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Transitions familiales, professionnelles et investissements éducatifs : une analyse par microsimulation dynamique

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Academic year: 2021

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Submitted on 2 Sep 2020

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Vincent Lignon

To cite this version:

Vincent Lignon. Transitions familiales, professionnelles et investissements éducatifs : une analyse par microsimulation dynamique. Economies et finances. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2014. Français. �NNT : 2014PA010001�. �tel-02927760�

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U.F.R. de Sciences Économiques

T

HÈSE

Pour l’obtention du grade de

Docteur de l’Université Paris I en Sciences Économiques

Présentée et soutenue publiquement par

Vincent L

IGNON

Novembre 2014

T

RANSITIONS FAMILIALES, PROFESSIONNELLES

ET INVESTISSEMENTS ÉDUCATIFS

UNE ANALYSE PAR MICROSIMULATION DYNAMIQUE

Directeur de thèse : M. Pierre COURTIOUX

Composition du jury :

M. Hippolyte d’ALBIS Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne

M. Didier BLANCHET Directeur de recherche à l’INSEE (rapporteur) M. Arnaud CHÉRON Professeur à l’Université du Maine (rapporteur)

M. Pierre COURTIOUX Directeur adjoint de recherche à l’EDHEC

M. Bernard GAZIER Professeur émérite à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mme Dominique MEURS Professeure à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense

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L’Université Paris I Panthéon-Sorbonne n’entend donner aucune approbation, ni

improbation, aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

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Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma gratitude à mon directeur de thèse, Pierre

Courtioux. Toujours disponible, il a su être à l’écoute et me conseiller avec justesse et bienveillance. Les discussions fréquentes et stimulantes que nous avons eues, mais également son exigence, ont été des moteurs essentiels de ma réflexion. Mes remerciements vont ensuite à Bernard Gazier pour son accompagnement depuis mon année de master recherche, son soutien pour obtenir un financement doctoral et ses suggestions sur certaines orientations de cette thèse. Sans lui, ce manuscrit n’aurait pas abouti. Je suis également profondément reconnaissant envers Olivier Thévenon. Nos échanges et débats, toujours instructifs, m’ont permis d’enrichir mon argumentation et d’explorer des pistes de recherche fructueuses. Je remercie également les personnes qui ont apporté, à un moment ou un autre, leur aide, leurs remarques ou leurs commentaires sur cette thèse : merci à Carole Bonnet, Stéphane Gregoir, Dede Houeto et Sophie Pennec pour leurs conseils expérimentés sur la microsimulation ; à Christine Erhel et Jean-Luc Outin pour leurs diverses relectures ; à Lidia Panico, Delphine Rémillon et Marie-Thérèse Letablier pour nos discussions sur le plan théorique ; à Elisabeth Morand, Marc Thévenin et Corinne Perraudin pour leur aide technique et statistique ; à Milan Bouchet-Valat pour nos échanges sur l’homogamie éducative et à Anne Solaz pour avoir assuré la discussion de mon « bilan 18 mois ». Merci

également aux rapporteurs anonymes du comité de renouvellement des doctorants de l’Ined qui m’ont permis de bénéficier, chaque année, d’un avis extérieur sur l’avancement de la

thèse. Je suis par ailleurs grandement reconnaissant envers Coralie Perez et Muriel Pucci pour leurs relectures approfondies des versions avancées de certains chapitres de ce manuscrit.

Cette thèse a été effectuée au sein de trois environnements distincts : la Maison des sciences

économiques, l’Institut national d’études démographiques et le Pôle de recherche en économie de l’Edhec. Je remercie Jean-Bernard Chatelain, Jérôme Gautié, Agnès Gramain,

Laurent Gobillon, Anne Solaz et Stéphane Grégoir pour leur accueil et pour m'avoir permis de bénéficier de conditions de travail optimales. Plus généralement, merci à l’ensemble des membres des axes « Economie et société » et « EPIO » de Paris 1 ainsi que ceux des unités 9

et 3 de l’Ined pour avoir favorisé mon intégration dans le milieu de la recherche et avoir

discuté, au cours de différents séminaires, les travaux qui composent cette thèse. Je n’oublie pas Ai-Thu Dang et Cris Beauchemin pour leur accompagnement et leurs conseils tout au long de mon parcours doctoral. Je tiens à leur exprimer ici ma gratitude.

J’ai par ailleurs une pensée pour tous mes colocataires de bureau (ils sont nombreux) pour

leur accueil chaleureux. Merci également à Elda André, Bénédicte Driard, Annie Garnero, Nadine Hengel, Xavier Péres et Loïc Sorel pour m’avoir aidé à surmonter ma « phobie administrative ».

La rédaction de ce travail a été facilitée par les liens que j’ai noués avec les doctorants et jeunes docteurs durant ces quatre dernières années. Je ne peux tous les citer ici mais je pense particulièrement à Thibault Darcillon, Mickael Portela, Camille Signoretto, Charlotte Levionnois, Robin Hégé, Baptiste Françon, Sandrine Juin, Jérôme Lefranc, Matthieu Solignac, Elsa Steichen, Martin Koning, Miléna Spach, Mathilde Guergoat-Larivière, Noémie De Andrade, Milan Bouchet-Valat, Paola Villar, Aurélien Dasré, Emmanuel Valat et Fachru Nofrian. Ce travail a profité de nos échanges amicaux et intellectuels. Je souhaite également adresser une dédicace « toute particulière » aux doctorants « finissants » avec qui j’ai

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Je suis profondément redevable envers ceux qui m’ont aidé à mettre en forme la version finale

de cette thèse : pour avoir accompli cette tâche malgré tout ingrate, merci à Camille, Thibault et Jérôme Riboulet.

Plus largement, je tiens à exprimer ma reconnaissance à celles et ceux qui, sans forcément le

savoir, m’ont permis d’aborder ces quatre années avec sérénité grâce au « bon temps » dont

ils m’ont gratifié par ailleurs : les amis narbonnais de toujours, les scufistes et tous ceux qui, sans être cités ici, se reconnaîtront.

Mes remerciements les plus intenses vont à mes parents et ma sœur pour leur présence de chaque instant et pour m’avoir accompagné, depuis toujours, dans tous mes choix. Merci à eux, mais également pardon, pour leurs lectures et relectures des dernières versions de ce manuscrit. Enfin, un immense merci à Leslie pour sa patience et son soutien sans faille.

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RANSITIONS FAMILIALES, PROFESSIONNELLES ET

INVESTISSEMENTS ÉDUCATIFS

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Introduction générale ... 1

Chapitre 1 - Appréhender les trajectoires individuelles : les approches

théoriques en termes de Cycle de vie et de Parcours de vie ... 13

PARTIE I - Hétérogénéité des trajectoires professionnelles, conjugales et

gains monétaires liés à l’éducation initiale

... 47

Chapitre 2 - Rendements de l’éducation initiale, diversité des trajectoires

professionnelles et effets du système socio-fiscal ... 51

Chapitre 3 - Trajectoires conjugales, homogamie éducative et inégalités

salariales sur le cycle de vie ... 101

PARTIE II - La formation continue : inégalités d’accès et de financement

tout au long de la vie... 155

Chapitre 4 - Compléter l’analyse des déterminants de l’accès à la formation

continue : le rôle des facteurs familiaux et des dispositifs de formation ... 159

