M
E RNEST C OUMET
Les diagrammes de Venn
Mathématiques et sciences humaines, tome 10 (1965), p. 31-46
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31.
LES DIAGRAMMES DE VENN Ernest COUMET
Il est devenu
d’usage courant,
de faireappel,
dansl’enseignement
élémen-taire de la théorie des
ensembles,
auxdiagrammes
dits d’Euler. Ceuxqui
trouventque le nom de ce
grand
homme survitdéjà
à bien d’autres titres - etplus
honorarbles - dans la
toponymie mathématique, parlent
de"diagrammes
deVenn"; enfin,
les timides
qui
ne veulent pas faire dejaloux compliquent l’expression
en "dia-grammes d’Euler-Venn". Comme il se
targuait
d’avoir découvert uneprocédure
dé-passant
de loin engénéralité
celle de sonprédécesseur,
Venn n’auraitpeut-être
pas été très satisfait par ce double
parrainage.
Son inventionn’ayant
rien ce-pendant d’extraordinaire,
ils’agira
moins pour nous de lui assurer son vrai nomde
baptême
que d’écouter laleçon -
encore utileaujourd’hui - qui
nous estdonnée à ce propos:
qui
se met à illustrer une théorie par desdiagrammes
n’apas tous les
droits;
lespetits
dessins n’ont pastoujours
l’innocencequ’on
leur
prête,
il leur arrive dementir,
ou,,piège plus dangereux
si on nel’aper- çoit
pas, d’en direplus qu’on
ne voudrait leur faire dire .La note
qui
suit est de nature strictementhistorique. Après
avoirrappelé
comment Euler avait trouvé dans certaines
figures
un "secoursmerveilleux",
nous avons
essayé
derapporter
aussi fidèlement quepossible,
et en conservantson propre
langage,
la manière dont Venn expose sa découverte dans des textesdispersés
et souventprolixes (1).
LES EMBLEMES D’EULER
Les "Lettres à une Princesse
d’AllemaRne
sur diverssujets
dePhysique
etde
Philosophie" (2)
eurent un vif succès. "Le nomd’Euler,’
sigrand
dans lessciences,
l’idéeimposante
que l’on se forme de ses ouvrages... donnent à ceslettres si
simples,
sifaciles,
un charmesingulier:
ceuxqui
n’ont pas étudié lesmathématiques,
yétonnés,
y flattéspeut-être
depouvoir
entendre un ouvraged’Euler,
lui saventgré
de s’être mis à leurportée". (3) Chaque
lettre estassez
brève,
mais il y en aplus
de deuxcents,
sur lessujets
lesplus divers
y(1 )
John VENN(~.83~.- ~,923),
professeur à Cambridge, s’est surtout intéressé au cours de sa longuecarrière à la Logique et à la Théorie des probabilités. Principaux ouvrages:
Logic
of Chance(1866);
Symbolic(~.881);
The Prlnciples of Empirical or Inductive Logic(1889).
En 1~9U.il donnà une réédîtion revue et augmentée de
SYtI,/,/O1 ic
Logic (London, Macmillan and Co, VI I I-XXXVIII-540
p.) :
c’est elle que nous citonsplus bas.
(2)
Publiées pour la première fois à St.Pétersbourg,
de 1768 à 1772, en 3 volumes !n-8". Nous citons ici d’après l’édition d’Emile Saisset, Paris, Charpentier, 1843.(3)
Condorcet, "Eloge d’Euler", op. cit. p. 17.des couleurs à
l’aimantation,
enpassant
par la lanternemagique
et lesystème
de l’harmonie
préétablie. Après
avoirparlé
de l’abstraction et dulangage,
Eulerrencontre naturellement la
discipline qui
tenait une sigrande place
dans l’en-seignement
traditionnel: lalogique. Or,
loin de tomber dans-le défaut.fréquent
des
vulga,risateurs qui
est de dénaturer ensimplifiant,
il révèle aucontraire,
en
l’exposant
auregard
le moinssavant,
lasimplicité
cachée des redoutablessyllogismes.
D’autres avant lui avaient utilisé desfigures
pour mieux fairecomprendre
despoints particuliers;
alors que dans les 7 lettres XXXIV à XL de la secondepartie, (qui
s’échelonnent du 14 février 1761 au 7mars 1761 ) ,
c’està une reconstruction
complète
de la théorie dusyllogisme
que se livreEuler, grâce
à unereprésentation
intuitivequi
en conserve fidèlement lastructure,
et rend vaines et ridicules les
appellations
et les distinctionsscolastiques.
