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Comment identifier un trouble spécifique du langage oral chez un enfant bilingue séquentiel ?

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Master

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Comment identifier un trouble spécifique du langage oral chez un enfant bilingue séquentiel ?

DUMOULIN, Florence

Abstract

Dans le cadre d'un programme de recherche européen (COST), des études sont actuellement en cours pour développer des outils d'évaluation du langage oral spécifiques aux enfants bilingues. Plusieurs outils ont déjà été proposés pour identifier un trouble spécifique du langage (TSL) chez les enfants bilingues simultanés, enfants qui acquièrent simultanément deux langues à un âge précoce. Dans le cadre du bilinguisme séquentiel (acquisition tardive de la seconde langue), une difficulté supplémentaire s'ajoute à l'identification d'un TSL. En effet, un enfant bilingue séquentiel au développement typique rencontre des difficultés très proches de celles d'un enfant monolingue avec un TSL. L'objectif de notre étude est d'évaluer si l'application des outils déjà proposés par les auteurs du programme COST est possible dans une situation de bilinguisme séquentiel...

DUMOULIN, Florence. Comment identifier un trouble spécifique du langage oral chez un enfant bilingue séquentiel ?. Master : Univ. Genève, 2015

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:76155

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MAITRÎSE UNIVERSITAIRE EN LOGOPÉDIE Section de Psychologie

Comment identifier un trouble spécifique du langage oral chez un enfant bilingue séquentiel ?

Mémoire réalisé par Florence Dumoulin Septembre 2015

Rédigé sous la direction du Docteur Hélène Delage

Jury : Docteur Hélène Delage, Professeur Ulrich Frauenfelder, Professeur Philippe Prévost

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier sincèrement Hélène Delage pour son encadrement de qualité, ses précieux conseils, sa disponibilité ainsi que pour ses encouragements apportés durant la réalisation de ce travail.

Je remercie cordialement toutes les logopédistes qui ont porté un intérêt à notre étude et qui nous ont mis en contact avec les enfants.

J’adresse aussi mes remerciements chaleureux aux enfants et à leurs parents, sans qui cette étude n’aurait pas pu aboutir.

Un grand merci au Professeur Philippe Prévost pour sa contribution à la construction méthodologique de cette étude ainsi que pour sa disponibilité et pour toutes ses précieuses explications.

Je remercie aussi Cédrine Sublet Van-Kerckhoven pour la collaboration partagée durant ces deux années et pour l’aide qu’elle a pu m’apporter en répondant à mes questions dans les moments de doute.

Finalement, je remercie de tout cœur mes proches pour leur patience et leur soutien en toutes circonstances.

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Résumé

Dans le cadre d’un programme de recherche européen (COST), des études sont actuellement en cours pour développer des outils d’évaluation du langage oral spécifiques aux enfants bilingues. Plusieurs outils ont déjà été proposés pour identifier un trouble spécifique du langage (TSL) chez les enfants bilingues simultanés, enfants qui acquièrent simultanément deux langues à un âge précoce. Dans le cadre du bilinguisme séquentiel (acquisition tardive de la seconde langue), une difficulté supplémentaire s’ajoute à l’identification d’un TSL. En effet, un enfant bilingue séquentiel au développement typique rencontre des difficultés très proches de celles d’un enfant monolingue avec un TSL.

L’objectif de notre étude est d’évaluer si l’application des outils déjà proposés par les auteurs du programme COST est possible dans une situation de bilinguisme séquentiel. Nous avons donc tenté de déterminer dans quelle mesure l’utilisation d’un questionnaire parental, d’une tâche de répétition de non-mots et d’une tâche de répétition de phrases peut servir à identifier un TSL chez des enfants bilingues séquentiels. Pour ce faire, nous avons comparé les performances sur ces tâches de 61 enfants (âge moyen = 6;8 ans) dont 20 enfants bilingues séquentiels avec un TSL, 13 enfants bilingues simultanés avec un TSL, 8 enfants bilingues séquentiels au développement typique et 20 enfants bilingues simultanés au développement typique. Nous avons aussi testé ces enfants via des tâches standardisées. Les résultats mettent en évidence des différences significatives entre les enfants Bi-TSL séquentiels et les enfants Bi-TD séquentiels pour le questionnaire parental, la tâche de répétition de non-mots et la tâche de répétition de phrases. Ceci suggère que ces outils permettent d’identifier efficacement un TSL chez les enfants bilingues séquentiels. De plus, la comparaison entre les résultats des enfants Bi-TSL séquentiels et ceux des enfants Bi-TSL simultanés ne démontre aucune différence significative (sur aucune des tâches), ce qui suggère que l’âge plus ou moins tardif du premier contact avec la L2 n’influence pas les performances des enfants présentant un TSL. Ainsi, les outils proposés dans cette étude semblent être applicables aux contextes de bilinguisme séquentiel tout comme aux situations de bilinguisme simultané. De ces résultats découlent de fortes implications cliniques : ces outils d’évaluation ayant été créés dans le but d’être diffusés aux logopédistes professionnels.

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Table des matières

LISTE DES ABRÉVIATIONS  ...  1  

INTRODUCTION  ...  2  

1. PARTIE THÉORIQUE  ...  3  

1.1BILINGUISME ET TROUBLE SPÉCIFIQUE DU LANGAGE ... 3

1.1.1  Bilinguisme    ...  3  

1.1.1.1 Caractéristiques générales  ...  3      

1.1.1.2 Développement du langage dans un contexte de bilinguisme  ...  5      

1.1.2  Trouble  spécifique  du  langage    ...  7  

1.1.3  Similitudes  entre  les  enfants  bilingues  séquentiels  au  développement  typique     et  les  enfants  monolingues  présentant  un  TSL      ...  11  

1.2BILINGUISME ET DIAGNOSTIC DU TSL ... 14

1.2.1  Evaluation  de  l’enfant  bilingue  séquentiel  avec  un  TSL    ...  14  

1.2.2  Le  programme  COST  :  développement  de  nouveaux  outils  d’évaluation    ...  18  

1.2.3  Recherche  de  marqueurs  cliniques    ...  20  

1.3PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES THÉORIQUES ... 23

2. MÉTHODOLOGIE  ...  25  

2.1POPULATION ... 25

2.2MATÉRIEL ... 28

2.2.1  Questionnaire  parental    ...  29  

2.2.2  Evaluation  de  la  phonologie  ...  30  

2.2.3  Evaluation  du  lexique  ...  31  

2.2.4  Evaluation  de  la  morphosyntaxe    ...  31  

2.3DÉROULEMENT DES PASSATIONS ... 33

2.4HYPOTHÈSES OPÉRATIONNELLES ... 34

3. RÉSULTATS  ...  36  

3.1DISTRIBUTION DES DONNÉES ... 36

3.2HYPOTHÈSE H1 : PERTINENCE DU QUESTIONNAIRE PABIQ ... 37

3.3HYPOTHÈSE H2 : PERTINENCE DUNE TÂCHE DE RÉPÉTITION DE NON-MOTS ... 39

3.4HYPOTHÈSE H3 : PERTINENCE DUNE TÂCHE DE RÉPÉTITION DE PHRASES ... 42

3.5HYPOTHÈSE H4 :EFFET DE LÂGE DU PREMIER CONTACT AVEC LE FRANÇAIS ... 44

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4. DISCUSSION  ...  46  

4.1RETOUR SUR LES RÉSULTATS OBTENUS ... 47

4.1.1  Pertinence  du  questionnaire  PaBiQ    ...  47  

4.1.2  Pertinence  d’une  tâche  de  répétition  de  non-­‐mots  ...  49  

4.1.3  Pertinence  d’une  tâche  de  répétition  de  phrases  ...  50  

4.1.4  Effet  de  l’âge  du  premier  contact  avec  le  français    ...  53  

4.2IMPLICATIONS CLINIQUES ... 56

4.3CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES ... 58

BIBLIOGRAPHIE  ...  59  

ANNEXES  ...  66    

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BILO Bilans Informatisés de Langage Oral Bi-TD Bilingue au développement typique

