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CHÔMAGE AU CONGO : Un phénomène mal compris

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CHÔMAGE AU CONGO :

Un phénomène mal compris

Bardin BAHOUAYILA

Statisticien économiste à la douane congolaise

HAUT CONSEIL DE L’EVALUATION DE L’EMPLOI

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I

ntroduction

Lundi 12 Août 2013, le président de la république du Congo a fait un discours qui a fait jaser la population. A tel point que, parlant du chômage au Congo, il a déclaré qu’il a presque diminué par trois en passant de 19,41% de la population active en 2005 à 6,86% en 2011, selon les résultats des deux Enquêtes Congolaises auprès des Ménages (ECOM 1 et 2) réalisée en 2005 et 2011. Nombreux étaient les congolais qui n’avaient pas cru leurs oreilles d’entendre le président affirmer que le taux de chômage au Congo est à un chiffre.

La diminution du taux de chômage est triplement remarquable car elle intervient au moment où la forte dépendance du PIB du pays vis-à-vis de la production pétrolière très capitalistique n’a pas, jusqu’à aujourd’hui, permis de créations d’emplois conséquents, et de plus, cette performance a été réalisée dans un contexte de manque de diversification de l’économie et la faible efficience des investissements publics qui ne permettent pas à la croissance économique d’être inclusive. Et enfin, le climat des affaires demeure pénalisant pour le développement du secteur privé malgré toutes les potentialités agricoles et minières1. Dès lors, il convient de s'interroger si réellement le Congo est inscrit dans la liste des pays à plein emploi, ou si les chiffres déclarés sont utopiques. Deux questions indépendantes ressortent de cette assertion :

comment expliquer ce chiffre s’il est vrai ? Quelle est la vraie réalité du marché de l’emploi congolais si le chiffre n’est pas juste? Avant de connaitre quel est le bon chiffre, il

est indispensable de savoir comment calcule-t-on le chômage car comme je le dis souvent à mes étudiants ; on ne critique pas le chiffre, mais la méthodologie.

1

Le délai de création d’une entreprise en République du Congo avait plus que quadruplé entre 2005 et 2011. Il était passé de 37 jours en 2005 à 161 jours en 2011. D’après le site de Doing Business :

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C

alcul du chômage

Le taux de chômage est un indicateur important qui revêt une dimension à la fois sociale et économique. L’augmentation du chômage entraîne une perte de revenus pour les individus et une réduction des recettes fiscales pour l’Etat. D’un point de vue économique, le chômage peut être considéré comme une utilisation déficitaire de la main-d’œuvre.

Selon le Bureau International du Travail (BIT), la définition du chômeur, et même du chômage, prévoit quatre critères: avoir l’âge de travailler, être sans travail ne serait-ce qu'une heure durant une semaine de référence, être activement à la recherche d’un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence au moins dans trois mois ; et être disponible pour travailler dans les 15 jours. De ce qui précède, il est clair que les étudiants, les élèves, les femmes au foyer ne sont pas considérés comme chômeurs.

Une autre notion importante à expliquer pour comprendre le concept du chômage est celle de la population active, ou force du travail. Elle se définit comme l'ensemble des personnes en âge de travailler qui sont disponibles sur le marché du travail. En d’autres termes, La population active est la population en âge de travailler qui travaille (population active occupée) ou souhaite travailler (population active non occupée ou chômeur).

La population active occupée est l’ensemble de personnes travaillant dans le secteur public, privé formel ou privé informel. Elle regroupe les personnes âgées de 15 ans ou plus:

- ayant travaillé, ne serait-ce qu'une heure, au cours d'une semaine de référence, qu'elles soient salariées, à leur compte, employeurs ou aides dans l'entreprise ou l'exploitation familiale ;

- pourvues d'un emploi mais qui sont temporairement absentes pour un motif tel qu'une maladie (moins d'un an), des congés payés, un congé de maternité, un conflit du travail ;

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Figure 1 : Décomposition de la population totale

Source : Auteur

L’indicateur qu’on utilise souvent pour évaluer le chômage est le taux de chômage. Ce taux mesure le rapport entre le nombre de chômeurs et la population active. En d’autres termes, il se calcule comme suit :

