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Institut de Formation des Cadres de Santé Ile de France

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Academic year: 2022

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TRANSMETTRE LES SAVOIRS EN PSYCHIATRIE, DANS QUEL CADRE ET PAR QUELS CADRES

Sous la direction de Jean-Pierre Andrieu

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé et du Master (1ère Année) Sciences de l’éducation

Françoise COUSSEGAL Promotion PLATON : 2016 – 2017 JUIN 2017

Institut de Formation des Cadres de Santé Ile de France

Pôle Formation

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TRANSMETTRE LES SAVOIRS EN PSYCHIATRIE, DANS QUEL CADRE ET PAR QUELS CADRES

Sous la direction de Jean-Pierre Andrieu

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé et du Master (1ère Année) Sciences de l’éducation

Françoise COUSSEGAL Promotion PLATON : 2016 – 2017 JUIN 2017

Institut de Formation des Cadres de Santé

Ile de France

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REMERCIEMENTS

Je remercie Jean-Pierre Andrieu qui a accepté d’être mon Directeur de mémoire. Son soutien, ses conseils, sa réassurance dans mes moments de doute ont été d’une grande aide pour moi.

Je remercie l’équipe de formateurs de l’IFCS pour leur écoute et leur disponibilité, particulièrement Marie-Laurène pour la confiance qu’elle m’a témoignée pendant ces deux années, je lui souhaite une bonne continuation.

Je remercie ceux qui m’ont transmis leurs savoirs en psychiatrie ainsi que

ceux qui recueillent les miens, j’espère pour longtemps encore.

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Liste des sigles utilisés

ISP : Infirmier de secteur psychiatrique

IFSI : Institut de formation en soins infirmiers IDE : Infirmiers diplômés d’Etat

ESI : Etudiants en soins infirmiers CDS : Cadre de Santé

LMD : Licence Master Doctorat

DPC : Développement Professionnel Continu

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Table des matières

Introduction ... 3

1. De la problématique à la question de recherche ... 5

1.1. Mon questionnement initial ... 5

1.2. De Pinel au premier diplôme d’infirmier psychiatrique ... 5

1.3. Le diplôme des infirmiers de secteur psychiatrique ... 8

1.4. Spécificité du travail en psychiatrie ... 10

1.5. Le diplôme unique en 1992 et l’évolution de la législation jusqu’en 2009 ... 11

1.6. La réforme de 2009 ... 15

1.7. Le cadre de santé ... 17

2. Éléments de contexte ... 19

2.1. La transmission ... 19

2.2. Savoir et compétences ... 23

2.2.1. Les savoirs ... 23

2.2.2. Les compétences ... 25

2.2.3. La constellation transférentielle ... 26

2.3. Apprentissage et professionnalisation ... 28

2.3.1. L’apprentissage ... 28

2.3.2. Les apprentissages informels ... 29

2.3.3. La professionnalisation ... 30

3. L’enquête de terrain ... 32

3.1. Terrain d’enquête et population enquêtée ... 32

3.2. Les entretiens semi-directifs ... 33

3.3. Le guide d’entretien ... 33

3.4. Les limites de l’enquête ... 34

4. Analyse et discussion ... 34

4.1. Les savoirs infirmiers spécifiques en psychiatrie ... 36

4.2. La transmission de ces savoirs ... 38

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4.2.1. L’aménagement des plannings ... 39

4.2.2. Les acteurs de cette transmission ... 39

4.2.3. A quels moments et dans quel but ? ... 41

4.3. Rôle du cadre dans cette transmission ... 42

4.3.1. Utilisation des outils institutionnels ... 42

4.3.2. Utilisation des outils de l’institution ... 43

4.4. Les thèmes qui ont surgi ... 45

4.4.1. Intégration et identité professionnelle ... 45

4.4.2. Le référentiel de 2009 ... 47

4.5. Le cadre transmetteur ... 48

4.6. L’ancienneté dans la fonction ... 49

5. Les hypothèses ... 50

Conclusion ... 52

Bibliographie ... 53

Annexe I : Guide d’entretien………..…..………...I

Annexe II : Entretien avec Florence………...……...V

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Introduction

Je suis infirmière de secteur psychiatrique (I.S.P.) diplômée en 1982 d’un établissement de la région parisienne spécialisé en psychiatrie. Ce diplôme, disparu en 1992, a validé pendant plus de 40 ans la formation de professionnels dépositaires d’un savoir spécifique adapté dans un champ soignant délimité, celui de la maladie mentale.