Bi-TSL Bilingue avec un trouble spécifique du langage COST European Cooperation in Science and Technology

L2 Deuxième langue

LexP Lexique en production LexR Lexique en réception

MorSynP Morphosyntaxe en production MorSynR Morphosyntaxe en réception

Mo-TD Monolingue au développement typique

Mo-TSL Monolingue avec un trouble spécifique du langage NEEL Nouvelles Epreuves pour l’Examen du Langage PaBiQ Questionnaire for Parents of Bilingual Children RepMots Répétition de mots

RepNM Répétition de non-mots RepPH Répétition de phrases Séq Séquentiel

Sim Simultané

TD Développement typique TSL Trouble spécifique du langage VD Variable dépendante

VI Variable indépendante

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Introduction

L’identification du trouble spécifique du langage (TSL) représente un réel défi chez les enfants bilingues. En effet, la plupart des tests utilisés couramment en logopédie sont standardisés sur des populations monolingues. Pourtant, la majorité des enfants sont actuellement dans une situation de bilinguisme (Armon-Lotem, 2012). Dans le cadre d’un programme de recherche européen (COST), plusieurs travaux récents ont tenté d’évaluer l’efficacité de différentes tâches pour identifier un TSL chez des enfants apprenant le français comme seconde langue (Prévost, 2013 ; Thordardottir & Brandeker, 2013 ; Grimm et al.

2014). Ces études portant en majorité sur des enfants bilingues simultanés, nous allons nous intéresser plus particulièrement au cas du bilinguisme séquentiel (acquisition de la seconde langue après la langue maternelle). En effet, ce type de bilinguisme semble induire certaines difficultés dans le développement du langage, contrairement au bilinguisme simultané. Ainsi, d’après plusieurs recherches, les enfants bilingues séquentiels au développement typique (TD) rencontrent des difficultés langagières similaires (bien que transitoires) à celles des enfants monolingues présentant un TSL (Paradis & Crago, 2000, 2004 ; Prévost et al. 2011 ; Scheidnes, 2012) ce qui complique l’évaluation clinique du TSL chez les enfants bilingues séquentiels. Pour cette raison, il est indispensable d’avoir accès à des informations précises sur le développement langagier de l’enfant et sur les contextes d’utilisation de ses langues.

Les recherches actuelles ont d’ailleurs permis l’élaboration d’un questionnaire parental pour récolter ces renseignements (Tuller et al. 2011). En parallèle, deux tâches ont aussi été élaborées spécifiquement pour l’évaluation du langage chez les enfants bilingues. Il s’agit d’une tâche de répétition de non-mots (Ferré & dos Santos, 2015) et d’une tâche de répétition de phrases (Prévost et al. 2012). Leur efficacité ayant déjà été démontrée chez les enfants bilingues simultanés, l’objectif de cette étude est d’évaluer la pertinence de ces outils dans l’identification du TSL chez les enfants bilingues séquentiels. Pour ce faire, nous avons comparé les performances sur ces tâches de 61 enfants bilingues : 20 enfants TSL séquentiels, 13 enfants TSL simultanés, 20 enfants TD simultanés et 8 enfants TD séquentiels.

Dans un premier temps, nous apporterons un éclairage théorique sur le bilinguisme et le TSL ainsi que sur la problématique de l’évaluation du langage chez les enfants bilingues. À la suite de cela, l’ensemble du protocole expérimental sera présenté ainsi que nos hypothèses opérationnelles. Enfin, nous présenterons les résultats obtenus découlant de ces hypothèses avant de les discuter dans la dernière partie.

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1. Partie théorique

1.1. Bilinguisme et trouble spécifique du langage 1.1.1. Bilinguisme

1.1.1.1. Caractéristiques générales

Dans une perspective relativement large, le bilinguisme peut être considéré comme l’utilisation quotidienne de deux ou plusieurs langues. Il n’implique pas forcément la connaissance optimale et équitable de ces langues (Grosjean, 2002). En réalité, une personne bilingue est rarement complètement fluente dans ses deux langues dans la mesure où chacune d’elle est utilisée différemment selon des besoins et des situations différentes. C’est ce qu’on appelle le principe de complémentarité. En d’autres termes, les bilingues acquièrent et utilisent généralement leurs langues pour différentes raisons, dans des domaines de la vie différents et avec des interlocuteurs différents (Grosjean, 2002). S’il est important aujourd’hui de s’intéresser à la problématique du bilinguisme chez l’enfant, c’est surtout parce qu’il est devenu la norme par rapport à la population d’enfants monolingues (Armon- Lotem, 2012). La région genevoise n’échappe pas à ce phénomène puisque presque la moitié des enfants scolarisés à Genève n’ont pas le français comme langue maternelle (Saada, 1999).

Le développement bilingue présente des caractéristiques uniques car l’acquisition de la seconde langue (L2) peut être affectée par plusieurs facteurs. Tout d’abord, le développement de la L2 dépend de l’âge auquel l’enfant y est exposé pour la première fois.

Comme le rapporte Scheidnes (2012) suite à sa revue de littérature, les enfants bilingues maîtrisent mieux leur deuxième langue si l’exposition à celle-ci a commencé à un âge précoce. Cependant, il n’existe pas de consensus dans la littérature actuelle quant à l’âge exact qui représenterait la limite pour une acquisition optimale de la seconde langue.

Parallèlement à ce facteur, la durée d’exposition peut aussi introduire des variations importantes dans l’acquisition et la maîtrise de la L2. En effet, comme le soulignent Thordardottir & Brandeker (2013), plusieurs études ont montré que l’acquisition du langage est affectée par la quantité d’exposition à la langue chez les bilingues. Par exemple, Thordardottir (2011) a comparé les performances de 84 enfants dans une tâche évaluant le vocabulaire en expression. Parmi ces 84 enfants, on trouve 9 enfants monolingues francophones (âge moyen = 4;11 ans), 16 enfants monolingues anglophones (âge moyen = 4;10 ans) et 49 enfants bilingues français-anglais avec des durées d’exposition différentes réparties de la façon suivante : 20 enfants avec une exposition plus importante au

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français qu’à l’anglais (âge moyen = 4;10 ans), 16 enfants avec une exposition plus importante à l’anglais qu’au français (âge moyen = 4;8 ans) et 13 enfants avec des durées d’exposition équivalentes entre les deux langues (âge moyen = 5 ans). Les résultats démontrent que les performances en vocabulaire augmentent au fur et à mesure que la durée d’exposition augmente. On peut donc légitimement se demander combien de temps d’exposition serait nécessaire à un enfant bilingue pour atteindre des performances équivalentes à celles d’un enfant monolingue. Le temps mis par un enfant bilingue pour obtenir dans sa L2 les mêmes compétences que celles d’un enfant monolingue varie selon les études. Il peut s’étendre de 4 à 8 ans pour la maîtrise du langage scolaire (Collier, 1989) et de 3 à 5 ans pour les habiletés conversationnelles de tous les jours (Hakuta et al. 2000), et ce, pour un âge d’exposition tardif (début de l’acquisition de la L2 entre 4 et 11 ans). À côté de cela, le développement du langage bilingue peut aussi être influencé par la quantité et la qualité de l’exposition à la langue qui dépendent elles-mêmes du statut sociolinguistique de la langue. Ainsi, une langue considérée comme minoritaire est peu utilisée par la population et le système scolaire et peu valorisée par la société et les institutions (Paradis, 2010). C’est la raison pour laquelle elle donne lieu à un nombre plus restreint d’opportunités d’utilisation par rapport à une langue considérée comme majoritaire (Kohnert, 2010). Le statut sociolinguistique de ses langues peut donc influencer l’acquisition du langage chez un enfant bilingue. En effet, dans un contexte où l’enfant apprend une langue qui provient d’une communauté minoritaire, il lui faudra plus de temps pour atteindre le niveau d’un monolingue (Paradis, 2010). Tous ces facteurs de variations contribuent à rendre la population bilingue très hétérogène.