Quelques figures
nous découvrent "tous lesmystères
dont on se vante dans-lalogique,
etqu’on
y démontre avec bien de lapeine, p,endant
que, par le moyen de desfigures,
tout saute d’abord auxyeux". (1 ) Comnençons
parreprésenter chaque
notion par un
"espace":
"Comme une notiongénérale
renferme une infinitéd’objets
indtvidus,
on laregarde
comme un espace danslequel
tous ces individussont
renfermés; ainsi,
pour la notiond’homme,
on fait un espace(A)
danslequel
onconçoit
que tous les hommes sontcompris.
Pour la notion demortel,
y on fait aussiun espace
(B),
où l’onconçoit
que tout cequi
est mortel estcompris". (2)
Orsi l’on considère la
proposition:
"Tous les hommes sontmortels",
cela revientà ce que la
première figure
est contenue dans la seconde".Ainsi sera donc
représentée
uneproposition
affirmativeuniverselle,
"oùl’espace A, qui représente
lesujet
de laproposition,
est tout à fait reI1fenné dans l’es-pace
B, qui représente
lerédicat". (3)
On pourra
représenter
de la même manière les autresespèces
depropositions,
car "un
jugement
n’est autre chosequ’une
affirmation ounégation qu’une
notionconvient ou ne convient pas; et un
jugement
énoncé par des mots est cequ’on
nomme une
proposition" (4).
La "convenance ou la disconvenance des notions pourratoujours
êtrereprésentée
à l’aide des"espaces" correspondant
à ces notions.Les
quatre espèces
depropositions
reconnues par tous leslogiciens
aurontchacune 1 eur "emblème": :
(1)
Euler, op. cit., p. 261.(2)
id. p. 260, ,(3)
PP. 260-261.(4)
P. 259.33.
Cependant,
ces emblèmes ne sont pas aussicaractéristiques qu’il semblerait,
et Euler le note
aussitôt, anticipant
ainsi descritiques auxquelles
Venn les soumettra:"Pour les deux derniers cas,
qui représentent
despropositions particuliè-
res,
je
remarquequ’ils
renfermentquelque doute, puisqu’il
n’est pas décidé si c’est unegrande partie
de Aqui
est contenue ouqui
n’est pas contenue en B.Il se
pourrait
même que la notion A renfermât la notion B tout entière..."car ici il est aussi clair
qu’une partie
del’espace
A est dansl’espace B,
etqu’une partie
de A n’est pas en B". Dans le deuxième cas,"je puis àussi
biendire "Nul A n’ est B" que "Nul B n’est
A",
et dans le troisième cas:"Quelque
Aest
B", "Quelque
B estA", "Quelque
A n’est pasB", "Quelque
B n’est pasA" - (1
"Cela
peut
suffire pour faire vo,ir à votre Altesse comment toutes les pro-positions peuvent
êtrereprésentées
par desfigures;
mais leplus grand avantage
se manifeste dans les raisonnements
qui,
y étant énoncés par desmots,
sont nomméssyllogismes,
où ils’agit
de tirer unejuste
conclusion dequelques propositions
données. Cette manière nous découvrira d’abord les
justes
formes de tous lessyllogismes" (2). Voici,
pourprendre l’exemple
leplus simple
comment sefigure
le
syllogisme:
Tout A est B
Or,
tout C est ADonc tout C est B
Euler énumère les 19 formes différentes de
syllogisme "qui
conduisent à une con-clusion
s’dre",
et énonce avec une concision et unelucidité,
que sesépigones
oublieront bien pour la
plupart,
la raison pourlaquelle
il a "démontré par le moyen des espaces... lajustesse
de chacun de ces modes":(3)
"Le fondement de toutes ces formes se réduit à ces deux
principes
sur lanature du contenant et du contenu:
I. Tout ce
qui
est dans le contenu se trouve aussi dans le contenant.II. Tout ce
qui
est hors du contenant est aussi hors du contenu".(4)
Comme certains
logiciens
ont semblé attacher une vertuparticulière
à lanature circulaire de leurs
figures,
il n’est pas inutile de relever sous laplume
d’Euler la
précision
suivante: "lesfigures rondes,
onplutôt
ces espaces(car
il
n’importe quelle figure
nous leurdonnons) ‘..."
