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En outre, la détention par une société de ses propres actions se heurte au principe de l’intangibilité du capital social, qui est le gage des créanciers sociaux

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Texte intégral

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Commentaire

Décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 Époux M.

(Régime fiscal applicable aux sommes ou valeurs reçues par l’actionnaire ou l’associé personne physique dont les titres sont rachetés par la société

émettrice)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 avril 2014 par le Conseil d’État (décision n° 371921 du 11 avril 2014) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. et Mme Bernard M., portant sur les dispositions du 2° du 1 de l’article 109, du 6° de l’article 112, du 8 ter de l’article 150-0 D et du second alinéa de l’article 161 du code général des impôts (CGI).

Dans sa décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré le 6° de cet article 112 contraire à la Constitution.

I. – Les dispositions contestées A. – Historique

1. – Le régime juridique du rachat par une société de ses propres actions ou parts sociales

Le rachat par une société de ses propres actions a toujours suscité une certaine méfiance car le capital d’une société, qui garantit ses créances à l’égard des tiers, est constitué des apports de ses actionnaires. Le rachat par une société de ses propres actions, a fortiori si elle les conserve, rend ainsi une partie du capital social fictif : « un même bien est au passif et à l’actif de la société »1. En outre, la détention par une société de ses propres actions se heurte au principe de l’intangibilité du capital social, qui est le gage des créanciers sociaux.

Comme l’ont souligné certains auteurs, « le mythe de la fixité et de l’intangibilité du capital social a ainsi largement contribué à considérer toute opération de rachat comme un procédé suspect, de nature à porter une grave atteinte aux principes généraux du droit des sociétés »2.

1 M. Didier Migaud, Rapport sur le projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, Assemblée nationale, XIème législature, n° 781, 25 mars 1998.

2 Maxime Galland, Répertoire de droit des sociétés, Dalloz, juin 2010.

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Le rachat par une société de ses propres actions ou parts sociales n’en présente pas moins certains avantages. Il peut notamment permettre « de régulariser les cours de bourse par des interventions contracycliques, de lutter contre les OPA ou les OPE en accroissant la participation des actionnaires de référence et en raréfiant les actions, d’organiser le retrait volontaire ou forcé de certains actionnaires, de décroiser les participations, de réaliser des opérations de croissance externe et de faciliter les fusions, d’intéresser les salariés »3.

Avant l’intervention de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, alors qu’aucun texte n’encadrait le rachat de ses propres actions par une société, la jurisprudence avait autorisé certaines opérations sous réserve du respect de règles visant à assurer l’égalité des associés et à protéger les créanciers sociaux4.

Le premier mouvement du législateur, lorsqu’il a encadré l’auto-détention d’actions par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, a été de poser le principe de son interdiction5, en ménageant une exception dans l’hypothèse d’un rachat effectué pour procéder à une réduction du capital non motivée par des pertes6.

Le régime juridique du rachat par une société de ses propres actions a ensuite été progressivement assoupli.

En 1967, le champ de l’auto-détention a été étendu, par deux ordonnances, aux rachats d’actions effectués soit en vue de les rétrocéder aux salariés7, soit en vue de stabiliser le cours de bourse8.

À la suite de la publication d’un rapport de M. Bernard Ésambert9 pour la Commission des opérations de bourse (COB) soulignant les avantages de cette technique, l’encadrement législatif du rachat par une société de ses propres actions a de nouveau été assoupli. L’article 41 de la loi n° 98-546 du 2 juillet

3 Emmanuel Glaser, concl. sous CE, 31 juill. 2009, n° 296052, Sté Fiteco, RJF 11/09 n° 939, Dr. Fisc. 2009, n°

43, comm. 509, concl. E. Glaser, note A. de Bissy.

4 CA Paris, 16 juin 1885, Journ. Sociétés, 1887, p. 294, et CA Lyon, 30 mars 1886, Journ. Sociétés, 1887 p. 179.

5 Art. 217, alinéa 1er, de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 : « L’achat de ses propres actions par une société est interdit. ».

