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journal des Débats Commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche

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journal des

Débats

Commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche

Le 17 mai 1973 - N ° 52

Aménagement de la rivière Jacques-Cartier (2)

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Préliminaires B-1761 M. Etienne Corbeil B-1761 M. Guy Lemieux B-1764 Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier B-1775 Corporation des ingénieurs forestiers de la province de Québec B-1788 Fédération québécoise de la faune B-1792 M. Claude Bernard B-1794 Conseil québécois de l'environnement B-1800 Centre de recherche écologique B-1802 Hydro-Québec B-1804 Régionale des jeunes chambres de Québec B-1805 Jeune Barreau de Québec B-1806 Fédération québécoise de canot-kayak B-1810 Association des parcs nationaux et provinciaux du Canada B-1812 Fédération des clubs de montagne du Québec B-1814 Dépôt de documents B-1816 Conseil régional des loisirs de Québec B-1817 Casting club de Québec B-1819 Société linnéenne de Québec et Société zoologique de Québec B-1822 Fédération canadienne de la nature B-1823 Programme biologique international B-1825 M. Michel Jurdant B-1827 MM. Michel Talbot et Raynald Lortie B-1831 Hydro-Québec (suite) B-1833

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M. George Kennedy, président M. André Harvey M. Claude Simard M. Gilles Massé M. Victor Goldbloom M. Gilles Houde M. Jean Perreault M. Kevin Drummond M. Gabriel Loubier M. Clément Vincent M. Ronald Tétrault M. Roger Pilote M. Lucien Lessard M. Gérald Harvey M. Armand Bois M. Robert Burns

* M. Etienne Corbeil, expert invité

* M. Guy Lemieux, expert invité

* M. Jean Bédard, Comité pour la conservation de la Jacques-Cartier

* M. Raymond Labrecque, idem

* M. Gilbert Paillé, Corporation des ingénieurs forestiers de la province de Québec

* M. Tony LeSauteur, Fédération québécoise de la faune

* M. Claude Bernard, à titre personnel

* M. Michel Maldague, Conseil québécois de l'environnement

* M. Pierre Legendre, Centre de recherche écologique

* M. Rolland Giroux, Hydro-Québec

* M. Yves Renaud, Régionale des jeunes chambres de Québec

* M. Pierre Nadeau, Jeune Barreau de Québec

* M. Lome Giroux, idem

* M. Pierre Leroux, Fédération québécoise de canot-kayak

* M. Donald Ross, Association des parcs nationaux et provinciaux du Canada

* M. Michel Fleury, Conseil régional des loisirs de Québec

* M. Phil Leduc, Casting club de Québec

* M. Jean-Guy Fréchette, Société linéenne de Québec et Société zoologique de Québec

* M. Jean-Paul Thibault, Fédération canadienne de la nature

* M. Gilles Lemieux, Programme biologique international

* M. Michel Jurdant, à titre personnel

* M. Raynald Lortie, à titre personnel

* M. Yvon DeGuise, Hydro-Québec

* M. Paul Laurent, idem

* M. Georges Pelletier, idem

* M. Pierre Dumas, idem

* M. Jacques Gauthier, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission parlementaire.

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Commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche

Aménagement de la rivière Jacaues-Cartier Séance du jeudi 17mai 1973 (Dix heures quatorze minutes)

M. KENNEDY (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

Au départ, je voudrais faire remarquer que M. Goldbloom remplace M. Cadieux; que M.

Loubier remplace M. Gagnon, de Gaspé-Nord;

que M. André Harvey remplace M. Louis- Philippe Lacroix, député des Iles-de-la-Madelei- ne, et que M. Jean Perreault remplace M.

Saint-Pierre, député de Verchères. Adopté?

MM. les ministres, M. le chef de l'Opposi- tion, mesdames et messieurs, nous reprenons ce matin les audiences sur la question de la Jacques-Cartier. Je demanderais à ceux qui ont des mémoires à présenter de nous faire un résumé, puisque nous avons déjà les mémoires complets qui ont été soumis aux autorités, lesquelles en prendront bonne note, je crois bien.

Nous allons commencer ce matin par M.

Etienne Corbeil qui est un expert invité. Est-ce que M. Corbeil est présent?

Excusez, M. le ministre aurait quelques mots à dire.

Préliminaires

M. SIMARD (Richelieu): Je voudrais simple- ment faire une mise au point. J'aimerais dire à cette assemblée qu'en tant que ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche je voudrais qu'il soit bien clair, dans l'esprit de tout le monde et de tous les membres de cette commission, que, de par mon mandat, je me dois de faire respecter toutes les lois de mon ministère. Je veux faire cette mise au point, M.

le Président, car, cette semaine, on a laissé planer certains doutes sur la décision que j'avais prise en février. J'ai pris une décision très sérieuse, à ce moment-là, et je dois vous dire très sincèrement que je la maintiens ici ce matin.

Nous avons justement accepté cette commis- sion parlementaire afin que l'Hydro-Québec et tous les groupes intéressés puissent se faire entendre. C'est à la suite de toutes ces informa- tions que le gouvernement ou le conseil des ministres prendra une décision finale à ce sujet.

Encore une fois, ce sera mon rôle de défendre les intérêts de mon ministère auprès du conseil des ministres, mais, si le gouvernement décide que l'aménagement de la rivière Jacques-Cartier sera pour le plus grand bien du Québec et de

tous les Québécois, bien sûr, il est clair que je fais partie d'un gouvernement et que je serai solidaire de la décision finale du conseil des ministres.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Alors, M.

Corbeil, la parole est à vous.

M. Etienne Corbeil

M. CORBEIL: M. le Président, ayant été désigné par les autorités du ministère pour faire partie du comité interministériel sur la Jacques- Cartier, je me suis grandement intéressé à ce projet et je tiens à remercier la commission de me fournir l'occasion de donner mon idée personnelle sur le sujet.

A la fin du siècle dernier, deux importants mouvements de conservation se sont développés parallèlement aux Etats-Unis. L'un voulait, par la création des réserves forestières, soustraire des forêts publiques à l'aliénation et à la colonisation en vue d'en assurer la protection et l'exploitation rationnelle.

L'autre désirait, par la création de parcs, soustraire des territoires publics non seulement à l'aliénation et à la colonisation, mais aussi à toutes formes d'exploitation industrielle des ressources que ces territoires peuvent contenir.

Dans l'un et l'autre cas, on visait aussi à protéger l'eau et la faune. Sous l'influence de ces mouvements de conservation, le Canada et certaines provinces emboîtèrent rapidement le pas.

C'est ainsi qu'en 1885 fut créée, dans la région de Banff, la première réserve canadienne qui devint l'année suivante le Rocky Mountain Park of Canada. Au Québec, sous le nom de parcs, furent créées presqu'en même temps les deux premières réserves forestières: celle du parc de la Montagne Tremblante en juillet 1894 et celle du parc des Laurentides en janvier 1895.

La loi créant le parc des Laurentides dit que ce territoire est mis à part comme réserve forestière, endroit de pêche et de chasse, parc public et lieu de délassement, sous le contrôle du commissaire des terres de la couronne, pour les citoyens de la province, sous réserve des dispositions de cette loi et des règlements qui seront faits en vertu d'icelle, et sera connu sous le nom de parc national des Laurentides.

Même si les expressions parc et lieu de délassement reconnaissent un objectif de récréa- tion à la vocation du parc des Laurentides, il est évident que le but premier poursuivi par les initiateurs du projet est d'assurer la protection et l'aménagement de la forêt et de faciliter l'exploitation de la faune. A cette époque, les goûts de la population, en ce qui concerne les activités de plein air, sont d'abord et avant tout et on peut même dire exclusivement orientés vers la pratique des sports de la chasse et de la pêche.

C'est sans doute la raison pour laquelle dès

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l'année 1900, voyant le nombre de chasseurs et des pêcheurs augmenter, on suggère la création de réserves destinées spécialement à la protec- tion et à l'exploitation de la faune, c'est-à-dire des territoires bien protégés et bien pourvus de gibier de toutes sortes à offrir aux amateurs de chasse et de pêche. C'est sans doute à cause de cet engouement pour la chasse et la pêche qu'on en est venu avec le temps à ne considérer les parcs et les réserves que comme des territoi- res destinés à protéger la faune, qu'on en est venu à tolérer avec facilité l'exploitation indus- trielle de leurs ressources, ne tenant compte que des effets que cette exploitation pourrait avoir sur la faune, sans se soucier de son impact sur les valeurs esthétiques et culturelles.

