FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE BORDEAUX
ANNÉE 1894-95 N° 8'.).
III
mdans les inflammations chroniques de l'utérus
THÈSE POUR LE DOCTORAT El MEDECIIE
PRÉSENTÉE ET SOUTENUEPUBLIQUEMENT LE 19JUILLET 1895
PAR
Achille-Pierre-Anatole-Eugène
DAROUX
Né à Saint-Prouant(Vendée), le 25 Juillet 1866. .
EXAMINATEURS IDE LA. THÈSE
MM. BOURSIER, professeur, président, LANELONGUE,professeur,
POUSSON, agrégé,
j.
Juges.YILLAR, agrégé,
LeCandidatrépondraauxquestionsqui lui serontfaitessurles diversesparties de 1enseignementmédical.
«=5-3
BORDEAUX
IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE
GAGNEBIN
72, Ruedu Pas-Saint-Georges, 72
1895
FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX kDE PHARMACIE
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS :
MM. MICE.
AZAM Professeurs honoraires.
Clinique médicale MM.
Cliniquechirurgicale Pathologie interne
Pathologieet thérapeutique générales Thérapeutique
Médecineopératoire Clinique obstétricale
Anatomiepathologique
Anatomie
Histologie etAnatomie générale Physiologie
Hygiène
Médecinelégale Physique
Chimie
Histoire naturelle Pharmacie Matière médicale Médecine expérimentale Clinique ophtalmologique
Cliniquedes maladieschirurgicale des enfants.
Clinique Gynécologique
AGRÉGÉS EN EXERCICE SECTION DE MÉDECINE
Pathologie interneet Médecine légale
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
DUPUY.
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
MOUSSOUS.
COYNE.
BOUCHARD.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
MOUSSOUS.
DUBREUILH.
MESNARD.
CASSAET.
AUCHÉ.
Pathologieexterne
Accouchements
Anatomie etPysiologie
POUSSON.
DENUCÉ.
VILLAR.
RIVIERE.
CHAMBRERENT SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
MM. PRINCETEAU. fT. . „
Histoire naturelle. N.
Physique
Chimieet Toxicologie Pharmacie
N.
SECTION DES SCIENCES]PHYSIQUES
SIGAI.AS.
DENIGÈS.
BARTHE.
COURS COMPLEMENTAIRES Clin, interne desenfants
Clin, desmalad.sypliil.etcutan...
Clin, des malnd. desvoiesurin.... Mal. dularynx, des oreillesetdunez Maladies mentales
. A.MOUSSOUS DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
REGIS.
Pathologie externe MM. DENUCÉ.
Accouchements Chimie
Zoologie
RIVIERE.
DENIGÈS.
BEILLE.
Le Secrétaire de la Faculté, LEMÀIRE.
Par délibération du o août 18•9, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les thèses qui lui sont présentéesdoivent être considéréescommepropresà leursauteurs et qu'elle n'entend leur donner niapprobation niimprobation.
Thèse,
Monsieur le Docteur André BOURSIER
Professeur de Gynécologie à la Faculté de Médecine de Bordeaux,
Membre correspondant de la Société de Chirurgie Officier diAcadémie.
INDICATIONS k RÉSULTATS DU CURETTAGI
dans les inflammations
chroniques
de l'utérus.INTRODUCTION
Nous laisserons de côté dans ce travail tout ce qui a traitaux affections aiguës de l'utérus. Nous étudierons seulement les résultats opératoiresdonnés par lecurettage dans le traitement
des inflammations utérines chroniques. Nous verrons, dans quels cas, le curettage est à lui seul un moyen thérapeutique suffisant; dans quelles circonstances, 011 devra lui adjoindre
une opération complémentaire; enfin, quelles sont les causes ordinaires de l'insuccès du curettage.
Avant d'entrer en matière, nousremercions M. le Professeur Boursier de l'hon neur qu'il nous fait en voulant bien accepter
la présidence de notre thèse. Nous n'oublierons pas l'ensei¬
gnement qu'il nous a donné pendant les deux années que nous
avonssuivisaconsultation des maladies des femmes.
Que Monsieur le Professeur agrégé Pousson reçoive l'ex¬
pression de notre gratitude pour la bienveillance qu'il nous a
toujours témoignée.
— 10 —
Historique.
Introduit dans lapratique par Récamier, le curettage utérin trouva, dès son apparition, de nombreux partisans (Robert, Nélaton, Nonat, Trousseau...) et des adversaires non moins nombreux (Becquerel, Dubois, Velpeau, Gallard...).