Chapitre 5 - Répartition des dépenses de formation continue entre les

individus : une perspective longitudinale ... 211

Conclusion générale ... 269

Annexes ... 278

Bibliographie ... 311

Glossaire des acronymes et des abréviations ... 331

Table des illustrations ... 335

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Introduction générale

Un récent rapport de la Commission européenne1 souligne que l’éducation, qu’il s’agisse de la formation initiale ou continue2, a un rôle crucial à jouer pour « stimuler la croissance économique » et « doter les individus des compétences et des qualifications nécessaires pour réussir ». Ce rapport paraît au moment même où la dégradation du marché du travail que connaît l’ensemble des grands pays développés suite à la crise des subprimes de 2007 montre que l’éducation reste un puissant rempart contre le chômage. Entre 2008 et 2011, dans les pays de l’OCDE, le taux de chômage a augmenté de près de 4 points de pourcentage pour les moins diplômés contre moins d’1,5 point pour les plus diplômés (OCDE, 2013). Par ailleurs, la formation continue est apparue dès le début de la crise comme un levier important pour réorienter les individus ayant perdu leur emploi et favoriser leur réinsertion rapide sur le marché du travail3. Parallèlement aux effets bénéfiques des politiques éducatives, le rapport de la Commission pointe les problèmes liés au montant des dépenses qui y sont consacrées, notamment dans un contexte de diminution des déficits publics : « [t]ous les volets des budgets publics sont actuellement sous surveillance, y compris l'éducation et la formation : la plupart des États membres ont des difficultés à maintenir les niveaux actuels de dépenses et plus encore à les augmenter » et d’y ajouter que « la réduction des dépenses d’éducation risque de miner le potentiel de croissance économique et la compétitivité ».

Dans ce rapport, deux enjeux économiques centraux de l’éducation sont opposés : ses effets positifs d’une part et les dépenses qu’elle implique d’autre part. Cette opposition renvoie à une approche courante en économie qui consiste à considérer l’éducation comme un investissement : elle représente une dépense aujourd’hui qui doit permettre de produire demain un supplément de richesse (Gurgand, 2005). Cette approche a particulièrement été développée par la théorie du capital humain (Schultz, 1961 ; Becker, 1964) afin d’expliquer les décisions individuelles d’éducation. Un meilleur niveau d’éducation permet aux individus d’améliorer leur trajectoire sur le marché du travail et de bénéficier de salaires plus élevés au

1 Rapport conjoint de 2012 du Conseil et de la Commission sur la mise en œuvre du cadre stratégique pour la

coopération européenne dans le domaine de l'éducation et de la formation (JO C70/9).

2 La formation continue ou « postscolaire » renvoie à l’ensemble des formations suivies par les individus une

fois qu’ils ont terminé leurs études initiales.

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cours de leur vie4 mais engendre des coûts. Outre les différents frais dont doivent s’acquitter les individus pour se former (c'est-à-dire les coûts directs tels que les frais d’inscriptions), ces coûts renvoient principalement au coût d’opportunité : il s’agit du manque à gagner lié à la décision de se former5. La mise en perspective des coûts et des bénéfices de l’éducation permet, comme tout autre investissement, d’en évaluer le rendement. Sur ce point, les travaux réalisés sur la formation initiale montrent, qu’en moyenne, une année d’études supplémentaire accroît le salaire des individus d’un montant allant de 5 à 15% (Psacharopulos, 1994). Les évaluations disponibles sur les formations postscolaires apparaissent plus contrastées et font état de rendements faibles voire négatifs (Cahuc et al., 2011). Les difficultés relatives à l’identification de l’effet causal des formations postscolaires sur les salaires ou l’emploi6 renvoient au fait que les individus qui suivent ces formations sont fortement sélectionnés du point de vue de leurs caractéristiques observables (sexe, âge, etc.) et inobservables (motivation, appétence, etc.). En outre, les formations postscolaires sont généralement de courte durée : leurs effets ne peuvent donc être de la même ampleur qu’une année de formation initiale.

Bien que les individus retirent des bénéfices privés de l’éducation y compris lorsque l’on tient compte des coûts d’opportunité, une part majoritaire des dépenses éducatives directes (c'est-à-dire des coûts (c'est-à-directs) sont assurées par d’autres financeurs dans la plupart des pays de l’OCDE (OCDE, 2013). D’un point de vue économique, le fait que les individus ne soient pas les seuls à financer leur formation est justifié par l’existence d’effets externes positifs7 de

l’éducation pour la collectivité dans son ensemble (diminution de la criminalité, augmentation de la productivité au niveau national, diffusion de l’éducation au sein des familles, augmentation de l’espérance de vie, etc.) (Grossman, 2006).

4 Ces « bénéfices privés » ou « gains privés » de l’éducation peuvent être la résultante d’un accroissement des

capacités productives des individus comme le soutient la théorie du capital humain (Becker, 1962) mais d’autres explications ont été fournies notamment par la théorie du signal (Arrow, 1973 ; Spence, 1973) qui souligne qu’un niveau de formation élevé constitue pour les employeurs un signal sur les aptitudes inobservables des individus comme le talent ou l’effort.

5 Les coûts d’opportunité peuvent particulièrement peser sur les décisions d’éducation initiale : lorsque les

individus décident par exemple de poursuivre leurs études, ils renoncent au salaire qu’ils auraient pu percevoir en intégrant directement le marché du travail.

6 Cf. les discussions de Dayan et Eksi (2007), Aubert et al. (2009) et Chéron (2012).

7 On parle d’« effets externes positifs » ou « externalités positives » lorsque l’action d’un agent a des

répercussions positives sur le bien-être d’un autre agent sans que celle-ci fasse l’objet d’une transaction économique.

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En France, en 2010, la dépense nationale pour l’éducation tous financeurs confondus était de 136,1 milliards d’euros8. Elle représentait 7% du produit intérieur brut soit un niveau légèrement inférieur à celui constaté pour les 27 pays de l’Union européenne (7,4% en 2010). 56% du montant de ces dépenses étaient pris en charge par l’Etat, 25% par les collectivités territoriales, 11,3% par les ménages9, 6,8% par les entreprises et 0,9% par les autres administrations publiques. Si on se concentre sur les dépenses d’enseignement pour la formation initiale, en 2010, le premier degré représentait 32% des dépenses (28,6 milliards d’euros), le second degré 46% (41,9 milliards d’euros) et le supérieur 22% (20,2 milliards d’euros). Une proportion très importante des dépenses dans l’éducation initiale (près de 90%) est de source publique en France (Etat, collectivité territoriale) : elle permet de garantir la gratuité de l’enseignement obligatoire et d’assurer des frais de scolarité dans l’enseignement supérieur qui sont parmi les plus faibles des pays de l’OCDE (OCDE, 2013). Au niveau individuel, la dépense moyenne annuelle de la collectivité par élève varie fortement selon le niveau d’éducation. En 2010, d’après le ministère de l’éducation nationale (MEN-DEPP, 2013), elle était de 5 730 € dans le premier degré, de 9 670 € pour le second degré et de 11 430 € dans le supérieur avec une forte variabilité selon la filière : 10 180 € ont été dépensés en moyenne pour un étudiant de l’Université contre 15 240 € pour un étudiant de classe préparatoire aux grandes écoles et plus de 25 000 € pour les individus engagés dans des études d’ingénieur. Concernant la formation continue ou « postscolaire », l’effort national était en 2010 de 25,7 milliards d’euros (PLF, 2013)10. Les entreprises assuraient à elles seules 47% de la dépense totale contre 21% pour l’Etat, 10% pour les régions, 9% pour les autres collectivités territoriales, l’Unedic-Pôle emploi et 4% pour les ménages. La part importante des financements assurés par les entreprises résulte de la loi Delors de 1971 qui est considérée comme la loi fondatrice du système français de formation continue : cette loi introduit une

8 Les chiffres présentés ici sont tirés d’Eurostat, du ministère de l’éducation nationale (MEN-DEPP, 2013), de

l’OCDE (OCDE, 2013) et de l’annexe « formation professionnelle » du projet de loi de finances (PLF, 2013).

