C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006) 515–518
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Systèmes dynamiques
Développement asymptotique et sommabilité des solutions des équations linéaires aux q -différences
Jean-Pierre Ramis
a, Jacques Sauloy
a, Changgui Zhang
baLaboratoire Emile-Picard, CNRS UMR 5580 et IUF, UFR MIG, université Paul-Sabatier de Toulouse, 118, route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 4, France
bLaboratoire P. Painlevé CNRS UMR 8524, UFR Math., université des sciences et technologies de Lille, cité scientifique, 59655 Villeneuve d’Ascq cedex, France
Reçu le 9 décembre 2005 ; accepté le 20 janvier 2006 Disponible sur Internet le 24 février 2006
Présenté par Jean-Pierre Ramis
Résumé
Nous décrivons desq-analogues des développements asymptotiques et des séries multisommables et nous les appliquons à la classification analytique locale des équations auxq-différences linéaires irrégulières, répondant ainsi à des questions de G.D.
Birkhoff.Pour citer cet article : J.-P. Ramis et al., C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006).
2006 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Asymptotic expansion and summability of solutions of linearq-difference equations.We describeq-analogs of asymptotic expansions and of multisummable series and we apply them to the local analytic classification of irregular linearq-difference equations, thus answering questions of G.D. Birkhoff.To cite this article: J.-P. Ramis et al., C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006).
2006 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction
Soitq un nombre complexe de module>1. Pour toutλ∈C∗, on note[λ] = [λ;q] =λqZlaq-spiralepassant par λ, que l’on peut identifier à un point de la courbe elliptiqueEq=C∗/qZ. Un diviseur effectif deEq(en abrégé, un diviseur) est une somme finie de spirales pondéréesΛ=ν1[λ1] + · · · +νm[λm], oùνi∈N∗et où[λi] = [λj]sii=j. Son support est la réunion desq-spirales[λ1], . . . ,[λm].
Dans [4] nous avons décrit en termes de modules auxq-différences filtrés et de formes normales polynomiales les invariants des classes analytiques isoformelles résolvant ainsi, suivant une approche de Birkhoff [1], le problème des modules pour ces classes. Nous résolvons ici ce problème en termes de q-analogues de la sommabilité et des multiplicateurs de Stokes des équations différentielles. Dans [7] et [5], est introduite une notion de développement asymptotique le long desq-spirales. Lorsqu’une équation auxq-différences non homogène admet 1 pour seule pente,
Adresses e-mail :ramis@math.ups-tlse.fr (J.-P. Ramis), sauloy@math.ups-tlse.fr (J. Sauloy), zhang@math.univ-lille1.fr (C. Zhang).
1631-073X/$ – see front matter 2006 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.crma.2006.01.019
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à toute spirale générique correspond une et une seule solution méromorphe à pôles simples, asymptotique à une solution formelle donnée et possédant la spirale pour support de ses pôles. Cela nous conduit à la question suivante : existe-t-il des solutions méromorphes asymptotiques à diviseurs prescrits pour une équation analytique linéaire aux q-différences arbitraire ? Nous prouvons un résultat d’existence et d’unicité pour un choix convenable des diviseurs.
La notion de développement asymptotique évoquée plus haut est liée à une versionq-analogue de la sommation de Borel–Laplace, d’où une notion de fonctionsq-Borel sommables méromorphes sur(C∗,0)à pôles simples sur une q-spirale. Une généralisation aux cas de fonctionsq-multisommables [2,3] à diviseurs généraux, serait la bienvenue : nous ne savons définir un procédé explicite de sommation que pour des diviseurs très particuliers. Nous définirons ici des espaces de fonctions méromorphes à développements asymptotiques munies de diviseurs prescrits dans les- quels nos équations ont une unique solution. C’est la version asymptotique abstraite de la résolution algébrique de J. Sauloy [6]. Comme dans [7] et [5] et [6], un rôle essentiel est joué par la fonction thêta de Jacobi (avec ici un petit décalage d’indice . . . ) :
θ (z)=
n∈Z
q−n(n+1)/2zn=
n∈N
1−q−n−1
1+zq−n−1
1+q−n/z .