Le nom de curettage, donné à l'opération de Récamier, est peut-être un peu prétentieux. Ce chirurgien, qui désignait son
opération sous le nom d'abrasion desfongosités, en donnait
une idée plus exacte. Il ne se proposajamaisd'enlever la mu¬
queuse utérine, en ne laissant que les culs-de-sac glandulaires, indispensables à la régénération de cette muqueuse. Lacurette était, pour lui, un instrument d'exploration, à l'aide duquel il recherchait si la surface dé l'endomètre était irrégulière et raboteuse; puis, dans
l'affirmative,
elle lui servait à grqtterles fongosités utérines. L'abrasion faite, Récamier exécutait ce qui était, pourlui, la partie la plus importante de l'opération,la cautérisation avec du nitrate d'argent fondu, introduit dans l'utérus au moyen d'un porte-caustique, qu'ilappelait la cauté¬
risation transcurrente.
Les paroles suivantes de Robert, chirurgien de l'hôpital Beaujon, undes premiers défenseurs de la nouvelle opération, permettent de bien se rendre compte de ce qu'était l'opération
de Récamier : « L'abrasion des
fongosités,
conseillée par M. Récamier, est rationnelle et appuyée par ce qu'on observesur la membraneconjonctive, où l'on voitquelquefois desvégé-
tations tellement volumineuses qu'on ne pourrait les détruire
avec le caustique seul, et qu'il faut préalablement les ébarber
avec l'instrument tranchant ».
Il arrivait parfois au chirurgien d'enlever involontairement quelques lambeaux de muqueuse en même temps que lesfon- gosités, mais c'était un nouvel argument contre l'emploi de la curette, et, Dubois, àla séance de l'Académie de médecine où il attaquait l'opération de Récamier, ne manque pas de dire :
« Les abrasions pratiquées par M. Récamier, considérées dans
leur résultat brut, ne démontrent qu'une chose, c'est qu'à l'aide
d'un instrument introduit dans la cavité utérine, il est possible
de détacher des lambeaux de la membrane qui la tapisse ».
L'idée qu'on devait conserver la muqueuse utérine persista
fort longtemps, et un partisan du curettage, Courty, écrit
encore en 1881 : « Je ne pense pas qu'on doive proscrire le curage,je crois même qu'on ne peut s'en passer, mais, qu'il
estdifficile d'en prévoir les indications. Lorsqu'il n'y a pas de fongosités, la curettepromenée légèrement sur la muqueuse
nepeut y produire de grands désordres, et lorsqu'il y en a, elle seule peut en débarrasser promptement et sûrement les
malades ».
Quelque bénin que nousparaisse aujourd'hui le curettage tel
que le pratiquait Récamier, les attaques, dirigées contre lui, se multiplièrent à la suite de quelques échecs retentissants et
cette opération fut, pendant une longue période, à peu près
délaissée.
L'avènement de l'antisepsie fait revenir au curettage, mais
la France fut cette fois-ci la dernière à le pratiquer. L'Alle¬
magne prit la tête du mouvement. Simon de Heidelberg, en
1872, cure l'utérus dans le traitement des tumeurs malignes;
Ilegar et Kaltenbach l'imitent; mais, c'est Olshausen qui a véritablementinauguré l'ère nouvelle, en traitant l'endométrite
— 12 —
par le curettage. En France, c'est
Doléris
quireprend le
pre¬mier la curette, et en 1886, il publiait une statistique de 339cas de curettage pratiqués par lui. Son mémoire fut l'objet de
vives discussions à la Société d'obstétrique et de gynécologie;
attaqué par Pajot, Guéniot, Guérin, il fut défendu par Porak et Charpentier. Mais, le curettage, plus heureux à sa réappari¬
tion qu'à son début, résista victorieusement aux attaques, on l'employa de plus en plus, et il n'est pas, à notre époque, de chirurgien qui n'ait pratiqué cette opération.
Le curettage actuel a pour but, non pas de gratter superfi¬
ciellement la surface de la muqueuse utérine comme on faisait autrefois, mais de supprimer presque en entier cettemuqueuse,
en ne respectant que les culs-de-sac des glandes inclus entre
les faisceaux musculaires du tissu utérin.
Ses indications onten outre, été très étendues, et si, dans
la
première période, il ne fut employé que pour combattreles
métrorrhagies, comme le prouvent toutes les observationsparues dans les journaux, les revues et les thèses jusqu'en 1880, aujourd'hui toutes les affections inflammatoires chro¬
niques de l'utérus paraissent justiciables ducurettage,
employé
seul ou associé à une opération complémentaire.
