout sur les théories orientales de
,
Messieurs Cecioni, Patzig et Paris.
"
-Nous constatons donc que la matière de discussion
pour les critiques littéraires a surtout porté sur l'étude
~
du thème et de ses variantes selon les critères de l'école
historique.
.,)'"
r
, ~ .... ~.J . . ,~""::;;A•
.
,CHAPITRE PREMIER
ETUDE ANALYTIQUE SUR LE LAI DE GUIRON
ET SUR
LE LAI
D'IGNAURE
"
\~
Le Lai de Guiron représente la
~emière oeuvr~française
à
traiter le thème du coeur mangé.
Le~recherches érudites ont
.
indiqu~
qu'il appartenait aux vieilles traditions celtiques qui
par intermédiaire des Normands de France et d'Angleterre firent
irruption au XIIe siècle dans les littératures romanes et
ger-maniques.
Inexistant aujourd'hui, sa présence nous est
toute-fois déterminée par plusieurs anciens poèmes
yfaisant
allu-sion.
réswné
Seul le poème de Tristan par Thomas conserva
un très bref
de l'histoire
oùnous
yapprenons:
"-
~pris
Cornent dan Guirun fu
Pur l'amur de la dame oeia,
Que il sur tolIte rien ama.
Et
commentli cunll·
Puisdona
Li cuer
Guiruna sa moi11ier
Par engin un jor a mangier.
o
Et la dolur que la dame out
Quant la mort de sun
amisout.1
J>
1Cl.'
té
parB
auvette,
E~e._.A
sur Boccace, p. 135.
13
•
o
l'
o
14
Rassemblée en
sipeu de mots, cette courte version '
constitue le noyau de notre
réc~t.Les huit vers de Thomas
présentent notre conte dans sa forme la plus simple
oùtrois
&,
éléments pertinents jouent un rOle considérable:
1.
l'amant est tué par ordre de l'époux ou par l'époux même
qui
lui fait4arracher le coeur ou le lui arrache
person-nellementi
2.
le coeur est servi
àla dame
quile mangei
3.
informée de la mort de son ami, la dame éprouve une
forte douleur et par conséquence elle en meurt.
ceux-ci forment 'sa base première et ont aussi contribué
àla
formation de diverses interprétations du même thème. Par suite,
nous aurons l'occasion de
cons~aterla présence de ces trois
caractéristiques ou
~eleurs équivalents dans les autres
rédactions
françai~et
italiennes.
L'intéret de Thomas fut principalement de poursuivre la
rédaction de son oeuvre: Tristan. L'inaertipn de résumé de notre
"/
récit au moment
~Iseut ressent de la tristesse repr'senta pour
lui três probablement un moyen d'imprégner plus efficacement
•
,
.
15
le lecteur au courant de la tragédie de Guiron et pour
établ~r
le fameux schéma traditionnel courtois.Notre étude ne s'intéresse ni à établir ni à ré-examiner cette relation traditionnelle entre les personnages; elle con-siste surtout à discuter le .triangle courtois ainsi que sa fonction narrative sous un aspect plutôt structural et séman-tique et à envisager de nouveaux points de vue de récit en
ré-c~t. Ainsi nous assisterons à une évolution mise en vigueur
v 1
dès maintenant. Les champs sémantiques sont établis ici de façon chronologique:
Guiron / arnur / dame / sur tute rien / ama:
Ces mots forment le premier champ sémantique ainsi que la rela-tion suivante: 40 • • .:t, .,:, t" Guirun,' Dame i\ J
tandis que: Guirun / surpris / occis contribuent aux déductions suivantes:
Guiron
,
•
)
;'.
"16
Par contre, la prochaine struct4ill'0uli9ne
cette relation:
cuns / dona / cuer / Guirun / moillier / engin / mangier
qui
donne:
Guiron
Rivalité
EpouxVengeance
C'est autour de ce plan littéraire que se sont
dessi-nées les versions ultérieures. Par respect du schéma
conven-tionnel, quelques-unes exposent
toutef~esirrégularités
aboutissant
àdes nouveautés.
De même, Renaut [de BeaUjeu],
l'auteur du Lai
d'z~naureconnu aussi<sous la rUbrique du
~,
,
du Prisonnier, s'écarta volontairement du sujet traditionnel et
construisit un nouveau conte
àl'aide de quelques idées
emprurt-tées mais personnalisées.
parrapport
àses allégations:
C'est la matere de cel lay
Ichi le vous definerai.
Franchois, Poitevin et Breton
L'apielent le Lay deI prison. l
l[de
Beauje~],
Le Lai d'Zgnaure ou Lai du Prisonnier,
p.
63,vers
657 à 660.•
•
•
o
17
l'emprunt consiste dans la matière de son oeuvre, plus parti-
.
culiirement dans la pluralité des amies de l'amant Ignaure.