Au regard de mon expérience d’I.S.P. de 27 années ainsi que de mes 7 années de faisant fonction de cadre de santé au sein d’une structure extra-hospitalière, sans enquête de terrain ni entretien, j’ai pu observer l’appauvrissement de ce savoir spécifique chez les nouveaux professionnels depuis la réforme des études infirmières de 1992 et celle de 2009. En effet la polyvalence du diplôme a entrainé une diminution des apports théoriques en termes d’heures d’enseignement et de stages dans le domaine de la psychiatrie. Cette formation semble peu les préparer aux symptômes de la maladie mentale auxquels ils seront confrontés dans leur quotidien professionnel.

Conséquence du départ en retraite des I.S.P. et de l’évolution de leur carrière, la transmission intergénérationnelle entre les professionnels a été de moins en moins assurée, les savoir-faire et les savoir-être spécifiques à l’exercice en psychiatrie paraissent se perdre. Le cadre de santé, dont une des missions est d’évaluer l’adéquation entre les compétences de son personnel et celles requises pour le poste, doit-il s’inquiéter de cela ? Quel rôle peut-il tenir dans cette transmission de savoirs ? La formation de cadre de santé constitue pour moi une opportunité d’accomplir un travail de recherche et de répondre à ce questionnement qui me tient à cœur personnellement et professionnellement. Je vais au travers de ce travail tenter de m’interroger sur le rôle du cadre de santé dans cette transmission, de clarifier sa place.

Je débuterai ce travail, après un rappel historique sur l’évolution des études infirmières, par les conséquences des réformes des études dans l’exercice de la profession d’infirmier. Je décrirai les mesures d’accompagnement mises en œuvre par les différents textes législatifs. Je détaillerai quelles missions du cadre de santé sont concernées. Cette partie correspond au cheminement intellectuel qui a conduit de ma problématique à ma question de recherche.

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Ensuite, j’aborderai en m’aidant d’auteurs, le cadre conceptuel de mes recherches. Ce cadre conceptuel portera sur des notions telles que la transmission, les savoirs infirmiers, les compétences, l’apprentissage et la professionnalisation.

Puis j’analyserai les entretiens que j’ai menés auprès des huit cadres de santé de trois établissements différents qui ont accepté de répondre à mes questions, ce qui me permettra de valider ou d’invalider mes hypothèses puis je conclurai mon travail.

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1. De la problématique à la question de recherche 1.1. Mon questionnement initial

En 1992, je faisais partie des professionnels qui s’étaient opposés au diplôme polyvalent, la disparition de notre spécificité nous choquait profondément. Nous étions devenus « une espèce en voie de disparition ». Au-delà de notre colère personnelle, il y avait une interrogation récurrente : le programme d’enseignement et de stages de psychiatrie du nouveau diplôme étant réduits dans de telles proportions, comment allait évoluer la prise en charge des patients ? Le programme a depuis 1992 encore évolué, des décrets, des arrêtés ont modifié, complété la formation en institut de formation en soins infirmiers (IFSI). Un nouveau référentiel de formation a été mis en place en 2009 intégrant l’université dans le parcours menant au diplôme d’Etat, donnant le grade de licence à ses titulaires. Il ajoute un nouvel intervenant dans une formation qui jusque-là était assurée par des professionnels issus du monde médical.

La transmission inter générationnelle des savoirs infirmiers en psychiatrie qui s’effectuait depuis des années n’allait-elle pas se trouver remise en cause par un décalage entre les apprentissages infirmiers selon l’année de diplôme ? Le langage et la culture différente allaient-ils rendre difficile voire impossible toute transmission, en ayant des conséquences délétères sur la prise en charge des patients ? 25 ans après, les cadres de santé actuels ressentent-ils ce décalage ? Considèrent-ils la transmission des savoirs spécifiques importante ? Quel rôle considèrent-ils avoir dans ce processus ? J’ai voulu dans ce travail interroger des cadres de santé (CDS) sur ce thème. En premier lieu, il m’a paru essentiel de rappeler l’évolution des études infirmières en psychiatrie.