Les nombreux reproches qu'on adressait au curettage
sont tombés peu à peu devant l'évidence des faits. Il
fut
accusé notamment de provoquer de graves hémorrhagies. On
a démontré depuis qu'il est le meilleur traitement à opposer
aux hémorrhagies utérines, et qu'il est l'opération de
choix
dans la métrite hémorrhagique, comme nous le verrons plus
loin ; maisjamais, dans les observations de curettage publiées,
et il y en a de nombreuses, je n'ai vu un opérateur
signaler
l'hèmorrhagie grave comme complication du curettage.Les statistiques de Martin, 60 grossesses survenues chez des
femmes précédemment curettées, de Bénicke 13 cas de
grossesse, de Heinricius 16 grossesses sur 52 eurettages, de
Mme Sarraute, de Huguenin (thèse de Paris, 1892), ont justifié
le curettage du reproche grave de compromettre la fonction de reproduction, et montré qu'au contraire, des femmes stériles,
du fait de leur endométrite, ont pu concevoir, après guérison,
par le curettage, de leur maladie utérine.
Enfin, l'accusation de provoquer des accidents péritonéaux
graves et souvent mortels, fut réfutée par Doléris qui prouva que les précautions antiseptiques bienprises rendaient impos¬
sibles des complications de cette nature, opinion que n'ont fait
que confirmer lesnombreux eurettages pratiqués, depuis lors,
sous le couvert d'une antisepsie rigoureuse.
La possibilité de perforer involontairement l'utérus, argu¬
ment invoqué autrefois contre lecurettage, n'a pas été signalée
dans les inflammations utérines que nous nous proposons
d'étudier, mais dans certains cas de rétention placentaire, et
surtout dans des cas de néoplasmes malins de l'utérus, ayant
amené une friabilité extrême de la paroi de cet organe, faits qui ne rentrent pas dans le cadre de notre travail.
— 14 —
CHAPITRE PREMIER
D'après Churchill : «l'inflammation isolée de la muqueuse et
du parenchyme se trouve seulement dans les formes aiguës
de la maladie. Dans la forme chronique, l'inflammation de la ' muqueuse et celle du parenchyme se compliquent habituelle¬
ment, de sorte qu'il est presque impossible d'admettre une métrite muqueuse chronique et une métrite parenchymateuse chronique complètement isolées. »
Pour ce qui est de la métrite parenchymateuse, le fait n'est
pascontestable. Puisqu'on admet aujourd'hui que le processus infectieux débute toujours parla muqueuse, il serait incompré¬
hensible qu'il puisse yavoir inflammation du parenchymesans inflammation de l'endomètre. Mais nous croyons, contraire¬
ment à Churchill, que l'inflammation isolée de la muqueuse se rencontre sans lésion du tissu interstitiel de l'utérus.
Nombreuses sont les malades que nous avons vues, à la
consultation de Monsieur le Professeur Boursier, se plaignant
de pertes blanches abondantes dont elles faisaient remonter le début à une date souvent fort ancienne, et à l'examen, on ne trouvait ni augmentation de volume de l'utérus, ni agrandisse¬
ment notable de sa cavité, en un mot aucun signe clinique qui puisse faire supposer une altération parenchymateuse.
L'infection, d'après les nombreux faits qu'il nous aété donné
devoir,nous paraîtau contraire restersouvent assez longtemps
cantonnée à la muqueuse; dans quelques cas cependant, la
métrite parenchymateuse s'installe peu de temps après l'endo- métrite, sans que nous puissions trouver l'explication de cette marche spéciale de l'infection utérine.
Nousarrivons donc tout d'abord à une division des inflamma¬
tions chroniques de l'utérus en deux grands groupes :
1° Les Endométrites, c'est-à-dire les lésions inflammatoires bornées à la muqueuse.
2° Les Métrites ouplutôtles mètritesparenchymateusespour
nousconformer àla dénominationétablie, quoiquele termeseul de métrite désigne suffisamment l'inflammation totale de l'utérus.
