R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
A NDREONI P ROVASI
Choix des taux de fréquence les plus opportuns pour l’analyse du phénomène des accidents du travail
Revue de statistique appliquée, tome 10, n
o1 (1962), p. 87-95
<
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87
CHOIX DES TAUX DE FRÉQUENCE LES PLUS OPPORTUNS
POUR L’ANALYSE DU PHÉNOMÈNE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL (1)
MM. ANDREONI et PROVASI
SOMMAIRE
Influence de l’évolution de la main-d’0153uvre dans les divers secteurs
d’activité sur le taux de
fréquence
total ... 88Etude par secteurs
d’activité ...
88Coefficient R ... 89
Relations entre les coefficients de secteur ... 90
Relations entre données du secteur et données d’ensemble ... 91
Tableau
récapitulatif
... 92Taux de
fréquence
et taux defréquence
relative par secteurs ... 92Taux de
fréquence
moyen ... 93Utilisation de R ... 93
Confrontations
internationales,
R nationaux 93 Conclusion ... 94Dans cette
étude, qui prolonge
unprécédent
article de M.Andreoni,
les auteurs montrent de
quelle
manière le taux defréquence
total des acci-dents,
normalementindiqué
par lesstatistiques,
est affecté d’un facteurétranger
à lafréquence
propre des accidents dans les différents secteursd’activités,
mais que, parcontre,
ce taux defréquence
reflète larépartition
de la main-d’oeuvre dans ces différents auteurs.
---
(1)
Ce taux de fréquence n’est autre que celui calculé en France maisrapporté
à 100 000heures ouvriers.
Revue de Statistique Appliquée. 1962 - Vol. X - N’ 1
88
Les auteurs mettent en évidence
l’importance
de ce facteur dans les confrontations desstatistiques
nationales etinternationales, signalent l’oppor-
tunité de considérer d’autres taux de
fréquence qui
n’en soient pasaffectés,
afin d’arriver à mieux traduire la réalité des faits et de
parvenir
à uneplus grande
efficacité en vue de laprévention.
INFLUENCE DE LA FLUCTUATION DE LA MAIN-D’0152UVRE DANS LES DIVERS SECTEURS D’ACTIVITES SUR LE TAUX DE
FREQUENCE
TOTALNormalement,
lesgrandes statistiques
d’accidentsprésentent
des faitsrelatifs à l’ensemble de toutes les
entreprises
dans un pays entier(ou
seséventuelles subdivisions territoriales :
régions, provinces).
Les donnéesabsolues sont
accompagnées d’"indices" ;
ce sont les élémentsrécapitulatifs
dont on étudie l’évolution
pendant
des années successives pourjuger
du déve-loppement
de la situation des accidents.Le taux de
fréquence
est établi en divisant le nombre total des acci- dents par le nombre total des heures de travail ou desouvriers-année(1).
Le but de la
présente
étude est designaler
une erreurqui
s’introduit dans le taux ainsi établi et en diminue l’efficacitélorsqu’on
veutl’employer
pour
représenter
le"risque"
engénéral.
Plus
précisément,
l’erreur dont nous voulons nous occuper consiste àconsidérer,
pourchaque année,
le total des heures de travail de l’ensemble desouvriers,
ennégligeant
le fait que, d’une année àl’autre,
ilpeut
s’effec- tuer un passage dequantités
sensibles de ces ouvriers d’un secteur d’acti- vités peudangereuses
à un autreplus dangereux (ou
viceversa).
Il est évident que le fait a peu de retentissement sur les accidents en
général quand l’importance
de ce passage estfaible,
mais ilprend
au con-traire une valeur notable
quand
le passage lui-même estimportant.
Ceci estarrivé,
parexemple,
en Italie dans les années 1952 à1955, pendant
les-quelles
la main-d’0153uvre dans le secteur textile a diminué de 20%
alors que celle du secteur bâtiment aaugmenté
de 29% (pour
l’ensemble de tous lessecteurs, l’augmentation
a été de11,
5%).
Etant donné que le secteur du bâtiment est reconnu comme
beaucoup plus dangereux
que le secteurtextile,
il est évident que :- à
égalité
du nombre total destravailleurs,
le seul fait du pas- sage d’uneimportante
masse d’ouvriers d’un secteur à un autreplus dangereux
doit provoquer uneaugmentation
de valeur du taux defréquence
total.- ou bien : en cas
d’augmentation
du nombre totald’ouvriers, l’augmentation
du taux total devientplus grande
que cellequi
résulterait de lasimple proportionnalité.
Ceci a une
grande importance
pourjuger
exactement de la situation des accidents et aussi pour l’efficacité de l’action deprévention.