6 Art. 217, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 précitée : « Toutefois, l’assemblée générale qui a décidé une réduction du capital non motivé par des pertes peut autoriser le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, à acheter un nombre déterminé d’actions pour les annuler. »

7 Art. 1er de l’ordonnance n° 67-695 du 17 août 1967 modifiant et complétant la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. L’article 217-1, introduit dans la loi du 24 juillet 1966, autorise « les sociétés qui font participer leurs salariés aux fruits de l’expansion de l’entreprise par l’attribution de leurs propres actions (…) » à acheter à cette fin « ces actions, si elles sont inscrites à la cote officielle des bourses de valeur ».

8 Art. 6 de l’ordonnance n° 67-836 du 28 septembre 1967 destinée à encourager l’épargne et le développement du marché financier (cf. les art. 217-2 à 217-4 introduits dans la loi du 24 juillet 1966). Cette procédure a été abrogée par l’article 41 de la loi du 2 juillet 1998.

9 M. Bernard Ésambert, Le rachat par les sociétés de leurs propres actions, janvier1998.

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1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier a profondément modifié le régime légal du rachat d’actions, en substituant au régime d’interdiction un régime d’autorisation sous conditions.

Désormais, le code de commerce (c.com.) autorise les sociétés à racheter leurs propres actions ou droits sociaux selon trois procédures principales :

- le rachat réalisé en vue d’une réduction de capital non motivée par des pertes (art. L. 225-207 du c.com.) ;

- le rachat réalisé en vue d’une redistribution aux salariés (art. L. 225-208 du c.com.), dans le cadre de la participation aux résultats de l’entreprise, de l’octroi d’options d’achat d’actions ou d’attribution gratuite d’actions ;

- le rachat réalisé dans le cadre d’un plan de rachat d’actions par les sociétés cotées (art. L. 225-209 du c.com.) et les sociétés non cotées (art. L. 225-209-2 du c.com.). Cette procédure s’est substituée, en ce qui concerne les sociétés cotées, à celle du rachat pour régulariser le cours de bourse, instituée en 1967 et abrogée par la loi du 2 juillet 1998. Les sociétés sont ainsi autorisées à racheter leurs propres actions, notamment pour améliorer la gestion financière de leurs fonds propres (l’objectif pouvant être de stabiliser le cours de bourse, lutter contre une offre publique d’achat hostile, organiser le retrait d’un actionnaire sans peser sur le cours de bourse, réaliser des opérations de croissance externes ou faciliter une fusion, …), pour favoriser la liquidité des titres ou pour attribuer des actions à leurs salariés ou dirigeants.

Hormis ces trois régimes principaux de rachat, d’autres procédures permettent à une société de racheter ses propres actions ou droits sociaux, notamment en cas de refus d’agrément d’une cession d’actions pour permettre à l’actionnaire cédant de se défaire de ses titres (art. L. 228-24 du c.com.), ou encore à la suite d’une transmission de patrimoine à titre universel ou d’une décision de justice (art. L. 225-213 du c.com.).

Sauf exception, la détention par une société de ses propres actions et, par conséquent, leur rachat sont subordonnés au respect de deux conditions :

- la société ne peut pas posséder plus de 10 % du total de ses propres actions ni, s’il existe plusieurs catégories d’actions, plus de 10 % des actions de chaque catégorie (art. L. 225-210, al. 1 du c.com.) ;

- l’acquisition d’actions de la société ne doit pas avoir pour effet d’abaisser les capitaux propres à un montant inférieur à celui du capital augmenté des réserves non distribuables (art. L. 225-210, al. 2 du c.com.).

