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Les réactions comportementales et affectives d'enfants victimes d'abus sexuels : rôle des stratégies d'adaptation et du soutien social

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Academic year: 2021

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Caroline Tremblay 9

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UL.

Lesréactionscomportementalesetaffectivesd'enfants

VICTIMES D'ABUS SEXUELS : RÔLE DES STRATÉGIES D’ADAPTATION ET DU SOUTIEN SOCIAL

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval

pour l’obtention

du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

École de Psychologie

Faculté des Sciences Sociales Université Laval

Québec

mars 2000

(2)

/

Les abus sexuels commis

à

l'égard des enfants représentent un problème social d'importance. Les taux

d'incidence et de prévalence sont élevés, et les conséquences à court terme sont multiples et variées. Les

recherches récentes se sont intéressées aux facteurs personnels et familiaux pouvant avoir une influence

sur l'adaptation des enfants. Le présent projet de recherche doctoral s'inscrit à l'intérieur de cette nouvelle

vague d'études. Les effets des abus sexuels chez une population de 50 enfants âgés entre sept et douze

ans sont d'abord analysés selon la conception théorique révisée du stress post-traumatique. L'adaptation

des victimes est comparée

à

celle d'enfants confrontés

à

un stress orthopédique et

à

celle d'enfants ne

faisant pas face à un situation stressante spécifique. Les résultats de ce premier article montrent que les

victimes exhibent plus de problèmes d'adaptation de stress post-traumatique, ainsi que des perturbations

importantes dans quatre sphères de fonctionnement. Le deuxième article traite du rôle des stratégies

d'adaptation généralement employées par les enfants et du soutien social perçu en lien avec les

manifestations comportementales et affectives des enfants victimes d'abus sexuels. Les résultats indiquent

que l'emploi de stratégies d'évitement est associé

à

une fréquence plus élevée de problèmes de

comportements chez l'enfant, alors qu'une perception positive du soutien social perçu de la part des parents

est reliée à des difficultés comportementales moins importantes et à une meilleure estime de soi.

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Résumé long

Au cours des vingt dernières années, il y a eu une prolifération de travaux empiriques portant sur les conséquences à court terme des abus sexuels commis à l’endroit des enfants. Les données d'incidence et de prévalence indiquent qu’un nombre important d’individus sont victimes de violence sexuelle chaque année ou qu’ils ont été confrontés à une situation abusive au cours de leur développement. Par exemple, Wiese et Daro (1995) indiquent que plus de 114 000 cas d’abus sexuels ont été rapportés aux services de protection. Wright, Boucher, Frappier, Lebeau et Sabourin (1997) révèlent un taux de 0,87 de cas d’allégations sexuelles retenus par les autorités par 1000 enfants pour l’année 1995-1996. En ce qui concerne les données de prévalence, les chercheurs indiquent qu'environ une femme sur quatre (22,3%) aurait été abusée sexuellement dans son enfance, alors qu'un homme sur dix (8,5%) aurait vécu un abus sexuel (Gorey & Leslie, 1997).

Les études portant sur les conséquences à court terme chez les populations infantiles montrent qu’il existe une variété d’effets reliés aux abus sexuels. Les auteurs rapportent des difficultés comportementales (problèmes d’agressivité, comportements sexualisés), affectives (dépression, faible estime de soi) et relationnelles (isolement social, difficultés dans le cadre scolaire). Kendall-Tackett, Williams et Finkelhor (1993) résument les principaux résultats des études empiriques en mentionnant que les jeunes victimes exhibent et rapportent plus de difficultés d'internalisation et d’externalisation que leurs pairs non victimisés, et que les symptômes de stress post-traumatique et les comportements sexualisés non appropriés en fonction de l’âge et du niveau de développement sont particulièrement importants chez les enfants abusés sexuellement. Afin d’expliquer la variabilité des difficultés d’adaptation notées chez les victimes, les chercheurs se sont d'abord intéressés aux caractéristiques des situations abusives. Bien que certaines études révèlent que le type d’actes abusifs, !’utilisation de la force ou de la coercition au moment de l’abus, la durée de la situation abusive et l’identité de l’agresseur semblent avoir un impact sur l'adaptation des enfants, les résultats quant à l’influence des ces variables demeurent mitigés. Les travaux plus récents ont donc tenté de considérer des facteurs propres à l’enfant et à son environnement familial pour mieux comprendre l’adaptation des victimes. Les stratégies d’adaptation employées par les enfants pour face à des difficultés et le soutien social perçu de la part de l’entourage se sont avérés des facteurs particulièrement intéressants à analyser.

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La présente recherche doctorale s’inscrit dans ce nouveau courant de recherche et vise à évaluer l’adaptation des enfants en fonction des caractéristiques de l’abus, des stratégies d’adaptation et du soutien social. Les modèles théoriques reliés au stress et à l’adaptation, de même que les concepts associés à ces théories, constituent la trame de fond de la recherche doctorale. Les résultats de l’étude ont été divisés en deux articles empiriques poursuivant des objectifs distincts. Le premier article analyse les conséquences des abus sexuels selon la théorie du stress post-traumatique révisée par Wolfe et ses collègues. Selon cette conception théorique, les symptômes de stress post-traumatique se divisent en deux types, soit le type I (ré-expérimentation du traumatisme, comportement d’évitement et hyperstimulation), et le type II (dépression, dissociation, agressivité et stratégies d’évitement). Afin d’évaluer la présence de symptômes de stress post-traumatique chez les victimes d’abus sexuels, un groupe de 50 enfants abusés sexuellement est comparé à un premier groupe de 50 enfants confrontés à un autre stress (intervention orthopédique). L’inclusion de ce groupe de comparaison constitue un apport au domaine d’étude et permet d’identifier les différences et les similitudes entre des enfants confrontés à un stress majeur. Un deuxième groupe de 50 enfants provenant de la population générale est aussi inclus dans l’étude permettant de mieux qualifier l’adaptation des enfants abusés et des enfants blessés physiquement. L’adaptation des enfants est évaluée à deux reprises, soit peu de temps après le dévoilement et six mois plus tard. Les résultats indiquent que les enfants abusés exhibent plus de symptômes de stress post-traumatique de type I et de type II, et ce, aux deux temps de mesure. Certaines difficultés semblent s’atténuer entre les deux évaluations, bien que les problèmes d’adaptation soient encore importants pour les victimes au temps 2.

Le deuxième article empirique a comme objectif principal d’évaluer le rôle des stratégies d’adaptation et du soutien social dans l’adaptation des enfants abusés. Un modèle de médiation a été proposé où l’effet des caractéristiques de l’abus est modulé par les stratégies que les enfants emploient face à des difficultés quotidiennes et par le soutien social général qu’ils perçoivent de la part des parents et des pairs. Les résultats révèlent une relation directe entre !’utilisation de stratégies d’évitement et la présence de soutien social de la part des parents et les problèmes d’internalisation, d’externalisation et le sentiment de valeur globale plutôt qu’un lien de médiation. Parmi les caractéristiques de la situation abusive, seule l’identité de l’agresseur est directement reliée aux difficultés internalisées des enfants, celle-ci étant plus importantes si l’agresseur est une personne proche de la victime (père ou beau-père).

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La conclusion de la thèse interprète les résultats à la lumière des données empiriques. Une analyse de la

signification des symptômes cliniques notés chez les enfants est d'abord proposée. L'influence des

stratégies d'adaptation et du soutien social sur l'adaptation des victimes est ensuite discutée. Enfin, une

attention particulière est portée aux interventions destinées à cette population en fonction des différents

symptômes rapportés et des facteurs de protection.

Caroline Tremblay, B.A.

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Avant-propos

L’aboutissement du doctorat représente une étape importante dans la vie d'une étudiante. Ce long processus académique ne peut se faire sans l'appui de personnes significatives dans !'environnement scolaire, social et familial de la candidate. Je tiens d’abord à remercier mes deux directrices de recherche, Mme Christiane Piché et Mme Martine Hébert. Vous avez été pour moi la première source d'inspiration. Vous avez réussi à me communiquer votre passion et votre intérêt pour une problématique sociale d’importance : les abus sexuels commis à l'endroit des enfants. Grâce, entre autres, à la belle complicité et complémentarité qui existent entre vous, mon doctorat a été une expérience plus qu’enrichissante. Merci d’avoir partagé votre savoir avec moi, et surtout merci infiniment pour votre soutien tout au cours de ces longues années, pour votre disponibilité, pour votre compréhension et pour la confiance que vous m’avez accordée afin que je devienne ce que je suis professionnellement et personnellement.