Les lésions des endométrites peuvent être supprimées radi¬
calement parla curette, puisqu'ellessontlimitées àla muqueuse et que celle-ci est détruite presque en entier par le curettage;
tandis queleslésions des métriteséchappenten partie à l'action
de la curette. Tout ce qui, dans la lésion est interstitieln'est pas atteint par elle L'intervention peut cependant être utile, c'est
ce que nous verrons plus loin, mais la curette n'agit alors que d'une manière indirecte. La muqueuse infectée étant détruiteet
remplacée par une muqueuse saine, on comprend que le tissu interstitiel sous-jacent puisse bénéficier de l'acte opératoire et que ses altérations puissent, dans une certaine mesure, ré¬
trocéder,
On admet aujourd'hui que toutes les métriteset endométrites sont septiques. Leurs causes médiates sont la menstruation, le coït,
l'accouchement,
le traumatisme. Quant à leurs causesimmédiates,
ce sont les micro-organismes qui envahissent lesorganes génitauxà la faveur de ces causes occasionnelles.
Les microbes, rencontrés dans lessécrétions utérines, sont-ils pathogènes? Nous le pensons, quoique les inoculations aux
animaux soient restées négatives (Strauss et Sanchez Toledo, Delbet, Péraire).
— 16 —
Au point devueclinique, nous admettrons
toujours la nature
microbienne des inflammations de l'utérus, car, c'est depuis qu'on a admis cette
pathogénie, qu'on
afait
unethérapeutique
active, suivie d'excellents résultats, et surtoutqu'on
afait de
la thérapeutique prophylactique.
Nous diviserons les affections utérines, que nous allons
passer enrevue, de la façon suivante : A. — Endométrites.
1° Endométrites catarrhales et muco-purulentes du col;
2° Endométrites catarrhales et muco-purulentes totales;
3° Endométriteshémorrhagiques; 4° Endométrites exfoliatives;
5° Endométrites purulentes séniles (variété excessivement
rare dont nous ne parlerons pas, car nous n'en avons jamais
vu d'exemple).
B. — Métrites.
Nous réunissons toutes les métrites dans un même chapitre.
Nous avons rejeté l'endométrite isolée du corps de l'utérus,
car, il nous est difficile de comprendre une infection isolée du
corps sansparticipation du segment cervical.
Même dans lescas où le corps paraît plus atteint que le col,
c'est par l'inflammation primitive ducol, aussi légère soit-elle,
que nous expliquons l'infection du corps. Cette manière de
voir est confirmée par la clinique, et nous ne noussouvenons pas d'avoir jamais vu aucune malade, atteinte d'endométrite, qui n'ait quelquespertesglaireuses et tenaces, caractéristiques
de l'inflammation cervicale. Nous adoptons absolument l'opi¬
nion de Delbet, qui dit dans son article « Métrites » du traité
de chirurgie :
i
« S'il esttrèsprobable qu'on peutobserver dans la muqueuse du corps, à la suite de maladies non infectieuses des ovaires,
certainesaltérations d'ordre nutritif, il n'en est pas moinsvrai que les métritesvéritables du corps sonttoujours consécutives
auxmétritesdu col».
Nousne nous faisons pas d'illusion sur la valeur de notre classification. Nous n'ignorons pas que dans notre première forme, sous la dénomination d'endométrites catarrhales et
muco-purulentes, nous réunissons des endométrites, recon¬
naissant comme cause première des micro-organismesdiffé¬
rents, ce qui explique sans doute les résultats opératoires
divers que donne le curettage, dans des cas en apparence
identiques.
Nous savons aussi que l'endométrite hémorrhagique et l'en- dométrite catarrhale sont souvent associées, et que les pertes de sang s'accompagnent fréquemment de pertes muqueuses ou
muco-purulentes.
Mais, cette classification nous permet de réunir dans un même chapitre toutes les affections ayant un mêmecaractère
clinique dominateur, suivant lemot de Pozzi; elle laisse ren¬
trer dans son cadre tous les cas cliniques; elle ne multiplie pas outre-mesure les divisions des affections chroniques de l'uté¬
rus, c'est pourquoi nous l'avonsadoptée.
— 18 —
CHAPITRE II.
Endométrites cervicales.
L'endométrite, exclusivement localisée au col, a été décrite
par M. Bouiily sous le nom d'endométrite cervicale glandu¬
laire. Cette affection se développe dans les cols de nullipare ou de femmes ayant accouché et fait des fausses couches sans
déchirure cervicale. L'infection est limitée aux glandes ; les ca naux excréteurs restentperméables, ce qui permetauxproduits
de la sécrétion de s'écouler audehors. Lescaractères cliniques
de cette endométrite cervicale sont : dessécrétions visqueuses,
très adhérentes; elles sont difficilement entraînées par le liquide des injections et empèsent fortement le linge.
