RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA TOXICITÉ
DU FLUOR POUR LES ABEILLES
C. TOUMANOFF Institut Pasteur, Paris.
SOMMAIRE
Les
expériences qui
sont relatées dans ce travail ont démontré que le fluor(sous
forme de NaFen solution dans un
sirop
sucré) n’esttoxique
pour les abeillesqu’à
des concentrations trop élevées pourqu’on puisse
les voir se réaliser dans la nature.Les abeilles nourries au moyen d’un
sirop
contenant du fluor en faibleproportion
peuventingé-
rer des
quantités
de cet élémentsupérieures
à cellesqui
sont considérées par certains auteurs commedoses léthales et elles présentent souvent la même survie que les abeilles témoins.
Une des modalités de nourrissement des abeilles décrite dans ce travail a
permis
de constater lapossibilité
d’une accoutumance des abeilles à une dose normalement mortelle de fluor.INTRODUCTION
Il est bien connu que
quelques produits
fluorés exercent un effettoxique
sur lesinsectes et que leurs
propriétés
ont même été utilisées pour la lutte contre certains insectes nuisibles.Toutefois,
si l’on enjuge
par lesfaits,
et selon les considérationsgénérales
rap-portées
à cesujet,
entre autresparBEi-BiENKO
et czl.(i9!!)
dans leur ouvrage d’En-tomologie agricole, l’application
desproduits
fluorés se heurte à des difficultés enfonction des conditions
extérieures,
de la nature et de lacomposition
desproduits,
deleur
solubilité,
et aussiquoique
cela soit moins bienétabli,
de l’étatphysiologique
de l’insecte que l’on veut atteindre. Il résulte des observations de nombreux auteurs que, dans l’ensemble les
produits
fluorés sont bien moins efficaces contre les insectes que les arsénicaux et les insecticidesorganiques
de contact.Depuis longtemps, déjà,
lesdégagements
fluorés des usinespréparant
l’alumi-nium et ceux d’autres
industries,
ont été considérés comme étant la cause d’intoxi- cations d’abeilles. Nous avons eu l’occasion de traiter cettequestion
dans notreouvrage sur les maladies des abeilles
(TomvtnNOx! C., 1951 ), mais,
àl’époque,
notreexpérience personnelle
sur cesujet
n’était que rudimentaire et nous nous sommescontentés de relater fidèlement les indications
bibliographiques.
Les
enquêtes
que nous avons effectuées sur le terrain tint en Francequ’en
Autri-che nous ont convaincu que la forte toxicité des émanations fluorées des usines pour les
abeilles, invoquée
par divers auteurs(B ORCHERT ,
1953 ; BREDEMANNig,!6,
B R E D E MAIVD
ï et RADEI.01!F 1939, GUHHON
I g56,
MAL7RIZI0 1955, MAURIZIO et STAUBIg56,
MAURIZIO Ig57, ROUSSEAU Ig54,1957 )
est fortementexagérée,
etparfois sujette
à caution. Nous avonsindiqué
dansplusieurs publications
antérieures que, chez les abeillesprovenant
de ruchers se trouvantprès
d’usinespréparant
l’alumi-nium aussi bien en Autriche
qu’en France,
le fluor était décelé individuellement entrès
grandes quantités, quantités supérieures
à celle considérée par certains auteurs comme « dose léthale »( J,<CHIMOiiICZ,
TOUMANOFF et WEIUŒ,195 8).
Cette cirsconstance nous a incités à effectuer des
expériences
sur l’action dufluor sous forme de NaF sur les abeilles en administrant à des colonies contenues dans des ruchettes ou dans des
ruches,
unsirop
de sucre contenant du fluor à desconcentrations variées
(Expériences
réalisées en collaboration avecJ AC aIMOwLCz
en
Autriche,
en France et TOUMASOFFetj ACH iMCwicz 1959 - 19 6 0 ,
TouMANOFFI g6 I .) .)
Nos essais nous ont conduit à cette conclusion
qu’il
estpratiquement impossible
de faire
périr
les colonies contenues dans les ruches ou les ruchettes en leur fournissantun
sirop
fluoré.Nous avons conclu aussi que l’établissement de la dose « léthale » par une
analyse chimique
ne donne pas de résultats concluants car chez les abeilles saines le fluor a été décelé enquantités correspondant
à la dose léthale ou ladépassant.