Lorsqu'il traite l'histoire des douze rivales, l'auteur
'affi-f
tant de délectation; cela lui est certainement personnel.
les six cent soixante-quatre vers de son lai, trois cent
soixante-cinq sont consacrés à l'histoire galante d'Ignaure et
4-de ses amies;
c'est la partie la plus attachante de son oeuvre
ainsi que la plus cohérente et la plus spirituelle.
La scène de la
confe~sion,les répliques d'Ignaure·à
\
ses amies furieuses, voilà sQrement un thème étranger au conte
du coeur mangé, un thème que l'auteur développe considérablement
car cela semble
au~silui plaire. Renaut [de Beaujeu] ne
man-que pas d'épicer son récit de plaisanteries poussées •
Rapportons-nous au jeu de mots sur la croupe:
r ,---/')
pouche suer, mais batés la crupe:
Ki vous fait faire les pechiés'l
Dont vostre cors est entichiés!
au coup de ,tonnerre:
O
n
le
dOl.t nonuner quant
' 1 '1tonne
2.
l[de Beaujeu], Le Lai s'Ignaure ou Lai du Prisonnier,
p.
48,vers
124 à 126.'e
•
•
"18
remarquons l'insistence sur la IIsouris qui n'a qu'un
pertuis~~:S or~s ' k' ~
n a c un trau
" po~ ' dure
lLa soris ki n'a c'un pertruis
Est'molt tost prise et engance. 2
et le ton de farce qui préside la scène où les maris
appren-nent la vérité. En quels termes l'époux ne dévoile-t-il pas
n
à
son épouse le composé des douze "escuieles". N'est-ce' pas
là des détails piquants bien particuliers
àRenaut? Cela
nous pousse
àaffirmer que la forme particulière au récit du
coeur mangé dépend ici surtout du tempérament de l'auteur •
. Les notions qu'il a introduites, et plus
particulière-ment celle de la pluralité des darnes, produisent un nouveau
plan structural littéraire bien différent de celui du Lai de
Guiron. Pour nous approfondir amplement sur ce sujet, nous
ri
avons
da
diviser le récit de Renaut en deux parties, la
pre-mière consistant des vers
14 à 365et la deuxième des
v~rs
366à 620
oi} réside l'étape du coeur mangé. NoUS avons choisi cette
division par ,rapport aux cas exceptionnels présents dans
cha-"cune de ces parties et qui sont fort utiles
à notre étude.
l[de Beaujeu],
LeLa! d'Ignaure ou Lai du Prisonnier,
p.
55,vers 374 •
2Ibid., p. 58, vers 480 et 481.
•
~Jo•
r" " 19Le poète commence son récit de façon très
convention-nelle: il établit brièvement les génératités circonstancielles
de l'action:
Une aventure molt estraigne
QueJ jadis 1 avint en Bretaigne
D'un chevalier de grant poissanche,
Ki bien doit estre en rame$ranche •
.l-J1L
et poursuit dOment son introduction en se prolongeant sur
Ignaure son protagoniste. Jusqu'à date rien de neuf: c'est
un noble c,evalier" de haute renonunée grace à ses efforts
glo-rieux reconnus dans les duels auxquels il a participé:
Ne fu mie de grant ~auteche,
Mais il fist tant, par sa proeche, K'il n'avoit, en tout le pals,
Nul chevalier de si haut pris. o
.
. . .
...
.
. . . .
.
. .
. .
.
.
.
..
Et quant tornoi estoient pris,Il i aloit q.uerre son pris A vint chevaliers, u 'a trente. ,Et si n'avoit c'un poi de rente:
Toutes les gens s'esmerveilloient,2
( ,
Mais-sa réputation s'accro~t surtout auprès des dames:
p. 45,
,
Au bos s'en aloit li dansiaus
Le mai aportoi~ a grant bruit.
Molt par estoit de grant deduit:
l[de Beaujeu], Le
Lai
d'Ignaure ou Lai duvers 15
à
18. 2Ibid., p. 45, vers 23 à 26 • 1 \ '~-" \" ,.1 ~,,;.
'.
Pr1sonn1er,•
~
" 20
Chascun jour l'avoit a cou~,twne,
Fine amors l'esprent et alumè, Femmes l'apielent Lousignol. l
.
Faut-il comprendre dans 'ces verp que: chaque jour Ignaure
était accoutumé au déduit? Si oui, alors le terme "Lousignol"
"'
s 'f applique plus que bien à ce jeune ohevalier. Le rossignol
(le m~Ue) es t par définition un chanteur remarquable; de même
Ignaure manifeste l'habileté de séduire les dames de sa voix de
\' charmeur et d' amoureux. Cette dextérité le mènera p~
consé-4\ '
~nce
à la mort...---Renaut [de Beaujeu] F?~suit son plan et s'applique à
\
nous présenter les autres perso~ages directem~nt impliqués
-, dans la tr ame d 1 Ignaur e :
Nous
ges:
Dedans le chastiel, a Riol, Avoit d6use pers a estage: .. , Chevalier erent preu et sage, Riche erent de terre èt dè rent9;
Ch~c~ns ot femme biel et gente
De haut linagé, de grant gênt.2
C1
ob~enon~ donc de cette faç~OiS grOU~S,de
personna-1.