9 Ces dépenses ne prennent pas en compte les coûts d’opportunité supportés par les individus.

10 Par rapport aux chiffres fournis par le projet de loi de finances de 2013, nous ne comptabilisons pas

l’apprentissage. En effet, l’'apprentissage est une « formation en alternance, assurée conjointement dans les centres de formation d'apprentis et les entreprises, qui peut préparer à tous niveaux de diplômes technologiques ou professionnels jusqu'au supérieur » (définition du Ministère de l’éducation nationale). Il s’agit donc d’une formation professionnelle en entreprise réalisée dans le cadre des études initiales. A cet égard, l’apprentissage est exclu de notre analyse de la formation postscolaire car il n’entre pas dans le champ des formations suivies une fois les études initiales terminées.

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obligation pour les entreprises de consacrer une part de leur masse salariale à la réalisation d’actions de formation11.

Face au montant de ces dépenses, savoir comment les financements de la collectivité sont ventilés entre les individus et quels bénéfices ils en retirent représente un enjeu important, notamment dans une optique de calibrage des politiques publiques liées à l’éducation. C’est précisément l’objet de cette thèse qui s’interroge sur le degré d’hétérogénéité de l’investissement éducatif au niveau individuel dans le cas français. Afin de préciser l’objet de notre analyse, nous commençons par exposer la perspective en termes de trajectoires que nous adoptons. Nous présentons ensuite l’outil méthodologique que nous mobilisons puis détaillons la structure de la thèse.

La diversité des trajectoires professionnelles et familiales au cœur de l’analyse de

l’investissement éducatif

Dans cette thèse, nous cherchons à replacer les trajectoires individuelles12 au centre de l’analyse de l’investissement éducatif. L’intérêt de cette démarche réside dans le fait qu’une perspective dynamique est nécessaire dès lors que l’on cherche à appréhender l’investissement en formation initiale et postscolaire au niveau individuel. En effet, les bénéfices tirés du diplôme (notamment les gains salariaux et la protection contre le chômage) ne peuvent être évalués qu’en considérant la carrière complète des individus. Par ailleurs, la formation continue a, par définition, vocation à intervenir « tout au long de la vie »13 pour permettre aux individus d’améliorer leurs compétences, de les protéger des trajectoires instables ou encore de compenser leur déficit de formation initiale : elle tend en ce sens à être appréhendée comme un nouvel élément constitutif des systèmes de protection sociale (Verdier, 2008).

En nous intéressant aux liens entre éducation et trajectoires individuelles d’un point de vue économique, notre thèse cherche à éclairer les politiques éducatives en répondant plus particulièrement à deux questions : quel est le degré d’hétérogénéité des gains individuels liés

11 0,8% initialement pour un taux variant actuellement entre 0,55 et 1,6% suivant la taille de l’entreprise.

Celles-ci s’acquittent de ce montant en formant directement leurs salariés, en cotisant auprès d’organismes collecteurs (les organismes paritaires collecteurs agréés), ou effectuant un versement au Trésor Public.

12 Une trajectoire peut être définie comme un processus de vieillissement qui se traduit par un « mouvement » au

sein de la structure d’âge (Elder, 1985).

13 A ce titre, dans son discours du 16 octobre 2013 à l’Assemblée nationale, Michel Sapin, alors ministre du

travail, souligne que « l’enjeu de l’époque que nous vivons n’est plus seulement le diplôme mais bien de se former tout au long de la vie ».

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à l’éducation initiale compte tenu de la diversité des trajectoires individuelles ? Quelle est la répartition des dépenses de formation continue entre les individus lorsque l’on considère l’ensemble de leur cycle de vie ?

La première question s’inscrit dans le cadre des débats sur le financement de la formation initiale, notamment ceux relatifs à l’enseignement supérieur. Comme nous l’avons vu, en France, le financement de la formation initiale relève principalement de fonds publics et la dépense moyenne est particulièrement élevée pour certaines filières du supérieur (classes préparatoires, écoles d’ingénieur, etc.). Le fait que certains individus tirent des bénéfices privés de leur diplôme peut justifier, dans une perspective économique en termes de capital humain, leur contribution au financement du système de formation (Teixeira et al., 2006)14. C’est précisément ce que préconise l’OCDE sur la base du constat selon lequel les études supérieures sont associées à des rendements privés moyens importants (OCDE, 2009). Cependant, ce type de prescription ne peut s’appuyer uniquement sur des observations en moyenne et doit considérer l’hétérogénéité des trajectoires ainsi que les inégalités économiques qui en découlent : on peut en effet penser que certains diplômés connaissent des parcours défavorables sur le marché du travail et risquent de ne pas valoriser leur diplôme. La seconde question que nous posons renvoie directement au financement de la formation postscolaire. En économie, de nombreux travaux ont cherché à identifier l’impact de la formation postscolaire sur le salaire ou la situation professionnelle des individus (Goux et Maurin, 1997 ; Fougère et al., 2001 ; Cavaco et al., 2004 ; Chéron et al., 2010 ; Crépon et al., 2012 ; Havet et Lacroix, 2013). Comme nous l’avons vu, l’ampleur et le signe de l’effet des formations sur le salaire et les trajectoires professionnelles ne sont pas tranchés. En France, cette question se pose dans un contexte où le système de formation continue est très critiqué notamment en raison de « l’opacité de ses circuits de financements » et de « l’inefficacité de certaines dépenses » : de ce point de vue, Cahuc et al. (2011) proposent de substituer à l’obligation de « former ou payer » un système de subvention15 qui prendrait la forme de déductions fiscales accordées aux entreprises formatrices afin que ne subsistent que les

14 Cette contribution est par ailleurs justifiée du point de vue de l’équité et de la « régressivité » du système

éducatif (Paul, 2007). Les catégories sociales supérieures sont en effet surreprésentées parmi les filières les plus coûteuses (grandes écoles, écoles d’ingénieur, etc.) alors que le financement de ces filières est principalement alimenté par l’impôt des individus, y compris ceux des groupes sociaux les moins favorisés qui ne les fréquentent pas.

15 Dans ce cadre, Chéron (2012) propose de moduler ces subventions en fonction du niveau de rémunération des

travailleurs : pour chaque catégorie socioprofessionnelle (CSP), conditionnellement à l’âge, le taux de subvention devrait être décroissant avec le salaire.

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dépenses efficaces. En amont de l’évaluation de l’impact des formations et, plus généralement, de l’efficacité du système de formation continue, il est important de questionner le degré d’hétérogénéité des parcours éducatifs postscolaires et la répartition des dépenses dont bénéficie chaque individu pour se former une fois les études initiales terminées16. L’évaluation de ces dépenses et de leur degré d’équité, qui nécessite de considérer les trajectoires dans leur intégralité, n’a jamais été effectuée. En France, on constate sur données transversales que ce sont notamment les individus les plus diplômés et les mieux insérés sur le marché du travail qui bénéficient le plus du système de formation postscolaire (Fournier, 2008 ; Blasco et al., 2009 ; Gossiaux et Pommier, 2013). Dans ce cadre, la perspective que nous proposons permet d’une part de renouveler l’analyse des inégalités face à la formation continue en les abordant d’un point de vue dynamique et économique et d’éclairer d’autre part les débats sur la capacité de la formation postscolaire à compenser, au regard des montants investis au niveau individuel, les inégalités de capital humain accumulées durant la formation initiale.