1.2. De Pinel au premier diplôme d’infirmier psychiatrique

Depuis l’Antiquité le « fou » a toujours été exclu, maltraité, isolé, interné et stigmatisé.

La formation du personnel, inexistante au début, a, au fil du temps, été en premier lieu créée puis perfectionnée. Je vais donc en retracer les grandes étapes en débutant par l’histoire de Jean-Baptiste Pussin que je considère comme « le premier ISP ».

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En 1771, Jean-Baptiste Pussin, atteint d’une affection pulmonaire, arrive à Bicêtre et est soigné à l’hôpital. Il obtient un emploi par la suite dans ce lieu : portier, garçon de salle, maitre des enfants logés dans les bâtiments, puis, en 1784 il devient surveillant dans un service de malades mentaux agités. Il consigne ses notes, observations et remarques dans des cahiers. Dans un mémoire rédigé en 1795 et publié par l’Information psychiatrique (1980), Pussin expose sa méthode thérapeutique, insistant sur les remèdes moraux avec lesquels il dit avoir toujours combattu la folie :

« Proposer aux fous un travail modéré, tant par l’exercice qu’il procure, que par la distraction qu’il opère, les traiter surtout avec douceur, leur en imposer, mais ne pas les maltraiter, gagner leur confiance, combattre l’objet qui les a affectés et leur faire envisager un avenir plus heureux. Ceci nécessite une surveillance active avec interdiction aux garçons de service de frapper les fous en aucun cas et renvoi des contrevenants, enfin utilisation mesurée des moyens de répression contre les furieux. »

C’est en 1836 qu’est évoquée sous l’impulsion de Pinel (1) pour la première fois l’importance d’une formation destinée au personnel exerçant dans les asiles.

En 1874, un premier rapport de l’inspection des services préconise de former un corps spécial de surveillants d’asile, tout comme on a formé un corps spécial de gardiens de prisons. En 1877, le Dr Bourneville (2) dépose au conseil municipal de Paris, une demande pour ouvrir des écoles d’infirmières d’asile. Il désire que le personnel puisse bénéficier d’un enseignement théorique sur les maladies mentales en argumentant que dans des pays tels que l’Angleterre, la Suisse et les Etats-Unis de telles écoles existent. Dans ces établissements, on enseigne tout ce qu’il importe de savoir à toutes les infirmières et à toutes les personnes qui font profession de soigner les malades.

La même année apparait la première école d’infirmiers de l’asile de la Salpêtrière et en 1878, l’école de Bicêtre. L’enseignement technique et pratique dure une année, sanctionné d’un Certificat d’Aptitude Professionnelle. Les cours ont lieu le soir et sont dispensés par les médecins hospitaliers, la journée, l’élève est encadré par des

1 Médecin (18ème siècle) renommé pour son action pour l’abolition de l’entrave des malades mentaux par des chaines et pour l’humanisation de leur traitement.

2 Médecin (19ème siècle) partisan de la laïcité des hôpitaux français qui a œuvré pour la formation d’infirmières dans les asiles.

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professionnels. Plusieurs écoles ouvriront par la suite, citons celle de la Pitié en 1880 et celle de Sainte Anne en 1882.

L’arrêté du 4 avril 1907 qui sera modifié le 31 aout 1908, crée le diplôme d’infirmier psychiatrique départemental. Les asiles prennent le nom d’hôpitaux psychiatriques en 1937, les gardiens deviennent des infirmiers. C’est la reconnaissance d’une spécificité du travail en psychiatrie par une qualification professionnelle. La circulaire du 30 novembre 1949 rend obligatoire le programme de formation proposé par Paul Bernard pour le personnel exerçant dans tous les établissements psychiatriques français. Ce programme comporte deux axes de formation. En premier l’acquisition de connaissances sur les pathologies en psychiatrie et en second la formation de la personnalité des infirmiers à une attitude psychiatrique. Des notions de psychologie sont enseignées. Selon Paul Bernard (3) dans un ouvrage écrit en 1972 il s’agit :