Ignaurè,2.
douze Cheva11ers,3.
douze dames,, 1 1 • ,
épouses des douze chevaliers qui dès 'l'éQoncé des vers:.
o ,
...
\
1[4e
Beaujeu], Le Laid'~gnaure
ou Lai du Prisonnier,'. p. 46, ver s 32 .à 37. .' J c
.
..
\ \J , ,....
-,...
,
r .... ~.'
" ".
•
(
'.
'\ /, 21 ,.",.Ignaures, ki ot le cuer gent, "A toutes douse s' acointa ~ l
o
reproduisent le tableau usuel
s.~ant
i l s'agit bien de douze am~es:douze fois de sui te car
~'
Dame
"-?
~- - - -
EpouxBien qu'incomplet pour le moment, ce schéma constitue, comme nous l'avons vu d'ailleurs, la base du conte du coeur mangé •
.c:-Il fixe le problème et par conséquence met en marche l ' avance-ment ainsi que le dénoueavance-ment de la donnée principale. Ordinai-rement, tou,t. pivote autour de ce "nucleus" fondamental. Dans le cas du'Lai d'Ignaure, tout diff~re car la multiplicité des' amies du jeune chevalier engendre de nouvelles relations entre les personnages. NOus-_~~rron~~Ot que notre
sur deux structures semblables(mais pertinentes ment du récit.
récit se fonde au
déve1oppe-Ignaure commet l'erreur de "s'acointer" aux douze dames
1
promettant en_~ffet
!
chacune d'entre elles un amour fidt\!e.l[de "Beaujeu]; Le Lai d 'Ignaure ou Lai
du~
Prisonnier,p- 46, vers 44 et
•
•
)
f f " 22 .1C te situation révèle aussitOt une certaine opposition entre les personnages qui s'esquisse de cette façon:
" ,
,
" ",
_ _ ~.,. Dames 1). / ' 1NouS obtenons un plan fort semblable au premier car il s· agit~
5 i.mplem~nt de remplacer la trois ième personne par son
équiva-lent: ce serait toujours un personnage contraire à la relation entre Ignaure et sa dame. Mais i l y en a douze. Qu'arrivera-t- il aux rapports dames ~ dames et dames ~ Ignaure?
Heureusement, celles-ci durent enviro\ un an ment à l ' instant
mê~e
où Renaut [de Beaujeu]puis se
transfor-, .1 annonce, , moyennan t
un seul mot, le csangement d'action: ,
.
..
'Toutes le~ ama plus d'un an, Tant c • une feste saint Jehan,l
Par un beau jour de juin, les jeunes dames se
trouvê-rent réunies dans
un
vefger ~ Un jeu, tout profane, les amuse--un simulacre-de 1a confess.iOJl ~eliqieuse. L'une des amies fera le"1 , , '.
[d~ Beaujeu], Le Lai d' Ignaure ou Lalo du 'Prisonnier,
p. 47, vers 65
et
66. .'..
'1 t 1 . /•
1 r
l,
•
~)
23.,
prêtre i et ses compagnes viendront tour à tour, lui confier
le nom de leur amant. Ainsi verra-t-on bien "qui aime le
1 •
~ plus hautement Il , c'est-à-dire, qui a le mieux placé son amour,.
Voici donc le défilé des singulières pénitentes. Toutes vont faire le même aveu à la "dame prêtresse" abasourdie i
,..
toutes--celle qui est doucement émue, et l'orgueilleuse, et 'la
o
natve, et la timide, et, celle qui est osée--toutes, enfin, sou-pirent: "e 'est Ignaure" •..
vJ
La scène du verger s'étend sur un nombre de 158 ver s ; celle de la confession occupe la majorité de ces vers, exacte-ment 84 vers. Adroiteexacte-ment, l'auteur reproduit un spectacle ~
iropique. Tout d'abord, nous connaissons déjà le secret de
.
chacune d'en tre elles, mais la fausse intimité de la
confes-' \
sion augmente la tournure ironique. Curieuses de connattre
une
vér i té et certaines de surgir victor ieuses, elles dévoilent
•
spontanément: leur secret à l'ennemi. Dans son jeu ironique, 11 auteur établit un nombre de --champs sémantiques dont les rôles contributifs sont profitables aux rapports' structur~s entre les personnages. Dans cette sc~ne il en coexiste plusieurs qui
per-muteront afin de déterminer la structure finale.
L'auteur a adapté à cette sc~ne le motif de la con:6es-sion: nous nous attendons donc
à
rencontrJu' un choix de mots•
•
24
approprié à cette idée. Un prêtre et des pécheresse~ envahis-sent maintenant le verger:
Au prestre vint
. .
. .
.,.
.
. . .
.
.
.
. .