ETUDE PAR SECTEURS
D’ACTIVITES.
Ayant
ainsi constaté le peu d’exactitude du tauxtotal,
il convient de choisir de nouveaux éléments pour cette étude.---
(1) Communication présentée au deuxième congrés mondial de prévention. Bruxelles, mai 1958.
Revue de Statistique Appliquée. 1962 - Vol. X - N’ 1
89
Il
apparaqt opportun
de subdiviser l’ensemble des branches d’activitéen un certain nombre de secteurs assez
homogènes (par exemple 10)
etensuite d’étudier les taux pour chacun d’eux.
La valeur des taux de
chaque
secteur(textiles, bâtiment,
chimieetc. )
tient dans le fait
qu’ils
donnent une idée durisque
intérieur au secteur lui-même, indépendamment
du nombre des travailleurs pourchaque période ;
valeur
appréciable
si onrappelle
que le"risque"
estl’objet
de la recherche considéréeici !
Ensuite,
onindique quel pourrait
être le calcul du taux defréquence
du secteur afin d’en tirer des conclusions
pratiques.
Puisque
le calcul s’effectue parformules,
il est utiled’indiquer quelques symboles
et éléments de ce calcul.En
général,
l’indice"i" après
une lettreindique
que lephénomène
seréfère au secteur
"i" (i
variable de 1 à10).
L’absence d’indiceaprès
lamême lettre
indique
que lephénomène
se réfère au total des 10 secteurs.Les données de
départ
sont :Nt =
nombre d’accidents annuels du secteur(1)
o; = main-d’0153uvre annuelle du
secteur, exprimée
en ouvriers-année(2)
Il faut considérer
également,
enplus,
d’autresrapports :
taux de
fréquence
du secteurtaux de
fréquence
moyen des 10 secteursmain-d’0153uvre relative du secteur par
rapport
au total de la main-d’0153uvre
(5)
fréquence
relative dusecteur,
parrapport
au taux defréquence
moyen
(6)
COEFFICIENT R.
Important
à cause des considérationsqui suivront,
le coefficient Rcorrespond
à la définition :Comme on le verra
plus loin,
à la relation(13),
sa valeur est :Il est à noter que R
peut
s’écrire :Revue de Statistique Appliquée. 1962 - Vol. X - N’ 1
90
expression
dont lasymétrie
est à remarquer. Selon les éléments que l’on veut faireressortir,
onpeut
recourir aussi aux autresexpressions
suivantes :(7 quater)
(7 quinquies)
Il est intéressant de noter que l’on
peut
attribuer àR,
suivant les cas, lasignification
de :a)
une main-d’0153uvre relativeb)
unefréquence
relativeEn effet :
a)
en considérant lesproduits
deg.
parsi,
la somme des pro-duits
Si gi
estéquivalente
auproduit
d’uns unique
pour le"g"
corres-pondant.
En choisissant pour g la valeur g =
g correspondant
àIm,
lesm correspondant
est défini parl’expression :
Puisque gm
a été choisi=Im I
il estégal
à 1 etl’expression précédente Im
devient :
qui,
par unecomparaison
avecl’expression (7)
donne :qui s’explicite
ainsi :R
peut
être considéré commesignifiant :
main-d’0153uvre relative à un sec- teur idéalunique
danslequel
le taux defréquence
serait :Im.
b)
un raisonnementanalogue peut
se faire enpartant
desproduits si gi’
la somme desproduits s; gi
estéquivalente
auproduit
de g déterminé par le scorrespondant (et
en choisissant s = ZSi
=1).
Mais encoreplus rapidement,
par lesexpressions (6)
&(7)
bisqui
sont :R
peut
être considéré comme lafréquence
relative d’un secteur idéalunique comprenant
toute lamain-d’0153uvre.
RELATION ENTRE COEFFICIENTS DE
SECTEUR.
On voit tout de suite que pour les coefficients
Si
etg j’
les relations suivantes sont valables :Revue de Statistique Appliquée. 1962 - Vol. X - N’ 1
91 En
effet, l’expression (8)
est tirée de :L’expression (9)
se tire de :RELATIONS ENTRE DONNES DU SECTEUR ET DONNES D’ENSEMBLE.
On a les relations suivantes :
Les
expressions (10)
et(11)
sont desdéfinitions, l’expression (12)
esttirée de :
On
peut
noter encore commevalable, l’expression :
L’expression (13)
est tirée de :Revue de Statistique Appliquée. 1962 - Vol. X - N’ 1
92
Et
puisque Es; g; = R,
il résulte que R=I I,
c’est-à-dire 1 = RIm,
comme cela a été annoncé au
paragraphe "Coefficient R".