𝑇𝑎𝑢𝑥 𝑑𝑒 𝑐ℎô𝑚𝑎𝑔𝑒 =𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑐ℎô𝑚𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒 ∗ 100

Ce qu’il faut encore rappeler, c’est que dans le calcul du taux de chômage, les inactifs (les élèves, les étudiants, les femmes au foyer, les invalides, les retraités, les personnes n’ayant pas l’âge de travailler : les moins de 15 ans et les retraités, etc.) n’y sont pas comptabilisés. Ces derniers ne sont concernés que dans d’autres indicateurs de l’emploi. En effet, le taux de chômage n’est pas le seul indicateur permettant d’évaluer le marché du travail. Il y a également : 𝑇𝑎𝑢𝑥 𝑑′𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑖𝑡é = 𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒 𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑛 â𝑔𝑒 𝑑𝑒 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒𝑟∗ 100 𝑇𝑎𝑢𝑥 𝑑′𝑒𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖 = 𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒 𝑜𝑐𝑐𝑢𝑝é𝑒 𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑛 â𝑔𝑒 𝑑𝑒 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒𝑟∗ 100 𝑃𝑎𝑟𝑡 𝑎𝑢 𝑐ℎô𝑚𝑎𝑔𝑒 = 𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑐ℎô𝑚𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑛 â𝑔𝑒 𝑑𝑒 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒𝑟∗ 100

Bien qu’il y ait plusieurs indicateurs de mesure du marché du travail, l’indicateur le mieux utilisé et le plus connu pour évaluer le chômage reste le taux de chômage. Raison pour laquelle notre débat est basé sur les chiffres du taux de chômage et non sur les autres indicateurs cités ci-haut.

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D

es chiffres inventés ou réels ?

Le BIT depuis fort longtemps propose des méthodes internationales pour le calcul du chômage afin de rendre possible la comparaison entre les pays. En effet, si chaque pays calcule son taux de chômage par sa propre méthode, il serait inutile de mener des études comparatives.

Ainsi, pour des raisons de fiabilité, le Congo utilise deux indicateurs principaux pour calculer le chômage: le taux de chômage au sens du BIT calculé par l'Institut National de la Statistique (INS) et le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l’Office National de l’Emploi et de la Main d’œuvre (ONEMO).

Le taux de chômage tel que défini par le BIT et publié par l’INS est l’indicateur du marché du travail le plus communément utilisé en raison de sa comparabilité internationale et de sa disponibilité relativement rapide.

Les tendances dégagées sur les chiffres de l’ONEMO et de l’INS doivent en réalité être proches, bien que les méthodes de calcul soient différentes. Cependant, ce n’est pas toujours

Ainsi, nous nous demandons pourquoi est-ce que ce chiffre est comparé à celui publié par l’INS qui concerne toute la population âgée de plus de 15 ans. De même, il faut souligner que le chiffre de l’ONEMO n’est pas trop fiable pour des raisons de méthodologie. En effet, l’ONEMO2

utilise la méthode de volontariat comme méthode d’échantillonnage. Et nous le savons tous que cette méthode à un défaut sur la taille de l’échantillon. Les personnes enquêtées sont des volontaires qui ne s’inscrivent que quand ils ont une offre d’emploi qui exige un papier de l’ONEMO. De même, nous n’ignorons pas que bon nombres de chômeurs congolais, surtout non qualifiés, ne connaissent pas le rôle de l’ONEMO, voire même son existence. Ainsi, on peut se permettre de poser la question de savoir combien de chômeurs au

2 Le lieu de publication de ce chiffre est dans http://www.slateafrique.com/80783/congo-le-pays-affiche-un-taux-de-chomage-de-324-en-2011

le cas. Raison pour laquelle si le taux de 6,86 % de chômage, qui s’apparente au plein emploi, sorti de l’INS a fait hurler d’indignation tout le Congo-Brazzaville, c’est parce que les congolais se réfèrent au chiffre de l’ONEMO qui est énormément différents de celui de l’INS. En effet, en janvier 2012, l’ONEMO avait révélé à Brazzaville, que le taux de chômage au Congo en 2011 a été de 34,23% pour la tranche d’âge de 25-35 ans. Le problème de ce chiffre, c’est qu’il ne concerne que la population âgée de 25 à 35 ans.