Dans notre étude, nous allons surtout distinguer les enfants bilingues selon l’âge du premier contact à la L2 (en l’occurrence le français). Dans cette optique, deux types de bilinguisme peuvent être identifiés : le bilinguisme simultané et le bilinguisme séquentiel.

Les enfants concernés par le bilinguisme simultané sont confrontés aux deux langues dès la naissance ; cette forme de bilinguisme correspond le plus souvent à une situation où les membres de la famille s’adressent aux enfants dans deux langues différentes (Kohnert, 2010).

Quant au cas du bilinguisme séquentiel, il s’agit en principe de situations d’immigration. Ce sont des enfants qui apprennent leur deuxième langue en entrant à l’école ou lorsqu’ils sont soumis à un nombre croissant d’interactions avec la communauté dans laquelle ils sont en voie d’être intégrés (Kohnert, 2010). Les avis dans la littérature divergent quant à savoir à partir de quel moment le bilinguisme peut être considéré comme séquentiel. Par exemple,

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selon Schwartz (2003), le bilinguisme peut être considéré comme séquentiel lorsque l’apprentissage de la seconde langue commence à partir de 4 ans alors que selon Meisel (2009), le seuil devrait être fixé à un premier contact à 2 ans. D’autres auteurs, comme Thordardottir (2011), évoquent un seuil qui serait fixé à 3 ans. En tous les cas, il convient de s’intéresser plus particulièrement au développement du langage dans ces deux situations distinctes de bilinguisme.

1.1.1.2. Développement du langage dans un contexte de bilinguisme

Le développement du langage chez les enfants bilingues simultanés suit les mêmes étapes de développement du langage que chez un enfant monolingue (Meisel, 2001). Ainsi, d’après une étude réalisée sur 34 enfants bilingues simultanés au développement typique (Bi- TD) parlant suédois et finlandais et sur 26 enfants monolingues suédois au développement typique (Mo-TD), les performances des deux groupes sont similaires dans des épreuves évaluant les versants expressifs et réceptifs du langage dans la tranche d’âge de 5 à 7 ans (Korkman et al. 2012). Seule une différence est relevée dans la mesure des compétences en vocabulaire, au détriment des enfants bilingues. Les enfants avec un bilinguisme simultané ne présentent donc pas de retard (langagier) majeur par rapport aux enfants monolingues.

En revanche, dans le cadre du bilinguisme séquentiel, les enfants apprennent leur seconde langue bien après la langue maternelle ; dès lors, on pourrait imaginer que ce type de bilinguisme induit certaines difficultés par rapport au développement monolingue. Comme le souligne Scheidnes (2012) dans sa thèse, la littérature actuelle sur le développement du langage chez les enfants bilingues séquentiels porte essentiellement sur la morphosyntaxe, et plus précisément sur les pronoms clitiques objets et la morphologie verbale. Nous allons donc passer en revue quelques études qui se sont intéressées à ces aspects.

En premier lieu, les pronoms clitiques, qui font partie des pronoms personnels de la langue française, sont ceux qui s’accrochent au verbe (devant lui) ou à l’auxiliaire et ne peuvent en être séparés (Delage, 2008). Les pronoms clitiques objets induisent un mouvement syntaxique : lors de la pronominalisation du groupe nominal COD, ils déplacent ce groupe d’une position d’objet postverbale à une position préverbale (ex : Julie regarde un chien / Julie le regarde). Plusieurs études se sont intéressées à l’utilisation de ces pronoms par les enfants bilingues séquentiels. Par exemple, Grüter (2005) a testé 12 enfants monolingues francophones de 6;7 ans et 7 enfants bilingues séquentiels de même âge de langue maternelle anglaise développant le français comme seconde langue dans une tâche de production

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élicitée. Les résultats montrent que les enfants bilingues séquentiels produisent beaucoup moins de pronoms clitiques objets dans les contextes où ils sont requis et commettent beaucoup plus d’omissions que les enfants monolingues. Paradis (2004) obtient le même résultat en comparant 10 enfants bilingues séquentiels et 10 enfants monolingues appariés en âge (âge moyen = 7 ans) grâce à une analyse de production spontanée. Les enfants bilingues produisent seulement 41.5 % de pronoms clitiques objets dans les contextes où ils devraient être utilisés, ce qui est largement en dessous des performances des enfants monolingues (97.6%).

Les enfants bilingues séquentiels rencontrent aussi des difficultés spécifiques au niveau de la production de la morphologie verbale. Ceci a notamment pu être mis en évidence par Paradis (2005) qui a étudié l’utilisation des morphèmes grammaticaux chez 24 enfants bilingues séquentiels de langues maternelles diverses1 (âgés entre 4;4 et 7;10 ans) apprenant l’anglais comme seconde langue. Cette chercheuse a comparé les performances des enfants bilingues par rapport aux normes des enfants monolingues anglophones dans des tâches de langage standardisées mesurant la capacité à utiliser les morphèmes grammaticaux. Les résultats montrent que les scores des enfants bilingues séquentiels sont largement inférieurs à ceux correspondant aux normes monolingues. La comparaison entre les scores sur le –s marqueur du pluriel en anglais (a book / two books) et le –s marqueur de la conjugaison de la 3ème personne du singulier (I walk / he walks) montre que les difficultés portent bien sur l’aspect verbal car elles sont beaucoup plus importantes pour le second morphème marquant la 3ème personne du singulier que pour le premier marquant le pluriel, alors qu’ils sont homophones. De plus, dans cette étude, les enfants bilingues séquentiels rencontrent aussi des difficultés spécifiques avec l’utilisation de l’auxiliaire « be » en anglais (he is walking).

Enfin, Paradis (2008) a comparé les performances de 9 enfants bilingues séquentiels chinois- anglais  (d’abord à l’âge de 5;4 ans, puis à 6;6 ans et enfin à 7;1 ans) avec celles d’enfants monolingues en utilisant des tâches standardisées de production élicitée de morphèmes marqueurs de temps. Les résultats montrent que les scores des enfants bilingues séquentiels sont en dessous de la norme monolingue lorsqu’on calcule le pourcentage de morphèmes corrects, ceci à l’âge de 5;4 ans et à l’âge de 6;6 ans. À l’âge de 7;7 ans, les scores des enfants bilingues séquentiels s’approchent de ceux des enfants monolingues mais se situent tout de même encore à -1.5 écart-type de la moyenne.

                                                                                                                         

1 Coréen, mandarin, espagnol, roumain, arabe, japonais, cantonais, urkrainien, farsi, dari.

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Ces recherches suggèrent que l’acquisition des morphèmes marqueurs de temps et des clitiques objets est difficile chez les enfants bilingues séquentiels au développement typique.

Le bilinguisme séquentiel semble donc induire des difficultés supplémentaires par rapport au bilinguisme simultané car le développement de la seconde langue est retardé. Comme le soulignent Scheidnes & Tuller (2013), la littérature manque encore de données précises sur la trajectoire développementale de l’acquisition de la deuxième langue chez les enfants bilingues séquentiels. De fait, si l’on suspecte un trouble spécifique du langage oral (TSL) chez un enfant bilingue séquentiel, l’identification d’une éventuelle déviance par rapport à la norme pourrait s’avérer difficile. Il est donc nécessaire de connaître plus précisément les difficultés spécifiques rencontrées dans le cadre d’un TSL afin de pouvoir les différencier des difficultés attribuables au bilinguisme séquentiel. C’est ce que nous allons étudier dans la section suivante.

