Article
Reference
La zone des cols et la géologie du Chamossaire
SARASIN, Charles, COLLET, Léon William
SARASIN, Charles, COLLET, Léon William. La zone des cols et la géologie du Chamossaire.
Archives des sciences physiques et naturelles, 1907, vol. 4e période, t. 24, p. 586-608
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:142137
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
LA ZONE DES COLS
ET LA
GÉOLOGIE DU CHAIIOSSAIRE
PAR
Ch
SARAStK etL
W COtJLET.1. La Zo/tc des Cols e/'
g~HL
L'année dernière à pareille époque nous publiions une notice comp!émentaire sur la géologie des environs de la
Lenk\
dans laquelle nous montrions l'existence dans la zone (les Cols de plis couchés et fermés au S., et nous considérions cette constatation comme contraireà la notion moderne d'envisager
iesPréafpes
comme un!ambeau
d'une
nappe de charriage venue du S. Depuis lors une série de courses faites dans diverses régionsdu Chablais et une nouvelle étude approfondie de la bibliographie si vaste qui concerne cette région nous ont amenés à la conviction que l'explication de la tec- tonique des PréaJpes, donnée successivement par
M. H. Schardt et M. M. Lugeon, reste la seule satis-
faisante et la seule aussi qui cadre avec ce que nous
C. Sarasin et L. Collet. Notice complémentaire sur la zone
des Cols dans la région de La Lenk. Archives, 1906, t. XXII, p. 532-543.
savons maintenant de la structure géologique du sys- tème alpin dans son ensemble. Qu'il nous soit donc
permis de
rendre
hommage ici, aprèstant d'autres,
à la conception grandiose
qu'ont
créée nos deuxconfrères.
Et
pourtant
les difficultés que nous signalions dans l'application de['interprétation
de M. Lugeon à la zone des Cols subsistent. Il reste vrai que dans la région d'Adelboden, de la Lenk, et aussi de Lauenen,les formations
préalpines,
an lien de seterminer
au S.en un bord radical relevé et plaqué contre le front des
plis
haut-alpins,
s'enfoncent sous ceux-ci en des plis fermés au S. Il reste vrai aussi que, commel'un
denous le faisait
remarquer
déjà en)894\
la zone deFtysch du Niesen se distingue absolument, par la com- position de ses grès et de ses poudingues, de la zone de Ftysch des Voirons, des Pléiades et du Niremont,
avec laquelle M. Lugeon la raccorde sous les Préalpes médianes.
En cherchant à concilier ces faits avec la notion du charriage des Préa)pes, nous sommes arrivés à une conception de la zone des Cols qui,
tout
en étant nou-velle,
rappelle
une idée émise sommairement il y a quetques années par M. H. DouviHé'. Comme nousl'indiquons dans la figure ci-jointe, le bord radical de
la zone des Cols
n'existe
pas le long de la bordure des plis haut-alpins où on ne le trouve jamais, il se placeen profondeur
entre
la zone du Niesen et la zone tria-C SM'asin. De l'origine des roches exotiques du Ftysch.
A-eA'cM, 1894, t. XXXI et XXXII.
s Douville. Observationsgéologiques dans les environs d'Inter- laken. Bull. Soc. Géol. de Fr., 1900, t. XXVIII, p. 57-63, et les
Ralligstocke et le Genhorn, 1903. Ibid., t.
ni.
p. 119-221.Fi~. 1. Coupe scbëtnatiqm' à travers les Préatpes internes dans le Haut Simmeat)~)).