(1)
P. 262.(2)
P. 263.(3)
P. 277.~4~
P. 269.CRITIQUE
DES DIAGRAMMES EULERIENSOn
prit
vite l’habitude de recourir auxdiagrammes
d’Euler. Venn nousapprend
que sur les soixante Traités deLogique qu’il
a puconsulter,
y trente-quatre comportaient
desdiagrammes
dont laplupart
étaient destyle
eulérien.Mais on ne les considérait
généralement qu’au
titre d’illustrations commodes dont ni le rôle exact ni les limitesd’application
n’avaient besoin d’êtreprécâ.sés:
insouciance
dangereuse,
car s’ils sontinaptes
à satisfaire auxexigences
de laLogique Symbolique,
c’estdéjà
aumépris
de larigueur qu’on
veut les faire servir àreprésenter
les formes traditionnellesA, E, 1,
0. Celles-ci relèvent. d’unethéorie de la
prédication
où ils’agit
essentiellement d’énoncerqu’un sujet possède
ou non certains attributs(1 ) ,
alors que les cercles eulériens convien- nent tout naturellement à uneinterprétation
extensionnelle où lespropositions
énoncent des
rapports
d’inclusion et d’exclusion entre classes. Faireappel
aux dits cercles à propos de lapremière théorie,
c’est courir ledanger
de mêlerdeux
interprétations
tout à faitdifférentes,
a etpartant
d’aboutir à des confu- sions et à desinconséquences.
Pour rendre sa cohérence aurapport
entre propo- sitions etdiagrammes ~
il faut s’en tenir à une théoriepurement
extensionnelle etpartir
de laquestion
suivante: "une classe d’extension déterminée étantdonnée,
combien detypes
de relations différentespeut-il
y avoir entreelle,
et une seconde classe déterminée elle aussi
quant
à son extension ? Il y en acinq:
la seconde classepeut
coïncider avec lapremière,
ellepeut leînclure,
elle
peut
être inclue enelle,
ellepeut
l’inclurepartiellement
et l’exclurepartiellement,
ou enfin l’exclure entièrement"(2).
Tels sont les seuls caspossibles qu’on peut représenter
par lesdiagrammes
suivants:On remarquera immédiatement que la distinction entre
sujet
etprédicat
àlaquelle
la
logique
traditionnelle attachait une sigrande importance perd
ici toute si-gnification.
C’est un pur accidentgrammatical si,
dans l’énoncé verbal que nous donnons de la relationqui
existe entre les classes A etB,
A occupe lapremière place.
Et à la seule vue d’undiagramme,
on nepeut
devinerquel
cercle est censéreprésenter
lesujet
etquel
cercle leprédicat (3).
Confrontons maintenant ces
cinq diagrammes
avec lesquatre
formes tradition-nelles. Seul le n° 5 ne
présente
aucuneambiguïté
etcorrespond
de manièreprécise
à l’universelle
négative
"Aucun A n’estB";
étant donné cetteproposition,
c’ estce seul
diagramme
que nouspourrions
choisir pour lareprésenter.
Mais dans lesautres cas une telle
correspondance
n’existe pas. Etant donné "Tout A estB"a
nous ne
pourrions
que rester indécis entre(1 )
et(2).
Donnons-nous en sens in-verse le
diagramme
n°4;
nous ne saurons pas s’il faut le décrire comme"Quelque
A est B" ou
"Quelque
A n’est pasB",
car il convient à chacune de ces formula-(1)
Venn, Symbole Log i c(S.L.)
p. 3.(2)
P. 6.(3)
P. 7.35.
tions
(1).
Il n’est passurprenant qu’on
rencontre ensuite de nombreuses diffi- cultéslorsqu’on
s’avise dereprésenter
dessyllogismes
àpartir
de bases aussi mal assurées.Il est
possible
certes d’énoncer despropositions qui correspondent
de ma- nière claire et bien déterminée auxdiagrammes précédents.
Il suffit de convenir que le mot"Quelque"
serapris
au sens de"Quelque
maisnontbu-t",
dans lescinq
énoncés suivants:
"Tout A est tout
B’·,
"Tout A estquelque B", "Quelque
A est toutB", "Quel-
que A est
quelque B",
"Aucun A n’..est aucun B".Etant donné un de ces
énoncés,
onpeut
choisir un et un seuldiagramme
pourl’illustrer;
étant donné undiagramme,
ondisposera parmi
lescinq
énoncés ci-dessus
d’un et d’un seul énoncéqui
en donne ladescription
verbale exacte.Ainsi est écartée la
première
faute si grave de ceuxqui n’aperçoivent
pas que leurs illustrationsspatiales impliquent
unethéorie propositionnelle
sous-jacente (2).