Jusque vers 1960, les parcs n'étaient prati- quement fréquentés que par des adeptes de la chasse et de la pêche, ce qui naturellement a favorisé leur développement en fonction de ces activités.

Jusque-là, il n'y avait à peu près rien dans les parcs du Québec pour les autres activités de plein air. Cependant, en 1960, avec l'avènement de la vogue du camping au Québec et de la vie en pleine nature, la situation a changé et, depuis, a rapidement évolué. Ce que nos gens veulent aujourd'hui c'est non seulement de la chasse et de la pêche mais aussi et surtout de la vie en plein air, des contacts directs avec la nature, de la détente, du repos et de la tranquilité loin des centres urbains, toutes choses que les parcs sont en mesure d'offrir dès qu'on en facilite l'accès.

Aujourd'hui, ce que la population demande c'est qu'on respecte l'intégrité des parcs et qu'on prenne les dispositions nécessaires pour mettre en valeur tous leurs aspects récréatifs et pour faciliter leur accès. Nos gens deviennent de plus en plus conscients de la valeur esthétique, culturelle et récréative des aires de pleine nature que constituent les parcs et sont de plus en plus soucieux de les conserver dans leur intégrité.

Pour répondre à ce voeu et à ce besoin de la population, le gouvernement du Québec doit donc conserver intacts et mettre à la disposition des Québécois des espaces verts reconnus pour leur valeur esthétique et leurs possibilités de récréation de plein air.

L'exploitation commerciale des ressources d'un parc entrafne naturellement des conflits avec les fonctions, conservation et récréation. Si nos parcs étaient davantage fréquentés, ces conflits seraient encore plus manifestes car on ne peut y échapper, l'utilisation commerciale des ressources diminue le potentiel récréatif et éducatif des parcs. Si on n'y prend garde, lorsque la demande de la part de la population se fera plus pressante ou que la décision d'exploiter le potentiel touristique-économique de ces parcs sera enfin prise, les ressources- support: l'eau, la forêt, le paysage auront été gaspillées. Les plus beaux sites de la province auront été sacrifiés pour une exploitation com- merciale plus rentable à court terme.

Le projet de construction, par l'Hydro- Québec, d'une centrale à réserve pompée sur la rivière Jacques-Cartier comprend principale- ment la construction d'un barrage de 180 pieds de hauteur qui créera un lac dont les dimen- sions seront les suivantes: longueur, environ 23 milles; largeur, environ 1,000 pieds; profon- deur, 173 pieds au barrage, 78 pieds à la limite du parc et 40 pieds à la centrale. Il comporte également la construction de barrages pour utiliser les lacs sur le plateau comme réservoirs de tête. Un tel projet est un cas type qui pose à nouveau, de façon aiguë, le problème de l'inté- grité des parcs du Québec. Il affectera la vallée de la Jacques-Cartier qui est l'une des deux régions les plus précieuses du parc des Laurenti- des et que, pour diverses raisons, on doit considérer comme un patrimoine naturel qu'il faut conserver intact; l'autre région étant les Grands Jardins où le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a réintroduit le caribou au cours des dernières années.

La vallée de la Jacques-Cartier est un mor- ceau de parc d'une valeur exceptionnelle situé à moins de 30 milles de la ville de Québec.

C'est la diversité des éléments qui la consti- tuent qui font toute sa richesse. En effet, son relief est unique et on y trouve plusieurs associations de peuplements forestiers regrou- pés sur un territoire restreint. On peut observer, au fond de la vallée, des peuplements de feuillus constitués surtout d'érables et de bouleaux, suivis successivement sur les parois et selon l'altitude de toute la gamme des types de peuplements forestiers, depuis la sapinière à bouleaux jaunes jusqu'à la pessière. Ces associa- tions de peuplements forestiers doivent être conservées intactes pour qu'on puisse, dans quelques décennies, observer certains échantil- lons types des forêts québécoises à leur climat.

Bien que la pêche ne soit pas considérée actuellement comme un élément majeur dans cette partie du bassin de la Jacques-Cartier, elle est très recherchée par les sportifs à certaines périodes de l'année et principalement à cause du caractère particulier de la pêche en rivière dans un site aussi exceptionnel. Le Service de la faune poursuit depuis 1970 un programme d'aménagement pour améliorer la pêche dans les lacs sur les plateaux.

Une route des plus pittoresques, qui longe présentement toute cette partie de la rivière Jacques-Cartier, permet l'accès de la vallée à tous les amateurs de vie au grand air pour y pratiquer leur sport favori: canotage, camping rustique, alpinisme, excursions, photographie, etc., ou encore aux étudiants et aux scientifi- ques pour observer et y étudier les différents milieux écologiques.

La réalisation du projet de l'Hydro-Québec aura des effets néfastes sur la biologie, l'écolo- gie et l'esthétique de cette vallée. Ce projet créera un lac de plus dans un parc où il y a des centaines de lacs magnifiques. Le lac ainsi formé ne sera pas un enrichissement du patri-

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moine naturel du Québec; ce sera tout au plus un immense fossé très profond, d'environ 23 milles de longueur par environ 1,000 pieds de largeur, encaissé entre des parois très hautes.

La vallée sera engloutie sous une épaisse couche d'eau qui fera disparaître des peuple- ments forestiers précieux dont certains très vieux et irremplaçables. Une rivière magnifique fera place à un lac aux berges escarpées, donc sans zones de végétation, et dont le niveau d'eau sera soumis à des fluctuations fréquentes et importantes, environ quatre pieds pour une turbine.

Les modifications profondes apportées à l'habitat en feront un lac improductif où la pêche sera peu importante d'abord par la rareté du poisson, puis par le manque d'intérêt que peut présenter un lac semblable. La construc- tion de réservoirs de tête pour l'installation de turbines supplémentaires, car il y en aura d'autres, diminuera sensiblement la pêche dans d'autres lacs sur le plateau, réduisant encore davantage le potentiel de pêche de cette région et la décorant d'un affreux réseau de tours de transmission.

L'accessibilité à cette gorge, puisque la vallée n'existera plus, sera pratiquement nulle. La seule route possible et qui existe présentement le long de la rivière disparaîtra sous l'eau, et la construction d'une autre route est irréalisable à cause de l'escarpement des falaises. Le site ne sera donc accessible que par chacune des extrémités d'un lac de 23 milles de long et le déplacement se faisant uniquement par eau, la majorité des activités de plein air deviendront impraticables.

Les aménagements proposés par l'Hydro- Québec n'ajouteront rien à ce site qui aura perdu la plus grande partie de sa valeur par la disparition de la vallée: tout au plus, rendraient- ils plus accessibles certains territoires avoisi- nants localisés sur les plateaux. La route dite panoramique est, en réalité, une route de service et elle passe trop loin à l'intérieur pour faciliter la visite du canyon.

La vallée de la rivière Jacques-Cartier, qui est en partie située dans le parc des Laurentides, offre des possibilités extraordinaires pour des fins éducatives et pour toutes les formes de récréation de plein air. La construction d'une centrale à réserve pompée, non seulement rédui- ra considérablement l'utilité de ce site mais détruira de façon définitive une de ses parties les plus précieuses.

Comme la Loi des parcs, chapitre 201, article 6, dit ceci:

"Nul, sauf les personnes ayant bail, licence ou permis, ne peut s'établir ou se fixer sur, se servir de ou occuper aucune partie du parc, et aucun bail, licence ou permis, qui diminue ou peut diminuer l'utilité du parc, ne peut être fait, accordé ou émis", il est donc impossible, sans modifier la loi actuelle des parcs, d'autori- ser la réalisation du projet de l'Hydro-Québec.

Conclusions. La vallée de la Jacques-Cartier,

à cause de son potentiel éducatif, culturel, récréatif et biologique, doit être considérée comme une partie de notre patimoine national qu'on doit conserver à tout prix. C'est un espace vert nécessaire près de la ville de Québec.

L'Hydro-Québec n'a pas épuisé toutes les possibilités et il existe d'autres sites compara- bles qui pourraient être utilisés pour répondre aux besoins de 1979. Le retard anticipé par l'utilisation d'autres sites ne justifie pas de gâcher irrémédiablement un site comme celui de la Jacques-Cartier.