sique-jurassique de la Grande-Eau, de la Gummfluh et des Spie)gerten, qui ngure le bord radical des Préa)pe&
médianes. Les plis de la zone des Cols sont bien au moins en majeure
partie,
fermés au S. Quant au Flyschdu Niesen, il
n'est
pas enrecouvrement stratigraphique
sur lesterrains
secondaires de la zone des Cols ils'est
déposé dans une touteautre
région que ceux-ci)) est haut-alpin et
appartient très
probablement à la couverturetertiaire
du pli du Witdhorn. Tectonique- ment la zone du Niesenreprésente,
comme l'a dessinéM. DouvHié, la tête plongeante
d'unanticiina)
cutbuté.La genèse de cette tectonique curieuse peut facile- ment se concevoir. Une
première
nappe préalpine s'estformée et a
atteint
le front des plis haut-atpins ensuite une seconde nappes'est
développée qui, chevauchantà son tour sur les plis haut-atpins a
entraîné
sous samasse le Ftysch qui couvrait ceux-ci, et
l'a
amassé enun pli couché devant le front des Hautes Alpes et sur la
nappe de la zone des Cols celle-ci
s'est
enfoncée en synclinal entre ce pli de Flysch et les plis inférieurset, rencontrant
dans ce mouvement de multiples résis-tances, elle a pris la
structure extrêmement
comptiquéeque nous iui connaissons, elle
s'est
digitée et écai!)ée.Le rebroussement de la zone des Cols sous le pli plon- geant du Niesen, que nous supposons ici, est du reste tout-à-fait comparable avec ce que nous voyons dans
le soubassement du Cuiant (Chaîne des Diablerets), où
une lame de Méocomien préalpin
's'est
insinuée enfaux synclinal culbuté
entre
le pli plongeant des Diable-rets et le pli sous-jacent de
Morctes'.
Voir M. Lugeon. Les grandes nappes de recouvrement des Alpes du Chablais et de la Suisse, fig. 3 Btf!S'oc. Géol. de 2<').
1901, t. I, p. 723.
Rien du reste dans la tectonique ou la stratigraphie des Préalpes ne s'oppose à la conception que nous proposons, au contraire. Si
d'abord
la zone des Colsreprésente
une nappe préalpine inférieure, les forma-tions qui la composent doivent présenter des faciès
voisins de ceux du front de la nappe suivante, soit des Préalpes externes, ce qui est le cas en effet. Par contre
le Ftysch du jNiesen
appartenant
à la couverture nor-male des plis
haut-alpms,
tandis que celui des Voirons- Pléiades recouvrestratigraphiquement
le Crétactque des Préalpes externes, lesduîérencesqui séparent
cesdeux Flysch s'expliquent
d'ettes-mémes.
En second lieu nous savons que le
Fhsch
du ~iesen repose depuis Frutigen jusqu'à laLenk.directementsur
le Trias, qui représente le terme
supérieur d'une séné
renversée ce contact
n'est certainement
pas stratigra-phique il se conçoit par contre fort bien, si l'on admet d'abord un chevauchement du Trias sur le Ftysch, puis un renversement du tout par les plis- sements
ultérieurs.
La disposition des dépôts du Trias et du Jurassique dans la région de Spiez vient encoreà l'appui de cette
interprétation.
La disparition de la zone des Cols et du Ftysch du .\iesen dans le Val d'Ittiez devient très
facile à
com-prendre,
si l'on admet, comme nous le faisons, que l'un etl'autre
ne se prolongent pas sous les Préatpes médtanes; il suffit en effet que l'érosion ait pénétré plus profondément, pour que tous deux aient été sup- priméscomplément,
it parait en outre probable que,le pli
supérieur
du Wddhorn s'amortissant dans ladirection de t'W., son enveloppe de Ftysch
s'est
écoutéede moins en moins loin
sur
la zone des Cols rebrous-sée et que celle-ci a fini
par disparaître
ette-même entant qu'unité tectonique
indépendante.
L'objection qu'on
pourrait trouver
dans l'absence oule faible développement des grés du F)ysch
entre
leNummutitique du pli du Witdhorn et les lambeaux à
faciès préa!pins du Rohrbachstein, du Laufbodenhorn,
etc.
signaléspar
M. Lugeonn'a
pas grande significa- tion, puisque nous supposons justement que le Ftvschdu dos du Wtidhorn a été
entraîné
vers lej\.
sous les nappes préalpines et qu'ti a par conséquentabandonné,
au moins en grande parhe, sa position primitive. Par contre l'analogie des grès du ~iescn avec les gréb des environs de Taveyannaz
d'une
part, avec ce que Kauf-mann a appelé le Wi!dnysch dans le soubassement du Morgenberghorn
d'autre part,
est si frappante,qu'elle
impose un
rapprochement.