Il nous a paru intéressant de connaître la
quantité
de fluor quepeut
absorberune abeille
lorsqu’on
lui fournit dusirop
de sucre ou du miel additionné de NaFen
quantité donnée,
c’est-à-dire contenant du fluor dans lesproportions
de1/1
ooo,I
/z
ooo, etc.Ces
expériences
n’ont pasrevêtu,
comme on le verra, un caractère uniforme.MÉTHODES EXPÉRIMENTALES
ETMATÉRIEL UTILISÉ
Les abeilles
qui
ont servi pour nos essais ont étéprélevées
dans les ruches du Rucherexpéri-
mental de notre Service à l’Institut Pasteur.
Dans les
expériences
que nous avons effectuées, nous avons utilisé des groupes d’abeillesprélevées
dans les ruches en
quantités
variables etplacées
dans depetites
cagettes en bois munies par devant d’une vitre et comportant à leurpartie
supérieure deux trous destinés à recevoir des tubesgradués percés
à leurpartie
inférieure d’un petit trou parlequel
les abeilles absorbent lesirop.
Lorsque letube est bien
rempli
et fermé, il ne laisse pas écouler leliquide
sucré.Ces cagettes ne sont pas notre invention ; nous nous sommes
inspirés
de celles que nous avons- vues chez le prof. GOETZEenAllemagne,
à Bonn.Nous avons ainsi cherché à connaître la
quantité
de fluor consommé par des lots d’abeilles main- tenus en cagette (et aussi individuellement parchaque abeille)
en évaluant laquantité
de solution fluorée de concentration connue consommée par lot d’abeilles et par individu.Il est
possible,
bien entendu, que toutes les abeilles du même lot n’aient pas le mêmeappétit
etqu’elles
n’aient pas toutes absorbé la mêmequantité
de nourriture, ni parconséquent
la même quan- tité de fluor. Néanmoins, une chose demeure certaine, c’estqu’elles
s’attaquent toutes à la nourriturequi
leur est offerte, non pas contraintes et forcées, mais librement.Cette manière de
procéder
est certainement meilleure que l’administration individuelle auxabeilles, tenues par les ailes. de
sirop
fluoré avec unepipette qu’on présente
devant leur trompe,procédé plutôt
brutal proposé par certains auteurs etqu’on
ne saurait accepter dans lapratique
étantdonné
qu’il s’accompagne
d’un traumatisme.Si le
procédé expérimental
que nous avonsadopté
n’est pas totalement à l’abri descritiques,
c’est
cependant
le meilleurqu’on puisse envisager.
Dans ce
premier
exposé, nous allons relater les résultats de nos essais d’intoxication d’abeilles par des solutionsplus
ou moins concentrées de NaF.Nous avons
enregistré journellement
l’effet des solutions fluorées sur les abeilles et les résultats obtenus ont étéportés
sur destableaux, qui
en raison de leurlongueur
nepouvaient
pas êtreimprimés.
C’est
pourquoi
nous avonsadopté
unsystème
deprésentation
des résultatsqui
consiste à ne pas donner tous les détails concernant les mortalitésjournalières
mais àindiquer
la survie moyenne des abeilles danschaque expérience
d’administration desirop
fluoré aux abeilles. Sur ce tableauxfigu-
rent
également
les indications sur la consommation totale desirop pendant
la durée del’expérience,
la consommation en fluor par abeille et par
jour (en y)
et aussi la consommation totale de fluor(en y) pendant
une survie moyenne. La survie moyenne des témoins estégalement rapportée
sur ce tableau.Nous avons enfin
ajouté
à ce tableau des indications sur la survie maxima des abeilles au cours de chacune de nosexpériences.
Afin de rendre la lecture de nos tableaux
plus
aisée, nousprésentons
ci-dessous lesexplications
concernant la base des calculs
qui
ont été effectués pour leur établissement.1
° Calcul de la survie naoyerane d’un lot d’abeilles.
On compte
chaque jour
le nombre de survivants et on fait le total en find’expérience.
On divisele chiffre obtenu par le nombre d’abeilles du lot.