« de promouvoir un enseignement local et structuré conforme aux progrès techniques, médicaux et psychiatriques. L’infirmier doit non seulement prendre connaissance des notions que nous devons lui donner, mais il doit s’observer beaucoup, et demander souvent conseil aux médecins. »

« Quoi qu’il en soit nous pensons bien comme tout le monde que les connaissances théoriques doivent être acquises en même temps qu’une formation psychiatrique proprement dite. Rappelons que celle-ci est l’opération par laquelle le soignant modifie son comportement personnel et habituel à l’égard du malade de telle sorte que, de par son comportement ainsi modifié, il dispose d’un véritable moyen thérapeutique. Sa relation avec le malade devient un soin. »

L’exercice professionnel des infirmiers psychiatriques est limité aux seuls hôpitaux psychiatriques.

L’apparition des psychotropes et des neuroleptiques en 1950 révolutionne la prise en charge du patient psychotique. Ces traitements calment les patients agités et agissent directement sur le délire et les hallucinations. La prise en charge des patients évolue, une certaine dignité est redonnée aux patients dont certains peuvent retourner à leur domicile. En 1955, la formation professionnelle devient obligatoire pour tout personnel

3 Médecin chef au centre psychiatrique Sainte-Anne (20ème siècle).

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arrivant amené à travailler en psychiatrie. Le cursus est effectué en deux ans sur le temps de travail et comporte des matières telles que : médecine, chirurgie, pharmacie, hygiène, anatomie, physiologie, soins aux malades mentaux, administration et morale professionnelle. Cette formation basée sur l’alternance (le matin dans les services hospitaliers, l’après-midi en cours) est largement inspirée de la pensée des grands désaliénistes qu’étaient Bonnafé L., Tosquelles F., Daumezon G., inventeurs de la psychothérapie institutionnelle. Elle forme le personnel infirmier à une nouvelle approche de la maladie mentale, réorganisant les relations entre les membres de l’équipe soignante.

La circulaire du 15 mars 1960 met en place les secteurs. C’est l’unité de base de la délivrance des soins en psychiatrie publique. Elle dispense et coordonne, pour une aire géo-démographique de proximité, l’ensemble des soins et services nécessaires à la couverture globale des besoins : prévention, soins, post-cure et réadaptation. Les équipes de soins sont présentes au plus près de la population avec une déconcentration des lieux thérapeutiques. Des infirmiers exercent en dehors de l’hôpital et parallèlement des patients sortent de l’hôpital. Un grand mouvement né de la psychothérapie institutionnelle prône les réunions d’équipe, le droit à la parole pour tous. De nouvelles pratiques soignantes émergent telles que les séjours thérapeutiques, les réunions soignants-soignés, les réunions de synthèse avec de nouveaux professionnels (ergothérapeutes, psychomotriciens, éducateurs spécialisés) intervenants du secteur. Des collectifs de soignants tels que l’AERLIP (Association pour l’étude et la rédaction du livre des institutions psychiatriques) participent à des congrès de psychiatrie à l’invitation de Daumézon afin de dénoncer les pratiques asilaires qui ont encore cours dans de nombreux établissements.

L’évolution et la réflexion sur les pratiques soignantes aboutissent à l’arrêté du mois de février 1973 qui définit le diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique.

1.3. Le diplôme des infirmiers de secteurs psychiatrique.

La formation est passée d’une durée de 28 à 33 mois en 1979 et comporte 1 année

« tronc commun avec les infirmiers diplômés d’Etat (IDE) », préparant ainsi la future

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polyvalence. Des enseignements théoriques et des stages ont lieu dans les services de soins généraux. Ce diplôme départemental reste résolument axé sur la pathologie mentale ; dans ses deux dernières années il définit les missions de l’infirmier de secteur psychiatrique qui sont :

« D’assurer les soins infirmiers que nécessite la prise en charge des besoins en santé mentale tant au point de vue individuel que collectif, en collaboration avec les autres travailleurs du sanitaires et sociaux dans le cadre de l’organisation du secteur psychiatrique. Dans sa pratique journalière, il agit sur prescription médicale, sur décision prise par l’équipe de soin et de sa propre initiative dans le sens du projet thérapeutique. » Arrêté du 16 février 1973 modifié en 1979.