Il y a une urgence de préparer un plan de mise en valeur de cette région afin d'en faire profiter pleinement toute la population du Québec.

Le projet de l'Hydro-Québec sur la rivière Jacques-Cartier, réduisant considérablement l'utilité d'un site situé dans le parc des Laurenti- des, ne peut être autorisé par la Loi des parcs provinciaux.

C'est tout M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Merci, Dr Corbeil.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, Dr Cor- beil, vous avez dit, au début de vos remarques, que c'est une opinion personnelle que vous exprimez et le président de la commission, en vous présentant, vous a appelé expert invité.

Est-ce qu'on peut connaître vos titres et est-ce que vous pouvez nous indiquer comment ce que vous avez présenté a été préparé? Est-ce un travail qui vous est absolument personnel ou est-ce une collaboration avec d'autres fonction- naires du gouvernement?

M. CORBEIL: J'occupe actuellement le pos- te de directeur général de chasse et de pêche et je suis biologiste de formation. Comme je l'ai mentionné au début, j'ai été désigné par mon ministère pour le représenter au comité intermi- nistériel. Au départ, on croyait qu'il serait question surtout d'un problème de biologie et d'environnement. Le travail que j'ai préparé ici est un travail personnel qui provient de l'idée que je me suis faite lorsque j'ai pris connaissan- ce de tous les détails, ou du moins des détails qui étaient disponibles, concernant la rivière Jacques-Cartier. Il a été complété à l'aide de documents que j'ai pu retracer au ministère sur l'origine des parcs et de lectures que j'ai faites.

C'est une opinion personnelle que j'émets. Je ne vous cacherai pas qu'elle est connue des autorités de mon ministère, mais c'est mon opinion à moi.

M. GOLDBLOOM: Merci.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): J'inviterais maintenant M. Guy Lemieux, un autre expert invité, à présenter son mémoire. A la suite de la présentation de ces deux mémoires, nous aurons une période de questions.

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M. PERREAULT: D'accord.

M. Guv Lemieux

M. LEMIEUX: M. le Président, c'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation de la commis- sion.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. Le- mieux, pourriez-vous nous réciter vos titres, pour le journal des Débats?

M. LEMIEUX: Si vous y tenez. Je suis d'abord, de profession, ingénieur forestier. J'ai préparé mon Ph.D. en écologie à l'Université du Michigan. Pendant dix ans, j'ai fait de la recherche écologique sur les forêts du Québec puis, dans les dix dernières années, j'ai fait surtout de l'aménagement du territoire, de la planification au BAEQ, au ministère fédéral de l'Expansion économique. J'ai été quatre ans directeur général des parcs et maintenant je suis, à l'OPDQ, responsable de l'aménagement du territoire et des ressources.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Très bien, allez-y.

M. LEMIEUX: M. le Président, c'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation de la commis- sion de venir présenter mon point de vue sur le projet d'aménagement de la Jacques-Cartier.

C'est tout simplement en tant que profes- sionnel du plein air et des parcs que je veux If faire. Il s'agira, si l'on veut, de la contrepartie

"experte" en plein air et conservation à l'exper- tise en électricité présentée par l'Hydro-Québec.

Je n'ai nullement la prétention d'être un grand expert dans le domaine; je puis seulement vous assurer que, si vous convoquiez demain n'importe quel aménagiste ou spécialiste de parcs, américain ou canadien, il vous donnerait, à peu de choses près, le même avis. J'essaierai, M. le Président, d'être le plus bref possible pour ne pas abuser du temps de la commission.

Nous avons affaire ici à un cas classique de conflit en aménagement du territoire. En fait, on peut dire que ce débat vient fort à propos, alors que le Québec a décidé de s'attaquer à ce sujet. L'action en ce sens est déjà engagée par l'OPDQ auprès des ministères dans le but de préparer des schémas régionaux d'aménagement qui auront justement à proposer des solutions pour des conflits de ce genre. Un avant-projet de loi, précisant les modalités de cette action, a déjà été déposé et est présentement à l'étude.

C'est donc dans l'optique de l'aménagement rationnel du territoire québécois que je vous propose d'analyser le problème. Il s'agit, dans ce cas, d'un conflit entre deux utilisations majeures d'un site qui possède un potentiel exceptionnel pour les deux utilisations.

A première vue, on ne peut blâmer l'Hydro- Québec de loucher du côté d'un site pareil. Ses représentants ont exposé leurs arguments là-des-

sus et, si vous le permettez, j'y reviendrai plus loin. Examinons tout d'abord le potentiel ré- création-tourisme du canyon de la Jacques- Cartier pour pouvoir mieux évaluer ensuite l'impact du projet de l'Hydro-Québec.

Tout le monde connaît l'importance des attractions naturelles pour le tourisme. Tous les grands parcs nationaux, américains ou cana- diens, ou même européens, ont été créés autour de telles attractions et, en 1970, les parcs nationaux américains ont attiré 171 millions de visiteurs, alors que les parcs nationaux cana- diens en attiraient 13 millions.

Or, pour ceux qui connaissent intimement le territoire du Québec, le canyon de la Jacques- Cartier est, de tous les sites dignes d'être constitués en parcs, l'un des plus spectaculaires.

Seuls les Chics-Chocs et le canyon de la Malbaie s'en rapprochent. C'est littéralement notre Grand Canyon. On ne peut que féliciter ceux qui à l'origine l'ont inclus dans les limites du parc des Laurentides.

Tout de suite, la question se pose: Qu'est-ce que ce canyon a de si exceptionnel? Qu'est-ce qu'on trouve là qu'on ne peut trouver ailleurs?

Tout d'abord, il y a une rivière tumultueuse qui coule au fond d'une vallé encaissée dont les parois sont presque verticales à plusieurs en- droits. Déjà, on a là un panorama remarquable vu du plateau qui la domine.

Mais, dans le cas de la Jacques-Cartier, il est possible également de pénétrer dans la vallée et d'y faire soit du canotage, soit de la randonnée à pied, à cheval, en raquette ou en ski de fond et d'y vivre une expérience unique de sauvage- rie, ce que les Américains, les Anglais appellent

"wilderness experience". Une telle expérience est difficile à décrire mais tous les amateurs de plein air savent de quoi il s'agit. Certaines parois se prêtent également à l'alpinisme et on peut aussi y pratiquer la pêche en rivière, même si, comme le Dr Corbeil le disait tout à l'heure, ce n'est pas l'endroit qui a le plus haut potentiel au point de vue de la pêche dans le parc des Laurentides.

Toutes ces activités sont possibles à l'heure actuelle grâce à une étroite terrasse de part et d'autre de la rivière qui permet d'aménager un chemin de pénétration et des sentiers discrets.

Les Jésuites connaissaient bien cette possibilité, eux qui y ont aménagé le sentier de liaison avec le Lac-Saint-Jean, en passant par la Métabet- chouane.

Or, le jour où l'on inonde le fond de la vallée, la rivière et ses terrasses disparaissent.

Fini le canotage en eaux rapides, finie surtout la pénétration par chemins ou sentiers. On restera avec un lac comme il y en a des milliers au Québec, sauf qu'il sera très étroit, une sorte de fjord, et peu utilisable pour les sports aquati- ques. Les parois abruptes qui se jetteront dans l'eau permettront peu d'aménagements et les seules rives aménageables seront celles situées à proximité du barrage projeté, soit à l'extérieur du parc actuel.

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Les aménagements récréatifs proposés par l'Hydro-Québec ne pourront être différents de ceux qu'on peut faire ailleurs sur des sites beaucoup plus propices comme, par exemple, le lac Montauban dont le potentiel est infiniment supérieur à celui de tout lac artificiel qu'on pourrait créer sur la Jacques-Cartier. Il a, entre autres, une plage de un mille de long où la charge du lac est à la tête de la plage et la décharge à l'autre bout de la plage, donc un drainage continuel et un site idéal qu'on peut aménager en plage non polluée.

C'est donc dans les termes suivants que se pose le problème de la conservation de la Jacques-Cartier. Le potentiel attractif unique du canyon disparaît le jour où on l'inonde. On aura alors un lac comme les autres, mais moins facilement utilisable que les autres.

Il ne s'agit pas alors de parler d'inondation de 0.05 p.c. de la superficie du parc des Laurentides, mais bien de la destruction d'au moins 75 p.c. du potentiel d'attractivité du site le plus spectaculaire non seulement du parc mais de toute la région de Québec. Et aucun aménagement récréatif de substitution ne pour- ra compenser pour cela. L'ensemble du parc des Laurentides a un excellent potentiel pour la pêche et la chasse, mais pour toutes les autres formes de récréation de plein air le canyon de la Jacques-Cartier est unique.