Je tiens également à remercier les membres de mon comité de thèse, M. Stéphane Sabourin et Mme Francine Lavoie qui ont lu et relu patiemment mes documents. Merci pour les judicieux commentaires et les suggestions qui ont guidé l’évolution de ma thèse. Je souhaite aussi souligner l’influence des membres du corps professoral de l'École de psychologie qui m’ont permis, de près ou de loin, d’avoir une meilleure compréhension de ma problématique d’étude ainsi que des grands concepts psychologiques. Un merci tout spécial à Nathalie Parent et Jacques Joly pour leur soutien aux plans logistique et statistique. Sans eux, le déroulement de ma recherche et !’interprétation de mes données aurait eu un caractère beaucoup plus laborieux.

La contribution du personnel de la clinique socio-juridique ne peut être passée sous silence. Je tiens à remercier plus particulièrement les Dr. Claire Allard-Dansereau et Anne-Claude Bernard-Bonnin, Pierrette Trabut, Marie-France Viau, Frédérique St-Pierre, Diane Vadeboncoeur ainsi que Céline St-Amand. La participation des enfants et de leurs parents fut un élément indispensable à la faisabilité de cette recherche. Ils ont gentiment accepté de compléter mes questionnaires et m’ont fait une place dans leur foyer à un moment où ils vivaient une situation délicate. Mille fois merci à tous. De plus, cette recherche a été facilitée par le soutien financier du Conseil Québécois de la Recherche Sociale.

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Mon expérience au doctorat n’aurait pas été si agréable n’eut été de l’appui que j’ai reçu de mes amis. Tout d’abord, je veux remercier les V8, mes amies de toujours. Elles m’offrent une belle amitié qui perdure depuis l’adolescence. Elles étaient là avant le doctorat, et j’espère qu’elles resteront dans ma vie pour encore de nombreuses années. Merci également à mon groupe de pairs de l’université avec qui j'ai vécu d’inoubliables moments. Entre autres, je souhaite souligner la place inestimable qu’ont pris les trésors de la mer dans mon équilibre psychologique au cours des dernières années ! De formidables liens m'unissent à ces belles et compétentes psychologues, liens que j’espère indestructibles.

Merci à mes beaux-parents pour m’avoir encouragée à poursuivre mes rêves, pour avoir cru en mon potentiel et pour s'être toujours montrés intéressés à ce que je faisais. Je tiens aussi à remercier mes beaux-frères, mes belles-soeurs et mon frère Guy pour les nombreuses discussions, et surtout pour les taquineries à propos de mon éternel statut d’étudiante ! Je me dois de mettre en évidence que ce doctorat n'aurait pu se faire sans l’immense soutien de mes parents, Jean-Guy et Denyse. Non seulement ils m’ont toujours laissée libre de mes choix et m’ont appuyée dans cette longue démarche qu'est le doctorat, ils m’ont surtout donné le plus important : de l’amour, un encadrement sain et des valeurs qui font en sorte que je suis ce que je suis aujourd'hui. Finalement, je souhaite dire un merci tout spécial à l’homme de ma vie, Nicolas. Depuis le tout début de mes études doctorales, il m’offre son soutien et son amour de façon inconditionnelle, et ce, dans les moments de découragement, d’angoisse et d’euphorie. Il est mon grand complice de tous les jours, mon oreille attentive, mon cœur sur deux pattes. Je ne te dirai jamais suffisamment comment ta présence a compté et compte toujours pour moi. Merci tout simplement d’être ce que tu es.

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Résumécourt... Résumélong... ü

Avant-propos... v

Tabledesmatières... vii

Listedestableauxetdesfigures... x

Introductiongénérale... 1

Les conséquences à court terme des abus sexuels... 2

Facteurs modulant l’adaptation des enfants... 5

Modèles conceptuels expliquant les conséquences... 10

Le modèle de Finkelhor et Browne (1986)... 10

La théorie du stress post-traumatique... 12

Le modèle de stress et d’adaptation... 14

Problématique de l'étude... 16

Figure 1... 20

Article I Type I andtype II Post Traumatic Stress Disorderin Sexually Abused Children Title page... 22 Abstract... 23 Résumé...24 Introduction...25 Method... 28 Participants... 28 Measures... 30 Procedure... 32 Results... 33

Differences of PTSD type I and type II symptoms... »...33

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References... 43 Figure 1... 50 Figure 2... 50 Figure 3... 50 Table 1... 51 Article II Copingstrategiesandsocialsupportasmediatorsofconsequences IN CHILD SEXUAL ABUSE VICTIMS Title page...53 Abstract... 54 Résumé... 55 Introduction... 56 Method... 62 Subjects... 62 Measures... 63 Procedure... 64 Results... 65 Discussion...:... 68 References...74 Figure 1... 81 Table 1... 82 Figure

2

....:... 84 Conclusion Générale...85

Les symptômes de stress post traumatique chez les enfants abusés sexuellement... 86

La dissociation chez les enfants abusés sexuellement... 92

Les problèmes de comportements externalisés et internalisés...95

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Orientation des travaux à venir... 109

Références...113

Annexe A... 124

Version française du History of Victimization Form...125

Version française du Self-Report Coping Scale... 140

Version française du Perceived Competence Scale for Children... 143

Version française du Perceived Social Support... 150

Annexe B...155

Lettre de consentement pour les sujets recrutés à l’hôpital Ste-Justine (clinique de pédiatrie socio-juridique et clinique d’orthopédie)... 156

Lettre de consentement pour les sujets provenant de la population générale... 157

Lettre de consentement pour la relance six mois plus tard... 158

Annexe C...159

Tableau 1...160

Tableau 2...161

(11)

Liste des Tableaux et des figures Introduction générale

Figure 1. Modèle médiateur des stratégies d’adaptation

et du soutien social sur l’adaptation des victimes d’abus... ... 20

Article I

Figure 1. PTSD type I and type II symptoms for sexually abused

children at the first and the follow up assessments... ... 50 Figure 2. PTSD type I and type II symptoms for children confronted with

an orthopedic intervention at the first and the follow up assessments... ... 50 Figure 3. PTSD type I and type II symptoms for community children

at the first and the follow up assessments... ... 50 Table 1. Mean scores and standard deviation for PTSD type I and

type II symptoms by group and time of evaluation... ...,.51

Article II

Figure 1. Initial theoretical model : Influence of coping strategies

and social support on children’s adjustment... ...81 Table 1. Hierarchical regression analyses testing the mediational

model for internalizing/externalizing/global self-worth (N=50)... ...(32 Figure 2. Mediational models for each outcome measure... ... 84

Annexe C

Tableau 1. Données socio-démographiques des enfants abusés sexuellement qui participent au deuxième temps de mesure de l’étude et

de ceux qui ne participent pas... ...160 Tableau 2, Caractéristiques des abus sexuels des enfants abusés sexuellement

qui participent au deuxième temps de mesure de l'étude et

de ceux qui ne participent pas... ...161 Tableau 3. Adaptation au temps 1 des enfants abusés sexuellement

qui participent au deuxième temps de mesure de l’étude et

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Les réactions comportementales et affectives d'enfants victimes d'abus sexuels : RÔLE DES STRATÉGIES D’ADAPTATION ET DU SOUTIEN SOCIAL

Introduction

L'intérêt porté envers la violence commise à l'égard des enfants ne cesse croître. Que ce soit pour le public en général, pour les milieux cliniques ou pour la communauté scientifique, la violence envers les enfants inquiète, interroge et surprend. Les dernières décennies ont été témoin d'une prolifération de travaux cliniques et empiriques traitant de ce sujet. Certains auteurs se sont particulièrement intéressés aux mauvais traitements physiques, d'autres à la négligence, ou encore aux abus sexuels. La présente thèse de doctorat s'intéresse à ce dernier aspect : les abus sexuels commis à l’égard des enfants et les conséquences observées à la suite d’une situation abusive.

Avant même d'examiner ce phénomène, il est indispensable de définir le terme abus sexuel afin de le distinguer des autres formes de mauvais traitements. La définition retenue est celle proposée par les Centres de Protection de l'Enfance et de la Jeunesse (CPEJ) de la province de Québec, institution légalement responsable de la majorité des cas d'enfants abusés sexuellement. Selon ces centres, l'abus sexuel est défini comme étant:

"un geste posé par une personne donnant ou recherchant une stimulation sexuelle non appropriée quant à l'âge et au niveau de développement de l'enfant ou de l'adolescent-e, portant ainsi atteinte à son intégrité corporelle ou psychique, alors que l'agresseur a un lien de consanguinité avec la / victime ou qu'il est en position de responsabilité, d'autorité ou de domination / avec elle (p.3)."