A l'examen au spéculum, on voit dans l'orifice externe un
bouchon glaireux analogue à une goutte de cire vierge, que le tampon de ouate ne réussit pas le plus souvent à enlever et
qui, pour être arraché, doit être saisi entre les mors d'une
pince à utérus.
Le col est petit, conique, en forme de barillet, présente un peu d'atrésie des deux orifices interne et externe, disposition anatomique qui empêche l'infectionde s'étendre à tout l'utérus.
Il y a peu deretentissement sur la santé générale.
Le curettage avait donné de nombreux insuccès dans ces
inflammations chroniques du col et lorsque Schroëder eut imaginé son procédé d'amputation anaplastique du col dans
les cas de cols gros, déchirés, kystiques, un grand nombre de chirurgiens étendirent cette opération à toutes les lésions cervicales.
Pour Richelot par exemple, l'endométrite du corps (qui est
pour nous une endométritetotaleavec prédominancemanifeste des phénomènes inflammatoires sur le corps de l'utérus) est
justiciableducurettage, celle du col de l'opérationde Schroëder.
D'après M. Picqué, cité dans la thèse de Mme Vinaver, un col volumineux n'est pas une condition sine qaà non d'inter¬
vention, il existe des cas de métrite avec un col petit, et néanmoins le traitement doit comprendre avec le curettage l'amputation de Schroëder.
« Nous insistons beaucoup sur ce point, ajoute MmeVinaver,
carbien souvent le Schroëder est négligé, parce que le col
n'est pas hypertrophié. Ce dernier symptôme est regardé à
tort comme important et l'opération de Schroëder doit être faite quand même le col setrouverait petit ».
Ces conclusions veulent trop étendre les indications du Schroëderet dans la variété d'endométrite,localiséeausegment cervical, qui fait l'objet de ce chapitre, cette opération ne nous
paraîtpas indiquée. Pour d'aussi petites lésions, le Schroëder
est une opération trop importante ; sans être grave, elle est minutieuse, elle demande de quarante à quarante cinq minutes
pour son exécution etnécessiteuneapplicationdélicate depoints
de suture. Elle a, en outre, l'inconvénient d'amener parfois une atrésie de l'orifice cervical; mais, nous reviendrons sur ce dernier point au chapitre de la métrite parenchymateuse.
M. Bouilly a imaginé, pour combattre cette aîection
rebelle du col, un ingénieux procédé dont je copie textuelle¬
ment le manuelopératoire tel qu'il la communiqué à la Société
de chirurgie (séance du 15 février 1893). Après avoir fait le curettagede l'utérus en entier, y compris le col qui est gratté
— 20 —
principalementaux deux extrémités du diamètre transversal,
M. Bouilly exécute la petite opération complémentaire sui¬
vante : .
(( Une pince tire-balles est posée sur la lèvre supérieure, une autre sur lalèvre inférieure du col, demanièreà tendre et à attirer lesparties;
l'orifice cervical dilaté par la laminaire permet de voir largement la muqueuse. Avec un bistouri étroit et pointu, j'enlève d'abord sur la lèvre inférieure un petit lambeau rectangulaire, comprenant les trois quarts environ de la demi circonférence inférieurede la muqueuse. Le bistouri estporté àuncentimètre et demi de profondeur jusqu'au voisi¬
nage de l'orifice interne, auniveau delajonctionde la paroi inférieure
et de la paroi latérale, etil détache à la face interne du col un petitlam¬
beau rectangulaire étendu d'une commissure à l'autre et limité en bas parl'orifice externe, en haut par l'orifice interne; à ce niveau, il est nécessaire d'achever lasection par un coup de ciseaux pendant que le lambeau est maintenu et attiré par une pince à griffes. La même
manœuvre est répétée à la face interne de la lèvre supérieure ; il en résultel'ablation de deux demi-gouttières se regardant par leur conca¬
vité. L'orifice utérin se trouve agrandi. Le col estlargementcruenté dans sestrois quarts inférieurs et supérieurs; seules, les parties latérales
auniveau des commissures, sont respectées, de manière à ce que la muqueuse à ce niveau conserve ses caractères et ses propriétés et ne permette pas la réunion angulaire des parties avivées; cette bande de tissu muqueux suffitàprévenirla réunion etle rétrécissement. Jerecon¬
nais qu'ellepeutrenfermer dans sa profondeur quelques éléments glan¬
dulaires qui ne sont pas détruits,maisleur nombre est tout-à-fait minime comparé à la quantité de glandes ouvertes ou enlevées sur la partie médiane. Du reste, commeje l'ai déjà dit, ces parties doivent être soi¬
gneusementtraitées àlacurettetranchante avantl'excision des lambeaux de la muqueuse. L'épaisseur de ces lambeaux varie avec l'épaisseur
mêmeducol ; elle nedoitjamais êtremoindrede deux à trois millimètres
environ; ellepeut être portée à quatre et même plus, si le col est épais
et hypertrophié; mais, ce fait estl'exception, les cols atteints de cette variété d'endométrite étant plutôt petitsque gros.