Dans le cadre de notre analyse dynamique, nous nous intéressons particulièrement aux trajectoires professionnelles et familiales. Les trajectoires professionnelles sont définies ici comme l’enchaînement des positions occupées par les individus vis-à-vis du marché du travail (emploi, chômage, inactivité). Les trajectoires familiales renvoient quant à elles à la situation conjugale (vie en couple ou non) et parentale (présence d’enfants ainsi que leur âge) des individus tout au long de leur vie. Ce focus est justifié pour plusieurs raisons. Comme nous l’avons vu, les bénéfices tirés de l’éducation initiale dépendent principalement de la situation des individus sur le marché du travail à chaque âge et des revenus qu’ils perçoivent en conséquence (salaire, allocation chômage, etc.). Une autre source de bénéfice liée au niveau de diplôme peut découler de la situation conjugale des individus (en particulier du salaire de leur conjoint). En effet, plusieurs travaux (Girard, 1964 ; Blossfled, 2009) mettent en lumière une tendance à l’homogamie éducative, c'est-à-dire une tendance à l’union d’individus aux caractéristiques éducatives semblables. Dans ce cadre, si l’obtention d’un diplôme élevé offre des garanties sur le marché du travail, elle permet également de s’unir à des conjoints bénéficiant de carrières salariales favorables. Les aspects professionnels et familiaux des trajectoires sont également importants pour appréhender la répartition de l’investissement éducatif postscolaire. En effet, pour évaluer les dépenses dont bénéficient les individus dans le

16 C'est-à-dire des financements extérieurs aux individus provenant de l’Etat, des collectivités territoriales, de

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cadre des formations postscolaires, il est nécessaire de connaître le nombre de formations qu’ils suivent au cours de leur carrière et les dispositifs auxquels ils participent (durées, objectifs, etc.). Ces éléments dépendent directement de la situation des individus sur le marché du travail (Blasco et al., 2009 ; Fournier, 2008, Dubar, 2004) mais les facteurs familiaux jouent également un rôle décisif. A partir de l’enquête sur la formation des adultes de 2012, Gossiaux et Pommier (2013) montrent que 34% des individus déclarent renoncer à la formation continue pour des raisons familiales17. Plus généralement, il convient de signaler qu’en effectuant ce focus sur les trajectoires professionnelles et familiales, nous accorderons une attention particulière aux différences entre hommes et femmes dans la mesure où de fortes inégalités existent entre les sexes tant sur le marché du travail que dans la répartition des tâches domestiques (Meurs et Ponthieux, 2000 ; Eydoux et al., 2006; Pailhé et Solaz, 2007). Cette distinction est par ailleurs nécessaire compte tenu de la segmentation des filières d’éducation initiale selon le sexe (Rosenwald, 2006) : dans le supérieur, les femmes sont par exemple surreprésentées dans les filières littéraires ou les écoles paramédicales et sociales (écoles d’infirmière, etc.) mais sont sous-représentées dans les filières scientifiques et industrielles (écoles d’ingénieur, etc.).

Enfin, en plus d’être dynamique, notre perspective se veut générationnelle. En effet, pour appréhender le degré d’hétérogénéité de l’investissement éducatif en tenant compte de la diversité des parcours individuels, il est nécessaire d’analyser des segments de trajectoires comparables. Pour ce faire, l’approche générationnelle s’avère la plus pertinente. Une génération est définie comme un ensemble d’individus nés la même année18 : il s’agit donc d’individus confrontés aux mêmes configurations historiques et institutionnelles dont on peut comparer la situation à chaque âge.

Une analyse par microsimulation dynamique

Pour mener notre analyse dynamique de l’hétérogénéité de l’investissement éducatif, l’idéal serait de disposer de données renseignant sur les trajectoires professionnelles et familiales des individus en fonction de leur niveau d’éducation mais également de leur accès à la formation

17 Il s’agit de l’obstacle à la formation continue le plus cité par les individus devant les contraintes

professionnelles et financières.

18 Cf. Mannheim (1928 ; 1952). Le concept de génération peut être rapproché de celui de cohorte de naissance.

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tout au long de la vie. De telles informations ne sont pas disponibles19. Pour surmonter cette difficulté, cette thèse utilise et contribue à construire un modèle de microsimulation dynamique générationnel dont nous présentons ici les principaux aspects20.

Le principe général de la microsimulation21 dans le domaine économique trouve son origine dans un article de Guy Orcutt datant de 1957 intitulé « A new type of socio-economic system ». Dans cet article, Orcutt (1957) critique les approches agrégées basées sur l’hypothèse de l’agent représentatif et plaide pour un « nouveau type de modèle » permettant de rendre compte, dans l’analyse de l’évolution des grandeurs économiques, de la diversité des comportements des agents (individus, ménages, entreprises) et de leur interaction au cours du temps. D’un point de vue pratique, Orcutt propose de recourir à des outils informatiques pour simuler la dynamique des choix au niveau micro, c’est-à-dire notamment les unités de décision individuelles que constituent les individus et/ou les ménages, afin d’en déduire les conséquences au niveau macro. Sur cette base, la microsimulation s’est principalement développée dans le champ des politiques socio-fiscales : ces politiques renvoient en effet à des barèmes complexes qu’il est nécessaire d’appréhender au niveau individuel afin d’en analyser les effets redistributifs. Sur cette base, deux familles de modèles peuvent être distinguées. La première famille regroupe des modèles dits « statiques » qui consistent à appliquer des législations socio-fiscales à des échantillons représentatifs d’une population donnée22. Ces modèles permettent d’évaluer et de comparer l’impact de différentes réformes sur la distribution des revenus au sein de la population ainsi que leurs implications pour les comptes publics pour une année fiscale donnée. Par définition, la microsimulation statique n’introduit pas de dimension temporelle et les résultats obtenus le sont pour une population observée à un moment donné du temps. Dans ce cadre, une deuxième famille regroupe des modèles de microsimulation dits « dynamiques » qui ont pour objectif de simuler l’évolution des caractéristiques des individus au cours du temps. Ces modèles permettent notamment d’évaluer des politiques dont les effets que l’on cherche à mesurer nécessitent d’adopter une

19 A cet égard, on peut d’ailleurs s’interroger sur la faisabilité même d’une enquête qui consisterait à interroger

de façon récurrente les individus tout au long de leur vie (coûts, problèmes relatifs à l’attrition, etc.).

20 Les caractéristiques plus précises du modèle seront abordées au fil des différents chapitres en fonction des

analyses qui y seront effectuées. Un schéma récapitulatif qui relie chacun des chapitres avec les différents modules du modèle de microsimulation est disponible en annexe (cf. annexe A.1).

21 Pour une présentation plus détaillée, voir notamment Blanchet (2014) et Li et O’Donoghue (2012).

22 En France, le modèle Ines développé par l’Insee et la Drees (Duval et al., 2012) et le modèle Myriade de la

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perspective intertemporelle23. Bien que certains modèles cherchent à endogénéiser une partie des comportements24, les résultats fournis par les modèles de microsimulation reposent la plupart du temps sur l’hypothèse selon laquelle les comportements individuels (offre de travail, fécondité, etc.) ne s’ajustent pas aux changements de politique : les effets analysés sont alors qualifiés d’effets du lendemain ou d’effets de premier tour. Le fait que les modèles de microsimulation ne tiennent généralement pas compte des modifications des comportements résulte en partie du nombre important des caractéristiques qui y sont simulées (statut d’activité, situation familiale, etc.). On peut en effet penser que la prise en compte simultanée des différents choix auxquels sont confrontés les individus peut très rapidement s’avérer complexe ou nécessiter des hypothèses fortes se traduisant par une simplification des situations prises en compte dans le modèle. A ce titre, on notera que les modèles ACE (agent-based computationnal economic) cherchent par exemple à tenir compte de l’endogénéité des comportements et des interactions entre les agents mais dans des cadres simplifiés et non-représentatifs de populations réelles25. De ce point de vue, si la microsimulation dynamique est généralement utilisée à des fins d’évaluation des politiques publiques, elle consiste avant tout à générer, de la manière la plus cohérente possible, des données réalistes et synthétiques « qui n’existent pas ». Il s’agit par exemple de simuler le devenir d’une population (modèles populationnels) ou d’individus nés la même année (modèles générationnels) à horizon lointain à partir des situations observées sur des enquêtes transversales ou sur données longitudinales de court terme. La microsimulation permet en ce sens d’apporter des éclairages sur des questions qui resteraient sans réponse si l’on se cantonnait à l’exploitation des enquêtes disponibles (Li et O’Donoghue, 2012).