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2. – Le régime d’imposition des sommes ou valeurs reçues par l’actionnaire ou l’associé personne physique au titre du rachat de ses actions ou parts sociales par la société émettrice

Le régime fiscal des sommes ou valeurs reçues par l’actionnaire ou l’associé personne physique à l’occasion du rachat de ses actions ou parts sociales par la société émettrice dépend de la procédure de rachat utilisée par cette dernière.

Une opération est ainsi susceptible de dégager, pour lui, un revenu distribué et une plus-value.

La qualification des sommes ainsi perçues a donné lieu à des hésitations et alimenté une discorde durable dans la doctrine. En effet, les plus-values font l’objet d’une imposition proportionnelle généralement plus avantageuse que l’imposition progressive à laquelle sont soumis les revenus distribués. Les opposants à la qualification de ces sommes en tant que revenus distribués font en particulier valoir que les sommes ou valeurs reçues à l’occasion d’une cession à un tiers sont qualifiées de plus-values et que la circonstance que les titres sont rachetés par la société émettrice ou cédés à un tiers est indifférente du point de vue du cédant.

Des incertitudes quant à la qualification de ces sommes étaient nées d’une décision du Conseil d’État Gardet du 8 juillet 199210, jugeant que ces versements n’ont pas le caractère de dividendes, mais de plus-values relevant exclusivement du second alinéa de l’article 161 du CGI. Or, cette décision n’avait pas pour portée de revenir sur la qualification de ces sommes en tant que revenus distribués, mais seulement de déterminer l’assiette imposable de ces revenus11.

La difficulté provient de ce que « le gain présente deux facettes. Vue depuis l’associé, l’opération ressemble furieusement à une cession ordinaire, faisant éventuellement apparaître une plus-value (…) Mais, vu depuis la société, le même flux constitue un désinvestissement au profit de l’associé, désinvestissement qui peut s’analyser soit comme un remboursement d’apports, soit comme une distribution de bénéfices et / ou de réserves »12.

Par une décision Roesch du 29 décembre 2000, le Conseil d’État a mis fin aux incertitudes suscitées par la décision Gardet. Le Conseil d’État considère que le gain réalisé par l’actionnaire ou l’associé personne physique à l’occasion du

10 CE, 8 juill. 1992, n° 88734, Gardet, RJF 8-9/92 n° 1172, Dr. Fisc. 1993, n° 5, comm. 125, concl. M.-D.

Hagelsteen.

11 V. concl. E. Glaser sous CE, 31 juill. 2009, Sté Fiteco, précité.

12 Jérôme Turot « Rachat par une société de capitaux de ses propres titres. Un régime assis entre deux chaises », RJF, 8-9/92, p. 659

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rachat de ses titres par la société émettrice « constitue, sauf dans les hypothèses où le législateur en aurait disposé autrement, non un gain en capital relevant du régime des plus-values de cession, mais un boni de cession qui a la même nature qu’un boni de liquidation, imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers »13.

Selon l’état du droit applicable lors de la période qui était en cause dans l’affaire à l’origine de la décision commentée, le rachat de ses actions ou parts sociales par la société émettrice est susceptible de dégager pour l’actionnaire ou l’associé personne physique, d’une part, une plus-value soumise à l’impôt sur le revenu selon le régime des plus-values pour la différence entre la valeur de l’apport et le prix d’acquisition et, d’autre part, un revenu distribué imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour la différence entre le prix de rachat des titres et leur prix ou valeur d’acquisition ou de souscription ou, s’il est supérieur, le montant des apports compris dans la valeur nominale des titres rachetés.

En revanche, les sommes ou valeurs attribuées à l’actionnaire ou l’associé personne physique à l’occasion d’un rachat en vue d’une attribution aux salariés ou dans le cadre d’un plan de rachat d’actions relevaient exclusivement du régime des plus-values. Le 6° de l’article 112 du CGI prévoyait expressément que ces sommes n’avaient pas le caractère de revenus distribués. La plus-value était égale à la différence entre, d’une part, le montant du rachat et, d’autre part, le prix ou la valeur d’acquisition ou de souscription.