Si nous reprenons le programme de formation des ISP jusqu’en 1992, hormis l’étude des concepts santé et maladie, santé mentale et maladie mentale, y sont étudiés aussi les fonctions et rôle de l’infirmier dans le domaine des soins d’une part et d’autre part dans le domaine de l’éducation auprès des personnes soignées, des groupes sociaux et des personnes en formation. Ces rôles sont pleinement assumés grâce au socle théorique commun enseigné. L’enseignement théorique de 800 heures en psychiatrie ainsi que les 960 heures de stages forment des professionnels dotés d’un savoir spécifique en santé mentale. Cette formation dispensée dans des centres de formation situés dans l’enceinte des hôpitaux psychiatriques, permet aux étudiants de côtoyer au quotidien des patients hospitalisés atteints de pathologies mentales. Représentons- nous ces grands parcs de plusieurs hectares avec leurs pavillons d’hospitalisations, d‘ergothérapie, leurs cafétérias, leur service de radiologie, leur blanchisserie, leur pressing, leurs cuisines, et la liste n’est pas exhaustive où travaillent les patients contre un pécule. Un lieu de vie et de soins, avec au sein des mêmes allées ombragées, des soignants et des soignés. Les étudiants avaient cette proximité avec les patients et les membres du personnel qu’ils voyaient tous les jours dans les cafétérias ou dans le parc. Cette proximité permettait aux stagiaires de surmonter l’appréhension qu’ils pouvaient éprouver. Cela participait à la construction de leur identité professionnelle et renforçait ce sentiment d’appartenir à un groupe de professionnel, celui des ISP.

Je ne veux pas, par ces propos, idéaliser ces lieux d’hospitalisation, ces hôpitaux psychiatriques construits dans une logique d’éloignement. C’étaient aussi des lieux

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d’enfermement, combattus par les « désaliénistes » conduits par Bonnafé, en lutte contre la vision carcérale et asilaire de l’hospitalisation des personnes en psychiatrie.

Ces lieux de vie ne devaient pas être des lieux à vie mais des endroits où la temporalité dans la maladie de chaque individu devait être respectée.

1.4. Spécificité du travail en psychiatrie

Selon le référentiel des soins infirmiers (4) en santé mentale réalisé en 2002 par un groupe de travail comprenant des I.S.P. et des I.D.E. exerçant dans un établissement psychiatrique, le travail de l’infirmier en psychiatrie s’articule autour de notion telles que la disponibilité, l’écoute, l’observation, l’analyse des problèmes, l’accompagnement et les actions de soins. L’infirmier prend en compte la personne dans sa globalité. Il vise à rétablir l’intégrité physique et psychique. Le soin infirmier répond au besoin provoqué par la maladie, traduisant une souffrance physique et psychologique. Fabre (5), (2006) p. 22 :

« La spécificité du travail infirmier en psychiatrie repose, entre autres choses sur la capacité des soignants à recueillir, au cours de la relation avec la personne soignée, les éléments qui vont permettre d’identifier des signes cliniques. »

Cette expertise infirmière basée sur l’observation et sur des entretiens informels ou non nous permet de mettre en perspective une prise en charge pour toute l’équipe pluridisciplinaire. Ce savoir-faire, ce savoir-être nous étaient enseignés pendant nos études et transmis pendant nos premières années d’exercice par des infirmiers plus expérimentés. La compétence de « lecture clinique » comme nous propose Fabre est une compétence qui s’acquiert en situation réelle de travail encadrée, elle se construit au fil du temps. Elle nous permet de trouver le mode de relation le plus adapté aux patients quels que soient leurs pathologies ou leurs symptômes.

4 Référentiel élaboré par les personnels de l’hôpital Pierre Janet (Le Havre). Repéré à http://serpsy.org/formation_debat/REFERENTIEL.html

5 Ingénieur chargé de la formation continue à l’EPS Maison Blanche.

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Citons Orofiamma (6) (2006) p. 9 :

« Une disposition à accueillir, à écouter, à observer, à être touché par l’autre et par sa folie, plutôt qu’en termes de faire et de procédures ». « Plutôt qu’un rôle à tenir, on aborde ici l’activité infirmière comme un espace-temps à créer qui permette à la confiance de se construire, au lien de se tisser entre sujets, soignants et soignés. Un espace-temps à construire dans la durée, à inventer avec l’autre, dans le quotidien des situations, dans ces petits riens qui font le soin. »

Cette spécificité a été diluée dans les enseignements du diplôme instauré dans le cadre de la première étape l’harmonisation européenne des études infirmières.