En ce qui concerne le nombre de cas d’abus sexuels, la littérature indique que les taux d’incidence et de prévalence sont élevés tant aux Etats-Unis qu’au Canada (Badgley, 1984; Wynkoop, Capps & Priest, 1995). Par exemple, Gorey et Leslie (1997) ont analysé 16 études publiées entre 1969 et 1991 qui traitent de la prévalence des abus sexuels. Quatorze de ces études proviennent des Etats-Unis, alors que deux d’entres elles ont été réalisées au Canada. Les auteurs rapportent que 22,3% des femmes auraient été

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victimisées dans leur enfance, alors que 8,5% des hommes auraient vécu un abus sexuel. Une méta- analyse réalisée par Rind.Tromovitch et Bauserman (1998), comportant 59 études effectuées auprès de populations collégiennes, révèle des taux de prévalence similaires. Les données indiquent que 27% des 21 999 femmes participant aux recherches répertoriées mentionnent avoir été victimes d’abus sexuels dans leur enfance, alors que 14% des 13 704 hommes participant à ces études déclarent avoir été abusés sexuellement lorsqu’ils étaient enfants. Lors d'une étude menée en Ontario entre 1990 et 1991 auprès de 9 953 personnes âgées de 15 ans et plus, MacMillan et ses collègues (MacMillan, et coll., 1997) rapportent que 13% des femmes et 4% des hommes mentionnent avoir subi un abus sexuel dans leur enfance ou leur adolescence. En analysant les données selon différents groupes d’âges, les auteurs obtiennent des taux variant entre 7,8% et 15,3% pour les femmes et 2,2% et 6,6% pour les hommes. La prévalence des abus sexuels est plus élevée parmi le groupe des 24-44 ans pour les femmes et parmi le groupe des 45-64 ans pour les hommes. Finkelhor (1994) mentionne que les taux de prévalence sont similaires à travers différents pays dont l'Europe, l'Afrique du sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis et le Canada, variant autour de 20% pour les femmes et de 3% à 11% pour les hommes. Pour ce qui est du taux d’incidence, une étude de Wiese et Daro (1995) a permis de répertorier plus de 114 000 cas d’abus sexuel rapportés aux autorités de protection de l’enfance aux Etats-Unis. Au Québec, Wright, Boucher, Frappier, Lebeau et Sabourin (1997) rapportent un taux de 0,87 par 1 000 enfants pour l’année 1995-1996 chez une population de jeunes ayant nécessité des services de protection en raison d’une allégation d’abus sexuel. Il apparaît essentiel de souligner que ces taux de prévalence et d’incidence constituent un reflet biaisé, et souvent bien en deçà de la réalité. En effet, la définition des abus sexuels utilisée dans les études, les méthodes employées (téléphone versus contact direct), l’hésitation possible des répondants à dévoiler une situation abusive, de même que la non détection de cas réels influencent les taux d’incidence et de prévalence rapportés dans les recherches (Gorey et Leslie, 1997).

Les conséquences à court terme des abus sexuels

Depuis une vingtaine d’années, les recherches portant sur les conséquences à court terme mettent en évidence la diversité des effets notés chez les enfants abusés sexuellement. Parmi ces conséquences, les comportements sexualisés non appropriés en fonction de l’âge et du niveau de développement constituent

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l’une de celles les plus fréquemment associées aux abus sexuels (Beitchman, Zucker, Hood, DaCosta, & Akman, 1991; Berliner & Elliott, 1996; Kendall-Tackett et coll., 1993; Wolfe & Birt, 1995). Ces comportements incluent les jeux sexualisés, le fait de mettre des objets dans l'anus ou dans le vagin, la masturbation excessive ou publique, les comportements séducteurs, les demandes de stimulation sexuelle auprès des adultes ou des autres enfants, et des connaissances sexuelles non appropriées en fonction de l'âge de l'enfant (Beitchman, et coll., 1991). Plusieurs études empiriques ont retrouvé la présence de comportements sexualisés chez les enfants abusés sexuellement en comparant, ou non, les victimes avec d'autres populations infantiles (Cohen & Mannarino, 1988; Friedrich, Beilke & Urquiza, 1987; Friedrich & Leucke, 1988; Gale, Thompson, Moran, & Suck, 1988; Gomes-Scwartz, Horowitz, & Cardarelli, 1990; Kolko & Moser, 1988). Kendall-Tackett et coll. (1993) stipulent que les comportements sexualisés constituent en fait l’une des seules conséquences pouvant être plus spécifiquement reliée aux abus sexuels.

Les recherches empiriques ont mis en évidence la présence d'autres conséquences fréquemment retrouvées chez les jeunes victimes d’abus sexuels en plus des comportements sexualisés. Parmi les effets notés, les symptômes de stress post-traumatique apparaissent dans une proportion relativement importante chez les enfants abusés sexuellement (Wolfe & Birt, 1995; Wolfe, 1999). La répétition incessante de jeux traumatiques, les cauchemars, les pensées intrusives, les comportements régressifs, l'irritabilité, les troubles du sommeil et les difficultés de concentration sont quelques-uns des symptômes qui peuvent être regroupés sous le terme du stress post traumatique. En fait, ces symptômes peuvent être classifiés sous trois catégories: 1) les symptômes de réexpérimentation, 2) les phénomènes d'évitement, et 3) les symptômes d'hyperstimulation. Les résultats des recherches montrent des pourcentages élevés de symptômes de stress post-traumatique chez les populations d’enfants abusés. Par exemple, McLeer, Dixon, Henry, Ruggiero, Escovitz, Niedda et Scholle (1998) rapportent que 36,3% des enfants abusés sexuellement présentent un trouble de stress post-traumatique tel que défini par le DSM-IV en comparaison à 1,3% des enfants recevant des soins psychiatriques et à 0% pour les enfants non abusés et nomclinique. D’autres auteurs retrouvent des résultats comparables auprès d’enfants victimes d’abus sexuels (Boney- McCoy & Finkelhor, 1996; McLeer, Deblinder, Henry & Orvaschel, 1992; McLeer, Callaghan, Henry, & Wallen, 1994; Wells, McCann, Adams, Voris, & Ensign, 1995; Wolfe, Gentile, & Wolfe, 1989; Wolfe, Sas, & Werkele, 1994). Kendall-Takett et coll. (1993) rapportent, dans une recension des études évaluant les

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symptômes de stress post-traumatique, que plus de 53% des victimes exhibent de tels symptômes. Ce pourcentage diminue à 32% lorsque les enfants très sévèrement abusés (abus ritualistique) sont retirés de l’analyse. Les auteurs concluent que les symptômes de stress post-traumatique sont assez fréquents, bien qu'il soit difficile de stipuler qu’ils représentent une conséquence spécifique aux abus sexuel. En plus de ces deux premières conséquences, l'anxiété, la dépression, les comportements de retrait, la somatisation, l'agressivité et les problèmes scolaires sont les effets à court terme les plus régulièrement observés dans les études (Beitchman et coll., 1991; Kendall-Tackett & coll., 1993; Koverola, Pound, Heger, & Lytle, 1993; Wolfe & Birt, 1995).

Par ailleurs, certains auteurs suggèrent que les conséquences sont différentes en fonction du niveau du développement des enfants. Beitchman et coll. (1991) et Kendall-Tackett et coll. (1993) distinguent les effets des abus sexuels selon trois groupes d'âge. Pour les enfants d'âge préscolaire, âgés entre 0 et 6 ans, les effets les plus communs sont l'anxiété, les cauchemars, les symptômes de stress post- traumatique, les comportements internalisés et les comportements sexuels non appropriés. Pour les enfants d'âge scolaire, âgés entre 7 et 12 ans, les symptômes les plus fréquents incluent la peur, l'agressivité, les cauchemars, les problèmes scolaires, l'hyperactivité et les comportements régressifs. Par exemple, Black, Dubowitz, et Harrington (1994) trouvent que les perceptions de compétences et d’acceptation sociale différent de façon significative entre les enfants d’âge préscolaire et ceux de la période de latence; les premiers s’évaluant plus positivement que les enfants plus vieux. Finalement, en ce qui concerne les adolescents (1318־ ans), les conséquences les plus souvent observées sont la dépression, le suicidé, l'autodestruction, la somatisation, la promiscuité, les comportements sexualisés, la revictimisation, les actes illégaux, les fugues, et l'abus de substance illicites. Certains symptômes semblent suivre un patron particulier tout au long du développement de l'enfant. La dépression, par exemple, est une conséquence assez constante parmi les groupes d'âge et apparaît souvent chez les adultes abusés durant leur enfance (Beitchman et coll., 1991; Wolfe & Birt, 1995). Les problèmes d'apprentissage et les problèmes scolaires sont aussi prédominants chez les trois groupes d'âge, plus spécialement pour les enfants de 7 à 12 ans et pour les adolescents. Enfin, les comportements sexuels non appropriés sont dominants à l'âge préscolaire, disparaissent durant la période de latence et réapparaissent durant l'adolescence par la promiscuité, la prostitution et l'agression sexuelle (Kendall-Tackett et coll., 1993). Une nouvelle vague de recherches longitudinales appuie l’hypothèse que certains symptômes s'atténuent au fil

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des ans, alors que d'autres effets persistent. Oates, O’Toole, Lynch, Stern, et Cooney (1994) observent que les symptômes dépressifs et la faible estime de soi demeurent relativement stables au cours des 18 mois séparant les deux prises de mesures alors que les problèmes de comportements Identifiés par les parents se dissipent. Pour leur part, Tebbut, Swanston, Oates, et O'Toole (1997) rapportent que les difficultés d'adaptation des enfants abusés de leur étude (dépression, faible estime de soi et problèmes de comportements) ne s’améliorent pas au cours d’une période de cinq ans après le dévoilement, et ce, avec ou sans intervention.