Souvent encore, après l'ablation deslambeaux,je passe surlesparties avivées, la curette tranchante,de manièreàdilacéreret à ouvrir les culs- de-sacglandulaires qui auraient pu échapperà l'instrument. Une injec¬
tion estalors faite dans le vagin etl'opération estterminée. Celle-ci est
beaucoup pluslongue àdécrire qu'à pratiquer;elle n'exigeque quelques
minutes etnedépasse passensiblementendurée la durée d'un curettage ordinaire».
L'opération terminée, attouchement de la cavité du corps et
du col avec de la glycérine créosotée, application dans la
cavité du col d'une mèche de gaze iodoformée, imbibée
du même mélange. Le premier pansement est laissé en place
48 heures; le deuxième, trois ou quatre jours; ensuite, on ne fait que destamponnements vaginaux.
Les résultats thérapeutiques obtenus ont été excellents et
sur quarante cas opérés de cette façon, M. Bouilly n'a eu que deuxinsuccès; unenouvelle excision de la muqueuse réussit à
débarrasser ses deux malades de leur endométrite cervicale.
Malheureusement, nous n'avonsjamaisvude femme, opérée
par cette méthode, et nous n'avonspasd'observation à joindre
aux quarante cas de la statistique de Bouilly; mais, ce petit procédé, commel'appelle sonauteur, nous semble très ration¬
nel, ingénieux, et puisqu'il donne d'aussi bons résultats, il mé¬
rite d'être beaucoup plus employé qu'il ne l'est à l'heure
actuelle.
CHAPITRE III
Endométrites totales catarrhales et muco-purulentes.
Sous le terme d'endométrites catarrhales et muco-puru¬
lentes, nous réunissons des affectionsde l'utérus dont l'étiologie
est variable, mais qui, toutes, sont caractérisées pardes pertes
utérines abondantes, d'un blanc jaunâtre, ou franchement purulentes, plus ou moins associées à des pertes cervicales
d'une couleur identique, mais tenaces, gélatineuses, et très adhérentes, moinscependant que les sécrétions de l'endomé- trite cervicale, probalement parce qu'elles sont mélangées aux sécrétionsplus liquidesdu corps.
Ces endométrites reconnaissent le plus souvent une étiologie
infectieuse d'origine blennorrhagique ou puerpérale. Quand elles sont consécutives à la blennorrhagie, les endométrites muco-purulentes sont d'un diagnostictrès simple ; lesendomé¬
trites de subinvolution pourraient être confondues, si on faisait
un examen peu soigneux, avec la métrite parenchymateuse.
Quand l'inflammation est récente, quand elle n'intéresse la muqueuse que dans ses couches superficielles, on devra
essayer des moyens médicaux. D'ailleurs, le médecin ne songe pas, de prime abord, à curetter ces utérus qui ne sont le siège
que d'une inflammation superficielle et transitoire qui peut facilement rétrocéder sous l'influence du repos, des injections
vaginaleset de quelques crayons antiseptiques. Si ces moyens
échouent, les échecs ne doivent pas tant être attribués à l'in¬
suffisance du traitement médical, qu'à la manière dont ce
traitement est suivi par lesmalades. Les guérisons obtenues
par le médecin, dans ca clientèle privée, sont rapides et nom¬
breuses dans l'endométrite catarrhale récente, quand ses recommandations sont suivies, quand la malade observe le
repos au lit, quand elle prend les soins antiseptiques néces¬
saires et qu'elle s'abstient de tout coït intempestif pendant la
durée de sontraitement. Mais, il n'en est plus de même pour les malades qui ne sont vues qu'aux heures de la consul¬
tation, qui ne peuvent, à cause de leur situation de fortune, garder le repos et sont obligées de vaquer aux soins de leur ménage ou.de continuer à travailler en dehors de chez elles.
