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3. RÉSULTATS

3.1 D ISTRIBUTION DES DONNÉES

Avant de tester spécifiquement chaque hypothèse, nous avons analysé la distribution de nos données sur les tâches expérimentales (répétition de non-mots et répétition de phrases).

Pour ce faire, nous avons effectué le test de normalité de Shapiro-Wilk sur les résultats des enfants Bi-TSL séquentiels. Ce dernier met en évidence une distribution « non normale » des valeurs obtenues pour la tâche de répétition de non-mots et pour celle de répétition de phrases, comme présenté ci-dessous (figure 3 et figure 4).

Figure 3 Distribution du pourcentage de réponses correctes à la tâche de répétition de phrases chez les enfants Bi-TSL séq

Figure 4 Distribution du pourcentage de réponses correctes à la tâche de répétition de non-mots chez les enfants Bi-TSL séq

Par conséquent, nous avons utilisé des tests non paramétriques pour tester nos hypothèses opérationnelles. Le test de Mann Whitney nous a servi à réaliser les comparaisons intergroupes auxquelles s’ajoutent des corrélations de Spearman utilisées pour investiguer les liens entre les variables11.

3.2 Hypothèse H1 : pertinence du questionnaire parental PaBiQ

Nous nous attendions à observer un score de non-risque plus faible chez les enfants bilingues (simultanés + séquentiels) présentant un TSL par rapport à leurs pairs au développement normal. Les résultats (figure 5) vont dans le sens de notre prédiction avec une moyenne de 21.6 de score de non-risque pour le groupe des enfants Bi-TD alors que le groupe d’enfants Bi-TSL obtient une moyenne de 16.9. Cette différence est significative (U = 99.0, p < .001).

                                                                                                                         

11 Les indices de significativité seront représentés de la façon suivante : p <.05 (*), p <.01 (**), p <.001 (***).

Histogram: SRep-French % Total Identical Repetition

 

Figure 5 Moyennes des scores de non-risque obtenus à l'issue du questionnaire PaBiQ pour les Bi-TSL et les Bi-TD au complet

Nous nous attendions ensuite à observer une différence similaire chez les enfants bilingues séquentiels. Les résultats (figure 6) vont dans le sens de notre hypothèse. En effet, les enfants Bi-TSL séquentiels obtiennent une moyenne de score de non-risque de 18.5 alors que les enfants Bi-TD séquentiels obtiennent, eux, une moyenne de 22.4 pour ce même score.

Cette différence est significative (U = 6.0, p < .001).

 

Figure 6 Moyennes des scores de non-risque obtenus à l'issue du questionnaire PaBiQ pour les Bi-TSL séq et les Bi-TD séq

Nous nous attendions enfin à obtenir une corrélation positive significative entre le score de non-risque du questionnaire PaBiQ et les scores aux tâches de langage chez les enfants bilingues (simultanés et séquentiels confondus). Les résultats vont dans le sens de notre hypothèse. En effet, plus le score de non-risque est élevé, plus les pourcentages de réponses correctes aux tâches de répétition de phrases et de non-mots sont élevés (respectivement Rs = 0.55, p < .001 et Rs = 0.5, p < .001). Concernant les tâches standardisées, les résultats vont aussi dans le sens de notre hypothèse, et ce pour toutes les tâches (cf. tableau X) sauf pour

0   5   10   15   20   25  

Bi-­‐TSL   Bi-­‐TD  

PaBiQ  -­‐  Score  de  non-­‐risque  

***  

0   5   10   15   20   25  

BiTSL  séq   BiTD  séq  

PaBiQ  -­‐  score  de  non  risque    

***  

 

celle qui évalue la morphosyntaxe en compréhension (MorSynR). Cependant, la p-valeur n’est pas loin d’être significative (p = 0.1).

Tableau X Corrélations entre le score de non-risque du PaBiQ et les tâches standardisées chez tous les enfants bilingues

Tâches standardisées Spearman R p-valeur

LexP 0.34 p < .01

LexR 0.29 p < .05

MorSynP 0.46 p < .001

MorSynR 0.21 p = 0.11

RépMots 0.45 p < .001

Nous avons fait de même en concentrant l’analyse sur les enfants bilingues séquentiels.