-A confesse vienc, sire prestres -Séés vous dont, si mecontés-Et gardés que Lne me mentés- l .(
Souvenons-ndus que selon la liturgie aucun mensonge ne doit être rapporté en confession.
Ll.o pres re a t 1 a cou eur muee. 1 2
L'auteur respecte ici le champ sémantique car i l pourrait tout aussi bien écrire ilIa dame a là couleur muee", mais cela ruine-rai t l ' ef f et ironique qu' il cherche -à produire moyenna~ le faux
\./
sacrement.
3 A la desue main [bat] sa coupe.
\,
Autrefois la liturgie prescrivait que les pécheurs s'accusent en battant la poitrine trois fois de suite et disant "Mea. culpa, mea culpa , ~ea maxima cu1pa Il •
, • (0 ~
Je viench a amandanch 4
Je vous conunanch, en p i tanche o
1 [de Beaujeu], Le Lai d 'Ignqure ou Lai du Pr isonnier , p. 48, vers
104,
106à
108. , , 2Ibid .,p.
48, vers 116. 3Ibid0,
p •
48, vers ~23. 4Il:)id.,p.
48,vers
127 et 128. ~ .. '. ' ,-,•
•
25
a
Reconnaissons ici 1a prière formulée par llEglise pour le sacrement de la confession.
Au prestre mua tous l i sans
.
. .
.
.
.
.-.
.
.
. .
.
. .
Quant li prestres l·ot, si se saigne
. . .
.
.
.
.
.
. .
.
.
..
.
.
Dame, dist li prestres l
Finalement, ce champ sémantique:
prestre / amendanche
1
penitanche1
culpa / confesseétablit la formule suivante:
prestre vs
onze pécheresses plus un pêché en commun.
()
1
L1auteur a devisé ce jeu scênique pour parvenir
effi-cacement à la rupture du rapport initial
1 o Dames /\
"
"
", ,)Itr-, ' ... 0 " " l'", "Ignaure -i'- _ _ _ _ _ _ _ _ ~ dames
amour
[de Beaujeu],
LeLai
d' Ignaure ou Lai du Prisonnier,
-•••
26qui cédera sa place à une autre structure
nable à la nouvelle situation dramakique.
fonctionnelle
Cb~
Son jeu estd~le:~
i l renforce tout d'abord l'idée: Ignaure.--- amour ___ darneso
.
f")
dans chacune des répliques des douze amies qui' se confèssent:
'1 k; d 1
C'est C~ .... e plus haut renom
Plus très biel • • • Ignaures 1 l i prus,
le plus cortois, le mius apris, CelU1 ki a plus de bonté
et cortoisie, et vasselage 2 Ces vers procurent les relations suivantes:
•
Darnes ~ Ignaure - haut renom
~ très biel _ Amour courtois.
~ mius apris, cortois,
~ bonté, cortoisie, vasselage sans compter les nombreuses répétitions.
o
L'amour pousse chaqùe jeune dame à révéler son jeune amant sans cacher la grande estime qu'elle porte __ enDrs lui. Seule une amoureuse peut dépeindre Ignaure si
court~i8ement.
o
1 ~ . .
[de BeaUjeu], Lê
Lai
dlIqnaure ou"Lai du Prisonnier, 'p 0 48, vers 110. 4 ' _2 Ibid 0, p. 48, vers 113, 130,
1~:
p. 49, vers 148 et 149.-..
{~tl
"
-•
o o ') 27Le mouvement in~tié par l'auteur se reproduit
propor-tionnellement grâce à ces deux champs sémantiques:
liturgique et le lexique courtois. 0 La relation:
JI ~~ ,.-. ~o
t-
,.-"
,Ignaure 1/-' _ _ ~.2uE __ ~ Dames
le lexique
o
croit à mesure que les aveux se font. Ces confessions
provo-quent des réactions contraires chez la_prêtresse (symbole col-lectif des réactions qui surgiront tantOt), détruisent le plan précédent et esquissent le tableau suivant:
Dame-prêtre$se ?
t ;'
..
,~ " ,~r, ....
Ignaure ~' _ _ _ _ a.!!!0~r __ .,... _ ' -.... -:::, Dames
qui se permutera instantanément aussitôt que la révélation aura
lieu. Nous devinons l ' émoi général et le courroux de 11
assem-blée lorsque la dame qui a reçu les confessions déclare à ses
"
i
compagnes:
Certes, chascune a dit a
mt
Le non d'un totseu! chevalier~
Malt nous a fa· tes avilier. Et mefsme l'a· c aussi,
Et vous trestoutes
autressi~l
l[de Beaujeu], Le Lai d'Ignaure ou Lai du Prisonnier ...
p. 50,
vers
204 à 208...
•
Î
)
28
'1
Cette situation
schémati~e
désormais le rapport de cetJefaçon: () Dame- prêtresse
"
"
"-"
,,.,
.-j"r. / ,-~...