Il apparaît essentiel de nuancer les résultats relatés jusqu'ici en raison de la présence de limites méthodologiques inhérentes aux études effectuées antérieurement (Briere, 1992; Kinard, 1994). La représentativité des sujets est parfois discutable dû, entre autres, au petit nombre d'enfants inclus dans les groupes et au recrutement des participants par des praticiens ou dans des cliniques spécialisées, ceci ayant pour effet de réduire la puissance des analyses statistiques et d’entraîner un biais important en termes de sélection des participants. Lorsque le recrutement est fait dans des milieux cliniques, il est possible de penser que ces enfants sont plus perturbés par l'événement abusif. Les résultats obtenus avec ces populations sont, par conséquent, difficilement généralisables à l'ensemble des enfants abusés sexuellement. Par ailleurs, plusieurs auteurs n'ont inclus aucun groupe de comparaison pour valider les résultats observés. L'absence de groupe contrôle ne permet pas de dresser un portrait précis et représentatif des enfants victimes d'un abus sexuel et de spécifier en quoi ils diffèrent des autres populations infantiles. Enfin, les notions d'âge et de niveau de développement sont rarement considérées lors de la formation des groupes expérimentaux. Les auteurs regroupent fréquemment des enfants d'âge préscolaire avec des enfants de la période de latence et des adolescents-es. Ce groupement a pour effet de masquer certaines différences liées à l'âge des victimes. Il serait plus approprié de restreindre l'étendue d'âge de manière à obtenir des résultats plus rigoureux.

Facteurs modulant l'adaptation des victimes

Les conséquences à court terme observées chez les enfants sont multiples et surtout variées. Afin d'expliquer cette variabilité, certains auteurs se sont attardés à d’autres facteurs propres à la situation

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abusive, à la victime ou à !'environnement familial. La première vague d'études empiriques porte exclusivement sur les caractéristiques des abus sexuels pour expliquer les différents symptômes notés chez les victimes. Le type d'actes abusifs, la fréquence de ces incidents, l'emploi de force physique, le nombre d'agresseurs, la durée de la situation abusive et l'identité de l'agresseur ont été analysés de manière à expliciter l'étendue et la diversité des conséquences observées suite à cet événement (Beitchman et coll., 1991; Berliner & Elliott, 1996; Kendall-Tackett et coll., 1993; Wolfe & Birt, 1995). En général, les auteurs retrouvent plus de difficultés d'adaptation chez les enfants qui ont été abusés plus sévèrement (pénétrations ou tentatives de pénétration) (Black et coll., 1994; Cohen & Mannarino, 1988; Conte & Schuerman, 1987; Friedrich, 1993; Wolfe et coll., 1989), pour qui la fréquence des actes abusifs est plus élevée (Friedrich, Urquiza & Beilke, 1986; Wolfe et coll, 1989), où l’emploi de force ou de coercition a été utilisé afin d'obtenir la participation de l’enfant (Finkelhor & Browne, 1986; Friedrich & Grambsch, 1992; Long & Jackson, 1991), où l’abus s'échelonne sur une longue durée (Caffaro-Rouget, Lang & van Santen, 1989; Friedrich, 1988; Hauggard & Reppucci, 1988), et enfin, où l’agresseur entretient un lien de proximité affective avec l'enfant (Black et coll., 1994; Friedrich et coll., 1986; McLeer et coll., 1988).

Les résultats des études évaluant la relation entre les caractéristiques de l'abus et l'adaptation des enfants ne sont toutefois pas consistants. Bien-que certains auteurs observent des relations entre ces variables, d’autres chercheurs ne rapportent aucun lien significatif entre les caractéristiques des abus sexuels et l’adaptation des victimes (Koverola, Pound, Heger, & Lytle, 1993; Ligezinska et coll., 1996; Spaccarelli & Kim, 1995). Certaines limites conceptuelles et méthodologiques telles les définitions employées, les mesures utilisées et les caractéristiques des sujets (Briere, 1992; Kinard, 1994) expliquent en partie cette inconsistance.

Par ailleurs, certains chercheurs trouvent une proportion substantielle de victimes qui ne manifestent aucun symptôme suite à un abus sexuel, soit un certain nombre d'enfants dits "invulnérables" ou "asymptomatiques". Par exemple, Caffaro-Rouget, Lang et van Santen (1989) observent que 49% des victimes de leur échantillon n'exhibent aucune difficulté apparente lors de l'évaluation. Conte et Schuerman (1987) rapportent une absence de symptôme chez 21% des enfants qu’ils ont étudiés. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette apparente absence de symptômes chez les jeunes victimes. D'abord, il est possible que les instruments de mesure employés ne soient pas assez "sensibles" pour détecter les difficultés spécifiques de ces enfants (Kendall-Tackett et coll., 1993). Une réaction tardive des enfants,

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apparaissant ultérieurement dans le développement, est également plausible (latent effect). Dans ce sens, certaines victimes peuvent employer des mécanismes de défense particuliers (le déni par exemple) au moment de l'évaluation initiale, et éprouver plus de difficultés plus tardivement en réponse à un autre stress majeur (Finkelhor, 1990). Une dernière explication est que ces victimes ont réellement été moins affectés par l'abus sexuel. Les enfants considérés comme "invulnérables" ont peut-être souffert d'abus sexuels moins « sérieux » ou bien ils possèdent des caractéristiques personnelles et environnementales qui facilitent leur adaptation. Par exemple, ils peuvent employer des stratégies d’adaptation particulières, peuvent évaluer qu’ils ne sont pas responsables de l’abus, peuvent percevoir les personnes de leur entourage comme soutenants, faisant en sorte qu’ils s’adaptent mieux à une situation abusive. Il est cependant important de rappeler que les données concernant ces facteurs de protection ne sont que partielles et que !’interrelation entre ces variables et les conséquences observées est peu connue.

Une méta-analyse fort controversée de Rind et coll. (1998) met en doute le lien généralement reconnu entre une histoire d’abus sexuel et les difficultés d’adaptation chez une population d’étudiants de niveau collégial. Les résultats de la recension des 59 études répertoriées (incluant des recherches publiées et non publiées) indiquent que la relation entre une victimisation sexuelle dans l’enfance et les problèmes d’adaptation est faible, bien que les adultes abusés éprouvent légèrement plus de difficultés que les adultes non abusés des groupes de comparaison. Il apparaît important de souligner que cette méta-analyse a été réalisée avec des études portant sur l’adaptation à long terme chez une population d'adultes plutôt qu’auprès des enfants. De plus, les échantillons sélectionnés regroupent des adultes qui fréquentent un collège impliquant que ces personnes détiennent une scolarité élevée, ce qui n’est pas nécessairement le cas pour la majorité des adultes abusés dans l’enfance. Les auteurs ne réfèrent pas au concept de résilience et n’analysent pas les variables de protection (stratégies utilisées, soutien social, attribution de la responsabilité, etc.) pour expliquer la faible relation entre l'abus sexuel et l'adaptation des victimes, variables qui apparaissent pourtant de plus en plus importantes dans la littérature. En effet, les recherches plus récentes tendent à démontrer que certaines variables propres à l’enfant, à son environnement familial ou à la communauté semblent associées à l’adaptation à court et à long termes des victimes.