Cependant,
mêmeaprès
avoir été soumis à cescorrections,
lesdiagrammes
eulériens se révèlent tout à fait insuffisants
lorsqu’on
a à résoudre des pro-blèmes un peu
compliqués.
LaLogique traditionnelle s’est,
il estvrai,
si bienconfinée dans la considération des
syllogismes,
yqui
ne font intervenir que troistermes,
yqu’à peine quelques
tentatives avaient ’-été faites pourreprésenter
spa- tialement les combinaisons dequatre
termes et au delà(3).
Et si l’on s’aventure à traiter une suite desyllogismes
à l’aide duprocédé diagrammatique habituel,
on se rendra
compte
bien vitequ’il perd
alors cequi
fait son intérêt dans lescas
simples:
rien ne "saute"plus
"auxyeux",
mais touts’embrouille,
au contrai-re, bien
plus
que dans les énoncés verbaux. La raison en estsimple:
c’estqu’un diagramme
eulérien a pour fonction dereprésenter
d’emblée uneproposition, ,
c’est-à-dire la relation effective
qui
existe entre deux classes déterminées(4).
Cela va très bien pour une
proposition,
maislorsqu’il
y en aplusieurs,
il fau-drait donner en une seule fois la
figuration. spatiale
de cequ’elles
nous appren-nent,
tâche deplus
enplus
arduelorsque
leur nombres’élève (5).
Nous ne dis-posons pas ici du seul
procédé qui pennette
d’aborder unproblème complexe:
enfragmenter
lacomplexité
en élémentsplus simples (6). Lorsqu’une
informationnouvelle,
tout ensupprimant
certainespossibilités,
en laissant subsister d’au-tres,
ledispositif
eulérien ne nous donne aucun moyensimple d’exprimer
notreignorance
relative. Ce serait une mauvaiseéchappatoire
qued’utiliser,
commecertains
auteurs,
deslignes pointillées: ainsi, "Quelque
A n’est pas B" seraitreprésenté
par:(1)
PP. 7-8.(2)
p. 15 et pp. 16-17.(3)
p. 26, p. 513.(4)
p. 13.(5)
p. 125.(6)
n.la
ligne pointi.llée signifiant
ici que nous ne savons pas si laligne
A se trouveen
partie
à l’intérieur de B on l’inclut entièrement(1 ) .
o Lareprésentation
eulérienne repose, sur le fait que des cercles se
coupent
ou ne secoupent
pas;lorsque plusieurs diagrammes
satisfont auxc conditions d’unproblème,
y il faut ledire franchement et les dessiner tous. Mais nous voilà ensuite ben
embarrassés,
car aucune
règle simple
ne nous estfournie
fqui pourrait
nou,s dire comment com-biner entre elles les relations
indiquées
par différentsdiagrammes.
’
Ce que Venn
reproche
donc essentiellement à la méthode -d’Euler c’est de n’êtreni assez générale,
ni assezsouple:
elle n’a d’intérêt quelorsque
lenombre de termes
auxquels
on a affaire est trèsfaible;
sielle, permet
de vi-sualiser des relations
élémen.taires,
elle n’offre aucun moyen. derésoudre
pas à pas desproblèmes plus
difficiles.’
LA REPRESENTATION DES TERMES
Si Boole a réussi à fonder la
Logique Symbolique,
c’estprécisémen.t
parcequ’il
a élaboré une méthodesymbolique générale permettant
de tenircompte
d’au-tant de termes
qu’on voudrait
défini desprocédures
deréduction,
desimplifi-
cation et d’élimination
qui
facilitent la résolution deséquations logiques (2).
Or existe-t-31 un
système diagrammatique qui
ait le même ordre degénéralité ?
C’est à cette
qu.estion
que Venn a voulurépondre (3):
il a cherché cequ’il
ap-pelle
lui-même la"contrepartie" diagrammatique
de laLogique Symbolique.
On
pourrait
ne voir dans sa découvertequ’une simple retranscription
de laméthode de Boole. Il s’en est défendu. lui-même en
soulignan.t
que Boole n’avait pasemployé
dediagrammes,
etqu’il
n’avait donné dans ses oeuvres, aucune indi-cation à ce
sujet (4).