Dans ce cadre, la microsimulation dynamique est un outil particulièrement adapté aux besoins de notre analyse de l’investissement éducatif : elle permet de pallier l’absence de données sur les trajectoires de long terme des individus d’une génération donnée et d’évaluer la répartition des gains et des financements liés à l’éducation tout au long de la vie. Dans cette thèse, nous utilisons le modèle Gameo26 développé au sein du Pôle économie de l’Edhec (Courtioux et al., 2009). Pour les besoins des analyses effectuées dans cette thèse, plusieurs améliorations

23 C’est typiquement l’exemple de l’analyse des retraites auxquelles sont consacrés en France le modèle Destinie

de l’Insee (Blanchet et al., 2011) et le modèle Prisme de la Cnav (Poubelle et al., 2006).

24 Par exemple, le modèle Destinie intègre des comportements de liquidation de la retraite (Bachelet et al., 2011). 25 Voir par exemple Blanchet (2014) pour une discussion sur la convergence des modèles ACE et des modèles de

microsimulation.

(23)

ont été introduites par rapport à la version initiale du modèle27 : en particulier, de nouveaux modules ont été construits (cf. infra). Du point de vue de ses caractéristiques générales, Gameo est un modèle de microsimulation dynamique générationnel centré sur l’éducation : il produit une distribution stylisée de l’hétérogénéité des trajectoires d’individus nés la même année selon leur niveau de diplôme initial. Il est possible de distinguer deux étapes dans le modèle : la construction d’un fichier individuel de départ et la simulation proprement dite des trajectoires. La première étape du modèle Gameo consiste à construire, à partir des enquêtes Emploi en continu (EEC) 2003-2010, une base d’individus qui respecte la répartition de la génération dont on cherche à projeter les trajectoires en termes de sexe, de diplôme et d’âge de fin d’études. Cette base de données individuelles sert de point de départ à la simulation. Suivant les analyses que l’on veut effectuer, il est possible d’y définir l’année de naissance de la génération simulée et de déterminer le nombre d’observations de la base28. En fonction du nombre d’observations choisi, on cale les pondérations effectives des observations sur le nombre de naissances constatées pour la génération en question. Ces pondérations évoluent au cours de la trajectoire en fonction de taux de survie différenciés selon le sexe et le niveau de diplôme. La seconde étape de Gameo a pour objectif de simuler les trajectoires professionnelles, familiales et les parcours éducatifs postscolaires des individus. La simulation des trajectoires démarre à 16 ans, l’âge légal de fin de scolarité obligatoire, et se prolonge jusqu’à 100 ans, âge auquel on suppose que tous les individus sont décédés. Gameo fonctionne selon une boucle annuelle : à chaque âge a, le modèle balaye l’ensemble des individus et simule leurs caractéristiques à l’âge a+1 en fonction de plusieurs déterminants. Pour ce faire, le modèle s’appuie d’une part sur des probabilités de transitions annuelles calculées à partir de modèles logistiques estimés sur des enquêtes « en coupe »29 et d’autre part sur des cales générationnelles qui visent à respecter des taux agrégés exogènes au modèle30 (taux d’activité à chaque âge pour la génération, part d’individus en couple, etc.). En pratique, le modèle Gameo est divisé en plusieurs modules : un module marché du travail qui simule les trajectoires professionnelles (statut d’activité sur le marché du travail, salaire), un module démographique qui simule les trajectoires familiales (situation conjugale et parentale,

27 Pour une application de la version antérieure du modèle, voir par exemple Courtioux et al. (2011). 28 Ce choix dépend d’un arbitrage entre temps de calcul d’une part et précision de la simulation d’autre part. 29 Gameo s’appuie principalement sur les EEC et les enquêtes SRCV (statistique sur les ressources et conditions

de vie). Il convient de signaler que, pour éviter d’introduire du bruit dans la simulation, les variables dont les coefficients ne sont pas significatifs ne sont pas conservées dans les modèles économétriques qui servent de base aux simulations.

30 Cette procédure est qualifiée de « calage » ou d’ « alignement » (Blanchet, 2014) : elle a pour objectif de

contraindre le modèle à respecter une « cale » exogène pour rester conforme aux observations macroéconomiques (Li et O’Donoghue, 2014).

(24)

caractéristiques des conjoints) et un module formation continue qui simule les parcours éducatifs postscolaires (accès à la formation, type de dispositif). Dans la pratique, ces différents modules ne sont pas complètement indépendants : si le module marché du travail peut fonctionner de manière autonome (on travaille alors sur des individus « pseudo-célibataires ») ; le module démographique n’est exécuté que parallèlement au module marché du travail31 et le module formation continue nécessite la simulation préalable des transitions professionnelles et familiales pour fonctionner. Par ailleurs, le modèle Gameo permet d’effectuer une simulation du système socio-fiscal permettant de prendre en compte plusieurs éléments qui concourent à la formation du revenu intertemporel (allocation chômage, minima sociaux, pension de retraites, etc.)32.

Au final, les différents modules du modèle Gameo permettent de construire un panel stylisé d’une pseudo-génération33 contenant les informations nécessaires pour mener notre analyse dynamique de l’investissement éducatif et répondre aux différentes questions que nous avons posées. Dans cette thèse, les résultats que nous produisons sont calibrés sur la génération née en 1970. Ce choix s’explique essentiellement par le fait qu’il s’agit d’une génération pour laquelle nous pouvons contrôler la cohérence de la simulation34. Maintenant que nous avons présenté l’outil que nous utilisons pour effectuer notre analyse, nous présentons la structure de la thèse.

Structure de la thèse

Cette thèse se structure en trois temps. Une étape préliminaire, d’ordre théorique, précède deux parties : la première est consacrée à la formation initiale et la seconde à la formation continue.

Sur la base d’une revue de la littérature, le chapitre 1 présente deux approches théoriques majeures permettant d’analyser la diversité des trajectoires : les approches en termes de Cycle

31 Ce choix d’agencement des deux modules renvoie aux objectifs démographiques de Gameo : le module

marché du travail sert en partie de contrefactuel permettant d’identifier les effets propres de la dynamique familiale.

32 Ces barèmes ne sont cependant pas « familialisés » et ne sont appliqués que dans le cadre du module marché

du travail.

33 Nous utilisons le terme de pseudo-génération ou de pseudo-cohorte de naissance car il ne s’agit pas de

trajectoires observées mais de trajectoires simulées sous certaines hypothèses.

34 A partir de l’EEC 2003-2010, nous pouvons comparer les résultats de la simulation avec les trajectoires

observées pour les individus nés en 1970 entre 33 ans et 40 ans, c'est-à-dire au moment où les taux d’activités sont les plus importants (cf. annexe B.2).

(25)

de vie et de Parcours de vie. Nous en proposons une relecture afin de dégager une grille d’analyse qui est déployée tout au long de la thèse pour appuyer nos choix de modélisation et interpréter les résultats que nous obtenons.