2
° Calcul de la dose
journalière
desirop
par abeille.On divise la
quantité
desirop
consommée au cours del’expérience
par le nombre total de survies,calculé
précédemment (le
chiffre estexprimé
encc).
3
° Calcul de la dose
journalière
defluor
par abeille.On divise le chiffre
précédent
par celui de la dilutionexpérimentale (le
chiffre estexprimé
eny).
4
° Calcul de la dose totale
de fluor consommé par
une abeille de survie moyenne.On
multiplie
le chiffreprécédent
par celui de la durée moyenne de vie.Les résultats de nos essais effectués avec le
sirop
de sucre fluoré sont les seulsprésentés
dans ce travail ; nousenvisageons
de rapporter ultérieurement ceuxqui
ont été obtenus avec unsirop
miellé.Chaque
tableau comporte une séried’expériences
ainsi que les témoins.RÉSULTATS
1°
1/EFFET
DU FLUOR SUR LES AB!II,I,ES A DES CONCENTRATIONS DIVERSESSérie A
(Commencée
le 9janvier,
terminée le 2gjanvier.)
Comme on
peut
le voir en examinant ce tableau la survie maxima a varié dans les sixexpériences composant
cette série de 5 à 19jours.
Les abeillesqui
ont reçu lesirop
de sucre dont la concentration était de1/15
00o à1/25
00o sont mortesplus rapidement
que cellesqui
ont été alimentées par lessirops
à la concentration moins forte de1/25
00o à1/100
ooo. On constate même que la survie maxima des abeillesqui
ont été alimentéespar
lessirops
contenantrespectivement : I/3 o ooo, 1/50 ooo
etI/IO
o0o
de fluor futsupérieure
à celle des lots témoins nourris ausirop
de sucre pur La survie moyenne des abeilles soumises à l’intoxication par les troissirops
mentionnésétait
supérieure
oucomparable
à celle des lots témoins.On remarque, par
ailleurs,
que les lots d’abeilles soumises à l’intoxication consom-mèrent
pendant
lapériode
de leur survie de 7 à aI y de fluor par abeille et que cellesqui
furent nourries ausirop
de sucre àI/5 o
000ontprésenté
la survie maxima et une survie moyennesupérieure
à celle de tous les autres lots.Série B
I,es
expériences
de cette série furent effectuées dans les mêmes conditions que celles de la sérieprécédente
maisplus tardivement,
c’est-à-dire entre le 17janvier
etle 7mars.
Les résultats obtenus sont
plus réguliers
que dans les essaisprécédents.
Eneffet,
la survie maxima ainsi que la survie moyenne des abeilles
augmentent proportionnel- lement,
à uneexception près,
à la diminution de la concentration du fluor dans lesirop administré,
ainsiqu’on peut
le constater à l’examen du tableau 2.Ce
qu’il
est intéressant de noter, c’est que les abeilles des lotsqui reçurent
lessirops
à la concentration dei/ 3 o
ooo,1/50 ooo
et1/100 ooo
ontprésenté
unelongévité
moyenne 2,5 à 3 fois
plus grande
que celle des abeilles des lots témoins.On
observe, ici,
non seulement l’absence d’intoxication desabeilles,
mais leurvitalité
plus grande
sous l’influence d’une addition de fluor. Elles consomment dansces trois lots
expérimentaux
3i, 2i et 16 y de fluor parabeilles, quantités
de 3à 6 foisplus
fortes que cellesqui
sont considérées comme leur dose léthale par certains au-teurs.
Séries C et D
Ces
séries, composées repectivement de et
5expériences
ont revêtu le mêmecaractère que les deux
précédentes.