Enfin, je ne donnerais pas cher pour le peu de potentiel qui persisterait encore après l'amé- nagement hydro-électrique. Qu'on pense seule- ment aux chemins de pénétration pour la machinerie lourde jusqu'aux sites des forages et des barrages, tant sur les lacs de tête qu'au barrage principal, aux tonnes de pierre et de gravier à déplacer, lors du creusage des condui- tes souterraines, aux fluctuations du niveau de l'eau. Effectivement, si le projet de l'Hydro- Québec se réalise, mieux vaut oublier la récréa- tion complètement à cet endroit et aller investir ailleurs. Et que l'Hydro-Québec rentabilise enfin son installation au maximum en dévelop- pant si nécessaire cinq ou six autres réservoirs supérieurs en relation avec le même réservoir de la Jacques-Cartier, donc de profiter au maxi- mum de ce réservoir-là.

En somme, le plus gros du mal est fait dès l'implantation de la première centrale à réserve pompée et l'aménagement des eaux ne fera qu'amplifier légèrement le problème.

A notre avis, le canyon de la Jacques-Cartier doit être préservé dans son état actuel et aménagé de façon très discrète juste pour le rendre accessible. Il viendrait alors compléter de façon extraordinaire le pôle d'attraction touris- tique qu'est déjà Québec. Si l'on considère sa localisation par rapport à Tewkesbury, Stone- ham, la route 54 et les centres de ski, de camping, et de villégiature de cette région, on peut imaginer le dévelloppement toutes saisons qui pourrait survenir sur ce territoire avec l'aménagement du canyon et des routes qui y mèneraient. On y observerait sûrement le même phénomène qu'aux abords du Grand Canyon de

Yellowstone, etc., soit l'implantation de servi- ces privés d'accueil tels que les motels, chalets, camping.

L'aménagement du canyon devrait compren- dre, en plus d'une route d'accès, un centre d'accueil, des sentiers de randonnée, des refuges et des campings primitifs, rien de plus! Tout aménagement plus intensif ne ferait qu'étouffer le potentiel du site.

Devant un potentiel aussi unique pour la récréation et le tourisme, revenons maintenant au projet hydroélectrique. Est-il aussi sûr que le site est aussi unique du point de vue hydroélec- trique qu'il l'est du point de vue récréatif? Je pense que c'est une des questions qu'il faut se poser.

Est-on sûr qu'il n'y a pas d'autre alternative possible dans le même secteur? Un rapide coup d'oeil sur les cartes — et ici je le dis tout simplement en observation comme ça, parce que je ne suis en aucune façon un expert en hydro-électricité — nous a permis de localiser des sites possibles sur la rivière Sainte-Anne-du- Nord juste derrière le site de Saint-Joachim.

La dénivellation locale y est de 800' pour le lac Savanne, 850' pour le lac Davy et 1,000' pour le lac Saint-Louis. Sur l'autre rivière Sainte-Anne, celle de Portneuf, le lac Bail par exemple donne une dénivellation de 900'. Il est évident que pour trouver des dénivellations aussi fortes sur un site donné, d'après l'histoire géologique et la géomorphologie générale de la province, on ne pourrait pas trouver ça entre deux lacs simplement, c'est généralement entre des lacs sur un plateau et une rivière qui s'est creusé un lit dans une vallée encaissée. C'est là qu'on a les plus hauts dénivellements, donc c'est de ce côté-là qu'il faut chercher, surtout si on veut faire des réserves pompées.

On pourrait également étudier de plus près la rivière Neilson et la rivière du Gouffre surtout à sa tête. En fait, tout au long du contrefort des Laurentides, du Saguenay à Montréal, il y a sûrement plusieurs sites possibles pour des centrales à réserve pompée dont le potentiel récréatif ou touristique est moins important sinon inexistant. Il me paraît impensable d'atta- quer la Jacques-Cartier à l'intérieur d'un parc avant d'avoir épuisé toutes ces possibilités.

Enfin, s'il s'avérait, après études, que le seul site possible est toujours la Jacques-Cartier, je me poserais encore sérieusement une autre question: lequel serait le moindre mal? Une centrale sur la Jacques-Cartier ou des usines à gaz plus ou moins polluantes qui ne fonctionne- raient qu'à temps partiel? Personnellement, je serais alors tenté d'opter pour les usines à gaz car j'estime que cette pollution serait moins grave que la perte du canyon de la Jacques- Cartier.

Voilà, M. le Président, les quelques remar- ques que j'avais à faire sur le projet. Je vous remercie de l'honneur que vous m'avez fait de m'inviter ici et je suis à votre disposition pour répondre, si j'en suis capable, aux questions de la commission. Merci.

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LE PRESIDENT (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a des questions de la part des députés?

M. LOUBIER: M. Corbeil, tout à l'heure, vous avez mentionné que, dans vos préoccupa- tions, il y avait deux aspects extrêmement importants: premièrement, celui de la préserva- tion ou encore de la sauvegarde du principe qui veut que l'intégrité de nos parcs soit conservée d'une façon absolue; en second lieu, vous avez prétendu, dans votre mémoire, que les aménage- ments polyvalents prévus par le plan de l'Hydro-Québec pour l'exploitation ou l'aména- gement des ressources soit touristiques, récréati- ves, fauniques, etc., auraient des effets néfastes dans le contexte de la rivière Jacques-Cartier.

Est-ce que vous avez été à même d'étudier le projet soumis par l'Hydro-Québec? Plus spécifi- quement, est-ce que vous avez pu apprécier ou analyser les aménagements sur le plan récréatif, touristique, etc., tels que soumis par l'Hydro- Québec? Si tel est le cas, quel est votre jugement sur ces aménagements soumis par l'Hydro-Québec?

M.CORBEIL: Comme tout le monde, j'ai pris connaissance de la maquette qui a été présentée ici même, à la première réunion — elle a été présentée ailleurs, mais que j'ai vue ici à la première réunion — sur les aménagements pro- posés par l'Hydro-Québec sur le site. Tout d'abord, quand j'ai parlé d'effets néfastes, j'ai parlé de ceux qui seraient causés par le projet de cette construction de centrale hydroélectri- que. N'étant pas spécialiste en aménagement de parcs, au point de vue de l'équipement, ce qui m'a frappé, c'est qu'il n'y a aucune possibilité de se rendre dans le canyon, alors que mainte- nant on a une route. Lorsque cette route sera disparue, il n'y a pas de possibilité de se rendre dans le canyon. La route qui est suggérée passe en arrière de pics assez élevés, qui sont d'une altitude d'environ 2,400 ou 2,500 pieds, et passe dans une baisseur. Je me demande qu'est- ce que cette route peut faire pour faciliter l'accès et la visibilité de la vallée de la Jacques- Cartier.

Il y a certainement quelques postes d'obser- vation qui sont prévus, mais c'est tout. Pour le type qui veut se recréer, qui veut aller dans la vallée, cela devient impossible; ce sont deux pentes pratiquement verticales et il faut qu'il reste sur les cimes, assez éloigné du bord de la vallée.

M. LOUBIER: Dr Corbeil, l'Hydro-Québec, dans son mémoire, nous souligne que, sur le plan faunique, que ce soit terrestre, aquatique, etc., ça va évidemment provoquer certaines altérations, mais qu'elle a prévu des correctifs pour rétablir la situation. Est-ce que vous avez été à même d'apprécier le bien-fondé de cette affirmation?

M.CORBEIL: Non, je ne connais pas les

correctifs qui ont pu être proposés par l'Hydro- Québec. Tout ce que j'ai vu, c'est la maquette qui a été présentée ici et qui montre une route qui passe du côté ouest de la vallée. On nous présente quelques campings par-ci par-là; on nous présente des sentiers pour la marche; on nous présente également une descente de ba- teaux sur une pente qui a un angle très prononcé. On descendrait, je ne sais pas, mais peut-être sur une distance de 800 ou 900 pieds pour mettre une chaloupe à l'eau à peu près au milieu, en face de la rivière Sautauriski. Quels sont les correctifs qui peuvent être apportés?

C'est simplement de l'équipement comme du camping, une route panoramique et des sen- tiers.