Les chapitres 2 et 3 ont pour objectif d’évaluer l’impact de la diversité des trajectoires sur l’hétérogénéité des gains privés liés à l’éducation initiale. Le chapitre 2 porte sur la dimension « professionnelle » des parcours. Nous mobilisons l’indicateur standard des rendements de l’éducation et en analysons la distribution pour les diplômés du supérieur. Outre la prise en compte de l’hétérogénéité des transitions individuelles sur le marché du travail, nous abordons la question des gains liés à l’éducation en considérant des éléments autres que les seuls salaires : en particulier, nous prenons en compte l’effet spécifique de différents instruments sociaux et fiscaux qui concourent à la formation du revenu (allocations chômage, pensions de retraite, etc.) sur la distribution des rendements. Le chapitre 3 poursuit l’analyse en s’intéressant au rôle joué par les trajectoires conjugales. En nous centrant uniquement sur les revenus tirés du marché du travail et en prenant soin de tenir compte des phénomènes d’homogamie éducative, nous questionnons la mesure dans laquelle la prise en compte des carrières salariales des conjoints impacte les inégalités que l’on peut observer entre les différents niveaux de diplôme.

Les chapitres 4 et 5 de cette thèse portent spécifiquement sur l’investissement dans la formation postscolaire. Le chapitre 4 cherche tout d’abord à compléter le panorama des déterminants traditionnels de l’accès à la formation. Tout en confirmant les résultats des travaux précédents, il met en lumière le rôle joué par deux facteurs peu explorés mais qui peuvent pourtant s’avérer centraux dans une perspective dynamique : le rôle des changements intervenant dans la situation familiale d’une part (mise en couple, naissance d’enfants, etc.) et l’influence de la structure de l’offre de formation d’autre part (notamment les différents dispositifs existants). Le chapitre 5 reprend cette analyse des déterminants de l’accès à la formation et la déploie en dynamique pour évaluer le nombre de formation suivies par les individus tout au long de leur vie, les dispositifs auxquels ils participent et les dépenses de la collectivité dont ils bénéficient le cas échéant. Nous évaluons ainsi la distribution des investissements éducatifs postscolaires parmi les individus et leur poids vis à vis des montants investis dans la formation initiale.

(26)

Chapitre 1

Appréhender les trajectoires individuelles : les approches

théoriques en termes de Cycle de vie et de Parcours de vie

(27)

Introduction

Cette thèse aborde la question de l’hétérogénéité de l’investissement éducatif initial et postscolaire en considérant l’intégralité des trajectoires professionnelles et familiales. Ces dernières renvoient à un enchaînement de situations dont il est difficile de démêler les déterminants et de saisir la diversité (O’Rand et Krecker, 1990). Dans ce cadre, ce chapitre a pour objectif de fournir une grille d’analyse théorique des trajectoires individuelles et de leurs interactions avec l’éducation.

Il est assez commun d’opposer deux approches théoriques35 majeures et fondamentalement différentes des trajectoires individuelles (O’Rand et Krecker, 1990 ; Anxo et Boulin, 2006 ; Anxo et Erhel, 2008) : l’approche du Life Cycle (ou approche du Cycle de vie) en économie et l’approche pluridisciplinaire du Life Course (ou approche du Parcours de vie)36 principalement développée en sociologie, socio-économie, psychologie, démographie et épidémiologie. Nous effectuons ici une relecture de ces deux perspectives en montrant la mesure dans laquelle elles peuvent être mobilisées conjointement dans le cadre de notre analyse de l’hétérogénéité de l’investissement éducatif. De ce point de vue, ce chapitre n’a pas d’ambition épistémologique ou d’histoire de la pensée économique. Son objectif est avant tout analytique. En mettant en lumière les spécificités et les points communs de ces deux approches, il s’agit de dégager des concepts clés et des hypothèses pour aborder la diversité des trajectoires, mais également de proposer des bases théoriques aux choix de modélisation effectués dans les chapitres suivants.

Pour ce faire, nous procédons en trois temps. Nous commençons par présenter ce qui fonde les approches en termes de Cycle de vie (section 1) et de Parcours de vie (section 2). Sans présenter une revue de la littérature exhaustive, ces sections ont pour objectifs de définir ces deux perspectives et d’identifier leurs caractéristiques principales. Sur cette base, la troisième section montre que le recours à un cadre combinant les approches du Cycle de vie et du

35 Nous utilisons les termes « d’approche », de « perspective » ou de « cadre » dans la mesure où le Life course

et le Life cycle tels que nous les définissons (cf. infra) ne renvoient pas à une théorie particulière mais plutôt à des grilles de lecture théoriques générales.

36 Dans la suite de la thèse, nous utilisons les termes de « trajectoires de vie », de « cycle de vie » et de

« parcours de vie » comme des synonymes stricts sans connotation théorique. Pour faire référence aux deux approches théoriques, nous utilisons les termes suivants en italique : Cycle de vie et Parcours de vie.

(28)

Parcours de vie permet de construire une grille d’analyse pertinente pour aborder la question de l’investissement éducatif. Cette grille d’analyse sera utilisée dans la suite de la thèse.

1.

L’approche du Cycle de vie en économie : les trajectoires individuelles

guidées par le principe de maximisation de l’utilité

En économie, l’analyse des trajectoires individuelles se focalise principalement sur les processus de décision des agents. En effet, depuis les années 1930, les économistes ont développé une série de modèles qui visent à rendre compte de la dynamique des comportements individuels. Ces modèles sont basés sur l’hypothèse selon laquelle les agents rationnels effectuent les choix qui maximisent leur bien-être intertemporel.

Cette section n’a pas pour but de lister l’ensemble de ces modèles. Sur la base d’une revue de la littérature, elle cherche plutôt à délimiter le corpus de l’approche du Cycle de vie et à en présenter les points principaux. Elle est structurée en deux temps. Dans un premier temps nous proposons de définir plus précisément l’approche du Cycle de vie. Dans un second temps, nous présentons brièvement son évolution et ses champs d’application. En particulier, nous montrons comment la version la plus basique du Cycle de vie s’est enrichie par une meilleure prise en compte du temps et des comportements autres que ceux de consommation.

1.1. Une perspective commune aux modèles de choix intertemporels : l’approche du Cycle de vie

L’approche du Cycle de vie renvoie au cadre d’analyse privilégié en économie pour appréhender les trajectoires (Browning et Crossley, 2001 ; Anxo et Boulin, 2006). Elle repose sur la théorie néoclassique du choix intertemporel. L’approche du Cycle de vie émerge avec les travaux pionniers des années 1930, tels que ceux d’Irving Fisher (1930) et Paul Samuelson (1937), qui proposent de modéliser la dynamique des comportements en s’intéressant à l’allocation intertemporelle du revenu (Arrondel et Masson, 1989 ; Browning et Crossley, 2001 ; Arrondel et al., 2004a). Sur la base des outils formels fournis par la théorie microéconomique (fonction d’utilité, systèmes de préférences et de contraintes), l’idée principale de ces travaux est de considérer les individus, non plus comme des maximisateurs de leur satisfaction immédiate, mais comme des maximisateurs de leur satisfaction intertemporelle. Dans ce cadre, tout se passe comme si les agents économiques prennent leurs

(29)

décisions à partir d’une analyse coût/bénéfice qui ne porte plus sur une seule période mais sur un horizon de plus ou moins long terme.