Les abeilles ont reçu les mêmes concentrations defluor,
la série C étant réalisée entre le23 janvier
et le 18 mars, la série D entre le 7 février et le 2z mars.Il serait fastidieux et inutile de donner les détails de ces
expériences
et de leursrésultats que le lecteur suivra sur les tableaux 3 et q. Notons seulement que dans la série
C,
la survie ma.xima du témoin futlégèrement plus grande
que celle des abeillesqui reçurent
lesirop
fluoré àr/zoo
ooo. Par contre, la survie moyenne fut nettementplus
élevée pour les lots témoins que pour ceuxintoxiqués
par cette faible dose de fluor.Par contre, dans les essais de la série D la survie maxima et la survie moyenne des abeilles
qui reçurent
lesirop
ài/roo 00o de fluor,
futidentique
à celle des témoins la survie moyenne étantcependant supérieure
pour le lot d’Abeillesintoxiquées
àcette faible dose. Dans cet
essai,
la survie moyenne des abeilles témoinscorrespondait
à celle des abeilles
qui reçurent
le fluor àI/ so
ooo etqui
en absorbèrent en moyenne ig y par individu.Séries E et F
Ces séries diffèrent des
précédentes
par lefait,
que la série E était commencée à la fin du mois de mars et terminée au début du mois demai, plus précisément
entrele
2 6- 3
et le 5-5, et la série F commencée le z5juin
et terminée le 6septembre.
Dans la série
E,
les solutions du fluor variaient de1/1
o0o à1/100
ooo, tandis que dans la série F ce sont surtout les concentrations fortesqui
ont été administrées auxabeilles
(de 1/1
ooo à1/15 000 ).
Comme on
peut
le remarquer sur ces deuxtableaux,
la concentration dusirop
à
1/1
ooo defluor,
s’avèreextrêmement toxique
pour les abeilles. Les abeilles nesurvivent pas à cette dose
généralement plus
de 2 à 3jours.
On observecependant
dans cette
série,
une certaineirrégularité
dans les résultats. C’est ainsi que les abeillesqui reçurent
lesirop
àr!r 5
00o de fluor moururent trèsrapidement
et n’ont absorbéen moyenne que z2 Ypar abeille. Ce fait
peut
être attribué à laplus grande
sensibilité de certains lots et aussi à leur affaiblissementpendant
leur mise en cage. D’autrepart
on doit tenir
compte
du fait que les abeillesprélevées
dans les ruchespendant
l’étéà la fin du
printemps,
sontd’âges différents ;
certaines butineusespeuvent
se trouverdéjà
au terme de leur vie au moment duprélèvement.
Néanmoins dans la série
E,
comme dansplusieurs
des sériesprécédentes,
lesabeilles
qui reçurent
une dose très faible de fluor(concentration
dei/zoo 00o
vécurentaussi
longtemps
que les témoins et ont eu un coefficient de surviesupérieur
à celui destémoins tout en
ayant
absorbépendant
lapériode
de leur survie 23y de fluor par indi- vidu.Il ressort des essais
qui composent
ces deux séries que les abeillesqui
moururentpar suite de la concentration très forte du fluor absorbèrent dans ces
expériences
respec-tivement 25y et 32 y, 71 y et 110 y par
abeille,
c’est-à-dire les dosesqui dépassent
de I2,5 à 2o fois celle
qui
est considérée comme léthale.2° ESSAIS D’INTOXICATION DES ABEILLES PAR L’ADMINISTRATION SIMULTANÉE
DE SIROP DE SUCRE PUR ET DE SIROP ADDITIONNÉ DE NaF
Série G
Cette série d’essais diffère des
précédentes
en ce sens que les abeilles ont à leurdisposition
deuxsirops :
l’unnormal,
l’autrefluoré,
à des concentrations de1/1
ooo,1/2
000,1/5
ooo et1/10
ooo, ceci afin d’établir si les insectes maintenus dans lescagettes
ont unerépulsion marquée
pour lesirop
contenant letoxique
à une forteconcentration.
I,es essais ont été effectués au mois d’octobre et novembre du 24-10au Io-m, à la
température
du laboratoire de22-a5!C.
On constate que dans ces
expériences,
les abeilles se sontattaquées
aussi bienau
sirop
contenant le fluorqu’à
celuiqui
ne le contenait pas.Comme dans la
plupart
des essaisqui
furent relatésplus haut,
la concentration de1/1
o0o de fluor s’est avérée laplus toxique
et la survie des abeilles n’a pasdépassé
2
jours, pendant lesquels
elles n’absorbèrent chacune que 22y.Par contre dans ces
essais,
les abeilles nourries au moyen des solutions de fluor à1/2
000,i/5
00o eti/io
00o vécurentplus longtemps
et ne moururentqu’après
avoirabsorbé
42 , 2 6
et 23yrespectivement.