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Congo s’inscrivent à l’ONEMO ? Une autre remarque très importante à souligner, c’est que l’ONEMO ne se trouve pas dans tous les départements du Congo. Et ceci est une grave erreur de comparer les chiffres d’une institution qui ne se trouve que dans quelques villes avec ceux de l’INS qui concernent tous les douze (12) départements. Ainsi, la comparaison du chiffre de l’ONEMO et celui de l’INS est impossible.

L’autre moyen pouvant nous permettre de vérifier si le chiffre de l’INS est fiable, c’est de le comparer aux taux de chômage des pays de la sous-région. En effet, les chiffres des pays de la CEMAC et même de la République Démocratique du Congo (RDC) sont proches et comparables de celui que l’INS du Congo a publié : la Guinée Equatoriale (8% en 20133), la RCA (8% en 2011 et 7,5% en 20124), la RDC (7,2% en 20125), le Cameroun

(4,4% en 2005 ; 3,8% en 2010 et 4% en 20136).

Il ressort de ce qui précède que le taux de chômage publié par l’INS du Congo semble être proche de la réalité du marché du travail de ses homologues. Par conséquent, il semble que le chiffre est acceptable. Cependant, comment expliquer ce faible chiffre dans un pays où, soi-disant, les choses semblent ne pas bien marchées.

3

D’après le site http://www.statistiques-mondiales.com/guinee_equatoriale.htm 4

D’après la Direction Générale des Statistiques, des Etudes Economiques et Sociales (INS de la RCA). 5 D’après le site http://www.statistiques-mondiales.com/congo_kinshasa.htm.

6

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Q

u’est-ce qui explique que la République du

Congo s’en sort mieux au niveau du chômage…

Le premier déclencheur de tous les autres éléments est le développement massif du secteur informel par des petits boulots que les congolais appellent souvent par des « cops ». Le secteur informel est le poumon de l’économie congolaise. Il est le premier employeur du pays. En 2011, plus de trois quart (75,70%) de la population active travaillait dans ce secteur pour lequel il y a très peu de charges sociales à payer, mais aussi aucun droit à la retraite.

Tableau 1 : Répartition de la population congolaise par groupe d’âge selon le statut d’activité

Groupe d'âge Total

Avant 15 ans 15 ans et plus

Total inactifs 1 569 667 903 047 2 472 714

Inactif hors chômeurs découragés 1 569 667 796 798 2 366 465

Chômeurs découragés 0 106 249 106 249 Total actifs 49 049 1 559 423 1 608 472 Chômeurs (BIT) 0 106 914 106 914 Formel public 0 159 498 159 498 Formel privé 0 112 591 112 591 Informel 49 049 1 180 420 1 229 469 Population totale 1 618 716 2 462 470 4 081 186 Source : QUIBB2-Congo7

Le secteur informel semble être la partie visible et invisible de l’économie congolaise. Utilisé par tous, exploité par chacun quand l’occasion s’y présente, il constitue à n’en pas douter un nouveau secteur économique qui puise sa force dans le besoin, la créativité, l’imagination de ses promoteurs et permet de faire des hyper profits. Cependant, l’économie informelle est caractérisée par une précarité des emplois et freine les perspectives de développement du pays en raison de la concurrence déloyale qu’il fait aux entreprises formelles8

.

En 2011, il est remarqué que près d’un emploi sur trois (32,89%) était précaire. Ces emplois sont beaucoup plus dominés par l’informel (39,56% des emplois informels sont précaires contre 5,11% seulement dans le privé formel et 3,12% dans la fonction publique).