Et il est vraiqu’en exposant
son proprepoint
de vue, celui des"compartiments" (the compartment view),
Venn a été condu.it à mieux mettre en lumière le trait parlequel
leprocédé
du"développement" qui
estl’essentiel du calcul booléen
rompait
leplus
nettement avec lesconceptions
traditionnelles. Ce
procédé
n’est rien d’autre au fondqu’une systématisation
de la division
dichotomique,
familièredepuis longtemps
auxlogiciens (5),
y etdont de
Morgan
avait renouvelé la fécondité en introduisant la notion d’ "univers du discours". Pou.rprendre
unexemple
trèssimple,
y étant donné deux attributsX et
Y,
l’univers du discourssymbolisé
par1,
pourra être divisé enquatre
classes
disjointes,
selon que les chosescomprises
dans cet universpossèdent
ou non
l’ attriolltX, et possèdent
ou non l’attributY;
x, ydésignan.t respecti-
vement les classes des choses
qui possèdent
les attributsX, Y,
etX, y désignant
( 1 )
p. 13.(2)
p. 171.(3)
p. 2~.(4)
p. 111./., note 1.(5)
p, 111.M.S.H. N° 10
les classes
1-x, 1-y;
xydésignant
l’intersection des classes x, y et x+y leursomme
logique,
y on a:1
. Ce
qui
vient d’être réalisé avec deux classespeut
l’être tout aussi bienavec un n.ombre
quelconque
de classes: avant même d’aborder unproblème particu-
lier où les classes
considérées,
auront entre elles telles ou telles relationsdéterminées,
onpeut
établir la listecomplète
de leurs relationspossibles,
en
particulier~
on dénombrera toutes les subdivisions élémentaires selonlesquel-
les
peut
separtager
l’ urlivers du discours.,
L’idée est
simple
et l’innovation de Venn n’a consisté en un sensqu’à
latraduire en
diagrammes.
Mais pour que cette traduction fûtpossible,
encorefallait-il transformer en
conséquence
l’idéequ’on
se faisaitjusque
là de l’usa-ge de ces derniers. Leur fonction sera toute
différente,
siprenant
enquelque
sorte du recul pa,r
rapport
auxpropositions,
on commence parreprésenter
unensemble de
possibilités
où elles viendront s’inscrire ultérieurement comme casparticuliers (1 ) . Ainsi,
c’est la formule- - -
1
= xy+ xy+ xy+ xy
qu’on représentera
par lediagramme:
,Que
cediagramme
soitapparemment
semblable à celuiqui
sert àexprimer "quelque
x e~t
y"
dans lareprésentation eulérienne,
ne fait que mieux mettre en lumièrela différence entre celle-ci et celle
qu’introduit
Venn. Lapremière représente,
comme on l’a vu
plus haut,
uneproposition qui
énonce une relation déterminéeentre deux
classes;
pour laseconde,
lediagramme représente
la subdivision de l’univers du discours enquatre
"cases"désignées
par xy, xy, xy,xy
et fournitune sorte de cadre
(Framework)
à l’intérieurduquel
on pourra ensuiteexprimer
des
propositions.
Ainsi
s’impose
une distinctionoriginale
entre lareprésentation
des termes et celle despropositions,
la secondesupposant
lapremière.
L’exemple
élémentaire concernant deux termes x, y nouspermet
de formulerle
problème général
que nous avons à résoudre: établir "un cadre" defigures géométriques qui correspondront
à la table des combinaisons de x, y, y z, etc...Il n’est besoin de rien faire
d’autre,
pour atteindre cebut,
que de décrire unesérie de
figures closes,
dequelque
naturequ’elles soient,
y telle quechacune, prise
l’uneaprès l’autre,
intersectera tous lescompartiments déjà produits
etdoublera leur nombre"
(2).
Pour deux
termes,
y nous avons vu que lediagramme indique
lesquatre
combi-naisons xy,
xy,
Introduisons un troisième terme z. Dessinons un troisième(1)
Venn répète ainsi sur un autre plan le mouvement de pensée par lequel Boole, dans"The
Mathematical 1 Analysis of Logic", décroche en quelque sorte la Logique Symbolique de la Syllogistique. Lui aussi commence en effet par chercher directement un équivalent symbolique
pour chaque type fondamental de proposition, considéré comme canonique.