Les résultats montrent une corrélation positive significative entre les scores des tâches expérimentales (répétition de non-mots : Rs = 0.43 ; p < .05 ; répétition de phrases : Rs = 0.53 ; p < .01) et le score du questionnaire PaBiQ. En revanche, il n’y pas de corrélation pour les tâches standardisées, excepté pour une tâche (MorSynP).

Tableau XI Corrélations entre le score de non-risque du PaBiQ et les tâches standardisées chez les enfants bilingues séquentiels

Tâches standardisées Spearman R p-valeur

LexP 0.20 p = 0.30

LexR -0.12 p = 0.57

MorSynP 0.37 p < .05

MorSynR -0.15 p = 0.44

RépMots 0.33 p = 0.08

3.3 Hypothèse H2 : pertinence d’une tâche de répétition de non-mots

Nous nous attendions à observer tout d’abord un score total de répétition exacte dans la tâche de répétition de non-mots plus faible chez les enfants bilingues (simultanés + séquentiels) avec un TSL par rapport à leurs pairs au développement normal. Avec une moyenne de 88.6% de réponses correctes, les enfants Bi-TD sont effectivement plus performants que les enfants Bi-TSL qui obtiennent une moyenne de 74.25 %. La différence entre les deux groupes est significative (U = 162.5, p < .001). Les résultats (figure 7) vont donc dans le sens de notre hypothèse.

 

Figure 7 Moyennes des scores de répétition exacte à la tâche de répétition de non-mots pour les Bi-TSL et les Bi-TD au complet

Nous nous attendions à observer cette même différence chez les enfants bilingues séquentiels12. Les résultats (figure 8) vont aussi dans le sens de notre hypothèse. En effet, les enfants Bi-TD séquentiels (85.7% de répétition exacte) sont plus performants que les enfants Bi-TSL séquentiels qui obtiennent une moyenne de 73.9%. Cette différence est aussi significative (U = 37.5, p < .05).

 

Figure 8 Moyennes des scores de répétition exacte à la tâche de répétition de non-mots pour les Bi-TSL séq et les Bi-TD séq

Nous tournant maintenant vers la distinction entre non-mots dits « spécifiques » versus

« universels » (comme évoqué en section 2.2.2), nous nous attendions tout d’abord à observer des scores plus faibles chez les Bi-TSL que chez les Bi-TD. Les résultats (figure 9) vont dans le sens de notre hypothèse lorsque l’on compare les groupes au complet (bilingues séquentiels et simultanés confondus). En effet, pour les non-mots universels, le groupe Bi-TSL obtient une moyenne de répétition exacte de 74% et le groupe Bi-TD obtient une

                                                                                                                         

12 A noter: cette différence est aussi retrouvée chez les enfants bilingues simultanés (U = 38.5, p < .001).

0   20   40   60   80   100  

BiTSL   BiTD  

%  EEon  exacte  

***  

 

0   20   40   60   80   100  

BiTSL  séq   BiTD  séq  

%  EEon  exacte  

*    

moyenne de 88.6%. Cette différence est significative (U = 154.0, p < .001). Sur les non-mots spécifiques, le groupe Bi-TSL obtient une moyenne de répétition correcte de 74.5% et le groupe Bi-TD une moyenne de 88.7%. Cette différence est là aussi significative (U = 161.5, p

< .001). Par conséquent, les deux types de non-mots discriminent les enfants de la même façon. Nous ne pouvons donc pas conclure en faveur d’un type de non-mots qui serait plus efficace.