Introduisons les notations et la terminologie suivantes :
– Soient|Λ| =ν1+ · · · +νm ledegrédu diviseurΛetΛ =(−1)|Λ|λν11· · ·λνmm sonpoids(défini moduloqZ).
Si z∈C∗, on note dq(z; [λ])=infξ∈[λ]|1 − zξ| la « distance » entre les spirales [z] et [λ] et dq(z;Λ) = inf1im{dq(z; [λi])}νi ladistance de zau diviseur Λ. On poseθΛ=θλν1
1· · ·θλνm
m où chaqueθλ(“=”θ[λ])dé- signe la fonctionz→θ (−z/λ)analytique dansC∗.
– Une fonctionanalytique en0 en dehors deΛest une fonction analytique dans un voisinage de 0 dansCsauf éventuellement en 0 et sur le support deΛ. Une telle fonction f sera ditebornée(en 0) si, pour tout >0, il existeK>0 tel qu’on ait|f (z)|< Kpour toutz=0 de module suffisamment petit et vérifiantdq(z;Λ) > ; on notera alorsf ∈BΛ.
– Soitk∈R. Une suite(an)sera diteq-Gevrey d’ordrek si elle est majorée par une suite du type(CAn|q|kn2/2) (pourC, A >0 convenables) ; de même, une fonction sera diteq-Gevrey d’ordreken 0 si elle est majorée par une fonction du typeC|z|µ(θ (|z|))k au voisinage de 0. L’anneau des germes de fonctions holomorphes (resp.
méromorphes) en 0 sera notéC{z}(resp.C{z}[z−1]).
2. Asymptotique subordonnée à un diviseur
Définition 2.1.SoientΛ=ν1[λ1] + · · · +νm[λm]etf∈BΛ. On noteraf ∈AΛq;|Λ|et l’on dira quef admet undéve- loppement asymptotiqueq-Gevrey d’ordre|Λ|dansΛen0, s’il existe une série entière
n0anznet des constantes C >0,A >0 telles que : pour tout >0 et tout entierN0, on a :
f (z)−
0n<N
anzn <C
AN|q|N2/(2|Λ|)|z|N,
pourvu que 0<|z|< Rpour unR >0 suffisamment petit et quedq(z;Λ) > .
Notons que, siΛ= [λ]etf ∈A[qλ;]1, alors les singularités près de 0 appartiennent toutes à la spirale[λ], sont des pôles simples et leurs résidus forment une suiteq-Gevrey d’ordre−1. Cela implique que la fonctionθλf admet une croissance au plus géométrique en 0 sur la spirale[λ]; voir [7,5].
Définition 2.2.SoitF une fonction analytique au voisinage de chacun des points du support deΛprès de 0. Les|Λ| (germes à l’infini de) suites{(F(j )(λiq−n))n0: 1im, 0j < νi}, oùF(j )est laj-ième dérivée deF, sont appeléesvaleurs deF surΛen0 et notéesΛF (0). On dira queF estq-Gevrey d’ordrekdansΛen0 si ses valeurs y sont toutes des suitesq-Gevrey d’ordrek. On noteraF ∈EΛ0 siF est analytique au voisinage de 0 épointé en 0, q-Gevrey d’ordre|Λ|en0etq-Gevrey d’ordre0dansΛen0.
Théorème 2.3. Soientf∈BΛetF =θΛf. Les assertions(i)f ∈AΛq;|Λ|et(ii)F ∈EΛ0 sont équivalentes entre elles et à l’assertion suivante:
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(iii)Il existe|Λ|suitesq-Gevrey d’ordre−|Λ|,(αi,j,n)n0(1im,0j < νi)et une fonctionhméromorphe en0∈Ctelles quef (z)=
n0
1im
0j <νi
αi,j,n
(z−λiq−n)j+1 +h(z).