(2)
p. 113.cercle
qui
coupe les deux cerclesprécédents. "Chaque
cercle est ainsi divisé enquatre parties,
de sortequ’en comptant
lapartie
extérieure aux troiscercles,
on obtient les huit
compartiments correspondant
aux huit combinaisons données par lessymboles
littéraux xyz,xyz, xÿz, xyzy xyz.
Mettez ledoigt s’u*:r uri’compàrtbucnt,quelcarique-
y un nom se trouveprêt pour
ledésigner;
pro-noncez, le nom, aucun doute n’est
permis quant
aucompartiment auquel
il se réfère"(1 )
"Les deux
schèmes,
celui des lettres et celui des aires concordent en ceque
leurs
éléments s’excluent mutuellement et sont tousreprésentés (mutually
exclusive and
collectively exhaustive).
Aucun des éléments derniersn’empiète
sur le domaine de
l’autre;
etpris ensemble;
ils rendentcompte
de toutes lespossibilités.
Chacun des deux schèmespeut
donc être considéré comme valablementreprésentatif
de l’autre"(2).
"Théoriquement,
ceprocédé
estsusceptible
de s’étendre à un nombrequel-
conque de termes. Le seul inconvénient que rencontre son extension indéfini.e est que, au délà de trois
termes, il’n’est plus possible
d’utiliser desfigures
aussisimples
que descercles;
carquatre çercles
nepeuvent
se couper entre eux de la manièrerequise.
Enemployant
desfigures plus compliquées,
nouspourrions
pour-suivre indéfiniment. Il suffit de
remplir
la condi.tion suivante: dessiner,unefigure
continuequi
coupera unefoi.s,
et une foisseulement,
toute subdivision existante. Le nouveau contour doit être tracé de manière àpartager
en deuxchacun des
compartiments déjà existants,
et à doubler ainsi leur nombre. Il estclair
qu’aucune
raison nes’oppose
à lapoursuite
indéfinie de ceprocédé.
Pour
quatre termes,
y il me semble que lediagramme
leplus simple
et leplus
,symétrique
est celuiqui
est obtenu en faisant se couper entre ellesquatre ellipses
de la manière désirée:(3).
)
p. 115. On aura déjà remarqué que Venn n’assigne pas de limites définies à 1"’univers du dis- cours". Lewis Carro.ll, dans sa Symbolic Logic, note avec une fierté amusée: "ma méthode dia-grammatique... diffère de celle de M. Venn, en ce que j’attribue à l’univers du discours un
domaine fini, si bien que la classe qui, sous le régime 1 ibéral de Venn, parcourait à son gré l’infini spatial, a la désagréable surprise de se retrouver "assignée à résidence" dans une
cellule bien délimitée, comme n’importe quelle classe".
(Appendix, § 7).
En réalité, la né- gligence de Venn est calculée et veut signifier que l’extension réelle de l’univers du dis-cours n’est à prendre en considération que lorsqu’on "applique" les formules du calcul symbo- lique à un problème particulier. Lorsque "je trace un cercle pour représenter X, tout ce qui i est à l’extérieur de ce cercle représente non -X, mais les 1 imites de cet extérieur sont
tout ce que je choisis de considérer. Elles peuvent comprendre l’ensemble de la feuille de
papier, ou se contracter de manière définie, si on trace un autre cercle pour représenter la 1 imite de l’Univers; ou mieux encore, nous pouvons nous contenter de dire vaguement que les 1 imites de l’Univers sont quelque part en dehors de la figure, mais qu’il 1 n’y a pas la moin- dre raison de principe ou de commodité qui nous induise à les indiquer".
(5.L.,
pp. 252-253).
(2)
p. 115.(3)
pp. 115-116.39.
... "Pour
cinq termes,
nous ne pouvonsplus
utiliserd’ellipses,
au moinssous la forme
simple
ci-dessus. Il ne serait pas difficile de tracer desfigures
en forme de fer à cheval
qui répondent
à nosbesoins,
mais alors touteconfigu-
ration
qui
n’ est pas trèssimple
et facile à suivre cessecomplètement
deremplir
sa destination essentielle: être une aide pour les yeux. Il faut que nous soyons
capable
d’identifier en un moment uncompartiment
déterminé.Ainsi,
on voit ins-tantanément que le
compartiment marqué
d’unastérisque
est celuiqui
estappelé
xyzw. Le
digramme
leplus simple
queje puisse suggérer
pour 5 termes est anarlogue
à celuiqui
estci-dessous, (la petite ellipse qui
est au centre doit être considérée comme unepartie
de l’extérieur de z; c’est-à-dire que lesquatre parties qui
lacomposent
sont à l’intérieur de y et de w, mais ne font paspartie
de
z)" (1 ) .
