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Pertinence  d’une  tâche  de  répétition  de  phrases

4. DISCUSSION

4.1 R ETOUR SUR LES RÉSULTATS OBTENUS

4.1.3   Pertinence  d’une  tâche  de  répétition  de  phrases

La pertinence d’une tâche de répétition de phrases pour identifier un TSL a déjà été démontrée chez les enfants monolingues (Leclercq et al. 2014). Prévost (2013) a aussi montré que cette tâche était efficace pour différencier les enfants Bi-TSL des enfants Bi-TD dans un contexte de bilinguisme simultané. Nos résultats vont dans le sens de ceux de l’étude de Prévost (2013) puisqu’ils démontrent une différence significative entre les Bi-TSL (simultanés et séquentiels confondus) et les Bi-TD (simultanés et séquentiels confondus). De plus, nous obtenons cette différence significative aussi entre les Bi-TSL séquentiels et Bi-TD séquentiels.

Comme nous l’avons vu à la section 1.1.3, Scheidnes (2012) a montré que les enfants Bi-TD séquentiels et les enfants Mo-TSL pouvaient tout de même montrer des patterns de difficultés similaires au niveau des structures de phrases complexes. Cependant, elle a pu identifier une différence importante entre les deux groupes d’enfants au niveau de l’utilisation des structures de phrases enchâssées. En effet, les erreurs portant sur l’enchâssement diminuent chez les enfants Bi-TD séquentiels au fur et à mesure que l’âge augmente alors qu’elles persistent chez les enfants Mo-TSL. Ces structures de phrases devraient donc permettre une meilleure identification du TSL chez les enfants bilingues séquentiels. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes intéressés plus précisément aux phrases contenant un enchâssement. Cependant, nos résultats démontrent que la différence entre les Bi-TSL séquentiels et les Bi-TD séquentiels n’est pas significative au niveau des phrases enchâssées (complétives et relatives), même si qualitativement une différence importante peut être observée sur la figure 14 (page 44).

Comme ce résultat ne va pas dans le sens de notre hypothèse, nous avons poursuivi l’analyse en ciblant plus particulièrement certains types de structures enchâssées. En effet, il se peut que la différence entre les enfants Bi-TSL séquentiels et les Bi-TD séquentiels se marque de façon plus importante sur les structures de phrases les plus complexes, celles qui provoquent des difficultés « maximales » chez les enfants présentant un TSL. C’est pour cette raison que nous avons ciblé la comparaison des deux groupes d’enfants séquentiels sur les relatives objets (contenant un enchâssement mais également un déplacement syntaxique

entraînant un bouleversement de l’ordre canonique des constituants de la phrase)16. Nous avons fait de même sur les complétives tensées, c’est-à-dire conjuguées (contenant plus de morphèmes ‘marqueurs de temps’ que les complétives non conjuguées aussi présentes dans l’épreuve)17. Cependant, les résultats ne démontrent pas non plus de différence significative entre les deux groupes (relatives objets : U = 78, p = 0.94 ; complétives conjuguées : U = 55.5, p = 0.22).

 

Figure 17 Pourcentage moyen de répétition exacte sur les phrases complétives conjuguées

Par ailleurs, pour effectuer les analyses sur la tâche de répétition de phrases, nous avons tenu compte du score de répétition exacte. Ceci signifie que dès que l’enfant effectue une transformation par rapport à la phrase cible au moment de la répétition, la phrase est considérée comme répétée de façon erronée. Dans ce cas, par exemple, la transformation peut porter sur la substitution d’un nom. Pour cibler davantage l’analyse sur la capacité des enfants à répéter la structure de phrase qui nous intéresse (et non sur les éléments lexicaux), nous avons comparé les Bi-TSL séquentiels et les Bi-TD séquentiels en fonction d’un autre score : le score de maintien de la structure. Ce score tient compte uniquement des transformations au niveau de la structure cible de la phrase18. Cependant, la différence entre les groupes n’est pas non plus significative lorsque l’on utilise ce score (U = 57.0, p = 0.25).

                                                                                                                         

16 Exemple relative objet : Je vois le garçon que la fille a poussé

17 Exemple complétive tensée : Le garçon dit que la maman a lu un livre. Exemple complétive non conjuguée : La maman sait très bien dessiner des lapins.