M. LOUBIER: M. Lemieux, vous êtes d'avis que c'est la disparition d'un des sites les plus spectaculaires qu'il y a actuellement dans le parc des Laurentides.

M. LEMIEUX: Oui.

M. LOUBIER: Quelque polyvalence que puisse prendre l'aménagement fait par l'Hydro- Québec, sur le plan touristique, récréatif, cultu- rel, etc., il y a, dans votre esprit, destruction de ce site dès que les travaux débutent pour l'aménagement de ce territoire par l'Hydro- Québec.

M. LEMIEUX: C'est ça. Il est toujours possi- ble de faire des aménagements de récréation autour de n'importe quel développement; on peut charroyer du sable à la tonne pour faire des plages. On peut faire toutes sortes de choses du genre. Même, d'après ma connaissance du territoire, dans le secteur du barrage à Tewkes- bury, on tombe à la sortie du canyon; donc, il y a certainement des éventails de matériaux plu- tôt graveleux, sableux et il ne serait probable- ment pas nécessaire de charroyer du sable, d'aller à cet extrême. Il reste qu'à ce moment-là le type d'aménagement qui peut être fait autour d'un bassin comme ça, c'est le genre d'aménage- ment qu'on peut faire à bien meilleur compte sur d'autres lacs qui ont déjà le potentiel naturel. Comme je le disais tout à l'heure, il y en a des milliers de lacs comme ça.

Le seul accès qu'il y aurait dans le canyon

— ce serait tout comme aller se promener sur le Saguenay, en plus petit — serait en bateau par le fond de la vallée. En effet, l'inondation va monter assez aux parois que l'étroite terrasse, qui est plate chaque côté de la rivière et qui permet d'aménager un chemin et des sentiers, serait complètement détruite. A ce moment-là, on a seulement des falaises qui se jettent dansle lac. Ce n'est plus une récréation de même nature, du tout. La récréation actuelle, qui peut être faite dans la vallée de la Jacques-Cartier, dans le canyon, est d'un type exceptionnel qui n'existera plus après. C'est dans ce sens que je dis que 75 p.c. du potentiel du canyon se

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trouvent effacés, au point de vue de la récréa- tion de plein air, avec l'inondation.

M.LOUBIER: Est-ce que vous avez eu la possibilité d'analyser l'étude faite par l'Hydro- Québec et le mémoire qu'elle a soumis ici?

M. LEMIEUX: J'aurais aimé ce matin que la maquette de l'Hydro-Québec comme celle de la Corporation des ingénieurs forestiers, d'ailleurs, soient ici. Cela aurait été plus facile de démon- trer visuellement ce qu'on essaie d'expliquer ici.

Ce n'est pas en une semaine ou quinze jours qu'on peut monter des maquettes chez nous et apporter ça. D'ailleurs, je viens ici strictement à titre personnel, ne représentant personne. J'ai vu la maquette telle qu'elle a été faite et, à l'heure actuelle, je pense bien que personne ne va contester que les propositions d'aménage- ment de récréation, qui sont faites sur la maquette, sont très très préliminaires, après un premier survol. On propose certaines choses qui sont faisables une fois qu'un bassin est là, mais ce n'est pas de la récréation du même genre que celle qu'on peut faire dans la Jacques-Cartier à l'heure actuelle. C'est ça, le point majeur. Il y a une différence majeure entre les deux.

M. LOUBIER: La Jacques-Cartier, dans son bassin actuel ou dans sa configuration actuelle, est à vos yeux unique dans tout le territoire?

M. LEMIEUX: Si je parle du Québec habité, au sud du 50e parallèle — et j'ai parcouru la province d'un bout à l'autre — les seuls endroits que j'ai trouvés comparables à ça, c'est un autre canyon qui lui ressemble, un peu plus petit, mais qui est spectaculaire aussi, soit le canyon de la rivière Malbaie, en arrière de Clermont, et les Chics-Chocs, que pas mal de gens connais- sent pour avoir fait le tour de la Gaspésie, qui sont quand même assez spectaculaires. Après ça, à ma connaissance, il faut se rendre dans les fjords des Torngat et dans le Labrador pour trouver des vallées encaissées aussi spectaculai- res.

M. LOUBIER: D'accord.

LE PRESIDENT (M . Kennedy): Le député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: Moi, j'aimerais poser une question à M. Lemieux et à M. Corbeil. Je remarque que le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a manifesté beaucoup d'intérêt à ce projet.

D'autre part, je remarque aussi qu'une étude préliminaire a été préparée par l'Hydro-Québec en 1961 et 1966; est-ce que vous avez commen- cé à étudier, à votre ministère, ce projet dans ces années ou si vous avez commencé à le faire en 1972-1973?

M. LEMIEUX: Je vous répondrai là-dessus,

parce que cela couvre une partie de mon règne comme directeur général des parcs, de 1967 à 1971. Je dirai qu'en 1967, lorsque je suis arrivé à la Direction des parcs du Québec, en commen- çait pour la première fois à faire des plans directeurs de nos principaux parcs. On a com- mencé, d'abord, par le parc du mont Tremblant et par le parcs des Laurentides. Le plan n'est pas tout à fait terminé encore parce que ce n'est pas un mince travail de faire cela. Mais il était déjà prévu, à l'intérieur du plan directeur, dès le début, que l'un des sites extraordinaires était le canyon de la Jacques-Cartier et un autre site aussi, dans le parc des Laurentides, d'une nature différente, celui que le Dr Corbeil mentionnait tout à l'heure, les grands jardins, qui sont les plus hauts sommets du parc des Laurentides avec un site exceptionnel pour l'habitat du caribou. D'ailleurs, on vient de réimplanter du caribou dedans. Mais déjà, à ce moment-là, c'était considéré comme un des sites à mettre en valeur.

Mais si on n'a pas mis plus d'argent, jusqu'à présent, là-dedans, je pense que cela dépend de deux choses: Premièrement, les budgets n'ont jamais été très gros au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche; deuxièmement, cela rejoint un peu ce que le Dr Corbeil disait tout à l'heure, c'est que jusqu'à 1960, environ, fonda- mentalement les parcs ont d'abord été considé- rés comme des endroits de pêche, même pas de chasse. Ce n'est que graduellement, après 1960, qu'on a commencé à penser aux autres activités de plein air. Mais avec beaucoup de retard encore au point que, même à l'heure actuelle encore, dans le parc des Laurentides, à moins que cela change cette année, l'été, par exemple, vous avez beaucoup de difficultés à aller simple- ment vous promener ou pique-niquer dans le parc des Laurentides parce qu'on vous demande un permis de pêche pour aller vous promener là alors que le parc devrait être utilisé pour d'autres choses. Mais je dois dire que les deux dernières années, de 1969 à 1971, déjà des groupes, avec guide, généralement avec quel- qu'un du service de l'animation de la Direction générale des parcs, avaient accès à la vallée pour faire des randonnées pédestres, faire de l'alpinis- me, faire du canotage avec une autorisation écrite spéciale du directeur général des parcs.

On avait déjà commencé à l'utiliser. Mais ce qui manque, fondamentalement, c'est une bonne route d'accès pour que ce soit facile pour tout le monde de s'y rendre.

M. TETRAULT: Deuxième question.

L'Hydro-Québec a fait les études, dans l'année 1966, sous votre règne, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Est-ce que l'Hydro-Québec de- mande une permission au ministère du Touris- me, de la Chasse et de la Pêche pour entrer dans un parc ou elle le fait automatiquement avec aucune loi ou aucune demande telle quelle?

M. LEMIEUX: L'Hydro-Québec, au temps

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que j'ai été directeur général des parcs — je ne peux pas parler des autres périodes — est venue une fois chez nous pour nous consulter sur le tracé de sa future ligne de transport. Je pense que c'était la 735, qui devait passer dans le parc. On voulait savoir si le tracé passait trop près de certains développements qu'on envisa- geait pour le parc. Je pense que c'était juste et raisonnable et on lui a donné notre avis. Elle a respecté notre avis là-desus.

Par contre, pour d'autres travaux, des sonda- ges sur la Jacques-Cartier, je vous avoue fran- chement que je n'en ai jamais entendu parler.

M. TETRAULT: Donc, ils l'ont fait de leur propre chef.

M.LEMIEUX: Ah!