1.5. Le diplôme unique en 1992 et l’évolution de la législation jusqu’en 2009

L’arrêté du 23 mars 1992 crée un diplôme polyvalent pour tous les infirmiers. C’est la fin de la formation spécifique des I.S.P. Une écrasante majorité de la corporation exerçant en psychiatrie est opposée à cette réforme. Cette opposition est soutenue par de nombreux psychiatres. Pour ne citer que certains d’entre eux : Delion (7) (2001)

« Les infirmiers psychiatriques [..] ont été une principale force vive pour des changements très profonds, la suppression de leur diplôme spécifique a été pour la psychiatrie dynamique un coup très dur ». Pour Oury (8) (1998) « Il y a une destruction véritable du champ même de la psychiatrie. La suppression du diplôme d’infirmier psychiatrique, c’est le plus gros scandale de ce siècle ».

L’évaluation des connaissances et des aptitudes des étudiants comprend la validation de modules en contrôle continu. La formation théorique en psychiatrie est réduite de 400 heures et les stages dédiés sont limités à 280 heures. Cette formation généraliste ne tient plus compte de la spécificité du travail en psychiatrie.

6 Enseignante et chercheuse au Conservatoire National des Arts et Métiers, elle exerce des fonctions de formation et de recherche autour de la démarche des récits de vie, de l’analyse des parcours et des pratiques professionnelles.

7 Pédopsychiatre et psychanalyste.

8 Psychiatre et psychanalyste, théoricien de la psychothérapie institutionnelle.

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J’ai fait partie des infirmiers manifestant leur désaccord avec cette réforme et vu arriver dans les services les premières promotions. Nous avons participé à la nécessaire transmission de nos savoirs. Avec le recul de toutes ces années nous pouvons constater que si cette réforme ne reconnaissait plus notre spécificité, elle nous ouvrait à un univers nouveau. Les I.S.P. avec l’équivalence pouvaient aller exercer dans les services généraux, un pas vers la dé stigmatisation. Dans les services de psychiatrie il était important aussi que la dimension des soins somatiques complète celle des soins psychiques et, de ce point de vue, les nouveaux infirmiers ne pouvaient que nous en apprendre. Je peux aussi dire que cette réforme était nécessaire pour des raisons économiques. En effet la France manquait cruellement d’infirmier et cette polyvalence entrainait l’employabilité de tous les professionnels dans tous les établissements que ce soit en psychiatrie ou en soins généraux. Cependant, de nombreux professionnels ont vite constaté les limites de cette polyvalence dans l’exercice des infirmiers en psychiatrie, et la législation concernant ce lieu d’exercice en a été modifiée.

Depuis l’arrêt des études des I.S.P. en 1992, les instances de tutelle proposent de nombreux plans afin de combler le déficit de compétences des nouveaux soignants.

Dubois (9) (2009) écrit : « Il y a entre les I.S.P. et les infirmiers de la nouvelle génération et de l’ancienne, pour ceux qui ont rejoint la psychiatrie, un écart important en termes de différences de pratiques, de valeurs, de normes » et je serais tentée d’ajouter de savoir théorique. Pour essayer de combler cet écart, plusieurs mesures gouvernementales ont été mises en place.

Le plan Santé mentale proposé en novembre 2001 intitulé : « L’usager au centre du dispositif à rénover » comprend 8 axes dont notamment l’axe 3 : « Améliorer les pratiques professionnelles ». Il propose la mise en place d’un groupe de travail pour définir le programme d’un complément de formation pour les infirmiers, afin de faciliter leur exercice professionnel et d’améliorer la réponse aux besoins des malades. Il n’y aura pas de suite à cette proposition.