Venn admet avec
regret qu’un
teldiagramme
n’est pas aussisimple qu’on pourrait
le désirer.Mais, dit-il
y il est bienplus compliqué d’ énûmer
les 32combinaisons
correspondantes.
Il s’enrapporte
à sa propreexpérience:
il atraité ainsi des
centaines d’exemples,
cequi
lui apermis
de gagner dutemps,
et d’éviter erreurs et omissions. Par le peu d’intérêt
qu’il
attache aux ten-tatives
qui
avaient été faites à sonépoque
pour construire des machineslogi-
ques, il montre bien
qu’il
nevoyait
pasdu
tout l’intérêt quepouvait présenter
la mécanisation du. raisonnement
logique (2).
Lapratiqu.e
ne nous offre pasd’elle même des
exemples compliqués
et "c’est nousqui
cherchons de tels exem-ples
pour illustrer nosrègles
et nos méthodes"(3).
Il n’en reste pas moins quesur ce
terrain,
Venn nepeut
se vanter d’être allébeaucoup plus
loinqu’Euler:
il se
plait
àsouligner
la"perfection théorique"
de sonsystème,
mais en pra-tique,
y il doit renoncer très vite ausecoures principal qu’il
enattendait,
ce(1)
pp, 116-117.(2)
p. 1321. ,(3)
p. 133.qu’il appelle lui-même,
enempruntant l’expression
aufran~ais,
le"coup
d’ oeil"( 1’ ) .
Dans sa seconde
édition,
il cite(2) (et
utilise lui-même dans certainsexemples (3))
la méthode deMarquand (3) qui
est"quelque
chose d’intermédiaire entre cequ’on
considérerait communément commesymbolique
et commediagrammar tique".
LA REPRESENTATION DES PROPOSITIONS
Ainsi que nous l’avons
indiqué plus raut,
lareprésentation
despropositions
est subordonnée à celle des termes et
présuppose
la construction d’un "Framework"qui
n’est rien d’autrequ’une
pure classification. Bien que le vocabulaire de Venn soit assezflottant, qu’il
sepermette
lui-même des abus delangage
parrapport
à ses propresdéfinitions,
etqu’aux
yeux d’unlogicien
moderne sadoctrine fourmille de
confusions,
onpeut
essayer de résumer ainsi saposition
sur ce
point.
Une fois
qu’on
a circonscrit les limites de l’univers du discours et énumé- ré les attributs dont nous aurons ultérieurement à tenircompte,
y nous pouvons diviser cetunivers, indépendamment
de toute autredonnée,
en"compartiments".
Selon un test dont la nature n’intéresse pas le
logicien,
nou.s pouvons déciderquelles
sont les chosesqui
existent "matériellement" dans cet univers(4).
Paropposition,
lescompartiments
ont une existence "formelle"(5)
etfigurent
l’en-semble des
possibilités qui
résultent du. fait que, un attribut étantposé,
une~1 )
p. 117, note 1.(2)
p. 139.(3)
Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences, 1885.(4)
p. 142..
(5)
p. 165.41.
chose le
possède
ou,sinons possède
l’attribut contraire(1 ).
Tant que nous nousen
tenons,
en unpremier temps,
au seulframework~
nous ne savons pas si telcompartiment
est ou nonoccupé.
Ce seraprécisément
la fonction fondamentale despropositions
que de formuler cetype
d’information. Lespropositions expriment
les data en termes
d’occupation
ou denon-occupation
descOUlpartiments.. _Lo..rsque
nous saurons que le
compartiment
dénoté par lesymbole xyz
estoccupé, _nous
dirons que la classe xyz existe.