M. TETRAULT: Peut-être que le ministre pourrait répondre à cette question. Est-ce que l'Hydro-Québec a eu...

M. SIMARD (Richelieu): M. le Président, cette question a été discutée, en profondeur, jeudi passé.

M. TETRAULT: Jeudi passé, d'accord. Mer- ci, M. le ministre. Je vais lire le journal des Débats.

M. LESSARD: M. le Président, je pense que je dois d'abord remercier le Dr Lemieux et le Dr Corbeil de la position claire, franche et honnête qui a été prise aujourd'hui. J'en suis très heureux.

J'aimerais d'abord poser la question suivan- te à M. Corbeil: Etant donné, lorsqu'on a décidé de consacrer le parc des Laurentides comme parc, qu'il semble que la loi soit assez imprécise à ce sujet — s'agit-il d'une réserve intégrale, s'agit-il d'un site récréatif? — selon vous, est-ce que le parc Jacques-Cartier serait une réserve intégrale telle qu'on peut l'interpré- ter, par exemple, par rapport à d'autres pays ou par rapport à la Loi du Canada sur les parcs ou par rapport à d'autres lois aux Etats-Unis?

M.CORBEIL: Vous voulez parler de la vallée de la Jacques-Cartier?

M. LESSARD: La vallée de la Jacques- Cartier.

M. CORBEIL: Personnellement, je pense que cette vallée devrait être étudiée d'une façon plus détaillée et plus approfondie, que certaines parties ou certaines régions de cette vallée pourraient être considérées comme réserve inté- grale, à cause de la valeur soit des boisés ou de certains autres facteurs, mais que d'autres par- ties puissent être ouvertes au public pour qu'il en profite pour toutes sortes de récréation de plein air mais avec certaines réglementations qui empêchent toute détérioration. Qu'il y ait un

aménagement raisonné et qu'on mette de côté, sous des règlements spéciaux, les parties que l'on doit conserver de façon intégrale pour qu'elles ne soient pas dérangées.

Ce n'est pas un seul tout, cela peut être considéré par sections.

M. LESSARD: Selon vous, si vous aviez eu à étudier ou à faire le zonage de cette région, est-ce que le territoire qui serait inondé par l'Hydro-Québec aurait été, selon vous, déclaré réserve intégrale? Est-ce que vous croyez que ce devrait être une réserve intégrale?

M.CORBEIL: Si on entend, par réserve intégrale, réservée exclusivement aux études et aux recherches, je dirais non, mais il y a des parties, là-dedans, de boisés qui ne devraient pas être touchées, qui devraient être laissées telles quelles.

M. LESSARD: Oui. J'entends, par réserve intégrale, un territoire qui ne doit pas être utilisé commercialement ou développé pour des fins commerciales.

M. CORBEIL: II faudrait qu'il soit dévelop- pé pour l'accès au public mais sans exploitation commerciales. J'entends, par commerciales, exploitations de la ressource forêt ou des choses comme ça.

M. LESSARD: Si je vous pose cette ques- tion, c'est que l'Hydro-Québec semble jouer un peu sur l'imprécision de la loi. En effet, dans le rapport de la direction des projets de centrales, direction du génie, on dit ceci: "Si ce dernier

— ce parc — avait été constitué en réserve intégrale, il ne fait pas de doute que le projet aurait été jugé négatif sous cet aspect. Or, la définition donnée par le législateur au parc des Laurentides est si imprécise qu'il nous est impossible d'indiquer si oui ou non le projet contribue à mettre en valeur ou à dégrader l'utilisation qu'on veut en faire."

Donc au ministère, actuellement, est-ce qu'il y a des plans pour zoner ce territoire, pour déterminer quels seront, à un moment donné, les types de territoires, c'est-à-dire quels seront, à l'intérieur de ces parcs, les territoires qui pourront être exploités peut-être au point de vue de la forêt, l'autre partie du territoire qui devra être conservée intégralement? Est-ce qu'il y a des plans qui ont été préparés au ministère dans ce domaine?

Parce qu'il ne faut pas oublier que lors de la dernière commission parlementaire, l'Hydro- Québec nous a soumis un plan de zonage mais un plan qui correspondait à ses priorités à elle.

Est-ce que M. Lemieux pourrait répondre sur ça?

M. CORBEIL: M. Lemieux est peut-être en meilleure position pour répondre parce qu'il a déjà considéré ce site, mais je sais qu'actuelle-

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ment il y a des travaux qui se font pour déterminer les critères qui serviront à détermi- ner d'une façon plus précise la vocation de différentes régions dans les parcs.

M. LESSARD: J'aimerais avoir l'opinion de M. Lemieux, étant donné qu'il a été, pendant assez longtemps, directeur des parcs.

M. LEMIEUX: Je pense, M. Lessard, qu'il faudrait préciser certains termes. Dans notre jargon écologique, si vous voulez, jargon du métier, une réserve intégrale, c'est fondamenta- lement pour des fins scientifiques. C'est un bloc qu'on met de côté totalement, et l'accès est permis seulement, aux grands scientifiques, aux

"egg-heads", comme diraient les Anglais, pour faire des études écologiques, et la récréation n'est pas compatible avec ça.

Pour ce qui est de la façon de considérer le parc des Laurentides, je pense que si on regarde la loi du parc, il est clair qu'elle est pratique- ment copiée intégralement sur la Loi du parc Algonquin qui a été créé un an avant.

Ce parc est un immense territoire où, à mon sens, il était absolument impensable de proscri- re toute exploitation, que ce soit forestière ou autre, parce que c'est un grand territoire.

Deuxièmement, alors qu'un des objectifs est justement l'aménagement de la faune, tant terrestre qu'aquatique, il faut des coupes fores- tières pour améliorer l'habitat.

Mais dans un grand territoire comme ça, qui a une vocation, qui devient un territoire réelle- ment consacré à un aménagement intégré des ressources, il y a des zones qu'on doit établir qui sont préservées davantage et où la récréa- tion est aménagée dans un contexte naturel, le moins dérangé possible. Il y a des corridors panoramiques à préserver. En hiver, il y a des ravages d'animaux à préserver.

Il y a des zones comme le canyon de la Jacques-Cartier qui sont des sites spectaculaires.

Au parc national du Grand Canyon, il y a tout un territoire autour, la région même du Grand Canyon qui est préservée. A Yellowstone, par exemple, la région des geysers, tout ça est préservé, mais en dehors de ça il y a des aménagements de camping, des aménagements plus intensifs de récréation.

Dans le plan que je mentionnais tout à l'heure, qui était en préparation au ministère du Tourisme à l'époque et qui est en voie d'être parachevé maintenant, il y a justement un zonage de fait dans ce territoire avec des zones à préserver. Pas en réserve intégrale nécessaire- ment, quoiqu'il puisse y avoir à l'intérieur d'un parc — à la suite de propositions de scientifi- ques — certains blocs réservés comme réserve intégrale, mais fondamentalement, pour autant que la récréation et les parcs sont concernés, c'est d'abord des zones qu'on garde naturelles sans exploitation forestière, pour la récréation assez intensive. Par contre, il y a d'autres régions où il y a des aménagements de forêts ou

d'autres ressources, tout en gardant une belle qualité de pêche et de chasse dans le territoire.

M. LESSARD: Dr Lemieux, est-ce que vous êtes d'accord avec l'interprétation de la Loi des parcs telle que l'a donnée tout à l'heure le Dr Corbeil, c'est-à-dire qu'il serait impossible, sans modifier la loi actuelle des parcs, d'autoriser la réalisation du projet de l'Hydro-Québec?

Est-ce que vous pensez qu'il faudrait modi- fier à l'Assemblée nationale la Loi des parcs pour permettre à l'Hydro-Québec de réaliser son projet?

M. LEMIEUX: Je ne suis pas juriste ni avocat, mais ayant travaillé avec cette loi, je sais qu'en vertu des articles 6 et 7, il est dit que rien ne peut être fait dans le parc qui diminue la qualité du parc. C'est dans ces articles de la loi et personnellement — c'est mon opinion stricte- ment personnelle — je pense qu'à moins d'une modification à la loi, il serait illégal de faire une chose semblable.

M. LESSARD: Dr Corbeil, vous avez été membre du comité interministériel. Vous avez affirmé tout à l'heure que la position que vous preniez était personnelle. Est-ce que je pourrais vous demander si cette position correspond à celle qui a été énoncée, par exemple, au niveau des experts qui se sont réunis à l'intérieur du comité interministériel?