It faut même remarquer àce propos la remarquable similitude qu'il y a
entre
lesblocs exotiques inclus dans le Ffysch du JNtesen et ceux qu'on retrouve dans la couverture des chaînes calcaires externes jusque dans le Toggenbourg
Nous avons réservé pour la fin de ce chapitre la
question, rouverte récemment par M. Henevier', de t'àge des grès du Niesen et des Ormonts. Après avoir cru un moment à la possibilité de l'âge jurassique de l'ensemble de ces couches, nous sommes convaincus maintenant, par la découverte de nombreuses Nummu-
lites dans la région des Ormonts, que les grès
du
~iesen-Ormonts
proprement
dits sont bientertiaires,
Arn. Heim. Zur Frage der exotisLheti Btoeke im Flysch- Fc~<e. Geol. lielvet., 1907, t. IX, n° 3, p. 4] 3-424.
E. Renevier. Brèche crystalline des Ormonts..EMwy<B. Geol-
&«
]90f!, t. IX, p. 120-121.et
appartiennent
probablement à )'0)igocéne inférieur.Mais nous sommes persuadés aussi, que le front du pli plongeant du Ftysch est profondément digité et que les grès du Niesen et les formations de la zone des Cols ont pénétré les uns dans les autres en des coins plus
ou moins aigus, comme l'indique d'une façon du reste schématique notre figure, qui
n'a
pas,par parenthèse,
la prétention de
donner
une coupe précise à travers lazone du Niesen. Il peut donc fort bien se
trouver.
aumilieu même de cette zone, des dépôts jurassiques fossilifères, et parmi ceux-ci des grès grossiersquartzeux
à Bétemnites du Lias, qui seront difficiles à délimiter
relativement au Flysch.
Avant précisé notre conception de la zône
interne
des Préatpes, nous sommes amenés à envisager la tec- tonique générale de ces chaînes. Pour nous la zone interne ne se raccorde pas avec ta zone externe, nous
ne supposons donc
plus,
comme M. Lugeon, 3 nappes préa)pmessuperposées;
nous en admettons 2t'une,
celle des Préalpes, est divisée en 3 digitations imbri- quées, qui sont la digitation des Cols, la digitation de
la zone externe, la digitation des préalpes médianes cette dernière seule a eu sa racine propre, puisque les
2 autres sont en sommes de simples écailles, détachées
du front de la nappe. La seconde nappe est celle de la Brèche du Chantais
Hornnuh,
que nous connaissons par les travaux de MM. Lugeon et Fr.Jaccard'.
Contrai-rement à l'opinion de MM. Schardt et Lugeon, le syn-
c!ina! tertiaire de l'Alliaz et du Niremont serait pour
Fr. Jaccard. La région de la Brèche de la Hornfluh. Bull.
L!!&. <?eo/. Min. Geog. P/t~. et Fa~MHt., Lausanne, 1904
nous peu profond et tout-à-fait comparable à celui qui
sépare
l'anticlinal du Vanil~oir
de la zone Laitmaire- Gastlosen avec pourtant une plus grande amp)eur.Une
dernière
déduction qui découle forcément des considérations quiprécèdent
concernel'époque
relativede formation des plis haut-a!pins et
préaipins;
il estclair que les premiers ne pouvaient pas exister sous
leur
forme actuelle avant d'avoir été recouvertspar
les seconds, puisque lesterrains
préalpinspénètrent
encoin dans les synclinaux hant-aipins. Nous croyons donc avec M. Schardt que la couverture sédimentaire du massif de l'Aar
s'est
écoulée auen
plis couchessous la masse chevauchante des Préaipes, et nous considérons comme très probaNe que la
pot~ée
desnappes préalpines a contribué pour une part importante
à la naissance de ces plis sousjacents. Il y aurait donc contemporanéité entre les plissements définitifs des Hautes-Alpes et des Préalpes.
II.
Le C/Mt?MOM6H~.Les connaissances que nous possédons de la géo)ogie du Chamossaire sont tirées essentiellement de la des- cription
qu'en
a donnée, en1890,
Renevier dans sa monographie des Hautes-Aipes vaudoises. Les profils àtravers
cette chaîne publiéspostérieurement par
M. Schardt (Livret Guide) ne sont en somme que la copie de ceux de
Itenevier,
modiués il est vrai quant àl'interprétation
du soubassement suivant les idées del'auteur.