Il ressort ainsi de ces
essais,
que les doses fortes de fluor dans lesirop
n’exercentpas l’effet
répulsif
sur les abeilles contenues dans lescagettes,
et que, d’autrepart,
une forte concentration de fluor dans le
sirop peut
provoquer la mort des abeilles àune dose relativement faible.
Cette
expérience gagnerait cependant
à êtrerépétée
à latempérature
de32 °C.
3°
ESSAIS DE NOURISS!MÉNT INTERMITTENT DES ABEII,I,ES PAR DU SIROP PUR ET DU SIROP CONTENANT DU FLUOR A1/1
000. ,Série H
Dans ces
expériences,
lesirop
fluoré à1/1
ooo, concentration invariablement mortelle pour lesabeilles,
leur est administré d’une manière discontinuependant
I
heure,
le3 e jour ;
2 heures le4 e jour
et 3 heures le5 e jour
et enfin le14 e jour pendant
24 heures. Les abeillesreçoivent
lesirop
normal avant etaprès
les dosestoxiques.
Ces essais ont été effectués afin de rechercher l’existence d’une éventuelle accoutumance autoxique
ou bien au contraire d’une sensibilisation.Normalement,
en recevant le
sirop
à1/1
ooo, les abeilles auraient dû mourir dans les 24 heuresqui
suivirent l’administration de la dose. On constate,
toutefois,
quequelques
abeillesde certains lots
qui
ont été remises à la consommation dusirop
de sucre puraprès
avoir consommé à
plusieurs reprises,
et pour la dernière foispendant
24heures,
dusirop
contenant1/1
ooo defluor,
ont vécu trèslongtemps.
Sur le tableau 8
ci-dessous, figurent
les résultats de Ioexpériences
effectuéesdans le but
indiqué plus
haut.Pendant les repas
toxiques qui
ont étéaccomplis
par les abeilles avant le146 jour,
dans certaines
expériences
les abeilles absorbèrent de 30 à go y de fluor et néan- moins restèrentvivantes. Après
le dernier nourissement par lesirop fluoré qui
eutlieu le 14 e
jour, certaines abeilles
des divers lotsprésentèrent
une survie maximaqui atteignit
dans un cas 5qjours
et des survies moyennes de 23,! et 23,2jours après le
repasqui
aurait normalement dû leur être fatal en24 - 4 8
heures.Ces
expériences démontrent qu’il
y adans
les cas d’un nourissement intermittent telqu’il
estexposé
une nette accoutumance au fluor etl’acquisition
d’une résistancecontre des doses mortelles.
_ ,
En
effet, malgré l’absorption
par les abeilles de doses énormes defluor
allant de 50 à 140y, leur survie est trèssupérieure
à celle des Abeilles nonpréparées,
soumises àdes
doses bien plus fortes
et surtout àla
concentrationsimilaire de 1/1
ooo.Lorsqu’on
examine attentivement le tableau on remarque la similitude de survie des abeilles dans lesexpériences
42, 43et 44qui
vécurentrespectivement
23,7 22,7 et 22jours après
le repastoxique
habituellement mortel et absorbèrentrespective-
ment
pendant
leur existence6 2 , 6 4
et6 4
y de fluor.Notons que ces
expériences
ont été effectuéespendant
lapériode
d’activité desabeilles,
c’est-à-dire entre le 22-7et le 3o-g ; onpouvait
s’attendre à cequ’elles
soientaffaiblies dans les
cagettes,
cequi
n’est pas le cas comme le montrent les chiffres deplusieurs expériences.
4°
EXPÉRIENCES D’INTOXICATION DES ABEILLES PAR DES DOSES CROISSANTES DE FI,UORSÉ Y2G i
Dans ces
expériences
les abeillesreçurent
dusirop
fluoré à des concentrationscroissantes,
c’est-à-dire à1/100
ooo le Ierjour,
à1/50
000 le 2ejour,
à1/30
000les 3eet
4 e jours,
à1/25
000les 5eet 6ejours,
à1/20
000les7 e ,
8e 16 et17 e jours,
et
g e jours,
à1/15
000les joe, me et 12ejours,
à1/10
o00 les 13, 14, 15, et à1/5
000les
1 8,
Ig, 20, 21 et z2ejours jusqu’à
la fin del’expérience qui
a débuté le 1-5et fut terminée le
aS-5.