Parmi les différents facteurs de protection retrouvés dans les études, les auteurs se sont intéressés plus particulièrement à l'âge des enfants au moment du premier incident abusif (Kendall-Tackett et coll., 1993), à l’évaluation cognitive de l'abus sexuel et des événements reliés (Johnson & Kenkel, 1991; Spaccarelli,

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1994), aux stratégies d’adaptation utilisées par les victimes (Chaffin, Wherry & Dykman, 1997; Conte & Schuerman, 1987; Johnson & Kenkel, 1991) et aux réactions de l’entourage suite au dévoilement de l’abus sexuel (Esparza, 1993; Everson, Hunter, Runyan, Edelsohn, & Coulter, 1989; Spaccarelli & Kim, 1995).

L’étude du rôle médiateur des stratégies d’adaptation sur la présence ou l'absence de difficultés émotionnelles ou comportementales chez les enfants abusés a fait l’objet de peu de travaux empiriques jusqu’à maintenant (Wolfe & Birt, 1995). Il est cependant généralement reconnu dans la littérature portant sur le stress et l'adaptation que !’utilisation de stratégies dites « actives » ou de stratégies d’approche est associée à une meilleure adaptation et que l’emploi de stratégies d’évitement à long terme est relié à une augmentation de la détresse (Compas, Malcarne & Fondacaro, 1988; Ebata & Moos, 1991; Ebata & Moos, 1994). Plusieurs auteurs retrouvent des résultats semblables auprès de différentes populations d’enfants confrontés à divers stresseurs (problèmes quotidiens, divorce, négligence et abus physiques, visite chez le dentiste) (Herman-Stahl, Stemmier & Peterson, 1995; Hillson & Kuiper, 1994; Lengua, Wolchick & Braver, 1995; Sandler, Tein & West, 1994; Spirito, Stark & Tyc, 1994). En général, ces auteurs rapportent un lien significatif entre !’utilisation des stratégies d'évitement et !’augmentation de la détresse et des symptômes psychologiques.

Johnson et Kenkel (1991), ainsi que Chaffin, Wherry et Dykman (1997), ont spécifiquement étudié la relation entre les stratégies employées par les victimes et les symptômes psychologiques observés suite à un abus sexuel. Ces chercheurs confirment les résultats des études portant sur le stress et l’adaptation en ce sens que le niveau de détresse est plus élevé si la victime utilise plus de stratégies dites « non efficaces ». Cependant, Chaffin et coll. (1997) rapportent un résultat surprenant : dans leur étude, les enfants d’âge scolaire qui utilisent des stratégies d’évitement (par exemple souhaiter que le problème ne soit jamais arrivé, essayer de l'oublier, etc.) exhibent moins de difficultés au plan comportemental, tel qu’évalué par les parents (moins de problèmes d’externalisation, de comportements agressifs et délinquants). L’hypothèse avancée par les auteurs concerne l’effet bénéfique possible de !’utilisation à court terme des stratégies d’évitement sur les symptômes psychologiques des victimes. LaMontagne, Hepworth, Johnson et Cohen (1996) ont aussi obtenu des résultats semblables auprès d’un échantillon d'enfants qui subissaient une intervention orthopédique. Compas (1987), Roth et Cohen (1986) et Roth et Newman (1993) stipulent d’ailleurs qu’une bonne adaptation devrait être caractérisée par la flexibilité et le

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changement dans le choix des stratégies. Selon Roth et Cohen (1986), il est probable que l’emploi adéquat de certaines stratégies d’évitement (telles la minimisation, la distanciation et !’attention sélective) puisse faire diminuer la détresse ressentie. Il est généralement reconnu, cependant, qu’une utilisation persistante des stratégies d’évitement entraîne de plus grandes difficultés d’adaptation à long terme (Ebata & Moos, 1991 ; Lazarus & Folkman, 1984). D’autres études sont nécessaires afin de reproduire les résultats retrouvés jusqu'ici et valider l'hypothèse relative à l’influence positive des stratégies d'évitement sur l’adaptation des jeunes victimes à courte échéance.

Enfin, la capacité de l'enfant de croire que l’on s’intéresse à lui, qu’il est aimé, estimé, qu’il a de la valeur

aux yeux des autres et qu’il est membre d’un réseau social de communication (Cobb, 1976, p.300) apparaît

être un élément important dans l’adaptation de ce dernier à toute situation stressante. Un lien significatif entre la présence d’une perception positive du soutien social reçu de la part de l'entourage et une meilleure adaptation aux événements stressants est fréquemment observé dans la littérature (Lengua, Wolchik & Braver, 1995). Il en est également de même pour les enfants victimes d’abus sexuel. En effet, le soutien apporté à l'enfant au moment de l'abus et au ־moment du dévoilement semble avoir une importance considérable dans l'adaptation des victimes (Conte & Schuerman, 1987; Esparza, 1993; Everson et coll., 1989; Gomes-Schwartz et coll., 1990; Spaccarelli & Kim, 1995). Il semble que les enfants exhibent et rapportent moins de difficultés s’ils perçoivent leur entourage comme soutenant et compréhensif. De plus, la réaction de la famille au dévoilement de l'abus apparaît un meilleur prédicteur de l'adaptation des enfants que les caractéristiques propres de la situation abusive. Par exemple, Spaccarelli et Kim (1995) observent que le soutien social perçu est directement relié à l’adaptation des victimes, alors qu'il n’existe aucune relation significative entre les diverses caractéristiques de la situation abusive et les symptômes psychologiques. Il semble donc pertinent de poursuivre l’évaluation du rôle du soutien social perçu en lien avec l’adaptation des enfants à l’intérieur d’un modèle qui intègre à la fois les stratégies d’adaptation généralement employées par les enfants et les composantes de l’abus sexuel.

Jusqu’à maintenant, l'étude des facteurs qui facilitent l'adaptation des victimes a porté principalement sur les caractéristiques propres de la situation abusive. Les résultats rapportés varient énormément d'une étude à l'autre et ne permettent pas d'expliquer toute la diversité des conséquences rapportées. De plus, les facteurs individuels (tels que les stratégies d'adaptation) et familiaux (tel que le support social) ont été

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peu considérés pour expliquer l'adaptation des enfants. Il apparaît plausible que ces deux facteurs influencent de façon importante l'adaptation des victimes d'abus sexuels. L'identification de ces facteurs pourrait favoriser l'amélioration des interventions thérapeutiques et faciliter !'acquisition d'habiletés qui diminueraient l'impact causé par les abus sexuels chez les enfants.

Modèles conceptuels expliquant les conséquences observées chez les victimes

La section qui suit fait état de certains modèles théoriques développés au cours des années pour expliquer l’adaptation des enfants, et présente ceux qui servent de trame de fond à la thèse de doctorat. Le premier modèle présenté est celui de Finkelhor et Browne qui inclut quatre composantes pour expliquer l’adaptation des victimes à un abus sexuel. Ensuite, le modèle de stress post-traumatique est exposé dans lequel l’adaptation des enfants est conceptualisée selon la théorie du stress post-traumatique observé chez des individus confrontés à un traumatisme important. Enfin, les concepts de stress et d'adaptation servent de base au modèle développé par Spaccarelli qui intègre, entre autres, l'influence des stratégies d’adaptation et de soutien social pour comprendre la réaction des victimes.

Le modèle de Finkelhor et Browne (19861 et ses quatre composantes

Un des modèles les plus fréquemment mentionnés dans la littérature est celui de Finkelhor et Browne (1986). Ces auteurs se sont d’abord intéressés aux effets des abus sexuels chez des populations d'adultes victimisés dans l’enfance, puis, ils ont tenté d’appliquer leurs concepts à l’adaptation des enfants. Finkelhor et Browne postulent qu’une expérience d’abus sexuel peut être analysée en quatre facteurs causant le traumatisme: la sexualisation traumatique, la trahison, l’impuissance et la stigmatisation. Selon ces auteurs, lorsque ces facteurs sont présents ils modifient la perception cognitive et émotionnelle du monde chez l'enfant, créent un traumatisme en déformant le concept de soi, et transforment les capacités affectives de l'enfant. La "sexualisation traumatique" réfère au processus par lequel la sexualité de l'enfant est acquise à travers un développement non approprié et d'une façon interpersonnelle dysfonctionnelle. La sexualisation traumatique peut apparaître lorsqu'un enfant est récompensé de façon répétée par son agresseur pour des comportements sexuels non appropriés en fonction de son âge et de son

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développement. Ces récompenses peuvent prendre la forme d'échange d'affection, d'attention, de privilèges et de cadeaux. L'enfant apprend alors que son comportement sexuel est une stratégie pour manipuler les autres afin de combler ses besoins. Il faut noter que les expériences d'abus peuvent varier dramatiquement en termes d'apport et de type de "sexualisation" qu'elles provoquent. Les expériences au cours desquelles le corps de l'enfant est stimulé sexuellement par l'agresseur pour engendrer une réponse vont être plus sexualisées que celles où l'agresseur utilise simplement l'enfant de façon passive. Le degré de compréhension de l'enfant peut aussi affecter le degré de "sexualisation". Finkelhor et Browne (1986) suggèrent que les expériences dans lesquelles l'enfant, à cause de son jeune âge et de son niveau de développement, comprend peu !'implication sexuelle de ses activités, vont être moins sexualisées que celles ou l'enfant est plus conscient de son comportement.