Or Renevier et après lui M. Schardt considè-rent
tous deux le Chamossaire comme formépar
une lame normale de Trias, de Lias et de Dogger chevan-chant sur le F!ysch et recouverte
d'autre part
vers leS.-E. par du Flysch; tous deux raccordent directement
le Dogger de la vallée de la haute Gryonne avec la Brèche du Chamossaire qu'ils
attribuent
au même niveau. Enfin, M. Schardt voit dans la lame du Cha- mossaire le prolongement de la zone écrasée deter-
rains jurassiques quis'intercale,
en se relevant vers leN.-W.,
dans la masse de Flysch duChaussy\
Poursuivant notre étude de la zone des Cols, nous avons entrepris cet été une série d'excursions dans la région en question, et nous sommes arrivés à une concep- tion nettement différente de celle des
auteurs
précités.Nous avons reconnu en
particulier
qu'il y a au Cha- mossaire, en superposition sur le Ftysch, non pas une lame chevauchante,mais deux, qui sont tectoniquement etstratigraphiquement
distinctes. Nous avons constatéen second lieu que les Brèches du Chamossaire ne recouvrent pas
stratigraphiquement
le Toarcien et ne sont pas du Dogger, mais qu'eHes se superposent méca- niquement sur diverstermes
duJurassique par l'inter-
médiaire
d'une
zône discontinue de Trias et qu'ellesappartiennent
au Lias.A.
Stratigraphie.
Comme nous venons del'indiquer,
nous devons distinguer deux séries stratigraphiques nettement différentes
l'une
inférieure se rattachepar
son faciès aux formations de la zone des Cols, l'autre supérieure constitue dans cette zone un élément hété- roctite dont nous aurons à
rechercher
les affinitésvraies.
Pour se faire une idée de la série inférieure, le meil-
Schardt. Livretguide, p. 180.
leur
moyen est de monter du ravin de la Gryonne au-dessous d'Arveyespar
les Loveresses et la crête deTeisaz Joux à Bretaye. Cette série a du reste été décrite
par Renevier'
et nous aurons peud'observations
àfaire à son sujet.
Sur le Trias de la Gryonne affleurent, au Fondement sous Arveyes, des calcaires noirs compacts à Arietites.
Vers le haut ces calcaires deviennent plus lités et
alter-
nent avec des marnes ils passent ainsi progressive- ment à des schistes noirs, argileux, micacés qui con-tiennent
derares
bancs gréseux et qui sont sillonnéspar
places de veines ochreuses. Ces schistes se suivent depuis le ravin de la Gryonne, le long du versant occi- dental de la crête de Teisaz Joux, jusque sous l'Aiguille;ils se
retrouvent autour
de Bretaye et percent en fenê-tre
à l'W. de Conches sous la Brèche du Chamossaire.Ils contiennent par
endroits
des fossiles du reste mal conservés qui sont en majeure partie des Harpocera-tidés Renevier en cite
entr'autres
Grammocerasradians,
Harpocerasserpentinwh.
Nous avons denotre côté récolté à Bretaye et à Conches des ammo- nites qui paraissent se
rapporter
à ces mêmes espèces:mais nous possédons
d'autre part
une Ludwigia pro- venant de ces mêmes schistes et qui parait être Ludwi-gia
Murchisonae. Nous arrivons ainsi à la conclusion que dans ce complexe schisteuxrentrent
les niveauxstratigraphiques
du Toarcien et du Bajocien inférieurpeut-être
le Charmouthieny est-il encore compris.Sur ces schistes noirs se
superposent
des calcairesfoncés, gréseux et finement spathiques caractérisés
par
i
Renevier. Mat. Carte geol. XVI Liv. 1890.l'abondance des Zoophycos. Renevier signale la décou- verte dans ces couches, au Roc des Fares, de Stephano- ceras Humphriesi et Parkinsonia
Garanti.
De notrecôté nous avons récolté dans le même complexe vers
la carrière de Villars une Belemnite du type de
B.
canaliculatus.