7

Les données proviennent du Questionnaires sur les Indicateurs de Base du Bien-être (QUIBB) conçu en 2011 pour la réalisation de la deuxième Enquête Congolaise auprès des Ménages (ECOM2). Le rapport sur le QUIBB est disponible sur internet :

http://www.cnsee.org/index.php?option=com_content&view=article&id=168:rapport-danalyse-du-volet-quibb-

8

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Tableau 2 : Répartition de la population active occupée par type d’emploi

Type d'emploi

Total Emploi précaire9 Bon emploi

Formel public 3,12% 96,88% 100%

Formel privé 5,11% 94,89% 100%

Informel 39,56% 60,44% 100%

Population active occupée 32,89% 67,11% 100% Source : QUIBB2-Congo

Le secteur informel est également un marché où les salariés sont rémunérés à des taux très faibles. Ainsi, un taux d’informalité élevé révèle que la plupart des travailleurs congolais ont un niveau de vie très faible car, étant mal rémunérés, ils ont du mal à satisfaire aux besoins minimums de leurs vies. Les résultats du tableau ci-dessous le confirment. En effet, il ressort dudit tableau que la plupart des pauvres du Congo sont des travailleurs (43,15% d’actifs occupés sont pauvres contre seulement 31,08% de chômeurs au sens du BIT).

Tableau 3 : Répartition de la population par niveau de vie selon la situation d’activité

Niveau de vie

Total Pauvre Non pauvre

Total inactifs 42,42% 57,58% 100%

Inactif hors chômeurs découragés 40,89% 59,11% 100%

Chômeurs découragés 53,86% 46,14% 100%

Total actifs 42,32% 57,68% 100%

Chômeurs (BIT) 31,08% 68,92% 100%

Total actifs occupés 43,15% 56,85% 100%

Formel public 16,77% 83,23% 100%

Formel privé 19,29% 80,71% 100%

Informel 48,99% 51,01% 100%

Population totale 42,36% 57,64% 100%

Source : QUIBB2-Congo

Il existe donc plus de travailleurs pauvres au Congo que des chômeurs pauvres. De ce fait, il est clairement dévoilé qu’entre travailleurs pauvres et chômeurs, la République du Congo a fait le premier choix pour avoir moins du chômage ; donc plus d’emploi.

Le marché du travail congolais est donc très dual, beaucoup plus comme on peut le croire. Avec d’un côté un secteur informel dominant et de l’autre côté, un grand nombre de salariés ayant un niveau de vie très bas.

Comme on peut le constater, le nombre de chômeurs évalué par le calcul du BIT est certes faible, mais cache beaucoup d’irrégularités. En allant plus loin, nous avons cerné la réalité du marché du travail congolais. Notamment sur le problème des travailleurs pauvres. Il est clair qu’il n’y a pratiquement pas de ″sans-emplois ″ au Congo, mais le fait qu’il y est plus de travailleurs dans l’informel, signifie que le public et le privé formel n’embauchent pas trop des congolais. Pourquoi ? La première intuition est que les travailleurs congolais ne sont pas qualifiés. En 2011,

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la plupart des employés qualifiés enregistrés dans le privé formel étaient des étrangers (88,31% d’étrangers qualifiés contre seulement 86,18% des congolais qualifiés).

Tableau 4 : Répartition des emplois qualifiés par secteur selon la nationalité

Nationalité Total Congolaise Étrangère Formel public 99,04% 85,30% 99,00% Formel privé 86,18% 88,31% 86,25% Informel 9,64% 9,68% 9,64% Total 25,95% 14,34% 25,39% Source : QUIBB2-Congo

En général, 25,39% seulement des employés du Congo étaient qualifiés en 2011. En d’autres termes près de trois quart (74,61%) ne l’étaient pas. Et c’est dans l’informel que l’on enregistre la plupart des non-qualifiés (90,36%).

Souvent, les travailleurs peu qualifiés se voient proposer des "mini-jobs" dont ils sont mal rémunérés (sous-emploi invisible) ; ou des "midi-jobs" qui ne leur permettent pas de travailler à temps plein (sous-emploi visible10), tous exonérés de cotisations sociales. L’union de ses deux sous-emplois donne ce que nous appelons par le sous-emploi réel. Généralement, la plupart des études ne parlent que du sous-emploi visible ; elles négligent celui qui, confondu à la précarité des emplois, explique le niveau de discrimination sociale des travailleurs.