1.1.2. Trouble spécifique du langage

En français, les termes « trouble spécifique du langage » et « dysphasie » sont souvent utilisé de manière indifférenciée. En réalité, la dysphasie correspond à un trouble sévère et persistant du langage oral alors que le TSL comprend des enfants qui présentent des difficultés de sévérité variable allant du retard de langage à la dysphasie (Parisse & Maillart, 2010). On peut donc légitimement parler de spectre du TSL qui regroupe tous les enfants présentant des difficultés spécifiques au langage oral avec des niveaux de sévérité différents.

Ce trouble présente la particularité d’être défini par des critères d’exclusion. En effet, il s’agit d’un trouble du langage oral existant en l’absence d’atteinte neurologique, de déficience auditive, visuelle, motrice ou intellectuelle, de carences environnementales et de troubles du spectre autistique (Leonard, 1998). Autrement dit, il s’agit d’un trouble spécifique au langage oral qui ne peut pas être expliqué par une difficulté dans un autre domaine. Suite à une étude sur 7218 enfants, Tomblin et al. (1997) ont estimé la prévalence de ce trouble à 7% chez les enfants anglophones âgés de cinq ans. Il serait plus présent chez les garçons que chez les filles (Tomblin et al, 1997). Plusieurs classifications ont été élaborées dans la littérature et notamment celle de Gérard (1996) qui est la plus connue. Elle met en évidence cinq profils différents dont le plus répandu serait le type phonologique-syntaxique. Ce type de trouble du langage est caractérisé principalement par un trouble phonologique, un trouble de l’encodage syntaxique, un vocabulaire restreint, une compréhension peu perturbée et de bonnes compétences pragmatiques (Gerard, 1996). Toutefois, il convient de rester prudent face à

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cette classification. En effet, Botting et Conti-Ramsden (1999) ont mesuré les performances de 201 enfants TSL âgés de 7 et 8 ans sur la base de tests standardisés et ont montré que bon nombre d’entre eux changeaient de profil en l’espace d’une année. Quoi qu’il en soit, le développement du langage des enfants TSL poursuit la même chronologie que celle des enfants au développement typique tout en étant décalé dans le temps et ce retard va persister (Parisse et Maillart, 2004). C’est d’ailleurs cette persistance des difficultés qui est un des signes majeurs du TSL (Jakubowicz & Tuller, 2008 ; Tuller et al. 2011). En suivant les performances de 118 enfants TSL entre les âges de 7 et 16 ans, Conti-Ramsden & Durkin (2008) ont d’ailleurs mis en évidence la persistance des difficultés en démontrant le résultat suivant : 85% des ces enfants obtiennent des scores inférieurs à -1 ET à l’âge de 16 ans sur les tests standardisés qui évaluent le langage en production et en réception. Les recherches actuelles sur les enfants TSL visent principalement à identifier des marqueurs cliniques caractéristiques de ce trouble. Comme nous allons le voir, certaines erreurs typiques ont effectivement pu être mises en évidence chez les enfants monolingues.

Tout d’abord, les enfants TSL francophones rencontrent des difficultés dans le marquage temporel des formes verbales. Ainsi, Paradis & Crago (2001) ont étudié des échantillons de langage spontané de 7 enfants TSL âgés de 7 ans et de 10 enfants TD du même âge. En calculant le nombre de productions correctes de formes verbales, les auteurs ont pu mettre en évidence des difficultés chez les enfants TSL au niveau de la production du futur et du passé qui sont des temps qui impliquent l’utilisation de flexions temporelles (ex : je mangeais / tu mangeras), contrairement au présent pour lequel aucune différence entre les deux groupes n’a été observée. Cette étude met aussi en évidence une tendance des enfants TSL à substituer d’autres temps verbaux par le présent. D’autres difficultés particulières à la morphologie verbale ont pu être relevées dans l’étude de Paradis & Crago (2000) dans laquelle ils ont proposé un entretien en posant des questions sur des événements passés ou à venir à des enfants TSL et TD appariés en âge (7 ans). Les résultats montrent que les enfants TSL réalisent un nombre important d’erreurs sur les auxiliaires être et avoir dans les temps composés (ex : j’ai vu / je suis parti) et ont tendance à produire moins de verbes conjugués que les enfants TD. Cependant, la présence d’adverbes de temps adéquats dans les productions des enfants TSL (exemples : hier, demain) indique que la référence temporelle est préservée et qu’il s’agit donc bien de difficultés liées à la morphologie verbale (Parisse &

Maillart, 2004). En revanche, les difficultés sur les temps composés semblent disparaître chez les jeunes adultes avec TSL (Audollent & Tuller, 2003). Ainsi, bien que la production des

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marques de temps soit particulièrement retardée chez les enfants TSL, elle ne constitue pas un marqueur clinique robuste du trouble langagier, du moins en français (Parisse & Maillart, 2004). En effet, les erreurs portant sur la morphologie verbale sont relativement peu persistantes en français par rapport à d’autres erreurs réalisées par les enfants TSL.

Cependant, d’autres difficultés présentes spécifiquement chez les enfants TSL francophones sont largement reconnues dans la littérature pour être des marqueurs cliniques du TSL. Hamann et al. (2007) ont étudié des échantillons de langage spontané de 10 enfants TSL (âgés de 5;10 à 10;5 ans) et de 18 adolescents TSL (10;11 - 15;7 ans) ainsi que ceux de trois groupes d’enfants contrôles (12 enfants âgés de 6 ans, 12 enfants âgés de 8 ans et 12 enfants âgés de 11 ans). Les résultats montrent que les enfants TSL produisent moins de phrases enchâssées que les enfants TD de 6 et 8 ans. De plus, parmi les phrases enchâssées produites par les enfants TSL, on observe un plus grand pourcentage de phrases agrammaticales que chez les enfants contrôles. Ces différences persistent même chez les adolescents avec TSL. De plus, les enfants TSL mettent en place des stratégies d’évitement des structures syntaxiques complexes qui persistent aussi à l’adolescence. En effet, ils évitent les opérations syntaxiques qui impliquent l’enchâssement d’une subordonnée dans une proposition principale (ex : « je suis content [parce que je gagne] ») et privilégient les énoncés plus simples (ex : « je gagne, je suis content »). Les enfants TD, quant à eux, complexifient plutôt la structure syntaxique des énoncés au fur et à mesure que l’âge augmente. Les difficultés des enfants TSL semblent donc être en lien avec la complexité syntaxique des phrases à produire. Celle-ci augmente lorsque l’ordre des constituants est non canonique comme dans les phrases relatives objets (ex : le chien [que je regarde]) et interrogatives objets (ex : Qui le monsieur regarde ?). D’ailleurs, Hamann (2006) a comparé les performances de 11 enfants TSL (âgés entre 5;4 et 9;7 ans) à celles de 11 enfants TD (âgés entre 4 et 6 ans) sur une tâche de production induite de questions commençant par un mot interrogatif. Les résultats montrent que les enfants TSL ont plus de difficultés avec les mouvements syntaxiques liés à la forme interrogative que les enfants TD. Ainsi, ils produisent plus de structures in situ que d’antépositions du mot interrogatif (ex : tu pousses qui ? versus qui tu pousses ?). L’antéposition du mot interrogatif entraîne un déplacement syntaxique car elle tranforme l’ordre canonique des éléments de la phrase (SVO) en un ordre non canonique (OSV). On note aussi plusieurs études dans la littérature qui relèvent un évitement du mouvement dans les subordonnées relatives. Par exemple, Damourette (2007) a comparé 8 enfants francophones TSL âgés de 8 à 11 ans à des enfants TD de même âge sur

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une tâche d’élicitation de subordonnées relatives. Les résultats montrent une dissociation entre la production de relatives sujets et de relatives objets. Les relatives objets entraînent un mouvement syntaxique car l’ordre des éléments de la phrase est non canonique (OSV), ce qui n’est pas le cas des relatives sujets dans lesquels l’ordre canonique (SVO) est préservé. Ainsi, les relatives sujets sont plus fréquemment produites et comportent moins d’erreurs que les relatives objets. Finalement, toutes ces études mettent en évidence des stratégies d’évitement des mouvements syntaxiques. Comme dans les études relatées par Delage (2008), ces stratégies mises en place par les enfants TSL (absence de déplacement syntaxique, déplacement moins long ou enchâssement moins profond) vont toutes dans le sens d’une réduction de la complexité.