Nous croyons donc pouvoirattribuer
les calcaires à Zoophycos au Bajocien
supérieur
et au Bathonien.Le complexe suivant se compose de couches mar- neuses et schisteuses ayant une teinte grise plus ou moins foncée, qui les fait ressembler
d'une
façon pres- que absolue au Liassupérieur,
et en effet cette confu-sion a été faite souvent
par
Renevier. Dans cet ensemble schisteux nous croyons pouvoir distinguer deux niveaux, qui du reste ne sont pas partout conser- vés. Le niveau inférieur comprenant des bancs de cal- caire marneux nombreux et qui affleure en particulier sous Ensex, nous a fourni des débris de Peltoceras et une Oppelia indéterminable ilreprésente
le Callovien.Le niveau
supérieur,
oxfordien, est plus schisteux, lesbancs calcaires y sont rares et les fossiles malheureu-
sement très peu
abondants;
nous en possédons un Beleninileshastatus
récolté versl'extrémité
Nord de lacrête de Teisaz Joux. Comme caractères distinctifs entre l'Oxfordien et le Lias
supérieur,
nous pouvons citerl'ab-
sence de bancs gréseux et micacés et là présence
par
contre de bancs marno-calcaires. L'Oxfordien existe sur tout le versant E. de la crête de Teisaz Joux et est surtout développé dans la région d'Ensex. Il appa- raît en fenêtre sous la Brèche vers le lac Noir au Nord
de Bretaye. C'est de ce gisement que Renevier cite un
Belemnites
canaliculatus.
Avec ce niveau se termine la série inférieure du Chamossaire qui ne comporte à notre connaissance aucun terme équivalent au Malm
proprement
dit.La série
supérieure
du Chamossaire commence avec une bande de corgnieules, qui affleurentd'abord
aufond d'Orsay, ensuite au-dessus du chemin conduisant de Bretaye à Ensex. On peut voir très
nettement
soit au fond d'Orsay, soit au-dessus du Commun de Char- met, comment les calcaires dolimitiques du Trias sont recouverts directementpar
des calcaires spathiques,qui eux-mêmes ne
tardent
pas à se transformer versle
haut
en brèche calcaire à gros éléments. La zone de schistes toarciens que Renevier dessine entre lé Trias et le complexe de la Brèche du Chamossaire n'existe pas, maisl'erreur
commisepar
notre vénéré prédécesseur s'expliquepar
une complication localesurvenue dans les environs de Bretaye et
sur
laquellenous aurons l'occasion de revenir plus loin. Toute la région culminante du Chamossaire est constituée
par
ces brèches
alternant
avec des calcaires spathiques vers le haut ces couches se chargent en éléments sili-ceux. En fait de fossiles, on trouve en très grande quantité des Bélemnites, qui sont
malheureusement
impossibles à dégager, mais dont la forme
régulière-
ment cylindrique et dépourvue de sillon estnettement
liasique, voisine du Belemnitesniger;
quelques échan- tillons à rostre très courtressemblent
à Belemnilesbrevis et B.
acutus.
L'idée de l'âge médiojurassique de la Brèche du Chamossaire, émise par Renevier, était basée unique- ment sur la superposition de cette brèche sur des
schistes toarciens. Nous venons de voir que cette superposition ne constitue en aucune façon la règle et nous démontrerons plus loin que là où elle existe elle est due à un recouvrement mécanique. Nos fossiles
parlant d'autre part nettement
en faveurd'un
âgeliasique, nous croyons pouvoir considérer cet âge comme
démontré.
Il nous reste maintenant à dire quelques mots du Flysch, pour lequel nous ne voulons pas préjuger dès maintenant s'il
appartient
à la série inférieure ou à lasérie supérieure du Chamossaire,ou encore à une autre unité
stratigraphique.
Ce Flysch se trouve essentiellement dans trois
terri-
toires distincts dans la ligne de notre profil. D'abord dans les pentes qui dominent la Grande Eau auS.-E.
où il est sousjacent à la Brèche du Chamossaire, ensuite dans la région de Perches, du Riondel et du Meilleret, enfin à
l'E.
du Col de la Croix. Dans les deux premiersterritoires
le Flysch en question serattache
exactementpar
son faciès aux grès et brèches des Ormonts les formations qui prédominent de beaucoup sont des grès grossiers, quartzeux, et des conglomérats, formés tantôtsurtout
d'éléments calcaires,tantôt
de fragments cris- tallins. Dans les brèches cristallinesl'élément
le plus caractéristique est un granit à oligoclaseverdâtre,
dont les blocs atteignent souvent de grandes dimensions et qui est identique à celui qu'on trouve à Aigremont età la montée de la Comballaz. Les grès paraissent con-
tenir
presque toujours des individus disséminés depetites Nummulites et d'Orthophragmina
qu'on
ne peut guère constaterqu'en
coupes minces. Enoutre
on voits'intercaler
dans les grés, parplaces,en particulier
dansle fond d'Orsay et au Roc de la Breyaz, des bancs enrichis en calcaire qui,
d'après
les coupes minces quenous en possédons, sont essentiellement formés de Lithothamnium, de Nummulites et
d'Orthophragmina.