La référence au « cycle de vie » est liée à un consensus dans le corpus économique. Dans leur article sur l’usage du terme de « trajectoire » en sciences sociales, O’Rand et Krecker (1990) remarquent que les travaux en économie ont recours à la notion de Cycle de vie pour définir les trajectoires comme un enchaînement de choix rationnels et de décisions temporellement dépendantes. Dans ce cadre, il convient de ne pas réduire l’approche du Cycle de vie à des modèles spécifiques comme la théorie du Cycle de vie de Modigliani et Brumberg (1954) ou encore aux life-cycle models d’offre de travail (Keane, 2011). L’approche du Cycle de vie a une vocation plus générale : elle renvoie à l’ensemble des travaux qui ont en commun « l’idée que les choix intertemporels d’un individu […] sont issus d’une volonté de maximiser l’utilité, en fonction des contraintes économiques et institutionnelles considérées comme exogènes aux agents » (Anxo et Erhel, 2008, p. 210). En ce sens, l’approche du Cycle de vie ne constitue pas un modèle théorique unique mais un cadre général regroupant un ensemble des modèles spécifiques qui cherchent à expliquer la dynamique des trajectoires à partir de la perspective néoclassique du choix intertemporel (Browning et Crossley, 2001).

Sur la base de cette définition, il est possible d’identifier un corpus relativement homogène autour de l’idée selon laquelle les trajectoires sont principalement déterminées par les décisions des agents. L’approche du Cycle de vie rassemble donc dans un même cadre d’analyse les modèles qui prêtent un horizon fini aux choix (Modigliani et Brumberg, 1954) et ceux qui postulent un horizon infini (Friedman, 1957). Elle regroupe également les modèles qui considèrent que les individus adoptent les comportements qui maximisent leur utilité intertemporelle (Heckman, 1974) et ceux qui font l’hypothèse de comportements « myopes » où la dimension intertemporelle est introduite par la prise en compte des expériences passées (Jia et Vattø, 2013). Plus largement, l’approche du Cycle de vie intègre les modèles qui tiennent compte de l’incertitude sur l’avenir, de la formation d’habitudes, de la dépendance des positions occupées d’une période à l’autre ou encore de l’imperfection des marchés des capitaux. Contrairement à Browning et Crossley (2001), nous incluons également dans l’approche du Cycle de vie les travaux issus de la psychologie économique notamment la Behavioral Life-Cycle Hypothesis de Shefrin et Thaler (1988). En effet, bien qu’elle suppose une certaine irrationalité des choix, la Behavioral Life-Cycle Hypothesis se pose explicitement comme un prolongement de l’hypothèse du Cycle de vie de Modigliani et Brumberg (1954).

(30)

Elle respecte le principe de maximisation de l’utilité intertemporelle en tenant compte de la dimension psychologique des comportements.

Au final, l’approche du Cycle de vie constitue un cadre d’analyse général qui réunit l’ensemble des travaux qui postulent que les agents procèdent à des choix rationnels séquentiels en utilisant toute l’information dont ils disposent. L’approche du Cycle de vie se caractérise par un certain degré de formalisation en ayant recours aux outils traditionnels de la théorie de l’utilité marginale. Dans ce cadre, les trajectoires sont principalement déterminées par le comportement maximisateur des individus. Dans la section suivante nous proposons d’apporter des précisions sur l’approche du Cycle de vie, notamment sur son évolution par rapport aux modèles pionniers.

1.2. Développement de l’approche du Cycle de vie et relâchement des hypothèses de base

Les premiers modèles qui s’inscrivent dans l’approche du Cycle de vie ont une vision assez restrictive de la dynamique des comportements individuels. En cherchant à contester la loi psychologique fondamentale de Keynes, ces modèles se concentrent exclusivement sur les choix d’épargne et de consommation en considérant les comportements familiaux, d’offre de travail ou d’accumulation du capital humain comme exogènes. L’hypothèse du cycle de vie (HCV) développée par Modigliani et Brumberg (1954) - qui est souvent présentée comme un modèle central de l’approche du Cycle de vie (Browning et Crossley, 2001 ; Anxo et Erhel, 2008) - en est une illustration. L’HCV postule que les agents économiques planifient un niveau de consommation constant au cours de leur existence. L’arbitrage optimal entre les montants épargnés et consommés est alors celui qui maximise l’utilité intertemporelle sous certaines contraintes. Dans sa version la plus basique (Arrondel et al., 2004a), l’HCV suppose que les individus évoluent dans un univers certain où le marché du capital est parfait. L’utilité intertemporelle correspond alors à la somme des utilités instantanées37 actualisée par un paramètre unique de préférence à l’égard du temps. Dans ce cadre, l’HCV prédit un profil d’accumulation en « V inversé ». Dans un premier temps, le montant épargné par l’individu lui permet d’accumuler une part croissante de patrimoine. Dans un second temps qui coïncide avec l’âge de la retraite, l’agent économique adopte un comportement de désépargne qui lui permet de maintenir sa consommation constante tout au long de son cycle de vie. Au même

(31)

titre que les autres modèles de choix intertemporel (comme le modèle de revenu permanent de Friedman (1957)), l’HCV repose sur des hypothèses restrictives qui limitent sa capacité prédictive lors de la confrontation avec l’empirie (Arrondel et al., 2004a). A cet égard, il est possible de montrer que la perspective du Cycle de vie s’enrichit à partir des années 1960 de modèles plus réalistes et complexes par le biais du relâchement des hypothèses de base. En particulier, dans la suite de la sous-section, nous présentons deux types d’extensions qui sont importantes pour notre propos : (i) une meilleure prise en compte du temps notamment via l’introduction de l’incertitude dans le programme de maximisation et un relâchement de l’hypothèse d’information parfaite et (ii) l’élargissement de l’analyse à des comportements autres que ceux de consommation et d’épargne.

1.2.1. Prise en compte du temps et information imparfaite

Les premiers modèles de l’approche du Cycle de vie proposent une modélisation du temps assez réductrice (Winston, 1988). D’une part, ils considèrent que les préférences sont séparables, c'est-à-dire que les choix conditionnels à l’état de la nature en n ne sont pas directement influencés par l’état de la nature en n-138. D’autre part, ils posent l’hypothèse peu réaliste d’information parfaite qui implique que les individus n’effectuent pas d’erreur de prévision (notamment en ce qui concerne leur durée de vie et leur chronique de revenus). Dans ce cadre, il est possible d’évoquer plusieurs prolongements qui abandonnent ces hypothèses restrictives afin de mieux tenir compte de la dynamique des comportements. Certains auteurs considèrent tout d’abord que les préférences sont non-séparables : ils introduisent alors dans les modèles de choix intertemporel la dépendance des décisions en n+1 aux conditions réalisées en n (Heckman et Borjas, 1980 ; Heckman, 1981) ou la formation d’habitudes (cf. Muellbauer (1988) pour une revue). D’autres renoncent à l’hypothèse d’information parfaite. C’est par exemple le cas de Yaari (1965) qui modélise l’incertitude de la durée de vie ou de Becker et Mulligan (1997) qui prennent en compte la formation endogène de la préférence pour le temps39. L’importance accordée à l’incertitude passe enfin par l’introduction de chocs aléatoires qui peuvent modifier les contraintes des individus, leur programme de maximisation et in fine leurs choix (par exemple Van Der

38 Cela ne signifie pas pour autant que les choix sont strictement indépendants d’une période à l’autre. En effet,

un choix effectué en n-1 compte tenu de l’état de la nature conditionne la situation occupée en n : il impacte donc indirectement les choix réalisés en n.

39 En particulier, ils montrent comment les individus, à mesure qu’ils s’enrichissent, ont tendance à être de plus

en plus « patients » : le taux marginal de substitution de la consommation future à la consommation présente a ainsi tendance à diminuer avec une forte variabilité selon le niveau d’éducation notamment.

