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La totalgie et ses répercussions fonctionnelles

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Academic year: 2022

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290 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 0 cas clinique

Un ferrailleur de 48 ans présente des troubles douloureux du rachis motivant un arrêt de travail total. Emigré depuis 30 ans, il est bien intégré, a obtenu la nationalité suisse. Les investigations exhaustives ont montré des troubles dégénératifs mineurs du rachis. On lui reconnaît une incapacité de travail totale et définitive dans le métier de ferrailleur, une pleine capacité dans un travail adapté à un dos douloureux. Il suit divers stages professionnels sous l’égide de l’AI. Le taux de présence passe de 100 à 20%, avec un comportement douloureux qui s’aggrave. La physiothérapie ambulatoire et stationnaire ne donne aucun résultat, pas plus que les médicaments compre- nant un antidépresseur et divers antal- giques de paliers I à III. L’intensité des douleurs atteint 8-9/10 sur l’échelle vi- suelle, depuis trois ans, nuit et jour. Les plaintes étendues sur la surface corpo- relle évoquent une totalgie. Il existe un haut indice de kinésiophobie.1L’exper- tise somatique et psychiatrique montre un bon état général, une obésité, un déconditionnement axial, un examen dy- namique parasité de contre-pulsions, de lâchages, de discordances, sans déficit reproductible. Les points d’insertion sont douloureux. L’évaluation psychiatrique ne révèle pas de comorbidité. Au monito- ring thérapeutique, tous les médica- ments se situent en dessous de la limite de détection.

Questions : Diagnostic ? Capacité de travail ?

diagnostic

La douleur diffuse, «totale», peut être assimilée à une sensation pénible 2 ressen- tie dans «tout le corps».

Que l’on soit somaticien, psychiatre, ou juriste en assurances sociales, on lui as- simile respectivement les termes de fibro-

myalgie, de syndrome douloureux soma- toforme persistant, ou de syndrome sans pathogenèse ni étiologie claire, et sans cons- tat de déficit organique (le SPECDO).3

Les nouveaux critères 4 de la fibromyalgie retiennent un indice d’étendue de la douleur et l’importance des symptômes fonction- nels extra-articulaires, la rapprochant des troubles somatoformes. Selon la CIM-10, elle se trouve dans les maladies du système ostéo-articulaire, sous les affec tions des tissus mous, non classées ailleurs (signant un diagnostic d’exclusion, M79.0). Les dou- leurs sont décrites comme plus ponctuel- les que dans le syndrome somatoforme (fi- gure 1).

Le syndrome douloureux somatoforme persistant nécessite un examen psychiatri- que, après que le somaticien ait exclu une cause organique. Selon la CIM-10, il est classé sous troubles somatoformes avec la sous-classification de syndrome doulou- reux somatoforme persistant (F45.4) si la douleur constitue la plainte essentielle, ac- compagnée d’un sentiment de détresse, d’une sollicitation de l’entourage. Elle peut être très étendue sur la surface corporelle (figure 2). Fauchère en définit les fron- tières.5

Si l’on a affaire à un tableau douloureux qui ne répond pas à ces critères, on évo- quera des douleurs chroniques irréducti- bles, codées dans la CIM-10, dans le cha- pitre des symptômes non classés ailleurs, sous R52, entre le diagnostic de céphalée aspécifique R51 et celui de malaise et fa- tigue R53.

Dercum 6 a individualisé le concept d’adi- posité douloureuse (E88.2) chez la femme obèse.

Quel que soit le synonyme diagnostique choisi, il s’agit d’allodynie.7

monitoring thérapeutique Avant de parler d’échec thérapeutique, il est recommandé de doser régulièrement le taux sérique des médicaments prescrits.

Cela permettra de différencier deux grou- pes de patients :

a) Les patients hypercompliants, à risque de développer des dépendances médica- menteuses (opioïdes, benzodiazépines).

b) Les patients peu ou non compliants, chez qui l’on devra tenir compte de mesu- res globales et de l’engagement personnel avant d’alourdir la prescription médicamen- teuse.

La totalgie et ses répercus- sions fonctionnelles

Quadrimed 2014

I. Gabellon

Dr Isabelle Gabellon

Médecine interne – rhumatologie FMH Bureau d’expertises médicales BEM-Vevey

Rue du Lac 39, 1800 Vevey dr.gabellon@bem-vevey.ch

Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 290-1

Figure 1. Schéma douloureux typique d’une patiente fibromyalgique

Il est tracé par la patiente, avec douleurs locali- sées, correspondant pour la plupart, lors de la confrontation clinique, aux points d’insertion des anciens critères de la fibromyalgie (Wolfe, 1990).

Figure 2. Schéma douloureux typique d’un patient souffrant d’un syndrome douloureux somato- forme persistant

Ce syndrome a débuté par une lombalgie com- mune, puis une sensation de brûlure du tronc postérieurement, et s’est étendu progressive- ment, en deux ans, aux membres inférieurs.

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Bibliographie

1 Kori SH, Miller RP, Todd DD. Kinesiophobia : A new view of chronic pain behavior. Pain Manag 1990;3:35-43.

2 Larousse, 2013.

3 Kradolfer M. Nicht objektivierbare Gesundheits schä- den im Licht der EMRK : pathogenetisch-ätiologisch syn- dromal unklare Beschwerdebilder ohne nachweisbare orga nische Grundlage : Rechtsgutachten zur Vereinbarkeit mit der EMRK/Matthias Kradolfer. Zurich : Schulthess, 2012.

4 Wolfe F, et al. The American College of Rheumatology preliminary diagnostic criteria for fibromyalgia and mea- surement of symptom severity. Arthritis Care Res 2010;62:

600-10.