Que
deviennenttransposées
dans celangage
les formes traditionnelles:"Tous les X sont Y" et
"Quelques
X sont Y"? Venn rencontre ici unproblème qui
a
beaucoup préoccupé
leslogiciens
de la fin du siècle dernier: celui de laportée
existentielle de ces formes. Ilchoisit,
non sans lajustifier
par de trèslongues analyses,
la solutionqui
nou.s estdepuis
devenuefamilière,
maisqui rompait trop
nettement avec lespositions
traditionnelles pour ne pas avoireu
longtemps
un air deparadoxe:
elle efface en effet la distinction entreCatégoriques
etHypothétiques
et surtoutrejette
commeillégitimes
des modesd’inférence
qu’on
considérait commue fondamentaux. Retenons.simplement
ici laformulation intuitive
qu’en
a donnée Venn etl’application qu’il
en a faite àses
diagrammes.
Euégard
à cequ’elle affirme,
laproposition
"tout x esty"
ne
peut
être considérée que comme conditionnelle: elle> ne nous dit rien en effetsur l’existence des x ou des y, car son sens véritable est "s’il existe. des x, ils sont
y";
elle ne nousapprend
rien surl’occupation
descompartiments
denotre "framework"
(2).
Mais nouspouvons
la transformer en uneproposition
né-gative
"aucun x n’est nony",
ou xy =0;
sous cetteforme,
elle est "absolue"(3)
elle nous assure que le
compartiment x00FF
n’est pasoccupé,
elle énonce "la non-existence d’une certaine
combinaison,
à savoir de chosesqui
sont la combinaison de x et denon-y" (4).
Certes elle ne nous dit pas que les autrescompartiments
sont
occupés,
mais en éliminant unepossibilité,
elle diminue le nombre despossibilités
restantes.Rien n’est
plus
aisé que dereprésenter
sur undiagramme
cette élimination:il suffira d’ombrer le
compartiment correspondant (5).
Ainsi pour "Tout x esty"
Il n’est pas moins facile de combiner autant de
propositions
universellesqu’on voudra,
car ceprocédé purement mécanique
nesimplifie
pas seulement la résolu-tion des
syllogismes,
mais des suites depropositions
où se mêlentCatégories, Disjonctives
etHypothétiques (6).
( 1 )
p. 166.(2)
p. 158.(3)
p. 159.(4)
1 d.(5)
p. 122.(6)
p. 126 -12Î.Quant
auxpropositions particulières,
y élles ont un caractère "existentiel".Après
avoiradopté
dans sapremière
édition lasymbolisation
de Boole(xy
=v);
Venn a
préféré
dans sa seconde édition la formule: xy > 0interprétée
commenégation
de xy =0,
etsignifiant "xy
estquelque chose",
"c’est-à-dire n’est pas rien"(1).
Pour uneparticulière négative,
nous aurons > 0"qui’en
termesfamiliers voudra dire "Il y a des choses telles que x’s
qui
ne sont pasy" (2).
A la différence des
universelles,
lesparticulières indigent
donc que des com-partiments
sontoccupés,
maisprécisément
à cause de leurreprésentation diagrammatique
entraine une"perte d’élégance
et desimplicité".
Venn-en e,st si marriqu’il
cherche àdéprécier
ces trouble-fête en affirmantq:u.’
ils n’ontqu’une
importance usurpée
enlogique,
et uneplace
encorebeaucoup plus
humble dans lavie
réelle
et surtout en science"(3). Toujours
est-il que le mérite de ses dia- grammes n’en sera queplus grand
s’il arrive à les yint~grer!
1 Il suffiraitpour cela d’introduire un troisième
procédé
outre ceuxqui
consistaient à ombrerou à laisser les cases en
blanc;
mais alors que l’effet d’une universelle est de"détruire ou de ne pas détruire" un
compartiment,
celui d’uneparticulière
estde
"préserver
ou de ne paspréserver"
descompartiments. Quand
x estdétruit,
ycela entraine la destruction de ses constituants élémentaires xyz,
xÿz.
Maisquand
il faut "sauverx",
tout ce que nous savons estqu’un
ouplusieurs
de sesconstituants élémentaires doit ou doivent être "sauvés": l’information a ici un caractère
disjonctif.
Pour la
représenter,
"le meilleur moyen estpeut-être
d’utiliser des chif- fres dont on marquera lescompartiments"
de la manière suivante: un chiffre étantassigné
à uneproposition particulière déterminée,
onportera
ce chiffre dansJ les
compartiments qui
selon ce que nousapprend
cetteproposition,
quel’un d’entre eux, au moins doit être
occupé.
Sur le
diagramme correspondant
aux trois termes xy y, z, laproposition
n° 1
"Quelque
x esty"
serareprésentée
par:Nous pouvons maintenant