Le deuxième facteur, la trahison, réfère à la dynamique selon laquelle l'enfant découvre qu'une personne, envers qui il est complètement dépendant, lui a causé du tort. L'enfant peut réaliser que cette personne significative l'a manipulé par des mensonges en ce qui à trait aux standards sociaux. Il peut comprendre également que cette personne, qu'il aimait et envers qui il éprouvait de l'affection, l'a traité de façon méprisable et insensible. Selon Finkelhor et Browne (1986), il est possible que les victimes expérimentent de la trahison non seulement de la part de l'agresseur, mais aussi des autres membres de la famille. Une personne en qui ils avaient confiance, mais qui a été incapable de les protéger, de les croire ou qui a changé d'attitude envers eux après le dévoilement peut provoquer un sentiment de trahison. L'intensité de la réponse familiale face au dévoilement semble donc reliée au degré de trahison ressentie par l'enfant. Moins il est cru ou soutenu dans cette épreuve, plus il a l'impression d'avoir été trahi.

L'impuissance, comme troisième composante, réfère au processus selon lequel la volonté, les désirs et le sens de l'efficacité de la victime sont continuellement violés. De plus, lorsque le territoire et l'espace corporel de l'enfant sont envahis de façon répétée et contre sa volonté, le sentiment d'impuissance semble être plus apparent. Les auteurs proposent que ce sentiment augmente lorsque l'enfant est apeuré, lorsqu'il est incapable de faire comprendre aux adultes ce qui se passe ou lorsqu'il réalise comment sa grande condition de dépendance l'a placé dans cette situation. En termes de degré d'impuissance, Finkelhor et Browne émettent l'hypothèse qu'un agresseur autoritaire qui commande continuellement la participation de l'enfant en le menaçant de façon sérieuse, va instaurer un sentiment d'impuissance plus intense.

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Cependant, la force et les menaces ne sont pas nécessaires. Évidemment, une situation dans laquelle un enfant dévoile une expérience abusive et n'est pas cru par l'entourage, va également créer un sentiment d'impuissance plus grand.

Finalement, la stigmatisation réfère aux connotations négatives qui sont communiquées à l'enfant à propos de l'expérience sexuelle et qui deviennent incorporées dans l'image de soi de la victime. Ceci peut provenir de l'agresseur qui peut blâmer l'enfant pour son propre comportement ou qui peut simplement induire chez l'enfant un sentiment de honte à propos de ses activités sexuelles. Finkelhor et Browne (1986) mentionnent que cette stigmatisation peut aussi être renforcée ou créée par les attitudes que la victime provoque ou entend de la part des autres personnes de sa famille ou de sa communauté. Certains enfants, par exemple les plus jeunes, peuvent avoir peu conscience des attitudes sociales et expérimenter peu de stigmatisation. D'autres enfants ont à négocier avec des croyances religieuses omniprésentes et des tabous culturels puissants, et ce en plus de la stigmatisation habituelle. Enfin, le fait de garder secret l'abus sexuel augmente le sentiment de stigmatisation parce que cela renforce l'impression d'être différent.

Il est important de spécifier qu'il n'existe pas de correspondance un à un entre les facteurs et les conséquences d'une situation abusive. Par exemple, les sentiments de dépression pourraient être associés à la stigmatisation, à la trahison et à l'impuissance. En outre, ce modèle n'a pas vraiment été vérifié empiriquement. La complexité des quatre facteurs proposés, la variété des mécanismes énoncés et la difficulté de délimiter et de mesurer empiriquement les composantes du modèle ont fait que peu de recherches ont tenté de le valider (Kendall-Tackett et coll., 1993).

La théorie du stress post-traumatique

Un autre groupe de chercheurs s’intéresse plus particulièrement à la nature stressante des abus sexuels et aux symptômes de stress post-traumatique pour expliquer les réactions des enfants. En effet, Briere et Runtz (1993) suggèrent d’analyser le traumatisme vécu par l’enfant selon la théorie du stress post- traumatique. Il faut rappeler que ce modèle a été développé afin de comprendre les réactions et les comportements des hommes qui ont fait la guerre du Vietnam, mais il est de plus en plus utilisé pour comprendre l’adaptation des enfants confrontés à des traumatismes (Fletcher, 1996). Le stress post

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traumatique apparaît lorsqu'un individu est exposé à un événement très troublant, psychiquement perturbateur. Un diagnostic de stress post-traumatique requiert la présence d'un stress majeur, tout comme (a) une réexpérimentation fréquente de l'événement (b) des phénomènes d'évitement ou des phénomènes dissociatifs et (c) des symptômes d'hyperstimulation. Les phénomènes reliés à la réexpérimentation incluent le jeu et le parler sexuels répétitifs, les comportements sexuels non appropriés (par exemple la masturbation compulsive et/ou publique, des comportements "provocateurs"), des comportements sexuellement abusifs envers des enfants plus jeunes, des cauchemars et des pensées intrusives. Les phénomènes d'évitement ou de dissociation réfèrent à des régressions dans le développement de l'enfant (par exemple un parler régressif, de l'énurésie ou de l'encoprésie), à une perte de certains affects, à de la dépression, aux comportements d'évitement, à une perte d'intérêt pour les activités usuelles et à de la difficulté à se faire des amis. Finalement, les symptômes d'hyperstimulation incluent l'hypervigilance, de l'irritabilité croissante, une colère explosive, une augmentation des comportements agressifs, des troubles du sommeil et des difficultés de concentration. Selon !'American Psychiatrie Association (1994), l'enfant doit exhiber au moins un symptôme de réexpérimentation, trois ou plus de symptômes d'évitement et deux ou plus de symptômes d'hyperstimulation pour qu’un diagnostic de stress post-traumatique soit attribué. À prime abord, ce modèle semble permettre d'expliquer plusieurs conséquences notées chez les victimes d'un abus sexuel.

Cependant, il a fait l'objet de nombreuses critiques de la part de certains chercheurs (Armsworth & Holaday, 1993; Finkelhor, 1987; 1990). Historiquement, les symptômes de stress post-traumatique ont été associés à un événement stressant aigu, survenant de façon inattendue dans la vie de l'individu. Bien souvent les situations d’abus sexuels sont plus insidieuses, apparaissant à travers la manipulation de l’affection et des besoins de l'enfant. Puis, le modèle de stress post-traumatique tel que défini dans le DSM-IV ne considère pas les autres facteurs qui semblent importants dans l’adaptation des enfants et l’apparition des symptômes psychologiques, tels que la compréhension cognitive de l’événement et les stratégies employées dans ces situations.

Afin de répondre à ces critiques, Wolfe (Wolfe & Birt, 1995; Wolfe, 1999) a révisé le modèle classique de stress post-traumatique. En se basant sur la conception théorique des traumatismes de type I et de type II développée par Lenore Terre (1987; 1991), Wolfe suggère un modèle de stress post-traumatique

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regroupant les réactions selon un type I et un type II. Ce modèle tient d'abord compte de l’effet possible des caractéristiques de l’abus sexuel en associant la sévérité de l'abus (stress aigu) aux symptômes de type I, et la durée, la fréquence et l’identité de l’agresseur (stress chronique) aux symptômes de type II. De plus, Wolfe a tenté d'intégrer d'autres concepts liés au stress et à l’adaptation (sentiment d’impuissance apprise, attribution, processus d’accomodation) afin d’obtenir un modèle plus englobant. Dans cette proposition, elle suggère que les traumatismes de type I (plus aigus) vont provoquer des symptômes typiques de stress post-traumatique (re-expérimentation, comportements d’évitement et hyperstimulation). Les traumatismes de type II (stress chronique) peuvent aussi inclure ces symptômes avec en plus des perturbations importantes au niveau du fonctionnement global de l’enfant en terme de symptômes dépressifs, d'états dissociatifs, de difficultés à gérer l’agressivité et d’utilisation de stratégies d’adaptation plus ou moins adéquates.

Ce modèle est nouveau et peu de travaux connus ont tenté de valider la conceptualisation théorique de Wolfe. Pourtant elle apparaît pertinente puisque les symptômes de stress post-traumatique sont fréquemment retrouvés chez les populations d’enfants victimisés sexuellement (Kendall-Tackett et coll., 1993). De même, l’analyse des conséquences des abus sexuels chez les enfants à l'aide de ce regroupement en deux types de traumatismes n’a pas encore été réalisé.