A côté du faciès gréseux le Flysch comprend des schistes argileux associés à des bancs minces de
grès, qu'il
est difficile de distinguer du Liassupérieur.
Nous savons
par
le profil du Chaussy que les deux zones de Flysch que nous venonsd'examiner
se rejoi-gnent
en enveloppant au N. W. des formations juras- siques, qui sont évidemment le prolongement de notresérie inférieure du Chamossaire.
Quant à la troisième zone de Flysch qui passe à
l'E.
du Col de La Croix, Renevier la confond sur sa carte avec
le Dogger à Zoophycos; mais il ne cite aucun
argument
en faveur de cette manière de voir, et en
réalité
les couches en question sont si absolument semblables auFlysch du Riondel que nous ne pouvons pas les en
séparer.
A l'appui de cerapprochement
nous pouvons encore citer le fait que les grès et schistes de La Croixs'appuient
auS.-E.
sur une lame de Crétacique supé-rieur
à Globigerines etPulvinula tricarinata,
qui est bien visible près d'Arpille etqu'on
retrouve sous formede mince zone
intensément
laminée entre le Cretezet
Chaux
d'en
Haut. Cette bande de calcaires crétaciques jalonned'une
façon fort utile la limite entre le Flysch de Taveyannaz, qui enveloppe le pli des Diablerets, et celui de La Croix-Perche-Fond d'Orsay, quiappartient
suivant nous à un pli haut-alpinsupérieur.
C'est du reste évidemment cette bande calcaire que Renevier a prise pour du Dogger et quil'a
amené àattribuer
aumême étage les couches susjacentes.
Fig. 2. Profil Chamossaire.-Colde la Cioix.
N.-B. elleLa sérien'est entnasique-jurassiqueréalité nulle part complete, mais comporteindiquée dans cette coupepartoutsur la rive gauchedes lammagesdeplusla Grande Eau estou moins accentués.schématisée;
B. Tectonique. Pour nous
rendre
compte de la struc- tute tectonique du Chamossaire, nousl'aborderons d'abord
du S. W. En montant de Villars à Bretaye, onremarque
avant toutl'arrête nettement
dessinée deTeisaz-Joux celle-ci est due à une zone de calcaire à
Zoophycos qui affleure sur son versant
W., surmontant
des schistes noirs du Lias
supérieur,
et qui s'enfonceà
l'E.
sous les schistes également noirs du Callovien- Oxfordien. Cette série est bien visible au-dessus d'Arveyes, on la retrouve sur lesentier
d'En Soud etjusque près de Sur Beau Cul, mais les calcaires du
Dogger subissent un amincissement vers le N. et finissent semble-t-il
par
s'effiler complètemententre
les deux zones des schistes qui les
encadrent,
en sorteque celles-ci deviennent très difficiles à
délimiter.
Dans le soubassement S. de l'Aiguille (point
1904
carte au 150000)
affleurent des schistes noirs, quiappartiennent
probablement en grande partie au Liassupérieur,
en petite partie à l'Oxfordien nous avonsen effet, trouvé un peu au-dessous de la zone des corgnieules un Belemniles
hastalus.
Sur cet Oxfordien vient une zone peu épaisse de corgnieules triasiquesplongeant faiblement au N. qui
supportent directement
la Brèche du Chamossaire. Celle-ci forme le petit som- met de l'Aiguille,
derrière
lequel on voitréapparaître
immédiatement une nouvelle zone de schistes noirs qui vers Bretaye s'enfoncent au N. sous la masseprin-
cipale de la Brèche du Chamossaire. Ces schistes de Bretaye contiennent les bancs gréseux et ochreux carac- téristiques du Toarcien-Opalinien ils nous ont fourni
quelques débris d'Ammonites,qui paraissent
appartenir
à des Harpoceratidés du Lias
supérieur.