En 2011, le Congo comptait 665 605 travailleurs à temps partiel et 426 737travailleurs mal rémunérés. L’union de ces personnes nous donne un chiffre de 836 611 personnes sous-employées.

Tableau 5 : Répartition de la population sous employée par secteur d’emploi

Type de sous-emploi Sous employé Temps partiel Mal rémunéré

Formel public 53,89% 19,87% 58,38%

Formel privé 26,58% 15,70% 39,33%

Informel 38,31% 31,97% 64,67%

Population active occupée 27,03% 29,38% 57,60%

Source : QUIBB2-Congo

Le taux de sous-emploi est beaucoup plus enregistré dans l’informel (64,67%) que dans d’autre secteur d’activité (58,38% dans le formel public et 39,33% dans le formel privé). Beaucoup d’emplois créés dans le secteur informel demandent de l’innovation et de la créativité, mais pas nécessairement beaucoup de diplômes. En effet, quand les travailleurs sont incapables de trouver des emplois dans la fonction publique ou dans les entreprises formelles par manque de diplômes ou d’expériences professionnelles, ils se réfugient dans ce secteur. Raison pour laquelle ce secteur recrute plus des personnes moins instruites. Au

10 Un travailleur à temps plein est celui qui travaille au moins 35 heures dans la semaine. Ceux qui travaillent moins de 35 heures dans la semaine sont considérés comme des travailleurs à temps partiel.

(10)

Congo, en 2011, le taux d’informalité11 était de près de 97% chez les personnes n’ayant aucun niveau d’instruction. De même, il est remarqué que plus le niveau d’instruction est élevé, moins on a des changes d’exercer dans l’informel.

Graphique 1 : Evolution du taux d’informalité par sexe selon le niveau d’instruction

Source : QUIBB2-Congo

Il découle également du graphique ci-dessus que le taux d’informalité est plus élevé chez les femmes que chez les hommes, quel que soit le niveau d’étude.

Cette information montre que la République du Congo vient de sortir de la tradition de l’homme qui rapporte l’argent et la femme qui reste au foyer. Ils sortent peu à peu de ce modèle, mais avec encore de très fortes inégalités de salaires entre les hommes et les femmes. Mais cela contribue à la bonne situation de l’emploi et s’explique par le fait que les femmes occupent souvent des petits boulots mal rémunérés.

Au vu de ce qui précède, il ressort que la définition du chômage au sens du BIT est extrêmement restrictive12 et cache beaucoup d’irrégularités. Cet indicateur ne permet pas de rendre compte pleinement des situations complexes et diversifiées du marché du travail congolais. La précarité et le sous-emploi qui se manifestent par la supériorité de l’informel en de « petits boulots » successifs ou d’emplois de courte durée, comme c’est le cas dans la plupart des pays en développement, sont mis en évidence. De ce fait, même si le taux de chômage au sens du BIT calculé à partir des enquêtes emplois doit continuer d’être considéré comme l’indicateur de référence pour l’évolution conjoncturelle du chômage, il convient de le compléter conformément au cadre conceptuel élargi et de repérer ainsi, aux frontières du

11

Taux d’informalité=(nombre de personnes travaillant dans l’informel)/population active. 12

Les trois conditions sont : ❶Ne pas avoir exercé d’emploi au cours de la semaine de référence, ne serait-ce qu’une heure ;❷En rechercher activement un et ❸Etre disponible pour l’exercer.

20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Sans niveau Primaire Secondaire premier cycle

Secondaire second cycle

Supérieur

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chômage les chômeurs découragés13et les travailleurs mal rémunérés. Dans la plupart des études, le chômage élargi ne concerne que les chômeurs au sens du BIT et les chômeurs découragés. Cependant, en l’absence d’indemnisations, rester chômeur n’est possible que si l’on appartient à une famille relativement aisée susceptible de prendre en charge ceux qui ne travaillent pas. Ainsi, comme dans la plupart des pays en développement, le sous-emploi invisible, qui traduit une sorte de chômage déguisé, donne une meilleure mesure de l’insuffisance ou de l’inadéquation de l’offre d’emplois. Raison pour laquelle nous pensons qu’il est indispensable de l’ajouter dans le calcul du chômage élargi.