Nous avons eu des exemples nombreux de la lenteur de la guérison dans ces cas, et de la résistance d'une affection toute superficielle et bénigne. Les accidents s'éternisent et s'aggra¬
vent, la lésion arrive à intéresser les couches profondes de la
muqueuse utérine, les moyens médicaux deviennent insuffi¬
sants,ilsaméliorent maisnedonnentpasuneguérison définitive.
Pour cette catégorie de femmes, je crois qu'il est préférable, si
on ne voit pas leur état s'améliorer au bout de quelques semaines, de leur proposer un traitement plus actif et plus rapide par le curettage.
Le curettage donne de bons résultats dans cette variété cli¬
nique d'endométrite. S'ilne réussit pas aussi souvent que dans
l'endométrite hémorrhagique, il donne assez de succès pour
être considéré comme l'opération de choix.
Bouilly, sur 30 cas de curettage, fait chez des
malades
atteintes d'endométrite muco-purulente, a eu 19 succès et
11 insuccès; mais, sur ces 11 insuccès, il yavait 4 métrites cer¬
vicales, dans lesquelles l'infection atteint les culs-de-sac glan-
- 24 —
dulaires profonds de lamuqueuse du col et qui sont
justiciables
de l'opération complémentaire, imaginée, depuis lors, par ce chirurgien et que nous avons signalée au chapitre précédent.
Dans la thèse de Mme Vinaver, nous trouvons plusieurs
observations d'endométrites catarrhales guériesaprès lecuret- tage seul. La malade, qui fait !e sujet de son observation XIX,
a été revue un an après par M. Richelot qui l'avait opérée, la guérison persistait.
L'observation III.de la thèse de Péraire a trait àune malade, guérie par le curettage, d'une endométrite muco-purulente d'origine blennorrhagique; la guérison persiste pendant quel¬
ques mois; puis, la malade est réinfectée par son mari, qui est
atteint d'une uréthrite chronique. Cette observation nous
paraît très intéressante car il nous semble que des faits de ce genre sont très fréquents. Si la malade n'avait pas été revue à plusieurs reprises, si elle n'avait pas su ou voulu avouer que
son mari avait une gonorrhée chronique, on aurait porté le
cas de cette malade au compte des insuccès opératoires du curettage.
Nous pensons que toute femme qui, aprqs curettage, a eu des règles normales et n'a éprouvé aucun phénomène doulou¬
reux pendant la durée de l'écoulement menstruel, qui, après
ses règles, n'apasd'écoulement leucorrhéique, et dont l'utérus
n'est pas sensible à la palpation bi-manuelle, doit être consi¬
déréecomme guérie par l'intervention opératoire. L'apparition
des règles prouve la régénération du réseau capillaire super¬
ficiel de la muqueuse, d'où s'écoule le sang menstruel, et par
conséquent, la régénération de cette muqueuse.
L'absence de douleurs et de pertes blanches est l'indice de
l'absence de phénomènes inflammatoires du côté de l'endo-
mètrenéoformé.
Si on songe aux chances multiples d'infection auxquelles est
soumis l1appareil génital de la femme
(blennorrhagie,
mens¬truation, accouchement, avorteraient), on comprend qu'une réinfection nouvelle, sans aucun rapport avec l'infection pour laquelle le chirurgien est intervenu, peut facilement s'installer chez une femme guérie d'une endométrite précédente.
Cependant, bien que pour nous, une guérison absolue pen¬
dant quelques mois, soit aussi concluante qu'une guérison
datant de plusieurs années, nous allons citer quelques obser¬
vations montrant que les résultats excellents, obtenus immé¬
diatementaprès le curettage, ont persisté très longtemps après l'opération.
OBSERVATION I, résumée(empruntée au mémoire de Mme Sarrautc).
MmeG..40ans. Endométritemuco-purulente. Curettage le 27 jan¬
vier 1885. Tampons iodoformés dans l'utérus. Guérison complète.
Grossesse immédiatement après le curettage, cependant cette femme
était depuis 20 ansstérile. Accouchement normal en 1886.
Résultats éloignés: Revue en 1890, 5 ans plus tard, la guérison s'est parfaitement maintenue.
OBSERVATION II résumée, (empruntée à Mme Sarraute).
Mme J..45ans. Endométrite etvaginite blennorrhagique.
L'écoulement datait d'un an. Curettage le 17 mars 1885. Guérison parfaite.
Résultats éloignés : Revue tous les ans. En 1890, 5 ans après le curettage, la guérison persiste.