 

Figure 9 Moyennes des scores de répétition exacte à la tâche de répétition de non-mots en fonction des types de non-mots chez les Bi-TSL et les Bi-TD au complet

En revanche, lorsque l’on focalise notre analyse sur les populations d’enfants bilingues séquentiels13 (TD et TSL), les différences ne sont plus significatives (figure 10). Ainsi, la différence significative entre les groupes (Bi-TSL séq et Bi-TD séq) disparaît sur les non-mots universels (U = 43.0, p = 0.06) et le même résultat est obtenu sur les non-mots spécifiques (U = 45.0, p = 0.08). Cependant, il faut bien noter noter que les p-valeurs sont très proches du seuil de significativité.

                                                                                                                         

13 A noter: la différence entre les Bi-TSL simultanés et les Bi-TD simultanés est significative pour les non-mots universels (U = 31.5, p < .001) et spécifiques (U = 18.5, p < .001).

0   20   40   60   80   100  

Non-­‐mots  universels   Non-­‐mots  spécifiques  

%  EEon  exacte  

BiTSL   BiTD  

***   ***  

 

 

Figure 10 Moyennes des scores de répétition exacte à la tâche de répétition de non-mots en fonction des types de non-mots pour les Bi-TSL séq et les Bi-TD séq

3.4 Hypothèse H3 : pertinence d’une tâche de répétition de phrases

Concernant la tâche de répétition de phrases, nous nous attendions à observer un score de répétition exacte plus faible chez les enfants bilingues (simultanés + séquentiels) avec un TSL par rapport à leurs pairs au développement normal. Les résultats (figure 11) vont dans le sens de notre hypothèse puisqu’ils mettent en évidence une différence significative (U = 75.0, p < .001) entre les Bi-TSL et les Bi-TD qui obtiennent respectivement des moyennes de 47.4% et 84.2% de répétitions correctes.

 

Figure 11 Moyennes des scores de répétition exacte à la tâche de répétition de phrases pour les Bi-TD et les Bi-TSL au complet

0   20   40   60   80   100  

Non-­‐mots  universels   Non-­‐mots  spécifiques  

%  EEon  exacte  

BiTSL  séq   BiTD  séq  

0   20   40   60   80   100  

BiTSL   BiTD  

%  EEon  exacte  

BiTSL   BiTD  

***  

 

Nous avions ensuite la même prédiction concernant les enfants bilingues séquentiels14. Les résultats (figure 12) démontrent là encore une différence significative (U = 30.0, p < .05) entre les Bi-TSL séquentiels et les Bi-TD séquentiels sur la tâche de répétition de phrases. En effet, les enfants Bi-TSL séquentiels obtiennent une moyenne de répétition exacte de 46.5%

et les Bi-TD séquentiels une moyenne de 74%.

 

Figure 12 Moyennes des scores de répétition exacte à la tâche de répétition de phrases pour les Bi-TSL séq et les Bi-TD séq

Enfin, nous nous attendions à cette même différence en précisant l’analyse sur les structures de phrases enchâssées. Concernant l’analyse sur les groupes au complet, les résultats (figure 13) vont bien dans ce sens : entre la moyenne des Bi-TSL (26.2% de répétition exacte) et celle des Bi-TD (47.5% de répétition exacte), la différence est significative (U = 297.0, p < .05).

 

Figure 13 Moyennes des scores de répétition exacte sur les phrases enchâssées pour les Bi-TD et les Bi-TSL au complet

                                                                                                                         

14 A noter: cette différence est aussi significative chez les enfants bilingues simultanés (U = 7.0, p < .001).

0   20   40   60   80   100  

BiTSL  séq   BiTD  séq  

%  EEon  exacte  

*    

0   20   40   60   80   100  

BiTSL   BiTD  

%  EEon  exacte  

BiTSL   BiTD  

   *  

   

En revanche, cette différence significative ne se retrouve pas entre les groupes d’enfants bilingues séquentiels15 (U = 63.0, p = 0.4) (figure 14).