La fraction des sommes reçues par l’actionnaire ou l’associé personne physique correspondant au remboursement des apports n’est, pour sa part, pas soumise à imposition, quel que soit le régime d’imposition applicable (régime des plus- values ou des revenus de capitaux mobiliers).

Le régime hybride de taxation pour partie au titre des revenus distribués et pour partie au titre des plus-values s’applique également lorsque le rachat des titres est forcé à la suite d’un refus d’agrément (art. L. 228-24 du c.com.)14, lorsque les titres rachetés n’ont pas été annulés par la société mais ultérieurement cédés à un tiers ou bien conservés par la société15. Le régime hybride applicable en l’espèce résulte des modifications apportées aux articles 150-0 A, 150-0 D et 161 du CGI par l’article 29 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

13 CE, 29 déc. 2000, n° 179647, Roesch, RJF 3/01 n° 310, Dr. Fisc. 2001, n° 15, comm. 337, concl. J. Courtial.

14 CE, 24 juin 2009, n° 307943, Leroy, RJF 11/09 n° 837.

15 CE, 29 déc. 2000, Roesch, précité et CE, 31 juil. 2009, Sté Fiteco, précité.

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Jusqu’en 2005, le montant du revenu distribué imposable entre les mains de l’actionnaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers était déterminé comme suit :

– la fraction du prix du rachat correspondant au montant des apports compris dans chaque titre racheté s’analysait comme un remboursement d’apport et ne constituait donc pas un revenu distribué (art. 112, 1° du CGI) ;

– le montant du revenu distribué était égal à l’excédent du prix de rachat sur le montant des apports compris dans la valeur nominale des titres ou sur le prix ou la valeur d’acquisition, s’il était supérieur au montant des apports (art. 161 du CGI).

Les modifications apportées par la loi de finances rectificative pour 2005 visaient à prendre en compte l’enrichissement réel des actionnaires depuis l’acquisition ou la souscription des titres jusqu’au rachat et, corrélativement, de leur permettre de constater les moins-values subies lors de ces rachats. « Cette loi a comblé le vide qui existait jusqu’alors lorsqu’un particulier faisait l’acquisition de titres à un prix inférieur à la valeur des apports qu’ils comprenaient : en cas de rachat par la société émettrice de ces titres, le gain correspondant à la différence entre la valeur des apports et le prix d’acquisition n’était pas imposé. La fiscalité comme la nature ayant horreur du vide, l’article 150-0 D 8 ter du CGI prévoit désormais l’imposition de ce gain selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières »16.

La portée de la QPC se limitait aux actionnaires et associés personnes physiques, le régime fiscal en cause ne s’appliquant pas aux actionnaires ou associés personnes morales.

La différence de traitement qui était contestée dans la décision n° 2014-404 QPC commentée provenait de ce que l’imposition selon le seul régime des plus- values était expressément réservé, par le 6° de l’article 112 du CGI, aux rachats réalisés en vue d’une attribution aux salariés (conditions prévues à l’article L. 225-208 du c.com.) ou dans le cadre d’un plan de rachat d’actions (conditions prévues aux articles L. 225-209 à L. 225-212 du c.com.).

Le 6° de l’article 112 a été introduit par l’article 9 de l’ordonnance du 28 septembre 1967. Ainsi que le rappelle Emmanuel Glaser dans ses conclusions sous la décision Sté Fiteco, ce 6° « indiquait dès l’origine que le rachat d’actions motivé par la participation des salariés ou par la stabilisation des cours de bourse, qui étaient les deux seules hypothèses de rachats d’actions

16 Vincent Dumont, « Rachat par une société de ses propres titres : une "chère rédemption" ? », Bulletin fiscal Lefebvre 10/10.