\"
,
("-Ignaure~ __ ..-hai!!,e _ _ _ ~ Dames
o r
Fortement indignées, toutes douze ne désirent qu'une juste vengeance:
C ommen nous en porons t veng~er . ?1
elles complotent donc le chatLment mortel qui sera personnel-lement infligé à l'amant infidèle:
Li une a l'autre creantera
A -cheli u premiers venra,
K 'en cel vregié terme li. [mete]
Et nous toutes, sans admetre.
Et si faisons savoir le jour~
Toutes i serons sans sejour.
<;ette complicité cause un ch~ement important dans la structure
précédente qui devient maintenant:
c
1 [de Beaujeu], Le Lai d 'Ignaure ou Lai du Priag!mier,
p. 51,
vera
212. "" ; , /-;' >2 .
••
29Cette
~tructureacquiert de l'importance car elle
possède maintenant la même fonction quel
l~
plan fondamental
du récit du coeur mangé cité précédenunent dans le résumé du
Lai
Certes la similitude-des deux
p1ans'~stquel-que
altérée par rapport au nombre des personnages
imp1i-qués,
l'élément essentiel
yréside toujours: c'est-à-dire:
•
contre la vie de l'amant. Toutefois, cette
struc-ture motive le dénouement de la narration de la première partie
du Lai d' Ignaure
à"une bonne fin. Ordinairement l'offensé -agit
•
de façon à remédier
àson honneur perdu;
de même les douze
jeunes dames justifient leur acte
cr~inel:Droist est que vostre outrage paire:
Anc1;lois k' issiés de cest repaire,
Ar~
guerredon:d'omme faus'l
Con trahitres et desloiaus.
Outrage / orome faus / trahitres / desloiaus / s'adaptent plus
que bien au "damoiséau" qui les a trahies. Ces paroles
anti-o
courtoises indiquent nettement l'intention des jeunes dames et
rompt définitivement la relation:
dames
~'\ Ignaure
--
Amour
courtois.
1 [de Beau
jeu],
Le Laid' 19'!laure ou
Laidu pr isonnier ,
p. 53,' vers 281
à284.
•
.
~
•.
30
Une fois de plus, celle qui avait joué le rOle du confesseur
.,
prend la parole. L'auteur lui fait allusion ainsi:
l . 1
La prestresse par a prem~ers.
Pourquoi revenir sur cet attribut: est-ce purement par
inten-tion d'identificainten-tion aux yeux du public? Peut-être, mais pour
nous ce mot peut aussi dénoter autre chose: figurons la scène:
douze bourreaux, une victime, un chatiment, la mort. Une
"prestressen possède le pouvoir de punir et de pardonner. Ces
vers l'affirment:
'Fai mon, ~'onunant.', che dist li prestre,
'u
tu morras ja, par ma teste .12 0Emue par l'admirable désinvolture avec laquelle Ignaure se
rési-gne à son sort:
Si je muir a si bieles mains,
G' iere martyrs avoec les sains! 3
Bien sai- que fui nés en bonne eure.
elle propose alors de l'épargner s ' i l choisit une seule dame et
promet désormais de l'aimer fidèlement. Le beau d~iseau
hésite encore
un
moment, puis, fin~lemQnti il fixe son choix surcelle qui l'a sauvé.
l[de Beaujeu], Le Lai d!Ignaure ou Lai du 'Prisonnier,
p. 53, vers 285. 0
,
2Jl)id., p. 55, vers 351
et
352 •3 Ibid ., p. 54, vers 331 ! 333.
•
".
31
L'auteur a tratté cette première partie comm~ un récit
complet. En effet, ces 365 vers peuvent constituer un conte en
soi~ la présence du schéma littéraire base prouve cette
affirma-tion. Dans cette partie, nous y avons vu la séquence narrative
suivante: 2. Avancement de l'action / /
"
"
/ / 3~ Vengeance /"
'-"
"
,
'-4. Dénouement'-"
1 • Intro duct~on/ · /
"
" Fin - Partie A'5. Par ruse,
Ignaure est
~ sain et sauf.
Ayant précipité l'action à une fin heureuse, l'auteur a
pourtant introduit à ce point (no 5) le schéma traditionnel
fatal:
..
Dame (pres tresse)
' " ../ /fi,. '" ~/J)_'" n. '" .... ~'J.rE' ,,)o~ _ o ~'f" '" ...
"
'. ' "
... Ignaure ~ _ _ ((!!.~!:!.r.!..._______
:""JL
Epoux.qui renouvellera la donnée du récit, cette fois-ci ~agique.
.:.
",-Le départ de la deuximne partie s'annonce de cettè façon:
•
" 1 1 2.Avancement de'
l'action
1 1 323. Vengeance
A l " l ,"
"
4.Dénouemellt
"
,
1 1.Introduction
1 " 1'y'Fin partie
A@pépart--Partie B
"
alors que son
développem~ntnarratif s'effectuera identiquement
au premier.
LI auteur ne s'abstient pas
d'Uniter aussi les
sé-,
quences individuelles
d~chaque subdivision narrative.