 

Figure 14 Moyennes des scores de répétition exacte sur les phrases enchâssées pour les Bi-TSL séq et les Bi-TD séq

3.5 Hypothèse H4 : effet de l’âge du premier contact avec le français

Pour notre dernière hypothèse, nous nous attendions à observer un effet de l’âge d’acquisition de la seconde langue sur les performances dans les tâches de langage chez les enfants bilingues présentant un TSL. Les résultats ne vont cependant pas dans le sens de notre hypothèse. En effet, pour tester cette hypothèse, nous avons comparé les performances des enfants Bi-TSL séquentiels à celles des enfants Bi-TSL simultanés sur les tâches de répétition de phrases, de répétition de non-mots ainsi que sur les tâches standardisées (NEEL et BILO).

Les résultats, présentés dans les figures 15 et 16, démontrent une absence de différence significative entre ces deux groupes pour chacune des tâches. Les p-valeurs sont présentées dans le tableau XII.

 

Figure 15 Moyennes des pourcentages de répétition exacte dans les tâches expérimentales pour les Bi-TSL séq et les Bi-TSL sim

                                                                                                                         

15 Cette différence est significative chez les enfants bilingues simultanés (U = 7.0, p < .05).

0   20   40   60   80   100  

BiTSL  séq   BiTD  séq  

%  EEon  exacte  

0   20   40   60   80   100  

RépéGGon  de  

phrases   RépéGGon  de  

non-­‐mots  

%  EEon  correcte  

BiTSL  séq   BiTSL  sim  

 

Figure 16 Ecarts-types moyens caractérisant les Bi-TSL séq et les Bi-TSL sim sur les tâches standardisées

Tableau XII Résultats de la comparaison entre Bi-TSL sim et Bi-TSL séq

Type de tâche Tâches Mann-Whitney U p-valeur

Expérimentales RépNM 128.0 p = 0.96

Enfin, nous nous attendions à une corrélation inverse entre l’âge du premier contact avec la L2 (français) et les performances dans les tâches de langage chez les enfants bilingues avec un TSL. Nous avons donc recherché cette corrélation chez le groupe d’enfants TSL au complet. Les résultats, présentés dans le tableau ci-dessous, ne révèlent aucune corrélation significative entre les tâches de langage et l’âge du premier contact avec le français.

Tableau XIII Corrélations entre l'âge du premier contact avec le français et les tâches de langage

Type de tâche Tâches Spearman R p-valeur

Compréhension   Morphosyntaxe  -­‐  

Expression   Morphosyntaxe  -­‐  

Compréhension   BILO  

Ecart-­‐type   BiTSL  séq  

BiTSL  sim  

Nous avons fait de même en concentrant l’analyse sur les enfants Bi-TSL séquentiels uniquement. Les résultats présentés dans le tableau suivant ne révèlent pas non plus de corrélation significative.

Tableau XIV Corrélations entre l'âge du premier contact avec le français et les tâches de langage chez les enfants bilingues séquentiels (TSL + TD)

Type de tâche Tâches Spearman R p-valeur

Expérimentales RépNM 0.03 p = 0.90

RépPH -0.02 p = 0.94

Standardisées

LexP 0.00 p = 0.97

LexR -0.09 p = 0.69

MorSynP -0.04 p = 0.86

MorSynR -0.38 p = 0.10

RépMots -0.35 p = 0.95

4. Discussion

Comme nous l’avons évoqué précédemment, certaines recherches ont mis en évidence de fortes similitudes entre le développement langagier normal d’un enfant bilingue séquentiel et les difficultés liées à la présence d’un TSL chez un enfant monolingue (Paradis & Crago, 2000, 2004 ; Prévost et al. 2011 ; Scheidnes, 2012). Cette ressemblance entre les profils peut porter à confusion au moment de l’évaluation du langage oral d’un enfant bilingue séquentiel.

En effet, comme nous l’avons vu dans l’étude de Tuller et al. (2013) dans la section 1.2.1, l’évaluation du langage dans un contexte de bilinguisme comporte des risques de sur-diagnostic et de sous-sur-diagnostic. Ainsi, les professionnels diagnostiquent parfois un TSL chez les enfants bilingues séquentiels et préconisent une intervention alors que leurs difficultés sont passagères et simplement liées à l’acquisition tardive d’une seconde langue (sur-diagnostic). Inversément, certains enfants Bi-TSL séquentiels ne sont pas adressés en logopédie car leurs difficultés sont mises sur le compte du bilinguisme (sous-diagnostic).