Les modèles de stress et d'adaptation

En accord avec le modèle de stress post-traumatique et les concepts liés au stress et à l’adaptation, d’autres chercheurs ont proposé de conceptualiser l’abus sexuel comme un événement stressant au même titre que d'autres événements potentiellement perturbateurs survenant dans l'enfance. En effet, l'abus sexuel pourrait être considéré comme tel puisqu'il modifie !'environnement de l'enfant et cause plusieurs perturbations au niveau du fonctionnement général de la victime. Les nombreuses conséquences rapportées dans les études empiriques démontrent bien que l'abus sexuel chez les enfants a un impact sur leur développement. En se basant sur des observations cliniques et empiriques, Friedrich (1990) a développé un modèle de stress et d'adaptation applicable aux abus sexuels. Cet auteur considère à la fols les caractéristiques de l'enfant, de la famille et de la situation abusive pour bien analyser les effets de cet événement sur la victime. Selon lui, il apparaît essentiel de tenir compte du fonctionnement de l'enfant et

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de son environnement avant que survienne l'abus, de la nature propre de la situation abusive en tant qu'événement stressant, et des réactions de l'enfant et de sa famille suite au dévoilement en vue d'expliquer les conséquences des abus sexuels et l'adaptation ultérieure de la victime. En intégrant ainsi l'abus sexuel dans un modèle de stress et d'adaptation, Friedrich tient compte, par conséquent, du contexte familial et social dans lequel se produit l'abus et souligne l'importance des actions entreprises par l'enfant et l'entourage pour s'adapter à l'événement.

Dans le même ordre d'idée, Spaccarelli (1994) propose un autre modèle de stress et d'adaptation pour comprendre l'impact des abus sexuels. Dans ce modèle, l'adaptation de la victime sera influencée par tous les stresseurs reliés à l'abus parmi les trois catégories suivantes: les caractéristiques de l'abus, les événements reliés à l'abus (séparation parentale, isolement social, etc.) et les événements liés au dévoilement public (changement de la structure familiale, entrevues multiples, implication légale, etc.). La deuxième prémisse du modèle est que les effets de l'abus sexuel sont modulés par les évaluations cognitives et par !'utilisation de stratégies d'adaptation pour faire face à l'événement. Enfin, les caractéristiques personnelles des enfants (âge et sexe par exemple) et les ressources disponibles à la victime (soutien social et stratégies employées par la famille) vont d'abord avoir un impact sur les variables médiatrices (stratégies d'adaptation et évaluation cognitive) puis, indirectement, sur l'adaptation des enfants.

Pour l'auteur, il apparaît essentiel de tenir compte de tous ces facteurs pour bien comprendre le processus d'adaptation. L'abus ne doit pas être uniquement conceptualisé en termes de caractéristiques décrivant les gestes abusifs, mais aussi en termes d'impact que cet événement a sur !'environnement personnel, familial et social de la victime. L'avantage de ce modèle est qu'il laisse une place considérable au contexte global de la situation abusive, incluant les réactions de la famille et celles de l'enfant.

Tout comme le modèle de Friedrich, le modèle de Spaccarelli considère d'abord les caractéristiques de l'abus sexuel et des événements associés pour expliquer l'adaptation de l'enfant. Les stratégies employées et le soutien social perçu occupent également une grande place. De plus, ce modèle s'adapte mieux au contexte d'une situation de crise puisqu'il est plus global et qu'il débute dans le temps avec l'avènement de l'abus sexuel et de son dévoilement, ce qui est différent du modèle proposé par Friedrich.

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Certes, il apparaît Important de considérer le fonctionnement antérieur des familles pour expliquer l'adaptation de l'enfant. Cependant, en raison du caractère transversal de la présente étude, le modèle de Spaccarelli apparaît plus approprié. La figure I illustre le modèle de stress et d'adaptation, inspiré de celui de Spaccarelli, qui a été utilisé pour analyser le rôle médiateur des stratégies d'adaptation et du soutien social.

Problématique de l'étude

L'abus sexuel chez les enfants de tout âge constitue donc un problème social important, et ce dans toutes les couches de la société. Les sections précédentes ont montré l'importance du phénomène de même que la variabilité des effets observés chez les enfants. L’influence possible des facteurs personnels et familiaux sur l’adaptation des victimes a également été présentée. À la lumière des études précédentes, et des différents concepts exposés jusqu’ici, il apparaît pertinent de considérer l'abus sexuel comme un événement stressant au même titre que d’autres événements de l'enfance, et d'évaluer les similarités et les différences en termes d'adaptation chez des enfants confrontés à un telle situation.

Les conséquences affectives et comportementales notées chez les enfants illustrent bien comment l'abus sexuel, en tant qu’événement stressant, "introduit un niveau élevé de tension émotionnelle et interfère avec

un patron de réponse normal״ (Janis & Leventhal, 1968, p.44). Que l'abus soit un stress soudain,

survenant ponctuellement dans la vie de l'enfant et provoquant des changements importants, ou qu'il soit un stress chronique, survenant de façon régulière et sollicitant constamment les ressources de la victime, il demeure que cet événement modifie !'environnement et le fonctionnement de l'enfant à plusieurs égards.

En positionnant ainsi l'abus sexuel comme un événement stressant, il s'avère pertinent d'examiner les concepts liées à la théorie du stress et de l'adaptation pour analyser les effets des abus sexuels sur le développement des enfants. Tout d'abord, parmi les facteurs personnels, les stratégies d'adaptation généralement employées par les victimes pour faire face à des difficultés semblent jouer un rôle important en terme de symptômes notés chez les enfants confrontés à un stress. Il existe, en effet, plusieurs façons de s'adapter aux événements auxquels on doit faire face. Peu d'études jusqu'à ce jour se sont intéressées

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aux stratégies d'adaptation déployées par les enfants sexuellement victimisés face à des stresseurs communs ou face à un incident tel un abus sexuel. Il semble évident, cliniquement à tout le moins, que les enfants posent diverses actions qui influencent la façon dont ils s'adaptent aux événements stressants auquels ils sont confrontés. Cette évidence clinique n'est par contre pas démontrée empiriquement. Il existe peu de connaissances sur le type de stratégies utilisées face à des stresseurs communs, sur leur efficacité et sur leur influence réelle au niveau de l'adaptation, d’où l'importance d'explorer cette avenue dans les futures recherches.

Par ailleurs, il semble également important de tenir compte des caractéristiques de !'environnement familial pour comprendre l'adaptation des enfants. Dû au fait qu'ils évoluent dans un milieu particulier et qu'ils sont dépendants, en quelque sorte, de ce milieu, il serait erroné de tenter de comprendre comment les enfants s'adaptent à l'abus sans considérer ce noyau familial dans lequel ils évoluent quotidiennement. En effet, la réaction de l'entourage et le soutien perçu de la part des personnes significatives lorsque confrontés à des stresseurs semblent avoir un lien étroit avec l'adaptation de l'enfant.

Plusieurs objectifs sont poursuivis dans la présente thèse de doctorat. Tout d’abord, un des premiers buts de cette recherche est d’évaluer les symptômes psychologiques retrouvés chez un groupe d’enfant abusés sexuellement, c’est-à-dire !'identification de manifestations comportementales et affectives problématiques pouvant être reliées à la présence d’un abus sexuel. En lien avec la conceptualisation des abus sexuels comme un événement stressant de l'enfance, une comparaison avec l’adaptation d'une population confrontée à un autre stresseur est incluse dans le protocole de recherche. Les enfants de ce groupe de comparaison ont eu à faire face à un stress orthopédique (soit une fracture, un entorse, ou bien un problème chronique lié aux os) qui a provoqué une certaine réaction chez l'enfant et chez son entourage. Ce groupe de comparaison a été choisi en raison de la nature stressante de l'événement (intervention médicale, caractère soudain de l’événement, etc.) et de la possibilité d’observer des difficultés d'adaptation associées à ce stress. En effet, certaines dimensions de !'intervention orthopédique, telles que la perception de menaces, les blessures ou les possibles pertes d’intégrité physique, la proximité du stresseur, la chronicité et l'impact que peut avoir cette situation sur l'individu et sa famille (Fletcher, 1996), peuvent rendre l’événement stressant pour l'enfant et sa entourage, et ainsi conduire à des difficultés d’adaptation importantes. Le contexte médical (examens physiques, présence de multiples intervenants,

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etc.) peut être aussi comparable pour les deux groupes de sujets. En utilisant les concepts théoriques du stress et de l'adaptation, il est donc possible d’évaluer de quelle façon les enfants abusés sexuellement se distinguent des enfants confrontés à un autre type de stress, soit une intervention orthopédique. De plus, un deuxième groupe de comparaison, provenant de la population générale, permet de vérifier l’effet d’une situation stressante, et plus spécifiquement l’impact d’un abus sexuel, sur les comportements des enfants. Il est attendu que les victimes d'abus sexuels vont exhiber plus de difficultés d’adaptation que les enfants des deux groupes de comparaison. Toutefois, les enfants confrontés à un stress orthopédique devraient manifester plus de problèmes de comportements à court terme après l’événement en comparaison à des enfants qui n’ont pas à faire face à un événement stressant. Deux temps de mesure sont inclus dans cette étude; un premier, peu de temps après la situation stressante (le dévoilement ou !’intervention orthopédique) et un deuxième, six mois plus tard. La théorie du stress post-traumatique, telle que révisée par Wolfe, sert de trame de fond à l'analyse des difficultés d'adaptation chez ces trois groupes d'enfants. La littérature empirique révèle la présence considérable de symptômes de stress post-traumatique chez les populations d'enfants victimisés. De plus, cette façon de conceptualiser l’adaptation des enfants abusés sexuellement est relativement nouvelle et prometteuse.