En effet,
"
.
Renaut [de Beaujeu] procède
àrassembler les douze barons en un
seul lieu;, là
un"losengier" leur révè1e--non sans cynisme--1eur
comm~ in~ortune.
L'auteur choisit astucieusement
unflagor-neur pour contrefaire une scène
i~onique.Lé vantard se berne
ouvertement des douze hommes qui, choqués, l'interpellent:
De coi ris tu ore, lechiere?}
-'
Remarquons le terme injurieux lilechiere" qui sou1igQe la bassesse
et la vulgarité de ce personnage. Les barons savent
àqui s'en
tenir et se vexent à sa riposte:
'Par
f~'dist-il 'je voi mervelles,
OU
'a grant painne le puis
joudire:
Je ne m'en puis tenir de rire.·
2t
l[de Beaujeu],
LeLai d'Ignaure ou Lai du prisonnier,
p. 56,
vers
392.2Ibid.,
p. 56,vers 396
à398.
•
\
•
\
33
Les mO,ts: merv~lles / painne ( riré / manifestent la raillèrie ambigu! qui excite l'ire des barons. Il choisit bien ses mots: "mervel1J3s" fait alluaion au comportement adultère des douze épouses et suscitera certainement l'étonnement général de la petite assemblée, tandis que "painne" et "rire", n.ln faux
para-Cr
"
doxe, évoquent la moquerie et le cynisme dont jouit le "1os e
n-r gier" face à ces messieurs. Grossièrement, il leur dévoile la
vérité,:
D'un seul honune estes tout huihot! l
Une fois de plus, une seule voix s'élève et parle au "nom dû petit groupei elle représente la réaction collective et l'in-tention générale de réserver au séducteur un chatirnent éclatant. Nous trouvons dans le mari de l'amie élue le plus acharné des vengeurs. Cette scène J:'écapitule préc.i.'s~ent la' scène du
ver-('
ger. Les rôles y sQnt pratiquement interchangeables. Aupara-vant, la prêtresse avait,pris
la
parolepour
inciter la vengeance:-comment.~~s
en parons vengier?2 maintenant c'est son époux:l[de BeaUjeu], Le Lai d'Xgnaure ou Lai du Prisonnier,
1)
vers 412.
2Ibid., p. 51, vers -.,...
21~
u
•
•
.{\ - '.
~, "!~r-?j'
ç,34, ' ~IDe cest chastiel auront dan?ier
1
Se noces ne nous poons veng1er: \)
Sa ~roposition implique davant~ge l~complicité de tous:
- 'Bien avés dit', font cil ensanle' •
.
.)..
-'Sire, dont [nous] faites savoir Quant pris l'averés: tout irons De no honte nous v~ngerons.,2
Certes i l existe une petite différence:
.
la pluralité des,
relations entre Ignaure et les amantes nécessite le plan d'un
li \_ } ,,) • / " ' , ' j
piège car les douze victimes ne savai~t pas à qui Ignaure "s'adresserait tout d'abord. Dans ce cas-ci, la présènce d'une
seule relation précise la situation~ i'l s'agit
cté
prendre1
Ignaure et,.;,son amie en flagrant déli.t et non pas de tromper
~
le sedueteur. Cependant, tous son~'d'accord pour rejoindre le lieu signalé afin d'administrer la justè ~unition.
Les lieux respectifs des deux séquences contribuent " fortement à établir un. parallélisme en~ les deux scènes.
Assemblées dans un verger, les douze dam~s
y
apprennent leur infortune et décide,nt de punir le- "damoiseau" dans cette mêmelÇ)Calité. De même, le",baron surp~'t,nd Ignaure avec son 'ROuse
l[de Beaujeu], Le Lai d'Ignaure- ou Lai du prisonnièr,
p.
57~ ver~449
et450 •
2Ibid., p. 58,: vers 461, 464 à 466.'.
\ -" , j;-,
•
•
)
\ '
35
dans une "cambre pérw~e" de ,sa demeurer c'est là qu'il le fait emprisonner et à son signal, les douze ~~es y accourent afin' de le chatier cruellement. Dans les deux cas, le même endroit convient à surprendre l'accusé, à démasqu~r ses intentions et à le juger par conséquence.
,
Vairtement la jeune amie cherche à sauver Son amant~
son époux, inflexible à sa prière, lui annonce son dessein tra-gique:
Dame, il convient [vo] dru baignier~
Et après le ferai saignier: l
pendant qu'il délibère avec les autres maris, les femmes de ceux-ci sont alertées par leur rivale du danger que court l'homme qu'elles n'ont cessé d'aimer. Elles es~aient un
J ( ultime 'moyen, le chantage: elles ne mangeront plus,
déclarent-)
( elles à leurs époux, tant qu' Ignaure n'aura pas été remis en
liberté~
Normalement, le récit se précipite à sa fin sans s'attarder. Après la capture de l'amant, le mari l'élimine aussitOt en le tuant puis en lui arrac~~ coeur; ici
v
l[det_eaujeu],
Le
Lai d'Iqnaureou
Lai du Prisonnier,p. 59, vers 505 et 506. ,\ , '<4'" ,,' " ~.~t:;;:~
'.