(32)

Klaauw, 1996). Du point de vue de la formalisation des choix, le relâchement des hypothèses de base donne naissance à une nouvelle série de modèles intertemporels40 qui ne se contentent pas d’agréger les utilités instantanées actualisées. Certains modèles tiennent par exemple compte des conséquences de l’imperfection de l’information sur les anticipations. Dans la mesure où l’utilité que l’individu cherche à maximiser n’est plus connue avec certitude, le programme de maximisation porte sur l’espérance de l’utilité intertemporelle : on parle dans ce cas de modèles d’utilité escomptée ou attendue (modèles expected utility). Les modèles dits hyperboliques relâchent quant à eux l’hypothèse d’un taux unique de préférence pour le temps. Face à l’incertitude, certains agents peuvent être amenés à réduire l’importance qu’ils accordent au futur lointain. Pour tenir compte de ce comportement, les modèles hyperboliques différencient les taux de préférence suivant que l’on s’intéresse aux utilités des périodes de court terme ou de long terme.

1.2.2. Extension de l’Hypothèse du Cycle de vie et modélisation conjointe des comportements

Une deuxième limite de l’approche du Cycle de vie des années 1950 concerne sa vision partielle des trajectoires. En effet, elle se limite initialement à expliquer l’allocation intertemporelle du revenu entre consommation et épargne. Dans ce contexte, une série de modèles vient progressivement alimenter l’approche du Cycle de vie en étendant l’analyse des choix intertemporels aux champs de l’éducation, de la famille et de l’offre de travail. Ce prolongement s’effectue dans un premier temps en considérant les comportements indépendamment les uns des autres.

Concernant les thématiques développées dans cette thèse, la théorie du capital humain (Becker, 1964) introduit par exemple une dimension temporelle dans les choix éducatifs en liant les salaires perçus tout au long de la vie au niveau d’éducation initiale. Pour les individus rationnels, la décision d’investir dans une année d’études supplémentaire dépend alors d’une comparaison entre les gains (supplément de revenu sur le cycle de vie liée à l’obtention d’un diplôme) et les coûts liés à cet investissement (renoncement au revenu que l’individu aurait pu percevoir en intégrant directement le marché du travail).

(33)

De même, Becker (1974, p. 336), propose d’adopter une vision en termes de Cycle de vie pour étudier les comportements matrimoniaux. La temporalité des décisions de mise en couple et de séparation repose sur le principe de maximisation d’utilité : un individu célibataire décide par exemple de former une union si le degré de satisfaction associé à cette union est supérieur au degré de satisfaction associé à la situation de célibataire. Dans ce cadre, la recherche d’un conjoint sera d’autant plus longue que les bénéfices attendus d’une recherche supplémentaire sont importants. En plus d’appliquer le principe de maximisation de l’utilité intertemporelle à des comportements spécifiques, les auteurs du Cycle de vie proposent de modéliser simultanément les décisions des agents. Cette opération, impulsée par Heckman (1974, 1976), consiste à endogénéiser les comportements considérés dans les modèles précédents comme « donnés ». En effet, la version initiale de l’HCV s’intéresse aux arbitrages entre consommation et épargne en supposant que la formation des revenus est exogène. Heckman (1974, 1976) relâche cette hypothèse : il reprend le modèle de Modigliani et Brumberg (1954) et y introduit les comportements d’offre de travail41. Sur cette base, le postulat d’indépendance des comportements est progressivement abandonné à partir des années 1980. Certains auteurs proposent par exemple de modéliser les décisions d’offre de travail en considérant également les décisions de fécondité (Moffitt, 1984) ou encore les comportements matrimoniaux (Van Der Klaauw, 1996). D’autres modélisent simultanément les décisions d’éducation et les choix professionnels (Keane et Wolpin, 1997). Ce processus d’endogénéisation débouche sur des modèles théoriques de plus en plus complexes42 qui peuvent par exemple combiner les choix relatifs à l’éducation et l’offre de travail avec les décisions de fécondité (Francesconi, 2002), ou celles relatives à la mise en couple (Ge, 2010). Au final, la perspective du Cycle de vie fournit des enseignements fondamentaux en mettant au cœur de l’analyse des trajectoires les choix individuels et leurs déterminants. Elle consiste en un corpus relativement homogène qui permet d’appréhender plusieurs dimensions des décisions intervenant dans le cycle de vie comme celles relatives à la consommation, l’épargne, l’éducation, la fécondité ou encore l’offre de travail. Néanmoins, en raison de son haut degré de formalisation, elle reste confrontée à deux problèmes majeurs qui contraignent fortement ses évolutions ultérieures. D’une part, elle se heurte aux difficultés importantes que pose la modélisation conjointe de tous les comportements (Browning et Crossley, 2001).

41 Voir également Becker et Ghez (1975).

42 La résolution de ces modèles de choix dynamiques nécessite de faire appel à des méthodes de programmation

dynamique (cf. Bellman, 1957) qui consistent à résoudre un problème P en trouvant la solution optimale de sous-problèmes qui composent P.

(34)

D’autre part, elle ne parvient pas à prendre en compte de manière réaliste le rôle des facteurs sociaux, historiques et institutionnels qui peuvent jouer sur l’hétérogénéité des cycles de vie (Anxo et Boulin, 2006). Dans la section suivante, nous présentons l’approche du Parcours de vie qui considère les effets de contexte comme un élément central de l’analyse des trajectoires.

2.

L’approche du Parcours de vie : des effets de contexte au parcours

comme « institution »

Il est possible de présenter une deuxième approche des trajectoires qui se différencie de celle du Cycle de vie en soutenant que les trajectoires sont principalement structurées par le contexte social et historique. Il s’agit de la perspective du Parcours de vie principalement développée en sociologie, en psychologie, en socio-économie, en démographie et en épidémiologie. Cette perspective constitue aujourd’hui une orientation théorique majeure pour l’étude des trajectoires (Mayer, 2009). Plusieurs éléments en sont révélateurs : un Handbook sur le Life Course (Mortimer et Shanahan, 2003), trois revues consacrées (Advances in Life Course Research, Research in Human Development, Longitudinal and Life Course Studies) ou encore l’existence de la Society for Longitudinal and Life Course Studies.

Cette section a pour objectif de présenter les caractéristiques générales de l’approche. Elle est structurée en deux temps. Dans une première sous-section, nous identifions les origines interdisciplinaires de l’approche. Dans une seconde sous-section, nous soulignons le mode de développement particulier de la perspective du Parcours de vie qui s’est nourri de contributions issues de diverses disciplines pour former au final un corpus assez hétérogène qui répond cependant à certains principes généraux (Elder et al., 2003).

2.1. L’approche du Parcours de vie : une réponse aux analyses des trajectoires

individuelles centrées sur l’individu

Selon Elder (1998, 2004), l’approche du Parcours de vie s’inscrit comme une réaction critique aux analyses des trajectoires essentiellement centrées sur les individus. Elle repose sur l’intuition selon laquelle les trajectoires de vie ne peuvent être étudiées indépendamment du contexte dans lequel elles s’inscrivent. Cette idée est particulièrement présente dans l’étude pionnière de Thomas et Znaniecki, The Polish Peasant in Europe and America, (1918-1920) et dans les travaux de Léonard Cain qui, le premier, emploie et définit la notion de life course

Figure

Graphique 2.1 - Fonction de survie agrégée (taux de survie de 16 à 100 ans) selon le sexe et le  diplôme du supérieur
Graphique 2.2 - Taux d’activité par âge (16-70 ans) selon le sexe pour la génération 1970
Tableau 2.1 - Estimations des probabilités de transition sur le marché du travail
Graphique 2.3 - Taux d’effort pour acquitter la TVA selon l’âge et le niveau le revenu
+7

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