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autorisées, hors le rachat d’actions pour réduire le capital, ne constituaient pas des revenus distribués au sens de l’article 109. Si le législateur a pris soin, en 1967, lorsqu’il a introduit ces possibilités nouvelles, de préciser que le régime des revenus distribués ne s’y appliquait pas, c’est bien parce que ce régime s’appliquait de façon générale au rachat d’actions. Et, l’article 41 de la loi du 2 juillet 1998 est venu préciser que le régime des plus-values de cession de titres était applicable à ce type de rachats. C’est donc, par une exclusion expresse prévue par le législateur que certaines catégories de rachats d’actions autres que le rachat d’action en vue de la réduction du capital ne constituent pas une distribution de bénéfices »17.

La différence de traitement résultant de l’existence de ces deux régimes fiscaux est aujourd’hui moins grande dans la mesure où les règles d’imposition des plus- values sur valeurs mobilières ont été modifiées par la loi de finances pour 201418. En effet, à compter du 1er janvier 2014, les plus-values sur valeurs mobilières sont soumises au barème de l’impôt sur le revenu au même titre que les revenus distribués. Toutefois, ces plus-values peuvent faire l’objet d’abattements selon la durée de détention des titres cédés.

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de contrôler les lois du 30 décembre 200319 et du 20 décembre 200520 qui modifient les dispositions des articles 112, 161 et 150-0 D, 8 ter du CGI. Toutefois, les dispositions contestées n’avaient jamais été déclarées conformes dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

B. – Origine de la QPC et question posée

En octobre 2006, la société Glemac a racheté à M. Bernard M. les parts qu’il détenait dans son capital.

Dans leur déclaration de revenus de l’année 2006, les époux M. ont présenté le gain résultant de cette opération comme une plus-value de cession de valeurs mobilières.

Ils ont fait l’objet d’un contrôle sur pièces, à l’issue duquel l’administration fiscale a estimé que l’excédent du prix de rachat sur la valeur nominale des titres constituait un revenu distribué taxable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ce qui a abouti au rehaussement des revenus imposables des époux M.

17 Emmanuel Glaser, concl. sous CE, 31 juill 2009, Sté Fiteco, précité.

18 Art. 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

19 Art. 10 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 : décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004.

20 Art. 29 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 : décision n° 2005- 531 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances rectificative pour 2005.

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au titre de l’année 2006 et, partant, à la mise en recouvrement d’une imposition supplémentaire.

Après le rejet de leur réclamation préalable par une décision du 17 décembre 2008, les époux M. ont saisi le tribunal administratif de Grenoble. Par un jugement du 12 octobre 2012, le tribunal a déchargé les époux M. de la pénalité pour manquement délibéré dont était assortie l’imposition, mais a rejeté le surplus des conclusions de leur recours. Par un arrêt du 9 juillet 2013, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté leur requête. Les époux M. se sont pourvus en cassation et, à cette occasion, ont demandé au Conseil d’État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 109, 112, 120 et 161 et des dispositions du 8 ter de l’article 150-0 D du CGI.

Dans sa décision du 11 avril 2014 (n° 371921), le Conseil d’État a jugé : « il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution du 1° du 1 de l’article 109, des 1° à 3°, du 5° et du 7° de l’article 112, de l’article 120 et du premier alinéa de l’article 161 du » CGI. Il a relevé que ces dispositions ne sont pas applicables au litige qui « a trait au régime d’imposition des sommes que M. M. a perçues en 2006 de la société Glemac, dont le siège social est situé en France et dont il était l’un des deux associés et cogérants, en contrepartie du rachat de ses parts dans cette même société ». En revanche, le Conseil d’État a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC portant sur les dispositions du 2° du 1 de l’article 109, du 6° de l’article 112, du 8 ter de l’article 150-0 D et du second alinéa de l’article 161 du CGI. Il a relevé que le moyen tiré de ce que ces dispositions

« méconnaissent les principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques soulève une question présentant un caractère sérieux ».