Tableau
récapitulatif.
Ainsi
analysés,
lesrapports
entre les différents éléments de secteur et les élémentstotaux,
il est utile de réunir l’ensemble dans un tableauqui
les rende visibles immédiatement
(pour
les 10secteurs,
on aindiqué
ceuxqui
ont été
adoptés
parl’INAIL).
Il est donné comme modèle à la fin : il suffit de leremplir
avec les donnéesnumériques correspondantes
àchaque année,
pour voir immédiatement
l’apport
dechaque
secteur à la formation du résul-tat total.
Par
exemple,
à la Vecolonne, apparaît
clairement le mécanisme selonlequel
le taux defréquence
total I se trouveégal
à la somme des taux defréquence
de secteurIi (colonne IV)
chacunmultiplié
par un facteur s;(colonne VI) qui
est la main-d’0153uvre relative ou enpourcentage
parrapport
au total de lamain-d’oeuvre.
On
peut
dire : que le taux total I masque les valeurs des taux de sec- teurI, puisque
chacun d’eux estmultiplié
par un coefficient différent s: , ; ainsi comme il a été dit audébut,
le taux total Iapparaît
peuutile,
et mêmetrompeur, puisqu’il
ne fait pas ressortir le fait que, d’une année àl’autre,
il y a des variations dans les facteurs
Si.
Note.
Pour
chaque année,
less. particuliers, peuvent
varier den’importe quelle façon ;
la seule condition estque Z si = 1 ;
en allant à la limite entre les séries infinies de valeursthéoriquement possibles
pour les s,, les séries suivantes ont une certaine valeur :S8 =
1 tous les autres s = os3 = 1
tous les autres s = oqui correspondent
auxhypothèses (voir
le tableaufinal) : "tous
les ouvriersaffectés au secteur
8,
destextiles,
c’est-à-dire le moinsdangereux"
et à"tous
les ouvriers affectés au secteur3,
lebâtiment,
c’est-à-dire leplus
dangereux", qui
donnent parconséquent
les valeurs minima et maxima théo-riques
danslesquelles
sont contenues les variationspossibles
de I.TAUX DE
FREQUENCE
ET TAUX DEFREQUENCE
RELATIVE PAR SEC- TEURS.Au
contraire,
les indicesI.
de secteur sont vraimentreprésentatifs,
de sorte que leur étude
peut
conduire à des résultatsqui
ont uneinterpré-
tations matérielle et non pas seulementnumérique.
Naturellement il fautpouvoir disposer
des élémentsNi
eto.
des colonnes II et III.Lorsqu’on
a obtenu les indices de secteurI;
il est naturel de les comparer, c’est-à-dire de tirer des"taux
defréquence
relative dusecteur"
g,,
parrapport
à la moyenneIm (que
l’on verraplus loin).
Le calcul desg ; = Ii/Im (7e colonne) peut
être utilement associé à celui desI;, quand
ilest
possible,
pourchaque année,
de mettre en relief des faits communs à tous les secteurs. Comme ils’agit
des indices de second rang, la varia- bilité dans letemps
sera pour lesg ;, plus petite
que pour lesIi ;
; cecipeut
êtreexploité,
parexemple,
pour faire desprévisions
et pourextrapoler .
Revue de Statistique Appliquée. 1962 - Vol. X - N’ 1
93 TAUX DE
FREQUENCE
MOYENEnfin, lorsque
pour des nécessités derapidité,
il estopportun
de décrire avec concision le tableau de l’évolution des accidents du travail parun seul indice au lieu de 10 indices de
secteur,
onpeut
alors recourir au"taux
defréquence moyen" Im (4e colonne).
.Celui-ci est lié à l’indice de
fréquence
totale I par la formule R =I/Im
(8e colonne).
oUTILISATION DE R.
Une fois
préparés
les tableaux annuels onpeut
passer aux confrontations entre des annéesdifférentes,
cequi
est le but del’enquète.
On voit ici
l’importance prédominante
de R.En
effet,
pour deux Iquelconques appelés
I’ etI",
on a :C’est-à-dire : le
rapport
total des 2 indices estégal
auproduit
des 2 rap-ports
entre les indices moyensIm
et entre les coefficients R. Parconséquent,
tout en insistant sur le fait
qu’il
faudrait éliminer l’I pour considérer seule- ment lesL
ou éventuellement leurIm,
onpeut
direcependant : quand
onpersiste
à calculer lesI, l’expression (14) permet
d’établir d’un seul coup d’oeilqu’elle part
de la variation du taux defréquence
total est due respec- tivement au facteur"variation
effective durisque
dans lessecteurs"
et aufacteur
"distribution
de la main-d’0153uvre pour les mêmessecteurs".