M. CORBEIL: Le comité comme tel n'a pas présenté de rapport. L'opinion que j'émets ici est l'opinion que je me suis faite sur les données, les renseignements que j'ai recueillis au comité et en étudiant le projet de l'Hydro- Québec. Je ne peux pas me prononcer pour le comité et dire qu'il aurait décidé ci ou ça; il n'y a pas eu de décision prise par le comité comme tel et il n'y a pas eu de rapport de préparé.

M. LESSARD: Le comité interministériel avait quel objectif?

M. CORBEIL: L'objectif de suivre le déve- loppement, c'est-à-dire de suivre la cueillette des données, des expertises faites par l'Hydro- Québec dans le parc des Laurentides et de voir s'il y avait possibilité de proposer un plan qui pourrait concilier le développement de l'Hydro- Québec avec l'utilisation du parc.

M. LESSARD: II avait comme objectif de proposer un plan qui pouvait comprendre un plan d'aménagement conciliant les objectifs de l'Hydro-Québec et du parc, ou du ministère du Tourisme, qui a quand même comme objectif principal de protéger certaines zones vertes.

Est-ce qu'il y a eu une proposition de faite dans ce sens ou, sinon, est-ce possible de le faire?

M. CORBEIL: Aucune proposition n'a été

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faite; on a étudié les renseignements qui nous étaient fournis concernant le site, concernant le projet. A un moment donné, personnellement, j'ai pensé que les renseignements que nous possédions nous permettaient de prendre une décision et qu'il était impossible à notre minis- tère d'autoriser un projet semblable à cause de la loi. Alors, j'ai demandé au comité s'il était prêt à prendre un vote, à prendre une décision et, à ce moment-là, on n'a pas jugé bon de prendre une décision et moi, j'ai fait rapport aux autorités de mon ministère, tout simple- ment.

M. LESSARD: Dr. Lemieux, une dernière question.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, si le député de Saguenay me le permet, c'est une question qui est survenue la dernière fois que nous avons siégé, et je pense qu'il serait bon que je rende clair un élément de la situation.

Premièrement, pour répondre à la question qu'il a adressée tout à l'heure au Dr Corbeil, je peux l'informer que celui qui a siégé à ce comité au nom du service de protection de l'environne- ment a fourni des renseignements et des opi- nions qui sont superposables à ceux que le Dr Corbeil a présentés. Deuxièmement, j'aimerais souligner que s'il n'y a pas eu de rapport du comité interministériel c'est pour une raison bien simple, c'est que les renseignements qui étaient disponibles à un moment donné ont amené le gouvernement, sur recommandation du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, à prendre une décision. Cette décision ayant été prise, il n'était plus nécessaire de déposer un rapport en bonne et due forme.

C'était un travail interne, de toute façon, le gouvernement a agi au moment qu'il a jugé opportun. Et c'est mon collègue qui l'a fait.

M. LESSARD: Le ministre de l'environne- ment dit que la décision a été prise sur recommandation du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Je suppose que c'était avec l'appui du ministre de l'environnement?

M. GOLDBLOOM: C'était clairement avec l'appui du ministre de l'environnement, d'au- tant plus que c'était une décision du conseil des ministres, donc unanime.

M. LESSARD: Je remercie le ministre. Une dernière question, Dr Lemieux: Vous parlez d'un aménagement touristique assez délimité pour conserver un peu l'esprit sauvage du parc.

Vous avez pu voir probablement, par exemple, l'aménagement proposé par l'Hydro-Québec, en particulier en ce qui concerne des terrains de camping. Est-ce que vous pensez que c'est un territoire propice au camping, ce territoire?

M. LEMIEUX: Personnellement, je n'ai ja- mais pensé que le parc des Laurentides comme

tel, dans son ensemble, est l'endroit le plus propice par exemple pour aménager de la récréation axée sur l'eau, en particulier pour la baignade. Il y a assez de mouches noires pour faire promener pas mal de monde dans le coin et je pense que c'est beaucoup plus valable de se rapprocher de la zone, en termes écologiques, de la vallée du Saint-Laurent où il y a de l'érable aceraille et où il y a quelques marin- gouins mais un peu moins de mouches noires.

Effectivement, déjà au lac Jacques-Cartier, der- rière l'établissement de Châtelaine, il y a un chemin d'entrée où on a construit un terrain de camping, qu'on appelle le Camping de la Lou- tre, où il y a un endroit de pique-nique également avec plage, une très belle plage de sable sur le bord du lac Jacques-Cartier. Il y a seulement les bouts-de-chou avec une tempéra- ture de trois, quatre degrés plus haute que nous autres qui se promènent là-dedans; c'est prati- quement impossible même dans les chaleurs les plus fortes de l'été de se baigner dans ces eaux.

Alors, d'aménager des genres de récréation axée sur ce type d'activité, je pense que ce n'est pas tellement la place pour le faire. Si vous avez remarqué tout à l'heure, tel qu'il est là, ce n'est pas la baignade et les choses du genre qui sont la vocation du canyon par rapport à l'ensemble du parc des Laurentides. C'est surtout de la randonnée avec des bonnes bottes de marche et des manches attachées aux poignets; il y a une demande pour cela. Je peux vous dire qu'il y a une demande pour des sentiers, par exemple, de randonnée à l'intérieur du parc des Laurentides.

J'ai même reçu des appels téléphoniques de gens de Long Island qui, revenus de vacances au Québec ici, me demandaient, en tant que directeur des parcs: Est-ce vrai qu'on n'a pas encore de sentiers dans le parc des Laurenti- des? On nous a dit qu'on ne pouvait pas se promener dans le parc des Laurentides.

Il fallait malheureusement que je lui dise qu'à l'époque encore on n'en avait pas. On commence à en avoir quelques-uns maintenant.

Ce sont des genres de choses qui sont deman- dées. C'est un type d'activité. Quelqu'un pour- rait dire, par exemple, que réserver le canyon de la Jacques-Cartier seulement pour les quelques mordus de ce genre d'activité, c'est pratiquer une sorte de ségrégation, mais moi je réponds à ça qu'un parc a différentes vocations, selon les différents sites qu'il y a dans le parc, et ceux qui aiment la pêche, ceux qui aiment la chasse vont à d'autres endroits.

Il y a d'autres types de randonnées qui peuvent se faire, mais le canyon a un type d'activité pour un groupe de mordus de plein air de ce type d'activité qu'ils ne peuvent pas pratiquer ailleurs, y compris des parois magnifi- ques d'alpinisme où la Fédération des sports de montagne, je crois, est allée faire des expérien- ces déjà, avec M. Lavallée qui est un des experts de ce groupe. Il dit que la paroi est extraordi- naire. Moi, je ne suis pas un alpiniste, mais je tiens compte des besoins qu'on nous exprime.

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M. LESSARD: Un des arguments que nous apporte l'Hydro-Québec en faveur de son pro- jet, c'est de dire que le parc est actuellement inaccessible. Qu'est-ce que vous en pensez, puis quelles seraient les mesures qui pourraient être prises?

M. LEMIEUX: C'est-à-dire, pour une par- tie...

M. LESSARD: Inaccessible pour l'ensemble du public.

M. LEMIEUX: En partie, c'est vrai. Comme je le disais tout à l'heure, dans un immense territoire comme le parc des Laurentides, qui a une topographie qui est très dure aussi, les principaux chemins qui ont été construits là c'est par les concessionnaires forestiers. Ils peuvent vous dire combien c'a été difficile et coûteux de construire ces chemins. La principa- le route d'accès à l'heure actuelle dans le parc c'est la route 54 qui a une série de routes de terre de chaque côté qui mènent aux différents lacs de pêche.

Une route existe dans le moment, qui avait été réaménagée par la Domtar et qui a été encore améliorée, je crois, par l'Hydro-Québec lorsqu'elle est entrée pour faire ses expertises.

Fondamentalement, le maximum d'aménage- ment qu'on devrait faire dans une vallée comme ça pour les types d'activité à pratiquer, c'est de consolider cette route d'entrée et même de la paver, de la rendre réellement sûre. Pas jusqu'au bout du canyon, en haut, mais pénétrer juste à l'intérieur, avec un centre d'accueil et la possibi- lité d'avoir des guides, des naturalistes qui peuvent guider des groupes, avec des sentiers balisés pour que personne ne se perde, et également des sentiers peut-être pour l'équita- tion éventuellement aussi.