Selon les requérants, les dispositions contestées instituaient, en méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et les charges publiques, une différence de traitement entre les actionnaires ou associés personnes physiques dont les actions ou parts sociales sont rachetées par la société émettrice, selon la procédure de rachat employée. Ils soutenaient que cette dernière dépendait de l’objectif poursuivi par la société émettrice alors que la situation du contribuable cédant était identique, quelle que soit la procédure de rachat employée. Ils faisaient valoir que cette différence de traitement ne reposait sur aucun critère objectif et rationnel en rapport avec l’objet de la loi et, par suite, méconnaissait les principes d’égalité devant la loi et les charges publiques.

Au vu de ce grief, le Conseil a procédé à une délimitation plus étroite des dispositions contestées, comme il a déjà eu l’occasion de le faire à plusieurs

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reprises21. Il a considéré que le grief portait en effet exclusivement sur « les dispositions du 6° de l’article 112 du code général des impôts » (cons. 6).

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

A. – L’examen du grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi

L’article 6 de la Déclaration de 1789 consacre un principe d’égalité devant la loi. Selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel juge à propos de ce principe « qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi

"doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse" ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »22.

Après avoir rappelé sa jurisprudence sur le principe d’égalité devant la loi (cons.

7), le Conseil constitutionnel a présenté l’objet des dispositions contestées. En ce sens, le Conseil a relevé d’abord « qu’il résulte des dispositions combinées du 2° du 1 de l’article 109, du 8 ter de l’article 150-0 D et du second alinéa de l’article 161 du code général des impôts que le rachat de ses actions ou parts sociales par la société émettrice est susceptible de dégager pour l’actionnaire ou l’associé personne physique, d’une part, une plus-value soumise à l’impôt sur le revenu selon le régime des plus-values pour la différence entre la valeur de l’apport et le prix d’acquisition et, d’autre part, un revenu distribué imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour la différence entre le prix de rachat des titres et leur prix ou valeur d’acquisition ou de souscription ou, s’il est supérieur, le montant des apports compris dans la valeur nominale des titres rachetés » (cons. 8). Il a rappelé ensuite que « par dérogation à ces dispositions, le 6° de l’article 112 du code général des impôts prévoit que les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions par la société émettrice sont soumises, pour leur ensemble, à un régime de plus-values lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues

21 V. notamment les décisions nos 2012-286 QPC du 7 décembre 2012, Société Pyrénées services et autres (Saisine d’office du tribunal pour l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire), cons. 3 ; 2012- 298 QPC du 28 mars 2013, SARL Majestic Champagne (Taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises - Modalités de recouvrement), cons. 4 ; 2013-327 QPC du 21 juin 2013, SA Assistance Sécurité et Gardiennage (Taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - Validation législative), cons. 3 et 2013-343 QPC du 27 septembre 2013, Époux L. (Détermination du taux d’intérêt majorant les sommes indûment perçues à l’occasion d’un changement d’exploitant agricole), cons. 3.

22 V. récemment la décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014, M. Alain D. (Sommes non prises en considération pour le calcul de la prestation compensatoire), cons. 3.

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aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce » (cons. 9).

Le Conseil a considéré que cette différence de régime fiscal méconnaissait le principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil a examiné s’il existait, entre les différents cadres juridiques de rachat d’actions en droit des sociétés, qui sont traités différemment au regard de l’assujettissement à l’impôt de l’actionnaire ou associé cédant, une différence de situation en lien avec l’objet de la loi, ou s’il existait un motif d’intérêt général justifiant une telle différence de traitement. Il a estimé que tel n’était pas le cas en relevant « que lorsqu’un rachat d’actions ou de parts sociales est effectué en vue d’une réduction du capital non motivée par des pertes, conformément à l’article L. 225-207 du code de commerce, les sommes ou valeurs reçues à ce titre par l’actionnaire ou l’associé personne physique cédant sont soumises au régime fiscal de droit commun alors que, dans certaines hypothèses prévues par l’article L. 225-209 du même code, un rachat effectué dans le cadre d’un plan de rachat d’actions peut aboutir à une réduction du capital non motivée par des pertes tout en ouvrant droit au bénéfice du régime fiscal des plus-values ». Par ailleurs, le Conseil a relevé que « le régime d’imposition de droit commun est applicable, notamment, à un rachat effectué en cas de refus d’agrément conformément à l’article L. 224-28 du même code ». Le Conseil en a déduit que