•
•
36
c'est toujours la pluralité des runies qui entre en jeu et qui
cause le retard. Cette circonstance veut que toutes douze
•
agissent encore une fois en accord afin d'essayer de le sauver
v/
car ensembles, elles avaient déjà une fois décidé de son sort.
C'est la prêtresse qui leur adresse de nouveau la parole:
Ne sai s ' i l est u mors u vis!
Et chascune ot trestout son voel
iOr rn'aidiés a faire mon doel:
Ensi con joie en ot chascune
[Si] nous soit la dolors commune.
l
,Ce bref retard change tout de même la marche du récit .
.
" ...Nous savons
dé~orrnaisque les douze barons avaient décidé
d'in-,fliger la peine de mort au jeune "damoiseau" car un tel délit
~,
/
ne peut se remédier que de cette façon. Avaient-ils pourtant
,
l'iitention de lui arracher le coeur
~tde le servir
àleurs
jeu~s
épouses? Nous ne pouvons
détermine~ ~e
juste réponse.
Voici ce que dévoile
l~citation:
( ( l ,
,'J r
• • • • • • • [Les] ordas gloutes
Ont creantet a juner toutes
Duske a cele eure c'on sara
S'il est mors u eschapera,.
Au quart j-or [prendons] le vassal
Tout le daerrain membre aval
Dont li delis lor soloit plaire,
Si en fache on un mangier faire:
Le cuer avoec nous
meterons~l[de Beaujeu], Le Lai d'Ignaure ou Lai du Prisonnier,
~
59, vers 522
à526.
(
J
•
(
37
Douse escuilles en ferons, 1
Par engien lor faisons rnangier.
Ainsi il semble qu' ils sont motivés à udesrnembrer" le jeune homme seulement pour faire suite au comportement des douze dames.
Les autres versions n'offrent point une telle intrigue. La ques tion ne se pos e pas. L'époux prémédi te son cr irne , l'
ac-complit et automatiquement extrait le coeur de l'amant: la
femme, elle, n'obtient pas l'occasion de défendre, de protéger ou de sauver son ami. Tout est déterminé d'avance afin de ne 1 aisser de côté aucun problème de ce genre.
/
\ La scène du repas est familière à tout~s les versions.
Renaut la.~aite différemment. Les dames affamées ne résistent
plus au jeQne et attaquent les lambeaux de chair humaine:
2
K'elles burent et si rnangierent.
Sans un mot, elles dévorent le mets hwnain. Après ce sinistre repas, la femme de celui qui le surprit en sa maison,
rede-~~J mande, comme ses compagnes, ce qu'est devenu le malheureux
l[de Beaujeu],
LeLai d'Iqnaure ou Lai du'lrisonnier,
p. 60, vers 537 à 547.
2Ibid ., p. 60, vers 558 •
.1
•
••
38
Ignaure.
Le mari lui apprend brutalement la vérité: elles
ont~toutes
mangé la chair de celui qui les aimait.
Notons tout d'abord en quels
terme~l'époux adresse
son épouse:
Dame prestresse
f . l
Ja ustes vous sa ma1stresse.
L'attribut "p restresse" indique
àla jeune épouse qu'il était
au courant de
t~ut.Or ,le menu
Mangié avés le grant desir
Ki si vous estait em plaisir
Car d'autre n'aviés vous envie.
En la fin en estes servie!
Vostre drut ai mort et destruit:
Toutes, partirés au deduit
De chou que femme plus goulouse;
En' avés. assés en v"l douse?2
était composé du coeur
~t
des "genetaires" de
l'a-mante
Les mots: grant desir / plaisir / deduit / et les vers:
car d'autre n'aviés vous
envi~/ de
~houque femme plus
gou-louse / en avés assés en vous douse / font allusion, non au
COElle-symbole de l'amour
plato~ique-mais àautre chose-
image.du plaisir charnel. Tous les deux, mari et tenune, connaiasent
très bien la signification ultérieure de ces mots.
Lemot (
l[de Beaujeu],
te
Lai d'Ignaure ou Lai du Prisonnier,
p. 61,
vers
565 •2Ibid., p.
61,vers
567à
574. (..
o ," ~t . f'ri
•
39-"goulouse" indique possiblement l'empressement avec lequel les
jeunes affamées ont avalé le repas mais spécifie davantage leur
avidité du plaisir sensuel obtenu auprès du jeune Ignaure. De
• n
même pour le dernier vers cité ci-dessus, il possède une
dou-ble signification;
Ignaure a pu satisfaire vivant aussi bien
que mort douze femmes.
L'époux trahi s'est serV1 d'un voca-
• 0bulaire se rapportant
àun repas pour révéler scabreusement la
vérité
àsa femme.