18 Par exemple, dans la phrase cible « Tu vois le garçon qui a dessiné la mamie », la structure syntaxique visée est la construction relative sujet. Si l’enfant produit en répétition la phrase « Tu vois le garçon qui a dessiné », il omet le dernier groupe nominal de la phrase mais la structure syntaxique visée est bien présente. La phrase est donc considérée comme répétée correctement dans le cas du score sur le maintien de la structure.

0   20   40   60   80   100  

Bi-TSL séq Bi-TD séq

% répétition exacte

Les résultats portant sur la comparaison Bi-TSL séquentiels et Bi-TD séquentiels ne sont donc pas significatifs dans la tâche de répétition de phrases. Cependant, on observe tout de même une différence importante d’un point de vue qualitatif entre les scores obtenus par les deux groupes d’enfants. Par exemple, sur la figure 17 présentée ci-dessus, la représentation graphique des résultats met en évidence des scores beaucoup plus bas pour les Bi-TSL séquentiels que pour les Bi-TD séquentiels. Ainsi, la tendance des résultats va tout de même dans le sens de notre hypothèse même si le seuil de significativité n’est pas atteint.

Pour conclure, nous avons mené une analyse qualitative en fonction des types de phrases en comparant les performances obtenues pour les différentes structures syntaxiques, et ce pour tous les groupes (figure 18).

 

Figure 18 Moyennes des scores de répétition exacte en fonction des structures de phrases

Les résultats des Bi-TD séquentiels sont quelque peu surprenants. En effet, lorsque l’on s’intéresse à la figure 18, les pourcentages de répétition exacte de ce groupe sont plus faibles que ceux des Bi-TD simultanés, excepté pour la répétition de questions objets. Les faibles scores des enfants Bi-TD séquentiels en répétition de phrases suggèrent que la tâche met en avant leurs difficultés qui sont proches de celles des enfants Mo-TSL. Or, l’idée de la construction de cette tâche est justement d’éviter ce biais lié à la similitude des difficultés entre les deux groupes. Ainsi, pour que la tâche soit efficace et qu’elle puisse bien discriminer les enfants Bi-TSL séquentiels des enfants Bi-TD séquentiels, elle devrait pouvoir permettre aux enfants Bi-TD séquentiels d’avoir de bonnes performances. Or, le pourcentage total de répétition exacte (toutes structures de phrases confondues) est de 74%

pour les Bi-TD séquentiels alors que celui des Bi-TD simultanés est de 88%. Cette différence n’est pas significative (p = 0.27 ; U = 58) mais l’indice de significativé n’est pas très grand.

0  

De plus, qualitativement, une différence importante peut être observée sur la figure 18. Cette différence peut probablement être expliquée par le système de cotation. En effet, comme expliqué auparavant, ces moyennes ont été calculées sur la base du score de répétition exacte.

Or, si on considère le score qui s’intéresse uniquement au maintien de la structure de la phrase, le pourcentage total moyen de répétition exacte augmente à 93.7% chez les Bi-TD séquentiels et il est de 97% chez les Bi-TD simultanés. Dès lors, le score de répétition exacte n’est peut-être pas le meilleur indicateur des performances des enfants. Il serait préférable de se concentrer sur le score de maintien de la structure syntaxique. À côté de cela, comme les scores de répétition exacte des deux groupes de Bi-TD (séquentiels et simultanés) sont équivalents en répétition de questions objets, on peut imaginer que la répétition de ce type de structure serait plus efficace que la répétition des autres structures syntaxiques pour identifier un TSL. En effet, on observe à nouveau des différences qualitatives importantes entre les Bi-TD séquentiels et les Bi-Bi-TD simultanés en répétition de complétives et de relatives. Encore une fois, ces différences ne sont pas significatives (complétives : p = 0.15 ; U = 108 et relatives : p = 0.13 ; U = 107) mais les p-valeurs ne sont pas très élevées. Pour ce qui est des enfants présentant un TSL, les profils de résultats des enfants Bi-TSL simultanés et séquentiels sont très proches sur cette tâche de répétition de phrases. Ceci suggère que la différence entre les types de bilinguisme (séquentiels ou simultanés) est très mince. Cette observation est d’ailleurs confirmée par les analyses sur l’effet de l’âge du premier contact avec le français qui seront discutées dans la section suivante.