« la différence de traitement entre les actionnaires ou associés personnes physiques cédants pour l’imposition des sommes ou valeurs reçues au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice ne repose ni sur une différence de situation entre les procédures de rachat ni sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi » (cons. 10).

« Par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief » tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques, le Conseil a jugé que les dispositions du 6° de l’article 112 du code général des impôts , qui méconnaissaient le principe d’égalité devant la loi, devaient être déclarées contraires à la Constitution (cons. 11).

B. – Les effets dans le temps de la déclaration d’inconstitutionnalité

Le Conseil constitutionnel devait régler la question des effets dans le temps de sa déclaration d’inconstitutionnalité.

Le Conseil constitutionnel censurait en l’espèce un dispositif législatif instaurant un régime fiscal dérogatoire taxant les rachats d’actions au régime des plus- values. L’effet de cette censure laisse au législateur le choix soit de conserver le régime fiscal hybride de taxation, lequel serait généralisé à l’ensemble des

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rachats d’actions, soit à l’inverse de prévoir en toute hypothèse un autre régime fiscal (le cas échéant le régime fiscal dérogatoire censuré qui serait généralisé), soit d’instaurer des régimes fiscaux distincts selon des critères de taxation objectifs et rationnels et en lien avec l’objectif poursuivi.

Le Conseil constitutionnel a donc fait le choix de reporter la date de l’abrogation des dispositions déclarées contraires à la Constitution au 1er janvier 2015, « afin de permettre au législateur d’apprécier les suites qu’il convient de donner à cette déclaration d’inconstitutionnalité » (cons. 13).

Toutefois, une telle abrogation à effet différé posait la question de la préservation de l’effet utile de la décision pour la solution des instances en cours, dès lors qu’aucune conséquence manifestement excessive ne pouvait résulter d’une application du régime fiscal le plus favorable.

Afin de préserver l’effet utile de la décision commentée, « notamment à la solution des instances en cours », le Conseil a donc fait le choix d’énoncer, pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de l’abrogation à effet différé, une réserve d’interprétation permettant l’application du régime le plus favorable, comme il avait déjà eu l’occasion de le faire dans une décision du 13 juin 201423.

Dans la mesure où cette réserve portait pour partie sur une période au cours de laquelle le législateur est susceptible de modifier les règles applicables (pour l’année fiscale 2014, en vertu de la règle dite de la petite rétroactivité fiscale), il était par ailleurs nécessaire de décomposer la réserve d’interprétation en deux catégories : l’une applicable en toute hypothèse, pour la période antérieure au 1er janvier 2014 ; l’autre applicable sous réserve d’une éventuelle modification des dispositions législatives pour prévoir un dispositif différent mais conforme aux exigences constitutionnelles, pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 1er janvier 2015, date de l’abrogation à effet différé.

Le Conseil a donc jugé que « les sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2014 par les actionnaires ou associés personnes physiques au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, lorsque ce rachat a été effectué selon une procédure autorisée par la loi, ne sont pas considérées comme des revenus distribués et sont imposées selon le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB du code général des impôts » (cons. 14). Sous réserve d’une éventuelle intervention du législateur « déterminant de nouvelles règles applicables pour l’année 2014, il

23 Décision n° 2014-400 QPC du 13 juin 2014, Société Orange SA (Frais engagés pour la constitution des garanties de recouvrement des impôts contestés), cons. 11.

(12)

en va de même des sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2015 » (cons. 14).

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