Les détails qu'il a donnés ont retiré
toute fonction symbolique au coeur mangé pour n'accentuer que
l'aspect physique de l'amour. Cette caractéristique sera
trai-tée dorénavant avec plus de restr'iction.
Désespérées, les
dam~s
se laissedt mourir de faim, en
ne cessant de regretter Ignaure.
EII~sfont une complainte sur o
o b ~~
son destin tragique dans laquelle chacune d'elles céleure,
1
- '_\
~?~r àtour, les mérites de l'homme aimé. Ainsi, elles ont
vengé leur amant et ont défendu
11amour qu'elles portaient'
encorè"envers lui. Il s'agissait bien d'une passion supérieure
"
.
aU)désir
p~y~~~~,car il fut couronné du sacrifice de leurs
vies<,
"
' ~ ~
...
;1
•
•
CHAPITRE II
LA BIOGRAPHIE DE GUILHEM DE
CABESTANHREDACTIŒS I ET
IV
La biographie de Guilhem de Cabestanh est la mise en
oeuvre du conte très répandu du "coeur mangé".
La
bi~aPhie
de ce poète d'amour se présente dans quatre rédactions
diffé-rentes fort
peu~récises.En effet, le nam de.Guilhem de'
Cabestanh apparatt deux fois dans des documents de la fin du
1
XIIe et du début du XIIIe siècles.
Il figure d'abord, en
1162,
par.mi<l~stémoins d'un traité de paix entre GUillaume
2
VII, seigneur de Montpellier, et les seigneurs de Pignan.
Un
autre texte historique, de l'an
1212,fait allusion
àun
cer-3
tain dénommé Guillen de Cabestany;
àcause de l'eapace de
cinquante ans qui sépare ces deux dates,
les éru<;iits pensent
l
Arthur Langfors, éd.
1"Chansons" dans Les Classiques
Francais
dulIO,yen Age, no
42(Paris: Mario Roques,
1924),p. xv.
2 Ib,id., p. )CYi. 3Ibi4 • ,
..
' 40•
'$•
I~,
"
•
41
qu'il est très peu probable qu'il s'agisse dans les deux cas
d'un même personnage.
1
Certains documents historiques ont aidé à identifier
notre troubadour ainsi qu'à prouver l'inexactitude historique
-de sa biographie.
Deux rédactions sur quatre font allusion
àRaimon de Chateau- Roussillon et
àson épouse Soremonde, des
personnages parfaitement historiques.
La rédaction la plus
courte se limite
ànarrer brièvement la" mort de Guilhem de
Cabestanh et de sa dame.
La rédaction II, dont le début est
à
peu près identique
àla version précédente, poursuit toute-
,
Q -~
fois son récit jusqu'à raconter les événements survenus
après la mort de la dame
oùle roi d"Aragon intervient et
in-flige une sévère punition
~umari
ja~oux.Il résulte de là une
chronologie
~précisedes événements historiques. Le contrat
de mariage entre Soremonde et Raimon de Chateau-Roussillon est
daté du 26 mars 1197.
1
Voici en partie la judicieuse note
quiprécède le document et qui est rédigée p'ar l'archiviste M.
Alart:
En
effet, d'une part,- le présent contrat
témoigpage qUe le mariage
deSaurimonde
avec
Raymondn' eut 1ieu
qu--en
1197,·~f--====::::;==,:w.I
_____ _
1
Langfors, Chanson"
p~xvii.
42
c' est- à-dire un an
'après~la mort du roi
Alpho~se d'Arago~i
d'autre part, on a
piusièurs actes des apnées 1210
à1221,
qui montrent Saurimonde mariée
àun
nouveau mar
i,Adhémar de Moisset.
Cet
Adhémar de Mosset fut le troisième mari
de Saurimonde de Peralada'i
quand elle
épousa
Raymo~dde Castell-Rossello, elle
était veuve d'Ermengaud de Vernet.
Raymond-était veuf aussi lors de ce mariage;
il
avait un fils, Bernard, qui figure au
pré-sent contrat pour
ydonner son
consente-ment. l
Les deux autres rédactions ont de commun surtout leur
carac-~,
tère de "razo", leur préoccupation de citer la chanson la'plus
célèbre du troubadour et d'expliquer dqns quelles circonstances
elle fut canposée.
NOUs savons par ailleurs
quèles anciennes
biographies des troubadours, mente les- plus fantaisistes,
con-tiennent pourtant souvent des renseignements très exacts sur
la condition sociale des troubadours, leur patrie et leurs
relations. Or nous n'avons du drame qui aurait
amen~la mort
de Ramon, de son épouse et de leur ami aucun témoignage
v~ri-digue contemporain.
Nous ignorons donc jusqu'
àdate la raison \
pour laquelle le
~écit_du ·coeur
mangé-a
~~rattaché au nan
du poète d'amour Glilhem'de Cabestanh. Dans l'étude qui
sui-vra, nous nous arr4!terons seulement sur la preaiêre et la
l