Les déplacements syntaxiques des éléments de la phrase, impliquant un ordre non canonique, sont aussi présents dans l’utilisation des pronoms clitiques objets. Ces pronoms induisent donc aussi de la complexité syntaxique. C’est la raison pour laquelle les enfants TSL rencontrent de grandes difficultés avec ces items grammaticaux. Les pronoms clitiques objets sont notamment connus pour être acquis tardivement dans le développement typique (Delage, 2008). Hamann et al. (2003) ont étudié des échantillons de langage spontané enregistrés tous les trois mois durant deux ans dans des situations induisant la production de pronoms clitiques chez 11 enfants francophones avec un TSL. Ils ont séparé les enfants en deux groupes selon leur âge (3;10 à 5;0 et 5;1 à 7;11). La comparaison avec les enfants TD a permis de mettre en évidence un développement parallèle mais retardé chez les enfants avec TSL au niveau de l’omission des pronoms sujets. En revanche, on ne peut pas en dire autant de l’utilisation des pronoms clitiques objets qui poursuit un développement atypique avec des erreurs qui persistent dans le temps. Les enfants TSL ne respectent pas les contraintes positionnelles de ces pronoms dans la phrase et les omettent fréquemment. Cette acquisition atypique a aussi été mise en lumière par Tuller et al. (2011). Ces auteurs ont comparé les productions dans une tâche d’élicitation de 36 enfants TD (24 enfants de 6 ans et 12 enfants de 11 ans) par rapport à celles de 36 adolescents TSL (de 11 à 20 ans). Les résultats montrent que les adolescents qui présentent un TSL produisent significativement moins de pronoms clitiques objets à la 3ème personne (49%) que de pronoms sujets (86.6%) et réfléchis (93.6%).

De plus, le taux de production de pronoms clitiques objets des adolescents avec un TSL est largement inférieur à celui des enfants TD de 11 ans (97.6%). Les difficultés avec l’utilisation des pronoms clitiques objets persistent donc à l’adolescence.

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Pour conclure, les enfants monolingues avec un TSL (Mo-TSL) rencontrent donc des difficultés majeures en morphosyntaxe. Ces difficultés portent essentiellement sur les structures de phrases contenant un mouvement syntaxique, comme lors de l’utilisation d’un pronom clitique objet, ainsi qu’au niveau de l’utilisation de la morphologie verbale. Ces difficultés semblent être relativement proches de celles des enfants bilingues séquentiels au développement typique (Bi-TDséq). En effet, comme présenté dans la section 1.1.1.2, les enfants Bi-TD séquentiels rencontrent aussi des difficultés importantes en morphosyntaxe avec l’utilisation des pronoms clitiques objets et de la morphologie verbale. Comme nous allons le voir dans la section suivante, cette ressemblance a déjà été mise en évidence dans la littérature.

1.1.3 Similitudes entre les enfants bilingues séquentiels au développement typique et les enfants monolingues présentant un TSL

Certaines études ont montré que les productions des enfants Mo-TSL sont comparables à celles d’enfants au développement typique qui apprennent le français comme seconde langue.

Par exemple, Paradis et Crago (2000) ont comparé les productions spontanées en français récoltées durant un entretien avec 10 enfants Mo-TSL francophones (âge moyen = 7;6 ans), 10 enfants Mo-TD francophones (âge moyen = 7;3 ans) et 15 enfants Bi-TD séquentiels anglophones apprenant le français comme seconde langue (âge moyen = 6;7 ans). Les enfants Bi-TD séquentiels sont de langue maternelle anglaise et sont évalués après 2 ans d’exposition au français. Dans cette étude, les auteurs s’intéressent à l’utilisation de la morphologie verbale. Les résultats montrent que les Mo-TSL et les Bi-TD séquentiels présentent des difficultés communes en morphologie verbale en ce qui concerne l’utilisation des marqueurs de temps du passé et du futur (je chantais / je chanterai) et des accords sujet-verbe à la 3ème personne du pluriel (ils vont). Par ailleurs, dans une étude ultérieure incluant les mêmes enfants, Paradis & Crago (2004) montrent que les enfants Bi-TD séquentiels et les Mo-TSL obtiennent tous deux de bonnes performances en ce qui concerne la morphologie nominale : leurs performances sur l’utilisation des morphèmes marqueurs de genre et de nombre sur les groupes nominaux (la petite fille / les chevaux) sont équivalentes à celles des enfants Mo-TD.

Comme le souligne Paradis (2010), cette opposition entre les performances en morphologie verbale et en morphologie nominale correspond en fait au profil typique caractéristique des enfants Mo-TSL. Par conséquent, ces deux études révèlent que les enfants Bi-TD séquentiels présentent un profil équivalent à celui des enfants Mo-TSL, du moins après deux ans d’exposition à la L2. Cependant, les enfants Bi-TD séquentiels semblent pouvoir rattraper

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leur retard quand l’exposition à la L2 augmente. En effet, Paradis (2008) a réalisé une étude longitudinale sur les performances en morphologie verbale de 9 enfants Bi-TD séquentiels, comparées à celles de 2 enfants Bi-TSL séquentiels appariés en âge (de 5;4 ans à 7;1 ans).

Tous les enfants sont de langue maternelle chinoise et apprennent l’anglais comme seconde langue. Les résultats montrent que les Bi-TD séquentiels parviennent à maîtriser l’utilisation des morphèmes marqueurs de temps après « seulement » 34 mois d’exposition à l’anglais.

À côté de cela, Scheidnes (2012) s’est intéressée plus précisément à l’utilisation des pronoms clitiques objets en français. Elle a comparé, dans une étude longitudinale, les performances de 22 enfants Bi-TD séquentiels (âge moyen à T12 = 9;8 et âge moyen à T2 = 10;8) à celles de 19 Mo-TSL francophones (âge moyen à T1 = 9;9 et âge moyen à T2

=10;10). Les enfants Bi-TD séquentiels sont de langue maternelle anglaise et apprennent le français comme seconde langue. Les âges d’acquisition du français de ces enfants varient entre 4;6 et 10;9 ans. Les résultats montrent qu’entre T1 et T2, les Bi-TD séquentiels améliorent leur production de pronoms clitiques objets (de 75% à 85%), ce qui n’est pas le cas pour les Mo-TSL qui gardent des difficultés sévères (75% à T1 et à T2). Cependant, cette amélioration ne suffit pas à rendre la différence entre les deux groupes à T2 significative.

D’autres auteurs se sont intéressés à l’utilisation des structures syntaxiques complexes chez les Mo-TSL et chez les Bi-TD séquentiels apprenant le français comme seconde langue.