En outre, cette étude doctorale est basée sur un cadre de recherche qui accorde une place considérable aux facteurs de protection pouvant avoir une influence sur l’adaptation des enfants. En effet, un deuxième objectif poursuivi dans cette thèse vise à étudier le rôle médiateur de facteurs propres à l’enfant et à son environnement qui facilitent, ou non, l'adaptation des enfants confrontés à une situation stressante tel un abus sexuel. Plus spécifiquement, les stratégies d'adaptation employées par les enfants pour faire face à des difficultés et le soutien social de l'entourage généralement perçu par la victime constituent les deux facteurs de protection considérés dans cette recherche. Deux hypothèses générales découlent de cet objectif. D'abord, il est attendu que l’adaptation des enfants soit influencée par le type de stratégies qu'ils utilisent généralement face à des problèmes et par leur perception du soutien social reçu de la part de l’entourage. En ce sens, plus un enfant emploie des stratégies dites « efficaces » face à des stresseurs communs et plus il se sent soutenu par son entourage, moins il éprouvera de problèmes d’adaptation à la suite d'un abus sexuel. L'effet des caractéristiques de la situation abusive devrait, dans un deuxième temps, être modulé par les stratégies employées et par le soutien social perçu, présupposant un effet

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Indirect des composantes de l'abus. Dans ce cas, il est attendu que les diverses caractéristiques de la situation abusive aient un lien direct avec les variables médiatrices.

Afin de répondre à ces objectifs, deux articles empiriques ont été réalisés. Le premier porte sur l’adaptation des enfants abusés sexuellement en comparaison avec deux autres populations infantiles. En utilisant le modèle de stress post-traumatique de type I et de type II, les manifestations comportementales et affectives de ces trois groupes de sujets sont comparées, et ce, pour les deux temps de mesure. Le deuxième article traite du rôle des stratégies d'adaptation et du soutien social sur les symptômes psychologiques présents chez un groupe d’enfants abusés sexuellement. Le modèle de stress et d’adaptation développé par Spacarrelli (1994), et modifié pour cette étude, sert de trame de fond à l’analyse de l’influence de ces facteurs sur l'adaptation des enfants. Chacun de ces articles empiriques a été soumis à des périodiques scientifiques. Le premier article est présentement sous presse pour la revue Journal of Child Sexual Abuse, alors que le deuxième a été publié au mois de septembre 1999 dans la revue Child Abuse and Neglect. Cette recherche doctorale a été rendue possible grâce à une subvention octroyée par le Conseil Québécois de la Recherche Sociale (RS-2248).

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Stratégies d'approche L Stratégies d'évitement I Identité de l'agresseur Adaptation de l'enfant (Comportements internalisés, externalisés et sentiment de valeur globale) Durée de l'abus sexuel

Sévérité des actes abusifs

י Soutien des parents

\

Soutien des pairs

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Article I

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Type I and Type II Post Traumatic Stress Disorder in sexually abused children

Caroline Tremblay1 Martine Hébert2 Christiane Piché1

1. École de Psychologie, Université Laval, Ste-Foy, Québec, Canada 2. Département OAE, Université Laval, Ste-Foy, Québec, Canada

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Abstract

Empirical studies on child sexual abuse have shown that victims exhibit a wide range of adjustment difficulties. Among those consequences, researchers have highlighted the prevalence of posttraumatic stress disorder (PTSD) symptoms. In order to refine the classical PTSD model to explain the sequelae associated with CSA, Wolfe (1999) and Wolfe and Bid (1995) have proposed a revised type I and type II PTSD model. The main objective of the present study is to evaluate the adjustement of a group of sexually abused children according to the revised PTSD model at two times (following the disclosure and six months later). Three groups of 50 children aged between seven and twelve participated to the study: a sexual abuse (SA) group, an orthopedic sample and a group of children from the community. The PTSD type I symptoms were measured by a subscale composed of 20 items of the Child Behavior Checklist (CBCL) (Achenbach, 1991). PTSD type II symptoms were assessed by three CBCL standard subscales and by the Self-Report Coping Scale (SRCS) (Causey et Dubow, 1992). A french version of the History of

Victimization Scale (Wolfe, Gentile, & Bourdeau, 1987) was used to gather abuse-related characteristics from medical records. Results indicate that CSA victims exhibit more PTSD type I and type II symptoms than children from the orthopedic clinic and children from the general population both at initial evaluation and 6 months later. A change in the course of symptoms for three variables was observed for the three groups. Adjustment difficulties tend to persist between the first and the second assessment for SA victims. These data support the idea that PTSD symptomatology is more prevalent in SA victims in comparison to children confronted to other stressors. The revised model allows a description of symptoms associated with stressful situation (with PTSD type I) and also provides a more global understanding of reactions related to sexual abuse experiences (with PTSD type II effects).

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Résumé

Les études empiriques portant sur les abus sexuels commis à l'égard des enfants montrent qu'il existe une variété de difficultés associées à la violence sexuelle. Parmi les conséquences rapportées, les chercheurs mettent en évidence la présence de symptômes de stress post-traumatique chez les jeunes victimes. Afin d'améliorer le modèle de stress post-traumatique classique pour expliquer les effets des abus sexuels chez les enfants, Wolfe (1999) et Wolfe et Birt (1995) ont proposé un modèle comportant deux types de

réactions post-traumatiques. L'objectif principal de la présente étude consiste à évaluer l'adaptation d'un groupe d'enfants abusés sexuellement selon le modèle révisé du stress post-traumatique avec deux temps de mesure. Trois groupes de 50 enfants âgés entre sept et 12 ans participent à l'étude: un groupe

d'enfants abusés sexuellement, un groupe d'enfants confrontés à un stress orthopédique et un groupe provenant de la population générale. Les symptômes de stress post-traumatique de type I sont mesurés par une sous-échelle composée de 20 items provenant du Child Behavior Checklist (Achenbach, 1991). Les symptômes de type II sont évalués par trois sous-échelles standards du CBCL et par le Self-Report Coping Scale (Causey et Dubow, 1992). Une version française du History of Victimization (Wolfe, Gentile & Bourdeau, 1987) est utilisée pour recueillir les données concernant les caractéristiques des abus à partir des dossiers médicaux. Les résultats indiquent que les enfants abusés sexuellement exhibent plus de symptômes de stress post-traumatique de type I et de type II que les enfants du groupe orthopédique et les enfants de la population générale lors de l'évaluation initiale ainsi que six mois plus tard. Une diminution des symptômes entre les deux prises de mesure est observée pour trois variables. Les difficultés

d'adaptation semblent toutefois persister entre les deux temps de mesure pour les enfants victimes d'abus sexuels. Ces données supportent l'hypothèse de départ stipulant que les symptômes de stress post- traumatique sont plus présents chez les enfants abusés que chez les enfants des deux groupes de comparaison. Le modèle révisé permet une description des symptômes associés à une situation

stressante (avec les symptômes de type I), et fournit aussi une compréhension plus globale des réactions reliées aux expériences sexuellement abusives (avec les symptômes de type II).

Figure

Figure 1. Modèle médiateur des stratégies d’adaptation et du soutien social sur l'adaptation des victimes d'abus
Figure 1. PTSD type I and type II symptoms for sexually abused children at the first and follow up assessments
Table 1. Mean scores and standard deviation for PTSD type I and type II symptoms bv group and time of evaluation
Figure 1. Initial theoretical model : Influence of coping strategies and social support on children’s adjustment
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Références

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