L'intercalation de cette zone liasique
entre
la Brèchede la masse principale du Chamossaire et celle de l'Aiguilie et l'absence de Trias à la base de la Brèche vers Bretaye ont amené Renevier à supposer une inter- calation de Lias entre la Brèche et le Trias. Cette
erreur
étaitd'autant
plus facile que les schistes liasi- ques, démantelés et entraînéspar
leruissellement,
ontcoulé en masse le long du versant E. de l'Aiguille,
semblant
ainsi passer sous la Brèche. Enréalité
cette intercalation n'existe pas comme on peut facilement s'en convaincre en montant à l'Aiguille depuis le S. LaBrèche du Chamossaire avec du Trias à la base est en
Fig. 3. Coupe de l'Aiguille vers Bretaye.
(Mêmes signes que sur la fig. 2).
chevauchement sur la série sousjacente de Lias, Dogger et Oxfordien dans le plan de chevauchement des laminages intenses se sont produits, qui ont supprimé
par
placessoit
le Trias de la masse chevauchante, soit l'Oxfordien et le Dogger de la masse chevauchée. Enoutre
l'érosion particulièrementimportante
effectuéepar
la Petite Gryonne et probablement la dissolution de masses de gypse en profondeur ont déterminé un tassement du bord de la masse du Chamossaire et une descente, suivant une faille presque verticale, de laBréchede l'Aiguille (voir figure ci-jointe).
Comme confirmation de la
remarque
que nous venons de faire nous constatons que les schistes de Bretaye se suivent vers l'W. jusqu'au-dessus de Barboleuse, où ils se confondent avec ceux de Sur Beau Cul; puis dans la direction d'Orsay on voits'intercaler
entre eux et laBrèche du Chamossaire une mince zone de brèche polygénique à gros éléments granitiques (Flysch des Ormonts) et une zone de corgnieules et calcaires dolo- mitiques, qui passe
stratigraphiquement
à la Brèche liasique. Ici de nouveau aucune zone schisteuse n'existeentre
le Trias et la Brèche du Chamossaire.Ce qui vient
d'être
dit pour l'Aiguillepourrait être répété
presque exactement pour le Roc à l'Ours (point 1884 carte au 150000),
qui est formé lui aussipar
unpaquet
de Brèche et de corgnieules, descendu le longd'une
faille de tassement dans la masse sous-jacente des schistes jurassiques. La zone des schistes de Bretaye se suit aussi vers l'E. jusque près de Commun de Charmet, et là elle ne passe pas
entre
leTrias et la Brèche mais bien sous le Trias, cachée il est vrai en grande partie
par
les éboulis.Dans tout le soubassement de la Chaux Ronde jusque
près
d'Ensex,
le profil reste semblable à lui-même sur la crète affleure la Brèche du Chamossaire avec sescalcaires spathiques qui passent vers la base insensi- blement à une
importante
paroi de calcaires dolomi- tiques triasiques ceux-cis'appuyent
presquehorizon- talement
sur des schistes marneux oxfordiens,dernier
terme de notre série inférieure, quiprennent
un déve- loppementparticulièrement
important dans les envi- rons mêmed'Ensex.
Etudions maintenant la superposition de la Brèche
du Chamossaire sur la série inférieure, dans
l'intérieur
même du massif; nous la voyons d'abord dans la cou- pure qui relie Bretaye au Lac des Chavonnes. Le fond de cette tranchée est en effet constitué partout par
des schistes noirs, qui
appartiennent
près de Bretaye auLias supérieur, tandis que plus au N., entre le Lac
Noir et le Lac des Chavonnes, ils sont, semble-t-il, oxfordiens. Renevier cite, en effet, des bords du Lac Noir un Belemnites ex af. canaliculatus de plus une zone de calcaires foncés, qui sépare les schistes de Bretaye de ceux du Lac Noir, représente à notre avis le
Dogger à Zoophycos. Toutes ces couches sont recou-
vertes par la Brèche du Chamossaire, qui est repliée en synclinal à Bretaye, en voûte au Lac Noir et nous remarquons à ce propos que la série inférieure est plus complète sous l'axe de la voûte que sous le synclinal voisin, ce qui est logique.