En conséquence, si l’on retient une définition plus large du chômage, en ajoutant aux chômeurs du BIT, les chômeurs découragés et les personnes mal rémunérées, le diagnostic change considérablement. Ainsi, au niveau national, le nombre de chômeurs est estimé à 639 900 personnes, ce qui correspond à un taux de chômage élargi de 38,42% dont 39,43% en zone urbaine et 36,65% en zone rurale.

Tableau 6 : Taux du chômage élargi par sexe et groupe d’âge selon la zone de résidence

Sexe Groupe d'âge

Total Masculin Féminin [15-25[ [25-30[ [30-40[ 40 ans et plus

Urbain 35,73% 43,19% 64,81% 40,55% 35,43% 29,54% 39,43% Rural 39,96% 33,76% 46,38% 41,12% 42,17% 28,77% 36,65% Total 37,19% 39,59% 58,01% 40,73% 37,51% 29,22% 38,42% Source : QUIBB2-Congo

Au niveau agrégé, le chômage affecte davantage les femmes (39,59%) que les hommes (37,19%). Cependant, en zone rurale, il touche plus les hommes (39,96%) que les femmes (33,76%).

Les résultats selon le groupe d’âge font apparaitre des écarts importants. Il apparait de manière très nette que le chômage élargi décroit avec l’âge et touche beaucoup plus les personnes âgées de moins de 30 ans14. Les jeunes, les moins de 25 ans, sont les plus touchés. Cet écart reflète les situations très différentes des jeunes et des seniors vis-à-vis de l’emploi et du chômage. A cet effet, il est bien clair que l’économie congolaise ne génère pas suffisamment d’emploi pour des jeunes.

Pour résoudre le problème, le Congo a besoin des stratégies visant à créer des emplois formels et bien rémunérés. Il s’agit donc d’apporter les bonnes compétences et le bon programme scolaire pour bien préparer les étudiants à créer des sociétés conformes en tirant parti de la technologie de l’information et de l’économie numérique. Tout ceci grâce à la croissance économique du pays car, disons-le, cette dernière a essentiellement été depuis des années une croissance sans emplois.

13

L’ensemble des inactifs qui, bien que n’ayant pas cherché d’emploi au cours du mois de référence, restent malgré tout disponibles si on leur en proposait un.

14

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L’insertion des jeunes sur le marché du travail congolais se caractérise aujourd’hui par des transitions plus fréquentes entre l’emploi, le chômage et la formation. Chez ces derniers, le risque de chômage est fortement associé à celui du chômage récurent et de longue durée, dans la mesure où il s’avère actuellement difficile de trouver un bon emploi pour un chômeur de moins de 25 ans.

Comme le marché du travail congolais est beaucoup plus dominé par le secteur informel (Cf. tableau 1) et que le taux d’informalité est plus élevé chez les moins instruits que chez les plus instruits (Cf. graphique 1), il ressort qu’au Congo, les gens recherchent du travail très tôt et sans un niveau d’instruction conséquent. Raison pour laquelle la durée du chômage élargi est longue et atteignait en 2011 près de deux (02) ans au niveau national. Cette durée était en moyenne plus du double en zone urbaine (21,65 mois) qu’en zone rurale (10,57 mois).

Tableau 7 : Durée moyenne du chômage élargi (en mois) par groupe d’âge selon le milieu de

résidence Groupe d'âge Total [15-25[ [25-30[ [30-40[ 40 ans et plus Urbain 13 19,1 26,92 26,8 21,65 Rural 7,77 9,35 13,56 14,77 10,52 Total 12,09 18,4 26,31 25,2 20,51 Source : QUIBB2-Congo

Les chiffres issus de nos analyses montrent également que quel que soit le milieu de résidence, la durée moyenne du chômage élargi croit avec l’âge. Et quel que soit le groupe d’âge, les citadins mettent plus du temps à chercher du travail que leurs homologues vivant en zone rurale.

De même, on constate qu’au Congo, la durée moyenne du chômage élargi des hommes est supérieure à celle des femmes (22,82 mois contre 18,38 mois).