Prévost et al. (2011) ont réalisé une étude longitudinale comprenant 19 Bi-TD séquentiels anglophones apprenant le français comme seconde langue (âge moyen = 9;9 ans), 13 Mo- TSL (âge moyen = 9;4 ans), 17 Mo-TD de 4 ans (âge moyen = 4;2 ans) et 12 Mo-TD de 6 ans (âge moyen = 6;5 ans). Chez les enfants bilingues, l’âge moyen du premier contact avec le français est de 6;11 ans. Les résultats démontrent que, de la même façon que le font les enfants Mo-TSL, les enfants Bi-TD séquentiels ont tendance à éviter les structures interrogatives qui impliquent un mouvement syntaxique (qui tu pousses ?) en produisant plus de formes interrogatives qui maintiennent le mot interrogatif in situ (tu pousses qui ?). Ce pattern d’évitement est maintenu encore 12 mois plus tard chez les Bi-TD séquentiels et les Mo-TSL. En revanche, quand la durée d’exposition augmente, les erreurs des enfants Bi-TD séquentiels diminuent alors qu’elles persistent chez les enfants Mo-TSL. Par conséquent, selon ces études, comme le développement d’un enfant bilingue séquentiel est retardé, il semble présenter des caractéristiques proches de celles du développement du langage d’un enfant Mo-TSL, même si les erreurs sont moins persistantes chez les enfants Bi-TD

                                                                                                                         

2 T1 correspond à la première fois où les enfants sont testés. T2 correspond à la deuxième évaluation.

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séquentiels. Cependant, Scheidnes (2012) a montré dans son étude longitudinale qu’il existe tout de même une structure syntaxique précise pour laquelle il n’y pas de similarités entre les Mo-TSL et les Bi-TD séquentiels. Il s’agit de l’enchâssement. En effet, Scheidnes (2012) a comparé le nombre d’erreurs portant sur les structures de phrases enchâssées chez les Bi-TD séquentiels et les Mo-TSL présentés précédemment ainsi que chez 38 enfants Mo-TD (14 enfants âgés de 4 ans, 12 enfants âgés de 8 ans et 12 enfants âgés de 11 ans). Les résultats démontrent que les erreurs diminuent chez les enfants Mo-TSL au fur et à mesure du développement (entre T1 et T2) mais que cela ne suffit pas pour obtenir des performances équivalentes aux enfants Mo-TD du même âge. Par contre, les enfants Bi-TD séquentiels finissent par obtenir un profil équivalent aux Mo-TD (à T2). Les enfants Bi-TD séquentiels maîtrisent donc plus rapidement l’enchâssement que les enfants Mo-TSL. De plus, en termes de pourcentage d’utilisation, les Bi-TD séquentiels utilisent davantage l’enchâssement que les Mo-TSL, l’évitement de ce type de structure étant dès lors une caractéristique du TSL. En effet, les résultats démontrent aussi une différence significative entre les scores d’utilisation de l’enchâssement des Bi-TD séquentiels et ceux des Mo-TSL à T2.

En tout les cas, les similitudes mises en évidence dans le domaine de la morphosyntaxe entre les Bi-TD séquentiels et les Mo-TSL pourraient donc prêter à confusion pour l’identification d’un TSL chez les enfants bilingues (séquentiels). En effet, il est difficile de savoir si les difficultés rencontrées par un enfant bilingue font partie du développement typique dans un contexte de bilinguisme ou si elles sont plus problématiques et liées à la présence d’un TSL. Le problème se pose aussi au niveau de la phonologie. En effet, il est connu que les enfants monolingues avec un TSL présentent des difficultés importantes en phonologie. Edwards & Lahey (2006) ont testé 54 enfants anglophones Mo-TSL et 54 enfants anglophones Mo-TD appariés en âge (7 ans). Ils ont effectué une analyse qualitative des erreurs produites par les enfants dans une tâche de répétition de non-mots. Les résultats montrent que les enfants avec un TSL se distinguent des enfants Mo-TD par un grand nombre d’erreurs portant sur une modification des séquences syllabiques et phonémiques (substitution ou suppression de syllabe ou de phonème). Ce résultat soutient l’idée d’une limitation spécifique dans les compétences phonologiques des enfants Mo-TSL. Une des hypothèses proposée pour rendre compte de cette observation a été de postuler une sous- spécification des représentations phonologiques chez les enfants TSL. Selon Leonard et al.

(2007), comme les enfants TSL ont des difficultés à retenir la séquence phonologique des mots, ils doivent rencontrer ce mot à de multiples reprises avant de pouvoir stocker une

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représentation phonologique correcte du mot. Ceci serait d’autant plus problématique chez un enfant bilingue séquentiel qui est moins exposé au langage dans chacune de ses langues par rapport à un monolingue puisqu’il les acquiert parallèlement. Comme le souligne Paradis (2010), il faudrait donc encore plus d’exposition à ces enfants pour acquérir les propriétés phonologiques des mots. Par conséquent, un enfant Bi-TSL pourrait donc être doublement en difficulté du fait 1) de son TSL et 2) de son exposition réduite à ses deux langues.

En conclusion, les résultats de certaines des études présentées dans cette section mettent en évidence le rôle de la durée d’exposition. En effet, les erreurs des enfants Bi-TD séquentiels qui s’apparentent à celles des enfants Mo-TSL (utilisation des morphèmes marqueurs de temps et des pronoms clitiques objets) semblent disparaître lorsque la durée d’exposition augmente (Paradis, 2008 ; Prévost et al. 2011 ; Scheidnes, 2012). De même, de part son exposition réduite à la L2, un enfant Bi-TD séquentiel pourrait rencontrer des difficultés phonologiques tout comme les enfants Mo-TSL. Comme le rappelle Letts (2013), un enfant Bi-TD séquentiel peut avoir des performances linguistiques dans une langue similaires à celles d’un enfant Mo-TSL simplement parce qu’il a été beaucoup moins exposé à la langue que ses camarades monolingues. Les résultats des études exposées dans cette section montrent que les similarités dans le profil des erreurs entre les deux populations persistent longtemps après les premiers stades d’acquisition car les enfants bilingues séquentiels ne rattrapent leur retard que tardivement. Dès lors, comment savoir si les difficultés langagières d’un enfant bilingue sont passagères et simplement liées au développement bilingue typique ou si elles sont plus graves et liées à la présence d’un éventuel TSL ? Autrement dit, ce chevauchement dans les caractéristiques des difficultés liées au développement typique bilingue avec celles liées au TSL amène à penser que le bilinguisme peut interférer dans l’évaluation des enfants et donc, dans l’identification d’un trouble éventuel. C’est la raison pour laquelle nous allons nous intéresser plus précisément, dans la section suivante, à la démarche d’évaluation du TSL dans un contexte de bilinguisme.

1.2. Bilinguisme et diagnostic du TSL

1.2.1. Évaluation de l’enfant bilingue séquentiel avec un TSL

Avant de s’intéresser spécifiquement à l’évaluation de l’enfant Bi-TSL séquentiel, il convient de se demander si le bilinguisme ne serait pas un facteur aggravant du TSL. Comme le bilinguisme implique automatiquement une exposition plus faible dans chacune des langues, il se pourrait que l’enfant bilingue avec un TSL subisse un double retard lié à un

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éventuel effet cumulatif du bilinguisme et du trouble langagier. Steenge (2006) a comparé les performances de 576 enfants Mo-TD, 137 enfants Mo-TSL, 321 enfants Bi-TD et 47 enfants Bi-TSL à l’âge de 6, 7 et 8 ans sur une tâche évaluant la morphologie verbale et nominale.

Dans cette étude, tous les enfants bilingues sont des bilingues séquentiels et apprennent le hollandais comme seconde langue (langue maternelle = turc, arabe ou créole surinamien). Les enfants monolingues sont de langue maternelle hollandaise. Les résultats montrent que les enfants Bi-TSL séquentiels ont des scores inférieurs à ceux des Mo-TSL à l’âge de 6 et 7 ans.

En revanche, la différence entre les Bi-TSL et les Bi-TD se creuse au fur et à mesure que l’âge augmente. Ainsi, à l’âge de 8 ans, l’écart existant entre les Bi-TSL et les Bi-TD est équivalent à celui qui existe entre les Mo-TSL et les Mo-TD. Selon Paradis (2010), ces résultats peuvent être interprétés de la façon suivante : il n’y pas de preuve en faveur d’un effet cumulatif du TSL sur l’impact du bilinguisme. En d’autres termes, le bilinguisme ne rendrait pas le trouble du langage plus sévère.