Une autre fenêtre s'ouvre au travers de la Brèche
près de Conches. Un peu au-dessous des chalets de ce nom apparaissent des calcaires noirs en bancs
alternant
avec des lits
marneux,
quireprésentent
le Dogger à Zoophycos. Un peu plus àl'W.sur
le chemin de Conchesà Bretaye, des schistes noirs nous ont fourni des débris d'Ammonites, dont
l'une
est une Ludwigia bien carac- térisée. De nouveau ici la Brèche du Chamossaire recouvre le tout et, vers son contact avec le Dogger sousjacent, nous avons trouvé des blocs de corgnieules marquant la présence du Trias. Cedernier
devait exister primairement en plus grande quantité, mais a subi une dissolution importante du fait des eaux qui s'engouffrent sous Conches dans plusieurs dolines.La cuvette du lac des Chavonnes parait, comme celle
des autres lacs du massif, être
entièrement
creusée dans les schistes jurassiques de la sérieinférieure,
plus probablement dans l'Oxfordien ces schistes affleurent en particulier àl'extrémité orientale
du lac et plus auN. dans la direction des chalets des Chavonnes.
Pour compléter notre description, il nous reste à donner un aperçu du grand cirque que forme le vallon de Coussy. Ici le
trait
dominant de la topographie est donné par une importante paroi de Dogger à Zoophy- cos, dont les couches presque horizontales font tout letour
du cirque. Au fond de celui-ci et sous le Dogger affleurent les schistes du Liassupérieur,
quiatteignent
une grande épaisseur et paraissentreposer
au N. et à l'W. sur les grès polygéniques des Ormouts. Sur le Dogger vient une nouvelle zone de schistes noirs que nous attribuons à l'Oxfordien et qui est particulière- ment bien visible sur le chemin de la Forclaz à Perche un peu avant les Chavonnes. Enfin vers les Chavonnes cet Oxfordien est recouvert par la Brèche du Chamos-saire.
De même plus à l'W., versl'extrémité septentrio-
nale du Chamossaire, on peut voir la Brèche avec le Trias qui la supporte se
superposer
au Dogger deCoussy. L'Oxfordien qui existe
très
probablement iciest recouvert par les éboulis. Enfin, dans le plan de
recouvrement de la série inférieure
par
la Brèche, vers les Chavonnes, nous retrouvons des paquets de cor- gnieules triasiques.Nous croyons avoir démontré par ce qui précède
l'indépendance stratigraphique
de la Brèche du Cha-mossaire relativement aux formations jurassiques
sur
lesquelles elle repose et latrès
grande probabilité de son âge liasique. Il nousresterait
maintenant à exa-miner les relations de cette même brèche avec le Flysch
qu'elle
recouvre dans la direction de l'W. tandis qu'elleparait le
supporter
au contraire dans la directionde l'E.
Au S. du Chamossaire dans les environs d'Orsay le Flysch
pénétre
en coin de l'W. àl'E.
entre la série supérieure et la série inférieure, mais cette zoneintercalé • arrête
bien avant Bretaye. Du Fond d'Or-say .ysch
se suit vers le N. jusqu'à La Forclazs- unté, semble-t-il,
directement par le Trias de la sériesupérieure;
par contre entre La Forclaz etCoussy les conditions changent et le Flysch plonge cette
fois au S.-E. sous la série inférieure de Lias et Dogger que nous avons décrite plus haut il ne semble pas
s'insinuer
entre cette série inférieure et la Brèche du Chamossaire comme à Orsay. Enfin, suivant une ligne allant des Chavonnes à Perche, ce même Flyschrecouvre la Brèche du Chamossaire, qui elle-même chevauche sur la série de Coussy. Si nous comparons
ces données à ce que l'on sait du profil du Chaussy, nous devons
nécessairement
admettre que le Flyschenveloppe au N.-W. en une sorte de charnière les formations de la série inférieure, pour se
superposer
au bord radical
renversé
des Préalpes Médianes. Nous ne croyons paspar
contre que la série supérieure ou série de la Brèche ait subi un semblable enveloppement et ceci surtoutpour
deux raisons. D'abord, comme nous l'avons exposé plus haut, la Brèche du Chamos- sairereprésente
un élément tout à fait étranger à la zone des Cols, et doitappartenir
aussi tectoniquementà une unité distincte de celle-ci ensuite, si la Brèche
du Chamossaire était enveloppée