3. Diviseurs relatifs et fonctions multisommables Définition 3.1. SoientΛ=
1imνi[λi] etΛ=
1imνi[λi]deux diviseurs tels que Λ< Λ, c’est-à-dire : 0νiνi,νi >0 et|Λ|>|Λ|. SoitF une fonction analytique au voisinage de chaque point du support deΛprès de 0. Les|Λ| − |Λ|(germes de) suites{(F(j )(λiq−n))n0: 1im, νij < νi}sont appelléesvaleurs deF sur le diviseur relatifΛ/Λen0 et notées(Λ/Λ)F (0). On dira queF estq-Gevrey d’ordreksurΛ/Λen0 si ses valeurs y sont toutesq-Gevrey d’ordrek. SoientΛ=Λ1+Λ2,Λ=Λ1. On dira queF ∈EΛ(Λ1,Λ2) siF est analytique au voisinage de 0 épointé en 0,q-Gevrey d’ordre|Λ|en 0,q-Gevrey d’ordre|Λ2|surΛ/Λ2en 0 etq-Gevrey d’ordre 0 surΛ2en 0.
Dans ce cas, le Théorème 2.3 prend la forme suivante.
Proposition 3.2.SoientΛ1< Λ=Λ1+Λ2. On a les décompositions suivantes: EΛ(Λ1,Λ2)=EΛ02+θΛ2EΛ01,
1
θΛEΛ(Λ1,Λ2)
∩BΛ=AΛq;|1Λ1|+ 1
θΛ1AΛq;|2Λ2|.
Plus généralement, soientΛ1< Λ1+Λ2<· · ·< Λ1+Λ2+ · · · +Λm=Λ; pouriallant de 1 àm+1, posons Λi =
jiΛj,Λi =
jiΛj; on noteraΛm+1=Λ0=0,Λ0=Λm=Λ, où0désigne le diviseur nul.
Pour simplifier, on dira que(Λ1, Λ2, . . . , Λm)est unepartition ordonnée deΛ.
Théorème 3.3.Soit(Λ1, Λ2, . . . , Λm)une partition ordonnée deΛ. On définitEΛ(Λ1,Λ2,...,Λm)comme étant l’ensemble des fonctions analytiques au voisinage de0épointé en0,q-Gevrey d’ordre|Λ|en0et, pouri allant de1à m,q- Gevrey d’ordre|Λi+1|surΛi/Λi+1en0. Alors on a:
EΛ(Λ1,Λ2,...,Λm)=EΛ0m+θΛmEΛ0m−1+ · · · +θΛ2EΛ01. Autrement dit, si l’on definit et noteOΛ(Λ1,Λ2,...,Λm)=(θ1
ΛEΛ(Λ1,Λ2,...,Λm))∩BΛ, l’ensemble desfonctions multisom- mables en 0 suivant la partition(Λ1, Λ2, . . . , Λm)on a:
OΛ(Λ1,Λ2,...,Λm)=AΛq;|1Λ1|+ 1
θΛ1AΛq;|2Λ2|+ · · · + 1
θΛm−1AΛq;|mΛm|.