Et il y a beaucoup de classes d'interprétation de nature, des classes vertes qui peuvent être menées dans ce coin-là. Il peut y avoir des randonnées de deux ou trois jours avec des refuges le long du sentier, pour une randonnée aller et retour jusqu'aux parois d'alpinisme.

Mais l'aménagement n'est pas tellement dispen- dieux, et personnellement, disons que si vous voulez une estimation du coût, vous n'aurez pas à dépasser $2 millions, au grand maximum, pour rendre réellement cette vallée plus accessi- ble qu'elle ne l'est.

M. LESSARD: Alors, M. le Président, encore une fois merci aux deux spécialistes qui sont venus témoigner, ainsi que de la franchise avec laquelle ils l'ont fait.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: Merci, M. le Président, j'aurais une question à poser soit à M. Corbeil ou à M.

Lemieux. Je pense bien qu'à l'heure actuelle on

essaie de faire jouer une corde sensible de la part de ceux qui sont en faveur du projet hydraulique ou hydro-électrique, en disant, par exemple, comme je l'ai lu dans un quotidien de Québec hier, que le lac créé serait le seul lac accessible au public près de Québec.

Maintenant, est-ce qu'à votre connaissance il y aurait d'autres endroits, par exemple, sans tenir compte de la corde sensible de la mouche noire, qui seraient accessibles au grand public, près de Québec, à des conditions aussi avanta- geuses?

M. LEMIEUX: Dans le moment, je crois qu'il y a un lac actuellement accessible au public, il y a des améliorations sûrement à faire.

Il y en a plusieurs qui le connaissent, le lac Saint-Joseph où il y a des possibilités. Il y a des problèmes de pollution mais qui sont solubles.

Il est à vingt milles de Québec. Je vous parlais tout à l'heure du lac Montauban qui est un peu plus loin, mais qui, effectivement, est exacte- ment à égale distance de Trois-Rivières et de Québec, dans le secteur de Rivière-à-Pierre, à Notre-Dame-des-Anges.

C'est un magnifique lac qui est en partie dans une forêt d'érables, merisiers, hêtres aussi, donc au point de vue des mouches et tout ça puis la chaleur des eaux, qui se prête beaucoup mieux à ça, puis il y a une place d'un mille de long, très bien drainée. Ce serait un projet majeur d'un parc de récréation, réellement.

Mais j'ajouterai à ça aussi que pour ce qui est des sports reliés à l'eau, par exemple, la baignade, de plus en plus, sous notre genre de climat ici, il y a beaucoup d'organismes privés et même nous au gouvernement, par exemple

— je parle des trois développements en Gaspé- sie — qui ont construit des piscines avec, dans certains cas, l'eau chauffée.

C'est cela qui est encore le moins dispen- dieux, le plus attrayant pour la baignade, entre autres. On aurait peut-être intérêt à considérer davantage la possibilité de consolider certains parcs. Je parle, par exemple, du mont Sainte- Anne ou d'autres endroits qui sont très près, qui ne sont pas équipés en nappes d'eau, mais qui pourraient être équipés facilement avec une piscine et qui attireraient une quantité de gens pour la baignade. Les gens préféreraient aller là parce que c'est plus près, l'eau est plus chaude et c'est utilisable pour une plus longue période, une plus longue saison.

M. BOIS: Merci. Maintenant, M. le Président, une dernière question. On mentionne, entre autres, qu'en laissant le territoire tel qu'il est, cela ne servirait qu'à une minorité de privilégiés.

Est-ce que réellement c'est quelque chose de pensable et de réel si on calcule l'étendue du territoire de ce canyon?

M.LEMIEUX: Je ne dirai pas que 80 p.c.

des amateurs de plein air sont des amateurs de

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randonnées de quatre ou cinq jours, par exem- ple, jusqu'au fond du canyon avec le "pack sac"

et tout, mais la promenade, la randonnée, simplement le tout d'auto, l'arrêt avec prise de photographies et la promenade à pied, c'est l'occupation préférée de 85 p.c. des amateurs de plein air, tant au Canada qu'aux Etats-Unis.

A ce moment-là, je ne vois pas où est la minorité. En effet, comme le Dr Corbeil le disait tout à l'heure, il y a un zonage à faire, même dans ce canyon-là qui a environ 20 milles de long. H y a une première partie qui est plus accessible avec des boucles de sentier plus courtes où les gens vont là seulement pour l'après-midi; c'est l'activité préférée des Cana- diens et des Américains, d'après les enquêtes qu'on a menées tant au Canada qu'aux Etats- Unis.

La partie la plus éloignée sert davantage aux plus hardis, aux plus jeunes, aux plus en forme qui partent havre-sac au dos pour deux ou trois jours et campent à la dure au fond de la vallée.

A ce moment-là, c'est plutôt une minorité. Les promeneurs en forêt veulent simplement avoir des sentiers. On n'a qu'à voir ce qui s'est passé, cet hiver, avec le ski de fond, au camp Mercier, plus de 50,000 personnes sont allées y faire du ski de fond. C'est tout simplement de la promenade avec des planches en dessous des pieds, point. C'est cela, la grande demande.

Aménager le canyon tel qu'on le proposait tout à l'heure, c'est exactement répondre à ce genre de demande là.

M. BOIS: Je vous remercie beaucoup. C'est tout, M. le Président.

UNE VOIX: C'est peut-être parce qu'on a pu croire que les réserves intégrales seraient fer- mées au public. Il n'en est pas question.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Chauveau.

M. HARVEY (Chauveau): M. Corbeil, vous dites, dans votre rapport, que l'aménagement de cette centrale pourrait amener dans le décor un affreux réseau de tours de transport. Sur la maquette et d'après les rapports qui ont été déposés, avez-vous pris connaissance du fait qu'il s'agissait plutôt d'un axe de connexion sur un réseau déjà existant?

M. CORBEIL: Lors de la présentation des mémoires de l'Hydro-Québec, on a parlé d'une distance d'environ quatre ou cinq milles...

M. HARVEY (Chauveau): Quatre milles.

M. CORBEIL: ... pour la première turbine.

Maintenant, il y a d'autres sites qui sont considérés. Si on pose d'autres turbines, il va falloir que l'électricité parte de ces turbines-là et vienne rejoindre également le circuit princi- pal. Cela va faire autant de circuits qui vont

transporter l'électricité vers cette ligne de trans- port.

M. HARVEY (Chauveau): Mais, pour le mo- ment, il y a un site qui est visé.

M. CORBEIL: Pardon?

M. HARVEY (Chauveau): C'est quand mê- me un site qui est visé. En caricature, c'est clair qu'on fait beaucoup état d'un affreux réseau, mais je voudrais quand même vous faire préci- ser, quant au projet concerné, qu'il s'agit tout simplement d'un axe de service rejoignant un réseau déjà établi de transport de l'électricité.

M. CORBEIL: Pour une turbine.

M. HARVEY (Chauveau): D'autre part, se- lon la loi existante, l'utilité des parcs peut-elle être améliorée?

M. CORBEIL: Vous parlez de l'utilité des parcs en général?

M. HARVEY (Chauveau): En général, selon la loi existante.

M.CORBEIL: II y a un travail qui se fait actuellement et qui étudie toute la chose. Je ne peux pas me prononcer là-dessus; c'est repris en profondeur dans la loi-cadre des parcs.

M. HARVEY (Chauveau): Merci.

UNE VOIX: C'est plutôt sur l'utilisation que sur l'utilité.

M. CORBEIL: Oui, l'utilisation et les critères de détermination des vocations de différents territoires en vue d'une utilisation.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de L'Assomption. Maintenant, je voudrais sim- plement faire une remarque aux membres de la commission et à tout le monde. Il ne faudrait pas prendre des tangentes et commencer à faire le procès de l'usager des parcs. On a un problème particulier, ce matin, à étudier: c'est le problème de la Jacques-Cartier, dans le parc des Laurentides.

Je voudrais qu'on s'en tienne à des questions qui ont rapport au développement possible ou non, je ne le sais pas, de la rivière Jacques- Cartier.

M. LOUBIER: Si vous me permettez, M. le Président, sur les directives que vous venez de donner, je n'ai pas d'objection à ce que toute la latitude soit accordée à tous les députés, mais le gouvernement, pour des raisons qu'il peut donner, a décidé qu'il n'y aurait qu'une seule séance, soit aujourd'hui. Je pense qu'il serait extrêmement intéressant qu'on puisse entendre le plus grand nombre possible de personnes.

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