Dans le cadre de la recherche sur l’évaluation du langage oral chez les enfants bilingues, plusieurs outils applicables aux situations de bilinguisme simultané ont déjà pu être proposés.

Plus précisément, les auteurs du programme COST ont évalué l’efficacité d’un questionnaire parental, d’une tâche de répétition de non-mots et d’une tâche de répétition de phrases.

L’objectif de notre recherche était d’évaluer la pertinence de ces outils dans l’évaluation du langage oral des enfants bilingues séquentiels. Nous présentons ci-dessous les principaux résultats obtenus (cf. tableau XV). Par la suite, nous discuterons ces résultats en fonction de

chacune de nos hypothèses initiales, à la lumière des données de la littérature les plus récentes.

Tableau XV Récapitulatif des hypothèses et des résultats obtenus

Hypothèses Bilingues Résultats

4.1.1 Pertinence du questionnaire parental PaBiQ dans l’évaluation des Bi-TSL séquentiels

Les résultats soutiennent l’idée d’une contribution efficace du questionnaire parental PaBiQ dans l’évaluation du langage oral chez les enfants bilingues, qu’ils soient séquentiels ou simultanés. En effet, dans notre étude, les réponses fournies par les parents permettent de discriminer de façon significative les enfants Bi-TSL des enfants Bi-TD, que ce soit

lorsqu’on mélange les types de bilinguisme ou lorsqu’on s’intéresse seulement au bilinguisme séquentiel. De plus, le score issu du questionnaire PaBiQ est corrélé positivement aux tâches de langage lorsqu’on considère tous les enfants bilingues (simultanés et séquentiels confondus). Lorsqu’on s’intéresse plus particulièrement aux enfants bilingues séquentiels, le score issu du questionnaire est corrélé positivement avec les tâches expérimentales mais pas avec les tâches standardisées. Ceci renforce la pertinence d’utiliser ces tâches expérimentales, comparativement aux tests standardisés « classiques ». Ce résultat est toutefois à considérer avec précaution car les groupes TSL et TD chez les bilingues séquentiels sont déséquilibrés (8 enfants TD pour 20 enfants TSL).

Quoi qu’il en soit, globalement, les résultats suggèrent que les données relatives à l’histoire linguistique et développementale des enfants sont de bons indices à utiliser lors de l’évaluation du langage oral. Certaines études déjà réalisées (Grimm & Schulz, 2013 ; Tuller et al. 2013) pour tester l’efficacité d’un questionnaire parental ont montré qu’il pouvait tout de même y avoir quelques erreurs sur la répartition effectuée entre TSL et TD à la suite des réponses données par les parents. C’est la raison pour laquelle ce questionnaire ne devrait pas être utilisé comme seul outil pour établir un diagnostic sûr. En revanche, il peut servir en parallèle à une évaluation plus approfondie pour mettre en évidence la présence éventuelle de facteurs de risques du TSL. En effet, les informations fournies par le questionnaire permettent de mieux comprendre la raison pour laquelle un enfant bilingue obtiendrait un score faible dans les épreuves standardisées sur des enfants monolingues (Tuller, 2015). Le raisonnement est le suivant : si le questionnaire met en évidence la présence d’un risque élevé de développement d’un TSL, on peut légitimement supposer qu’un faible résultat obtenu à la suite d’un test logopédique peut être attribuable à la présence d’un TSL. En revanche, si le questionnaire ne met pas en évidence de risque particulier vis-à-vis de la présence d’un TSL, on peut supposer que ce sont plutôt les difficultés liées au bilinguisme qui font chuter les scores aux tests normés sur des enfants monolingues. En effet, si un enfant bilingue n’a pas été suffisamment exposé à la langue dans laquelle il est évalué, il est fort probable que ses compétences soient largement en dessous de celles d’un enfant monolingue évalué dans cette même langue.