OBSERVATION III résumée, (empruntée à Mme Sarraute).
Mme V..., 28 ans. Endométrite muco-purulente datant de trois ans et demi, vaginite intense; vaste déchirure du col, qui est représenté par trois bourgeons charnus, sanieux et couverts de pus. Grattage de ces
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bourgeons etcurettage de l'utérus, le
16 octobre 1885. La guérison fut
complète.
Résultatséloignés : Revue enjuin 1890, près de
5
ansplus tard, cette
femme va très bien et ne perd plus, quoique le col
n'ait
pasété
restauré.
OBSERVATION IV résumée, (empruntée à MmeSarraute).
Mme p...}30 ans. Endométrite purulente. Curettage
le 27 juillet 1885.
Guérison.
Résultats éloignés:Revue en1890, près de5 ans
plus tard, la guérison
persiste.
OBSERVATION V résumée, (empruntée à Mme Sarraute).
MmeS..., 32 ans. A eu une grossesse,il y asept ans.
Endométrite
puru¬lente sans hémorrhagies. Curettage le 16 novembre 1887.
Guérison
complète.
Résultatséloignés :Revue en 1890, environ 3 ansplustard,
la guérison
s'estmaintenue.
OBSERVATION VI, (empruntée àla thèse de ITuguenin).
Mme I)..., 32 ans. Endométritechronique datantde sadernière couche.
Curettageen mars 1887. Guérison.
Résultats éloignés: Revue aumois de mai 1892, plus de 5 ans
après
l'opération, la guérisons'est parfaitementmaintenue.Deux ans
après le
curettage, elle devint enceinte et accoucha à ternie. Depuis,
elle
vatrès bien.
OBSERVATION VII, (empruntée àla thèse de Huguenin).
Mme L..., 26ans, réglée h13 ans;depuis, ses règles sontirrégulières;
elles durent de 3à 8jours par mois. Elle n'a jamais eu ni enfant, ni
fausse couche. A la suite d'une vaginite, elle eut des pertes blanches
intermittentes, parfois très abondantes, mais jamais elle n'a perdu en ronge, ni souffert beaucoup dans le ventre.
Entrée auDispensaire, au commencement dejanvier1891, on trouva à l'examen : Col vierge, conique, rétrécissement au niveau de l'orifice interne qui ne peut être franchi parl'hystèromètre;utérus mobile. Le diamètre de sa cavité est de 7 centimètres 1/4. On ne trouve rien d'anormal dans les culs-de-sac.
Diagnostic : Endométrite blennorrhagique à la suite de vaginite.
Curettage le 17 janvier 1891 après dilatation. Suites normales. Pas de température.
Résultatséloignés : Revue le 25novembre 1891, 10 mois aprèsl'opéra¬
tion, la malade nesouffre plus ; elle n'a quequelquespertes claires très abondantes ; mais, elle adu vaginisme et souffre pendant le coït. Il n'y
a pasd'atrésie. Le diamètre dela cavité utérinemesure 6 centimètres 1/2.
OBSERVATION VIII, (empruntée à la thèse de Huguenin).
Mme R..., 37 ans. Réglée à 17 ans. Elle a eu quatreenfants, le dernier
en1886. Depuis 1885, ellea despertes blanches abondantes et de vives douleurs dansle ventre, mais elle n'a jamais perdu de sang.
Elle entre au Dispensaire aumois d'août 1888. Curettage le 19 août 1888. Suitesnormales.
Résultats éloignés : Jusqu'au mois d'août 1889, c'est-à-dire pendant
unan, elleva trèsbien, elle ne souffre plus, etn'a plus de perte. Acette époque, elle devient enceinte, grossesse très pénible; à plusieurs reprises, vomissements incoercibles. Au mois de mai 1890, elle accouche
à terme d'un enfant mort depuis dix jours.
M. Quénu la revoit le 28octobre 1891. Depuis cettedernièregrossesse, elle a de nouveau despertes blanches abondantes. L'utérus est en ante- flexion. Sa cavité mesure8 centimètres. Le col estvolumineux, érodésur ses deux lèvres. Les culs-de-sacsontlibres etindolents.
OBSERVATION IX (Personnelle).
Endométritemuco-purulente— Premier degré deprolapsus.
MmeM..., 24ans, sansprofession, premières règlesà 12ans1/2;mens¬
truation toujours régulière, 2 grossesses à 21 ans et 23 ans; première
grossessegémellaire, accouchement à huit mois, enfants vivants, fièvre