Cependant, les difficultés langagières d’un enfant bilingue séquentiel peuvent tout de même prêter à confusion au moment du diagnostic si la vigilance des logopédistes n’est pas suffisante. En effet, les similitudes entre le développement bilingue typique et le TSL peuvent donner lieu à des erreurs de diagnostic et ce, d’autant plus que le TSL ne peut être diagnostiqué uniquement sur la base d’un déficit dans le domaine langagier selon sa définition (Paradis, 2010). Plus précisément, un enfant Bi-TSL séquentiel pourrait ne pas être adressé en logopédie car ses difficultés seraient mises sur le compte du bilinguisme.

Autrement dit, les difficultés de cet enfant seraient considérées comme étant liées au développement bilingue et, par conséquent, résorbables. C’est la raison pour laquelle aucune intervention ne serait préconisée. Il s’agit, dans ce cas, d’un sous-diagnostic. À côté de cela, il existe aussi un risque de sur-diagnostic : les professionnels pourraient diagnostiquer un TSL chez un enfant sujet au bilinguisme séquentiel et préconiser une intervention alors que ses difficultés sont passagères et simplement liées à l’acquisition tardive d’une seconde langue. Ces deux situations problématiques ont déjà été mises en évidence dans le cadre du bilinguisme simultané à travers l’étude de Tuller et al. (2013) dans laquelle ils ont évalué 32 enfants bilingues arabe-français âgés de 5 à 7 ans. Selon les différents diagnostics établis par des logopédistes francophones, 13 de ces enfants étaient suivis en logopédie pour un TSL alors que les 19 autres ne bénéficiaient pas d’un tel suivi. L’évaluation des enfants a été réalisée en français et en arabe à l’aide de tâches standardisées portant sur la phonologie, le vocabulaire et la morphosyntaxe. Ces tâches sont issues de tests logopédiques existants dans

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chaque langue. L’application de seuils de pathologie3 adaptés au bilinguisme a permis de mettre en évidence un taux d’erreurs de diagnostic de 25%. En effet, l’évaluation bilingue des 13 enfants suivis en logopédie pour un TSL révèlent que 8 enfants avaient effectivement un TSL mais que 3 enfants n’avaient en réalité pas de troubles du langage. Les 2 autres enfants présentaient un retard de développement plus global et non spécifique au langage. Enfin, sur les 19 enfants sans suivi logopédique, il se trouve que l’évaluation bilingue a permis de diagnostiquer un TSL chez 2 enfants et un retard de développement plus global chez un autre enfant. Par conséquent, ces résultats (illustrés en figure 1) montrent que les tests logopédiques standardisés ne suffisent pas à distinguer clairement les enfants Bi-TD des enfants Bi-TSL dans un contexte de bilinguisme simultané.

 

Figure 1 Résultats de l’étude de Tuller et al. (2013)

Ce résultat paraît logique quand on s’intéresse de plus près aux outils d’évaluation utilisés en logopédie. Il est effectivement important de relever que les tests utilisés actuellement sont tous étalonnés sur des populations monolingues. Aussi, d’un point de vue culturel, ils sont adaptés à la langue pour laquelle ils ont été construits. Sachant cela, il convient de se demander dans quelle mesure ces outils d’évaluation sont applicables aux situations de bilinguisme. Autrement dit, peut-on réellement baser les évaluations des enfants bilingues sur des normes monolingues ? Les auteurs de la littérature actuelle (Paradis, 2010 ; Thordardottir & Brandeker, 2013 ; Letts, 2013 ; Prévost, 2013 ; Tuller et al. 2013) sont d’accord pour dire que ces tests ne sont pas adaptés à la population bilingue. Plus précisément, Thordardottir (2014) soulève le problème du niveau de développement de chaque langue chez un enfant bilingue. Pour pouvoir évaluer un enfant bilingue avec un outil créé dans une langue spécifique, il faudrait notamment que son niveau de développement langagier et que son niveau d’exposition soient équivalents à ceux des enfants monolingues

                                                                                                                         

3 Les seuils de pathologie proposés par Thordardottir (2012) sont présentés dans la section suivante

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sur lesquels le test a été étalonné. Or, la vitesse de développement des deux langues ainsi que la durée d’exposition à chacune des langues d’un enfant bilingue ne sont pas identiques à celles d’un enfant monolingue. Les enfants monolingues et bilingues ne sont donc pas égaux face aux tests standardisés existants. C’est la raison pour laquelle les chercheurs actuels du domaine préconisent plutôt le développement de nouveaux outils d’évaluation. Ceux-ci devraient, dans l’idéal, être spécifiquement construits pour les enfants bilingues et insensibles à la durée d’exposition de façon à ce qu’ils puissent être utilisés sur un large éventail d’enfants bilingues (Paradis, 2010).

Cependant, ces outils sont encore en voie de développement et ne sont pas encore utilisables dans la pratique clinique. Les professionnels restent donc relativement démunis et doivent composer et trouver des solutions avec le matériel existant. En ce sens, un consensus émerge dans la littérature par rapport à la langue de l’évaluation (Tuller, 2015; Letts, 2013 ; Armon-Lotem et al. 2010 ; Kohnert, 2010 ; Thordardottir, 2014) : il apparaît très clairement que l’évaluation seule de la seconde langue de l’enfant ne suffit pas pour permettre de poser un diagnostic précis des difficultés langagières d’un enfant bilingue. En effet, une évaluation de la langue maternelle des enfants semble nécessaire pour diagnostiquer un TSL car le trouble se manifeste dans les deux langues (Hakansson et al. 2003). Les résultats de Tuller et al. (2013), présentés précédemment et qui montrent un risque élevé de sur- et de sous- diagnostic, soutiennent fortement l’idée selon laquelle les outils d’évaluation existants sont inadaptés à l’évaluation des enfants bilingues. Bien que, dans cette étude, il s’agisse de bilinguisme simultané, il est tout à fait pertinent de penser que ceci est d’autant plus valable dans le cadre du bilinguisme séquentiel. En effet, selon l’âge auquel il est évalué, un enfant bilingue séquentiel pourrait présenter de meilleures performances dans sa langue maternelle que dans sa seconde langue pour la simple et bonne raison qu’il n’a pas été exposé de la même manière aux deux langues. L’évaluation seule de sa seconde langue avec les outils prévus à cet effet ne semble donc pas très pertinente. En ce sens, Paradis (2010) souligne l’importance d’identifier la langue dominante de l’enfant ainsi que la durée d’exposition à chaque langue pour pouvoir en tenir compte au moment de l’évaluation. Selon Thordardottir (2014), la meilleure solution semble être d’interpréter les scores obtenus dans chaque langue. En réalité, cela n’est que très rarement possible dans la clinique car les logopédistes maîtrisent rarement la L2 qui nécessite d’être évaluée. De plus, ils ne connaissent souvent pas ou peu les tests standardisés dans les autres langues. Le développement d’outils spécifiques à

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l’évaluation du langage chez les enfants bilingues semble donc être une nécessité. C’est précisément l’objectif du programme COST qui est présenté dans la section suivante.

1.2.2 Le programme COST : développement de nouveaux outils d’évaluation

Le programme COST (European Cooperation in Science and Technology) est un programme de recherche qui favorise la coopération entre les scientifiques et les chercheurs en Europe. Le but du programme est de développer une aire de recherche commune en Europe. Notre recherche s’intègre dans le projet de l’action IS0804 du programme qui s’intéresse à l’évaluation des troubles du langage dans les sociétés multilingues. Le but est de résoudre les confusions méthodologiques et cliniques liées aux similarités entre les caractéristiques du développement bilingue du langage et celles du TSL. Pour ce faire, les recherches visent à identifier, à travers plusieurs pays, des marqueurs diagnostiques du TSL chez l’enfant bilingue afin de simplifier son évaluation. L’action IS0804 est soutenue par 26 pays4 du programme COST et par quelques pays supplémentaires comme les Etats-Unis, le Canada, le Liban et Israël.