Ces
expériences
ont eu pour but de mettre en évidence une éventuelle accoutu-mance des abeilles au
toxique
administré à doses croissantes et, d’autrepart,
de voirleur
comportement
dans ces conditionscomparativement
à celui des abeilles témoins et de cellesqui reçurent toujours
une doseégale
de fluor.On constate que les résultats ne sont pas similaires dans toutes les
expériences
mais un fait ressort néanmoins
clairement,
c’est que lesabeilles,
en recevant des doses croissantes defluor, présentent
une survie de y,i6,
8 et 17jours
et sont capa- bles d’absorber9 8
y, 50y et 34y de fluorrespectivement.
Il est intéressant aussi de noter que les abeillesqui reçurent
lesirop
à la concentration dei/ 5
ooo de fluor ont,survécu
plus longtemps (à juger
des résultatsplus détaillés,
nonrapportés
sur cetableau)
que cellesqui
étaientintoxiquées
directement par lesirop
ài/ 5
ooo de fluor.5° ESSAIS D’ADMINISTRATION AUX ABEILLES DE CONCENTRATIONS FAIBLES DE FLUOR SUIVIE D’ALIMENTATION BRUSQUE PAR UN SIROP ACONCENTRATION FORTE ET G!NI;RALIrMENT MORTELLE
( 1/1 000 )
Sévie j
Dans cette série
composée
de troisexpériences,
les abeilles ont reçu dusirop
fluoré à
1/500
000les 5premiers jours,
dusirop
à1/250
000les 3jours
suivants et àpartir
du 8ejour
lesirop
à1/1
ooo.Il ressort de ces
expériences
que les abeilles vécurentjusqu’au
8ejour
sansqu’on
ait observé aucune mortalité en absorbant avec leur nourriture 2I, 30-2et3 8-2
de fluor par individu.
Ayant
reçu le 8ejour
lesirop
à1/1
ooo de fluor les abeilles moururent toutesen moins de
4 8
h et en absorbant àpeine
Iy de fluor deplus.
Il
paraît
ainsi que lapréparation
des abeilles parl’absorption
de doses trèsfaibles n’aboutit pas à leur
protection,
contrairement avec cequ’on
constate en leuradministrant
pendant
3 courtespériodes
une dose forte defluor, puis
cette même dosependant
unepériode
de 24 heures(voir
tableau8).
DISCUSSION ET CONCLUSIONS
Les résultats de ce travail ne
peuvent
êtrecomparés
avec ceuxqui
ont étéobtenus antérieurement par d’autres auteurs et par nous-mêmes car dans ce
travail,
latechnique
utilisée était différente de cellesemployées
antérieurement.Il ressort des
expériences entreprises
que lefluor,
sous forme de NaF en solution dans lesirop
de sucre administré aux abeillesplacées
dans lescagettes,
s’avèretoxique
à une concentration de1/1
ooo de fluor. Concentrationqui
nousparaît
difficilement réalisable dans la nature. Cette toxicité se manifeste
lorsque
lesirop
àcette concentration est administré continuellement
pendant
24 heures ouplus
etse traduit par la mort de toutes les abeilles.
La toxicité du
sirop
fluoré devient de moins en moinsimportante
avec dessolutions
plus
étendues deNaF ;
et celle dez/ 5 00o
constitue la limite de la toxicité réelle du fluor.L’effet des solutions à
z/ 5 o
ooo et1/100 ooo
estpratiquement
nul.Les abeilles
qui
absorbent le fluor à1/100 ooo,
etparfois
à1/50 ooo,
ont vécudans certaines
expériences
aussilongtemps
et mêmeplus longtemps
que les témoins tout enayant
absorbé desquantités
de fluor nettementsupérieures
à cellequi
estconsidérée par divers auteurs comme une dose léthale. A
juger
de certainesexpé- riences,
le fluor en concentration très faible( 1/100 0 00 ) n’agit
pas commetoxique
mais renforce la vitalité des abeilles en
captivité.
Le fluor enquantités
minimesagit peut-être
en tant quecatalyseur
de certains processusphysiologiques
chez lesabeilles maintenues dans les
cagettes expérimentales.
Il n’est pas à exclurequ’à
cesconcentrations faibles le fluor atténue l’auto-intoxication
possible
des abeilles par les excrémentsqui
s’accumulent dansl’ampoule
rectale enagissant
sur les bactéries deputréfaction.