4. Classification analytique des équations auxq-différences linéaires
Reprenons les notations de [4]. SoientK le corps des fractions deC{z}, etK celui de l’anneauC[[z]]des sé- ries entières formelles. SoientP1, . . . , Pk des modules purs de rangsr1, . . . , rk et de pentes entièresµ1>· · ·> µk. Soit M0=P1⊕ · · · ⊕Pk, c’est un module de rang n=r1+ · · · +rk. Nous définissons l’ensemble F(M0) des classes d’équivalence de couples(M, g)formés d’un moduleMet d’un isomorphismeg: gr(M)→M0, deux couples (M, g),(M, g)étant dits équivalents s’il existe un isomorphismeu:M→Mavecg=g◦gr(u). On identifieraPià (Kri, Φz−µiAi), oùAi∈GLri(C). La donnée d’un couple(M, g)revient alors à celle d’une matriceAsous la forme
A=
z−µ1A1 U12 · · · U1k 0 z−µ2A2 · · · U2k ... ... . .. ... 0 0 · · · z−µkAk
(1)
où Ai ∈GLri(C)etUij ∈Matri×rj(K). Deux telles matrices A,A sont équivalentes (resp. formellement équiva- lentes) s’il existe une matrice F ∈G(K) (resp. G(K)) telle que (σqF )A=AF. (On a noté G le sous-groupe algébrique de GLn formé des matrices triangulaires supérieures dont la diagonale est formée de blocs unité.) Soit
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A0=diag(z−µ1A1, z−µ2A2, . . . , z−µkAk)la matrice diagonale par blocs formée dez−µ1A1, z−µ2A2, . . . , z−µkAk. Toute matriceAdu type (1) est formellement équivalente àA0, ce qui veut dire qu’il y a une seule classe isofor- melle lorsque la diagonaleA0est fixée. Dans [4], on a démontré que les classes analytiques attachées à cette classe isoformelle forment une variété de dimension
1i<jk(rirj)(µi−µj). En notantC[z]ij=
−µi<−µjCz⊂ C[z, z−1], ces classes peuvent être représentées par l’ensemble des matricesAde la forme (1) dont les sous-matrices Uij sont toutes à coefficients dansC[z]ij pour 1i < jk; celui-ci sera notéCA0.
Définition 4.1.SoitΛun diviseur de degré|Λ| =µ1−µk. Une partition(Λ1, . . . , Λm)sera ditecompatible avecA0 sim=k−1 et si pouriallant de 1 à(k−1),|Λi| =µi−µi+1; lorsque c’est le cas, elle sera ditegénérique pour A0si, en plus, elle vérifie la condition suivante de non résonnance :Λi =ααji modqZquelles que soient les valeurs propresαi deAi etαj deAj,j > i.
Le théorème suivant précise un résultat de [6] (Théorème 3.7). Ici la solution « unique »F =F(Λ1,...,Λk−1)est non seulement méromorphe, mais asymptotique à l’unique solution formelleF(au sens du paragraphe 2). De plus ici la fa- çon de la construire est différente [8]. (On pourra comparer en utilisant le dictionnaire suivant : « partition=summation divisor », « compatible=adapted », « générique=allowed ».)
Théorème 4.2 (Sommabilité). Soient A∈ CA0, Λ un diviseur et (Λ1, . . . , Λk−1) une partition générique de Λ pour A0. Alors l’équation de conjugaison (σ F )A0=A1F admet une unique solutionF =(Fij)avec : Fii=1, Fij∈OΛi,...,Λj−1, notéeF(Λ1,...,Λk−1).
On en déduit une application(Λ1, . . . , Λk−1)→F(Λ1,...,Λk−1). Le phénomène de Stokesq-analogue se manifeste par l’existence de « sommes » différentes deF.
Théorème 4.3(Phénomène de Stokes). Dans le théorème précédent, on aA=A0si, et seulement si, cette application n’est pas, au sens évident, injective.
Références
[1] G.D. Birkhoff, P.E. Guenther, Note on a canonical form for the linearq-difference system, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 27 (4) (1941) 218–222.
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Fourier 50 (2000) 1859–1890.
[4] J.-P. Ramis, J. Sauloy, C. Zhang, La variété des classes analytiques d’équations auxq-différences dans une classe formelle, C. R. Acad. Sci.
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[5] J.-P. Ramis, C. Zhang, Développements asymptotiquesq-Gevrey et fonction thêta de Jacobi, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 335 (2002) 277–280.
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[7] C. Zhang, Une sommation discrète pour des équations auxq-différences linéaires et à coefficients analytiques : théorie générale et exemples, in : B.L.J. Braaksma (Ed.), Differential Equations and the Stokes Phenomenon, World Scientific, Singapore, 2002, pp. 309–329.
[8] C. Zhang, Solutions asymptotiques et méromorphes d’équations auxq-différences, in : Proceedings Théories Asymptotiques et Équations de Painlevé, confèrence à Angers, juin 2004, à paraître dans la serie “Seminaires et Congres” de la SMF.