Le questionnaire a été créé initialement pour être diffusé aux professionnels qui sont inscrits dans une pratique clinique. L’idée est de fournir des versions adaptées à chaque contexte culturel et linguistique selon les pays (Tuller, 2015). Ce questionnaire permettra aux logopédistes d’obtenir des informations sur le contexte d’acquisition de la seconde langue

chez les enfants bilingues. Ces informations servent à mettre en évidence la présence d’éventuels facteurs de risque de développement du TSL. Ainsi, dans le cadre d’une évaluation du langage oral chez les enfants bilingues, le questionnaire peut contribuer à distinguer les difficultés langagières liées à un développement typique du bilinguisme de celles liées au développement d’un TSL.

4.1.2. Pertinence d’une tâche de répétition de non-mots

D’après l’étude de Thordardottir (2014), la tâche de répétition de non-mots permet déjà d’identifier un TSL chez les enfants monolingues. Notre étude suggère qu’il est aussi possible de l’utiliser pour l’identification d’un TSL chez les enfants bilingues. En effet, les résultats démontrent que la tâche de répétition de non-mots permet de discriminer les enfants TSL des enfants TD chez les bilingues (séquentiels et simultanés confondus) et notamment dans le sous-groupe des enfants bilingues séquentiels. Ces résultats vont dans le sens de ceux de l’étude de Grimm et al. (2014) dans laquelle ils ont montré que la répétition de non-mots permet d’identifier le TSL chez une majorité d’enfants bilingues simultanés.

D’autre part, nous ne pouvons pas conclure en faveur d’un type de non-mots qui permettrait de mieux discriminer les enfants Bi-TSL des enfants Bi-TD. En effet, les différences entre ces deux groupes d’enfants (séquentiels et simultanés confondus) sont significatives pour les deux types de non-mots et les p-valeurs sont quasiment similaires (p <

.001). Il n’y a donc pas un type de non-mots qui est plus efficace que l’autre pour identifier un TSL chez les enfants bilingues. En revanche, lorsque l’on concentre l’analyse sur les enfants bilingues séquentiels uniquement, ces différences significatives disparaissent. Cette perte de significativité peut s’expliquer par le nombre réduit d’enfants dans le groupe des Bi-TD séquentiels (8 enfants seulement). Elle peut aussi s’expliquer par le nombre réduit d’items lorsque l’on s’intéresse spécifiquement à un type de non-mots en particulier. En effet, d’un point de vue qualitatif, une différence importante peut tout de même être observée entre les Bi-TSL séquentiels et les Bi-TD séquentiels (cf. figure 10) et les p-valeurs sont très proches du seuil de significativité (p = 0.06 pour les non-mots universels ; p = 0.07 pour les non-mots spécifiques). Ainsi, les tendances observées vont donc tout de même dans le sens de notre hypothèse.

Au vu de ces résultats, on peut donc conclure que l’évaluation des représentations phonologiques peut contribuer à l’identification du TSL chez les enfants bilingues. En effet, cette tâche semble pouvoir mettre en évidence un TSL chez les enfants bilingues, qu’ils

soient séquentiels ou simultanés. Elle peut donc être utilisée en parallèle d’autres évaluations pour poser un diagnostic de TSL. Ces résultats mériteraient d’être confirmés par une étude comprenant un plus grand groupe de Bi-TD séquentiels.

4.1.3 Pertinence d’une tâche de répétition de phrases

La pertinence d’une tâche de répétition de phrases pour identifier un TSL a déjà été démontrée chez les enfants monolingues (Leclercq et al. 2014). Prévost (2013) a aussi montré que cette tâche était efficace pour différencier les enfants Bi-TSL des enfants Bi-TD dans un

La pertinence d’une tâche de répétition de phrases pour identifier un TSL a déjà été démontrée chez les enfants monolingues (Leclercq et al. 2014). Prévost (2013) a aussi montré que cette tâche était efficace pour différencier les enfants Bi-TSL des enfants Bi-TD dans un