Graphique 2 : Durée moyenne du chômage élargi par sexe selon le niveau d’instruction

Source : QUIBB2-Congo

Paradoxalement, la durée du chômage élargi croit avec le niveau scolaire. Plus on étudie, plus on augmente ses chances de demeurer chômeur. Ce résultat nous montre que le chômage au

5 10 15 20 25 30 35

Sans niveau Primaire Secondaire

premier cycle

Secondaire second cycle

Supérieur

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Congo est particulièrement un chômage de première insertion, qui affecte beaucoup plus les diplômés. En effet, il ressort du graphique ci-dessus que les moins diplômés ont plus de chance de trouver du travail que les plus instruits puisque leur durée moyenne au chômage est plus faible par rapport à ceux qui sont plus instruits. Cette assertion confirme que la plupart des emplois au Congo sont précaires et ne nécessitent pas qu’on ait beaucoup de diplômes.

(14)

C

omment éviter le débat

Au Congo, le chômage, comme tel, définit au sens du BIT est quasi inexistant. Cependant, en approfondissant les analyses, on découvre un autre type de chômage : le chômage invisible. En effet, la définition du chômage au sens du BIT est certes utile pour les comparaisons internationales, mais ne suffit pas à rendre compte de l’ampleur du chômage et du sous-emploi. Elle ne saurait masquer, non plus, le fait que des milliers de personnes, bien que considérées comme en emploi au sens du BIT, sont insatisfaites de leur situation. En outre, certaines personnes sont considérées comme inactives au sens du BIT, alors qu’il ne le devrait pas. Comme, par exemple, les personnes qui se dispensent de rechercher un emploi parce qu’elles sont découragées de la qualité de l’emploi ou du manque de transparence de l’information sur le marché du travail. Bref, la mesure du chômage selon les normes du BIT ignore tous ceux, de plus en plus nombreux, qui sont en situation de précarité d’emploi ou de discrimination. A cet effet, le problème au Congo n’est donc pas celui de la création

d’emploi, mais plutôt de l’amélioration des conditions des travailleurs et d’un accès simple et rapide aux informations du marché du travail.

Dans cette optique, il serait souhaitable que l’INS établisse des évaluations chiffrées sur des situations socialement inacceptables et économiquement injustifiées telles que : les contrats précaires, les bas salaires, le travail dangereux pour la santé, le déclassement professionnel, les détournements des postes. Car, si on ajoute aux chômeurs du BIT, tous les chômeurs invisibles (découragés, déclassés professionnels, etc), le taux de chômage en 2011 passe de 6,86% (au sens du BIT) à 38,42% (au sens large). Cet écart trouve son explication dans l’idée selon laquelle le taux de chômage au sens du BIT cache le problème de l’insécurité sociale. Ainsi, la focalisation sur cet indicateur tronqué, rejette le problème beaucoup plus vaste de la précarité d’emploi et de la discrimination sur le marché du travail. A cet effet, le développement croissant des formes de précarité et d’asymétrie d’informations sur le marché du travail oblige à compléter la mesure du chômage par d’autres indicateurs. L’important est d’établir une batterie d’indicateurs, fiables et cohérents entre eux, qui permettent d’une part, de mesurer les degrés et les formes de sous-utilisation des capacités de travail effectivement ou potentiellement disponibles ; et d’autre part, de construire un système d’indicateurs qui prendra en compte, sans chercher à les minimiser, toutes les formes de précarité et de discrimination. Outre, bien sûr, le chômage total, le gouvernement congolais doit connaître l’ampleur des situations d’emploi qui empêchent des congolais d’utiliser pleinement leurs capacités, de gagner décemment leur vie, de préserver leur santé physique et mentale. Ceci dans le seul but de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour créer une croissance durable et éviter tout un tas de problèmes notamment sur le débat des travailleurs pauvres et des chômeurs découragés.

Figure

Figure 1 : Décomposition de la population totale
Tableau 1 : Répartition de la population congolaise par groupe d’âge selon le statut d’activité
Tableau 3 : Répartition de la population par niveau de vie selon la situation d’activité
Tableau 5 : Répartition de la population sous employée par secteur d’emploi
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