L’évaluation
du taux moyen de fluor absorbé par les abeilles individuellement(pendant
lapériode
de leursurvie,
etaprès
leurmort),
apermis
de constater que ces insectespeuvent
avant demourir,
et même bienlongtemps
avant leur mort, absorberune
quantité
de fluortriple, quatruple
et même dix foisplus
élevée que celle consi- dérée par certains auteurs, comme dose mortelle.Le nourrissement des abeilles par le
sirop
à concentration de fluor d’abord trèsfaible, puis progressivement
deplus
enplus forte,
n’a pascomplètement
annihiléel’effet de la dose forte
(en
l’occurence dei/ 5 000),
mais lesabeilles,
ainsitraitées,
ont montré dans certaines
expériences
une survie maxima et moyenne assezgrandes
tout en
ayant
absorbé desquantités
de fluorconsidérables, plus précisément
34, 50 et
g8y
de fluor pour un survie moyenne de 17jours.
Quelques
essais ont consisté en l’administration aux abeilles de doses de fluor très faibles( y 5oo
ooo,i/2 5 o ooo)
avant leur intoxication par une dose forte et, mortelle de1/1
ooo. Les abeilles moururent dans un délai de 24 h cequi
dénote quel’absorption
dusirop
à faible concentration de fluor ne les a pasprotégées
contrel’intoxication par la dose forte.
Par contre, nous avons pu constater que dans d’autres circonstances on
peut
obtenir une résistance des abeilles contre la dose mortelle. C’est ainsiqu’en
adminis-trant à certains lots
d’abeilles,
d’abord lesirop
de sucre pur,puis ensuite, pendant
1
, 2 ou 3 heures les 3e,
4 0
et 5ejours respectivement
la concentration mortelle desirop
à1/1
ooo defluor,
nous n’avons obtenujusqu’au 14 e jour qu’une
mortalitépartielle
des abeilles bien que certaines aientabsorbé, d’après
les calculs effectués de 30 à 92 Y de fluor.Les abeilles
qui
ont survécu ont reçu lesirop
concentré lez 4 e jour
etpendant
24
heures,
c’est-à-dire letemps
suffisant pour provoquer la mort des abeilles nonpréparées.
Elles ont vécu
pendant
un certaintemps
encore et ne sont mortesqu’après
untemps qui correspondait
à la survie maxima et à la survie moyenne des témoins etaprès
avoir absorbépendant
cette survie des doses aussi élevées de fluor que 45et 143 Y.On doit conclure ainsi que, même à une concentration très forte et mortelle pour les
abeilles,
l’effet du fluor est atténué et dans certains cas est même annihilélorsqu’il
est administré à des fortes doses d’une manière brève et intermittente avecle
sirop
de sucre.Il n’est pas à exclure ainsi que le nourissement des abeilles au
printemps
par lesirop
fluoré dans les conditionsappropriées pourrait
atténuer l’intoxication des abeilles par lefluor,
cette intoxication nousparaissant cependant sujette
à caution.étant donné que les concentrations mortelles de fluor pour les abeilles dans les con-
ditions
expérimentales
sont très élevées et ne sauraient certainement se réaliser dans les conditions naturelles.Néanmoins,
il faut continuer les recherches dans ces directions et reconnaître l’effet du fluor sur les abeillesqu’il
soit additionné desirop
ou demiel,
depollen
- ou de sucre
candi,
etc.Ce sont là des travaux
qui
ferontl’objet
de nospublications
ultérieures.Reçu pour
publimtion
enjuillet
1962.SUMMARY
EXPERIMENTAL RESEARCH ON THE TOXICITY OF FLUORINE TO BEES
The
experiments
described in this paper have shown that fluorine(in
the form of a solution NaF in sugarsyrup)
was toxic to beesonly
at concentrations toohigh
to occur under natural condi- tions.Bees fed on a syrup
containing
a low concentration of fluorine couldingest
more than what someauthors considered to be lethal doses of the latter and yet gave the same survival
figures
as thecontrols.
One of the
feeding
methods described enabled it to be stated that beesmight
be inured to dosesof fluorine which under normal conditions would prov-e fatal.
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