Dans le cadre de ce programme, de nouveaux outils ont été proposés pour permettre l’évaluation du langage dans un contexte de bilinguisme. Pour commencer, les normes utilisées habituellement sur les enfants monolingues ont été adaptées pour les populations bilingues (Thordardottir, 2012). C’est une proposition qui permet de tenir compte du bilinguisme et de la dominance des langues dans l’utilisation de tests standardisés pour l’évaluation du langage oral. Il s’agit plus précisément d’une modification des écarts-types utilisés pour établir le seuil à partir duquel les résultats sont considérés comme déficitaires. Il est d’abord nécessaire de définir la langue dominante de l’enfant, sachant qu’elle correspond à celle à laquelle il a été le plus exposé (Paradis, 2010). Si l’évaluation se fait dans la langue dominante de l’enfant, correspondant la plupart du temps à sa langue maternelle (L1) dans le cadre d’un bilinguisme séquentiel, un écart-type de -1.5 peut être utilisé. En revanche, si l’évaluation est réalisée dans la langue non-dominante de l’enfant, il est préférable d’utiliser un seuil de -2.25 écart-type. Enfin, si la dominance n’est pas clairement établie ou si elle est inconnue, un seuil de -1.75 écart-type pourra être utilisé. Pour diagnostiquer un TSL, les scores obtenus aux épreuves étalonnées sur des enfants monolingues doivent être en dessous du seuil de pathologie dans au moins deux domaines du langage oral (Thordardottir, 2012).

                                                                                                                         

4 Allemagne, Autriche, Chypre, Croatie, Danmark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irelande, Islande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Serbie, Slovaquie, Suède, Turquie.

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Cependant, ces écarts-types sont encore expérimentaux car ils n’ont pas été validés scientifiquement et par conséquent, ils sont à prendre avec précaution.

Par ailleurs, afin d’améliorer l’évaluation du langage oral chez les enfants bilingues, les auteurs de l’action COST proposent d’utiliser le questionnaire PaBiQ5 (Questionnaire for Parents of Bilingual Children) pour documenter l’histoire linguistique et développementale de l’individu. Toutes les informations obtenues grâce à ce questionnaire constituent une aide précieuse lors de l’interprétation des données standardisées. Cependant, elles ne doivent pas être utilisées seules comme outil de diagnostic du TSL. En effet, Grimm & Schulz (2013) ont réalisé une étude sur 92 enfants monolingues et 74 enfants bilingues séquentiels de langues maternelles arabe et turque, âgés entre 4 et 6 ans (âge d’acquisition de la L2 ‘allemand’ : entre 2 et 4 ans). Ils ont scindé les enfants en deux groupes (TSL et TD) en fonction d’un diagnostic posé sur la base de tests logopédiques standardisés pour lesquels des normes bilingues existent déjà en Allemagne. Ils ont ensuite vérifié si les données récoltées par un questionnaire parental pouvaient donner lieu à une répartition des enfants équivalente à celle issue des tests standardisés. Les résultats montrent que des facteurs de risque du TSL (apparition tardive des premiers mots, antécédents familaux de TSL, antécédents familiaux de troubles du langage écrit) avaient été mis en évidence par le questionnaire seulement chez la moitié des enfants du groupe TSL et chez environ 20% des enfants TD. Tuller et al. (2013) ont obtenu des résultats plus convaincants : ils ont testé la spécificité et la sensibilité6 du questionnaire PaBiQ chez 19 enfants Bi-TD et 10 enfants Bi-TSL7 appariés en âge (5 à 7 ans). La plupart des enfants bilingues sont des bilingues simultanés. Les résultats démontrent que le questionnaire PaBiQ permet déjà relativement bien de distinguer les enfants Bi-TD des enfants Bi-TSL pour ce qui est du bilinguisme simultané. En effet, 18/19 enfants TD sont identifiés comme tels par le questionnaire (spécificité = 94.7%) et la totalité des enfants TSL est identifiée comme telle par le questionnaire (sensitivité = 100%). Un seul enfant TD a donc été identifié par le questionnaire comme ayant un TSL. Selon cette étude, le

                                                                                                                         

5 Nous avons utilisé ce questionnaire dans notre étude. Les détails relatifs à cet outil sont présentés dans la partie 3.2.1.

6 Ces indices statistiques permettent de vérifier que la tâche utilisée discrimine efficacement les enfants avec un trouble et les enfants sans trouble. La sensibilité correspond à la proportion d’enfants TSL qui obtiennent des scores en dessous du seuil de pathologie. La spécifité correspond à la proportion d’enfants TD qui obtiennent un score en dessus du seuil de pathologie. En d’autres termes, dans une tâche très discriminante, les enfants qui ont des bons résultats sont bien des enfants au développement typique et les enfants qui ont des mauvais résultats sont bien des enfants qui présentent un trouble (Lalkhen & McCluskey, 2008)

7 Diagnostic établi selon les résultats de l’étude présentée dans la Figure 1. Il s’agit des mêmes enfants.

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questionnaire PaBiQ se révèle donc être un outil plutôt efficace qui pourrait contribuer à l’identification du TSL chez les enfants bilingues.

A travers l’adaptation des critères de diagnostic et l’élaboration du questionnaire parental, les partenaires du programme COST proposent donc déjà quelques clés pour atteindre une évaluation optimale du langage des enfants dans un contexte de bilinguisme. À côté de cela, ils encouragent aussi la recherche de marqueurs cliniques qui permettraient de différencier les enfants Bi-TD des enfants Bi-TSL. Plusieurs auteurs ont déjà identifié ce qui pourrait être des difficultés spécifiques aux enfants Bi-TSL. Ils ont aussi proposé des tâches qui permetteraient de les mettre en évidence. Nous allons nous y intéresser dans la section suivante.

1.2.3 Recherche de marqueurs cliniques

Les marqueurs cliniques sont des caractéristiques langagières spécifiques aux enfants présentant un TSL qui, une fois identifiées, permettraient de diagnostiquer avec certitude un TSL. Dans le cadre du programme COST, comme nous allons le voir, les recherches actuelles ont identifié chez les enfants Bi-TSL des déficits dans la construction des représentations phonologiques et dans la répétition des structures syntaxiques complexes. Il existe deux tâches qui permettent d’identifier ces difficultés. Il s’agit de la répétition de non-mots et de la répétition de phrases, tâches que nous utilisons dans notre étude8.

Ce type de tâches est déjà couramment utilisé en clinique pour diagnostiquer un TSL chez les enfants monolingues car elles permettent de différencier efficacement les performances langagières des enfants Mo-TSL de celles des enfants Mo-TD. En effet, Thordardottir et al. (2011) ont étudié l’efficacité d’une tâche de répétition de non-mots dans l’identification du TSL chez des enfants monolingues francophones. Ils ont testé 14 enfants Mo-TSL (âge moyen = 5;1 ans) et 78 enfants Mo-TD (âge moyen = 4;9 ans). Les résultats montrent que la tâche de répétition de non-mots permet d’établir le diagnostic du TSL avec un haut niveau de précision chez les enfants monolingues, les enfants TSL ayant des performances beaucoup moins élevées que les enfants TD. Dans la même lignée, Leclercq et al. (2014) ont quant à eux montré que la tâche de répétition de phrases est également un puissant outil diagnostique du TSL chez les enfants monolingues francophones. Ils ont comparé les performances en répétition de phrases de 34 enfants Mo-TSL (âge moyen = 9;11

                                                                                                                         

8 Les détails relatifs à ces tâches sont présentés dans la partie méthodologique

Références

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