5 Fauchère PA. Douleur somatoforme. Genève : Editions Médecine & Hygiène, 2007.

6 Dercum FX. A subcutaneous connective tissue dys-

trophy of the arms and back associated with symptoms resembling Myxaedema. Philadelphia : University Medical Magazine, 1888,1:140-50.

7 Merskey H, Bogduk N. Douleurs déclenchées par un stimulus normalement indolore, Classification of chronic pain. Seattle : Merskey and Bogduk Edition, IASP, 1994.

8 Wilmore JH, et al. Physiologie du sport et de l’exer- cice. Bruxelles : De Boeck, 2009.

9 Rivier G, Seewer M. Evaluation de la capacité fonc- tionnelle. Rev Med Suisse Romande 2001;6:431-7.

10 Waddell G. The back pain revolution. Philadelphia : B-Y Churchill Livingstone, 1999.

11 Matheson LM. Symptoms of magnification syndrome.

In work injury. Isernhagen : Aspen Publishers, 1988;257-82.

12 Oliveri M. Evaluation à visée professionnelle en cas de

problèmes musculo-squelettiques. SUVA Medical 2010;

138-55.

13 Articles 6, 7, 8 LPGA.

14 LAI 6e révision.

15 ATF 130 V 352 du 12 mars 2004, ATF 132 V 70.

16 Article 7 LAI.

17 De Goumoens P, Schizas C, So AKL. Les facteurs psy- cho-sociaux. Rev Med Suisse 2006;2:1268-74.

18 Foerster K. Psychiatrische Begutachtung. Ein praktisches Handbuch für Arzte und Juristen. Munich : Else vier, Urban

& Fischer, 5. Auflage, 2009.

19 Danuser B, et al. Influences of system structures and research demands on the study design of a return to work RTC 15. Erfurter Tage, 2009 et www.fitforwork-swiss.ch

Dans les deux cas, il y a lieu d’éviter l’as- cension des mesures invasives antalgiques ou chirurgicales qui présentent des contre- indications relatives, afin de prévenir l’évo- lution équivalente à celle d’un syndrome de Münchhausen.

limitations fonctionnelles L’ arrêt de travail entraîne en quelques semaines un désentraînement tel qu’il est défini en médecine sportive.8

Il est difficile, chez ces patients kinésio- phobes, d’évaluer les capacités fonction- nel les objectives.9 En ateliers d’ergothérapie, les tests sont parasités par des autolimita- tions, des discordances,10 des phénomè- nes de majoration.11

Oliveri 12 rend attentif au risque que l’ob- servation de discordances nous rende plus sévère dans la reconnaissance des limita- tions fonctionnelles.

S’il s’en tient aux plaintes subjectives du patient, le praticien risque de consentir à établir un certificat médical d’arrêt de travail de longue durée dans toute activité.

Selon la loi 13,14 appuyée par la jurispru- dence du Tribunal fédéral,15 le praticien doit intégrer ses constatations objectives 16 et l’obligation de son patient de réduire son dommage et de se diriger vers une réadap- tation. Il n’a pas à tenir compte des yellow flags.17

Les juges fédéraux ont défini le cadre de l’exigibilité en interrogeant le psychiatre sur ces facteurs médico-psycho-sociaux selon

les critères de Foerster 18 tenant compte de l’intégration sociale, de la coexistence d’une affection chronique concomitante, d’un état cristallisé, de l’échappement thérapeutique en dépit de la motivation du patient pour faire face.

Selon l’expérience médicale générale, ces totalgies font l’objet d’une reconnais- sance de limitations au travail afin de tenir compte du risque de blessure chez un pa- tient en proie à des douleurs ou sous un traitement médicamenteux risquant de di- minuer sa vigilance.

Il est recommandé de s’assurer que les limitations fonctionnelles soient respectées dans les sports et activités de loisir.

L’aptitude à conduire doit être intégrée et confrontée aux impotences que le patient allègue afin de s’assurer que l’aptitude co- gnitive et physique du patient puisse autori- ser en tout temps un freinage d’urgence.

Seules une maladie psychiatrique conco- mitante ou une nouvelle affection détermi- nante peuvent déjouer l’enjeu d’une réadap- tation et donner des limitations nouvelles dans une activité adaptée.

conclusion

Les diagnostics retenus pour ce cas sont : fibromyalgie (M79.0), rachialgies chro- ni ques sur troubles discarthrosiques mo- dérés sans radiculopathie ni myélopathie (M47.8), dysbalance musculaire (Z72.3), obé sité (E66.9), sans évidence d’un syn- drome métaboli que.

Il n’y a pas de comorbidité psychiatrique et aucune explication médicale à l’échec des mesures de réadaptation.

Pour ce qui concerne la capacité de travail, on note : une incapacité totale dans l’ancienne activité, une capacité totale dans une activité adaptée.

L’ approche médico-assécurologique est en mutation et l’on voit se profiler des orien- tations thérapeutiques nouvelles afin d’évi- ter l’enlisement de ces situations. Les me- sures de détection précoce de l’AI en font partie.

Le Pr B. Danuser a instauré dans son ser- vice, l’Institut universitaire romand de la santé au travail, une consultation «Souffrance au travail», à laquelle patient, médecin traitant et employeur peuvent s’adresser.

Le concept fit for work swiss visant à un retour au travail durable implique une prise en charge multidisciplinaire incluant une analyse du poste de travail et des condi- tions physiques et psychiques du patient.19 Il découle d’un concept européen d’exigibi- lité au travail.

Controverse

En l’absence de consensus entre les dif- férents intervenants (médecin traitant, mé- decin conseil de l’assurance perte de gain ou de l’AI, médecin expert), en Suisse, c’est le législateur qui a émis les guide- lines pour la prise en charge médico- assé curologique de ces cas.

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