Le
premier
est donné par les taux defréquence
des secteursIi,
com-pris
dans le taux moyenIm ;
le second est donné par les mains-d’oeuvres relatives des secteurssi, lesquelles
se trouvent en R selon la formule(7 quinquies).
En les considérant
séparément :
- il
apparaît
que, pour des annéesvoisines,
lerapport I’m/I"m
aura tendance à rester
pratiquement égal
à 1et,
parconséquent,
la
plus grande partie
de l’éventuelle variation de I sera recher- chée dans la variation du facteur R.-
quant
àR’/R"
son influence se fera sentir surtoutquand
il y aura des variations sensibles dans un secteurquelconque.
L’exemple
de l’Italie est suffisant pour démontrer que le caspeut
effec- tivement seprésenter
et ainsi onpeut juger
del’importance pratique
desconsidérations
qu’on
afaites.
CONFRONTATIONS INTERNATIONALES - R
NATIONAUX.
Le
système peut
êtreappliqué
aussi pour lacomparaison
des statis-tiques
de différents pays.L’expression (14)
esttoujours valable,
danslaquelle
lesigne ’
corres-pond
à un pays et lesigne " correspond
à un autre pays.On voit que, dans ce cas, R’ et
R" représentent
le tableau de la dis- tributioncaractéristique
de la main-d’0153uvre dans chacun des 2 payset,
bien que variant dans letemps,
ilspeuvent,
pour despériodes voisines,
se main-Revue de Statique Appliquée. 1962 - Vol. X - N’ 1
94
tenir autour des valeurs
caractéristiques
pourchaque
pays enrapport
avec la structure du domaine du travail dans ce pays : parexemple,
des pays essentiellementagricoles
ou essentiellementindustriels,
des pays dont les industriels sontprincipalement
des industries d’extraction ou des industries detransformation,
des pays à structurestatique
ou enpériode
de renouvel-lement,
etcoOn
pourrait
même établir un tableau decomparaison
des R des diffé- rents pays.L’existence des R
caractéristiques
nationales étantvérifié,
la nécessité semble encoreplus impérieuse
d’abandonner le calcul des I pour arriver à celui desIm
ou desI;,
pourlesquels, certainement,
les différences serontplus petites et,
de toutefaçon, dépendant
de facteurs relatifs auproblème analysé.
On
pourrait,
àjuste titre, rétorquer
que ceci n’a de valeur que si la subdivision en secteurs est la même dans les paysconsidérés,
cequi
arriverarement. On
peut répondre
que lesdifférences,
mêmeimportantes,
setrouvent surtout dans les
grands groupements ;
et que, aucontraire,
lessubdivisions successives sont
beaucoup
moinsdifférentes.
Il y a doncpossi-
bilité de choisir un
grand
nombre de branches d’activités semblables oucomparables
entre pays et pays ; on aura ainsi certainsIi comparables et,
en les
regroupant,
desIm
eux aussicomparables,
résultatqui
atteint le but désiré.Toute difficulté dans ce sens tombera
quand
danschaque
pays, on auraadopté
la même classification des branches d’activité(par exemple
celle del’O
N U).
Il semblequ’il
soitpermis
del’espérer
étant données les initia- tives en cours dans le domaine desstatistiques
internationales.CONCLUSION.
Il
apparaît donc,
engénéral, opportun :
- de
toujours
abandonner le taux defréquence
totalI,
- pour le s
analyses
de secteur : d’introduire les taux defréquence
de secteur
Ii.
- pour les études
comparées
entre secteurs : d’introduire la fré- quence relative desecteur,
g ;.Au total : 2 courbes pour
chaque
secteur.- pour une
analyse
d’ensemble : d’introduire le taux defréquence
moyen des différents secteurs
Im.
La courbe relative s’obtient :ou par celle des I en divisant les ordonnées de
chaque
annéepar le R
correspondant,
ou bien par celle desI ;,
en faisantla moyenne des ordonnées.
- pour
comparaisons
entre les différentspays
ou entre des années différentes dans le même pays : deporter une
attentionparti-
culière sur R
qui
renferme les éléments serapportant
auxmains d’0153uvre
exprimées
en ouvriers-années pour les différentssecteurs,
parrapport
au total des ouvriers années pour tout le pays.Revue de Statistique Appliquée. 1962 - Vol. X - N’ 1
95
Revue de Statistique Appliquée. 1962 - Vol. X - N- 1