La circulaire DGS/DHOS n°2003-366 du 10 juillet 2003 relève les manques dans la formation concernant la psychiatrie. Elle propose entre autres de recruter dans chaque

9 Cadre de santé.

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I.F.S.I. des formateurs ayant une expérience dans ce domaine afin de renforcer la compétence clinique et retravailler avec les étudiants des situations de soins rencontrées en stage.

La note de cadrage DGS/SD6C/DHOS-P2 n°234 du 8 juillet 2004 demande la mise en œuvre de la formation hospitalière prioritaire visant la « consolidation et l’intégration des savoirs et des pratiques en soins pour l’exercice infirmier en psychiatrie ».

Le plan Santé mentale 2005-2008 fait le constat que le personnel exerçant en psychiatrie doit bénéficier d’un encadrement de proximité adapté et reconnait que la compétence des personnels ne peut plus être immédiate, et demande un approfondissement dès la prise de poste. Il propose l’amélioration de la formation théorique au sein des I.F.S.I. et la mise en place d’un carnet de stages cliniques qui suivra l’étudiant durant sa scolarité.

La circulaire DHOS/P2/O2DGS/6C n°2006-21 du 16 janvier 2006 régit le tutorat et les formations passerelles qui doivent être mis en œuvre par les établissements publics de santé pour tous les nouveaux professionnels.

Le rapport établi par Edouard Couty (10) en janvier 2009 contient cette phrase : « la psychiatrie, comme spécialité médicale ne peut aussi simplement être renvoyée à une organisation commune de l’offre de soins. Elle conserve une part de spécificité inhérente aux caractéristiques des pathologies qu’elle prend en charge et qu’elle traite… ». Dans la recommandation n°16, le législateur serait pour la « création d’un diplôme d’infirmier spécialisé en psychiatrie et santé mentale dans le cadre de la réforme LMD ».

Les plans, les arrêtés, les rapports et notes de cadrage font tous le même constat. La formation initiale dispensée depuis 1992 comporte des lacunes que chaque rédacteur de ces écrits n’a eu de cesse de vouloir combler par des mesures jusqu’à proposer un diplôme d’infirmier spécialisé qui ne serait pas sans rappeler le diplôme des I.S.P.

Parmi les mesures mises en œuvre, j’ai voulu mettre en exergue les deux qui me semblent illustrer le mieux ces propos.

10 Conseiller Maitre à la Cour des Comptes, auteur d’un rapport présenté à Mme Bachelot. « Missions et organisation de la santé mentale et de la psychiatrie ».

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- Le tutorat

Le tutorat est une relation entre deux personnes dans une situation formative : un professionnel et une personne en apprentissage d’un métier dans son environnement.

Régi par la circulaire DHOS/P2/02DGS/6C/2006/21 du 16 janvier 2006, il a pour objectifs d’adapter lescompétences en santé mentale sur la base d’une transmission, notamment intergénérationnelle, des savoirs et des pratiques ; d’améliorer l’accueil des nouveaux infirmiers et leur adaptation à la spécificité de l’exercice en psychiatrie ; de renforcer l’attractivité de l’exercice en psychiatrie et de fidéliser les professionnels.

Le tuteur, ayant bénéficié d’une formation spécifique, est un infirmier expérimenté, exerçant depuis au moins 5 ans dans le domaine de la psychiatrie, et qui s’inscrit dans une démarche institutionnelle. Il aide à la compréhension et à la résolution de situations problèmes. Il apprend au tutoré à raisonner et travailler en équipe pluridisciplinaire, à élaborer et à formaliser son travail auprès des patients. Cette mesure d’accompagnement proche de la notion de compagnonnage qui consistait à considérer le tuteur comme un modèle à imiter, a formalisé les pratiques en formant les tuteurs pour cette fonction. Elle est organisée selon les établissements sous différentes modalités : rencontre mensuelle des deux acteurs n’exerçant pas dans la même unité, roulement de planning différencié ou commun de travailleurs d’une même unité pour les deux professionnels concernés avec ou sans rencontres formalisées.

Le rapport Laforcade (11) relatif à la santé mentale d’octobre 2016 propose de prévoir la possibilité d’une 4e année de formation infirmière option psychiatrie qui pourrait comprendre un stage de compagnonnage sur le terrain ainsi que le renforcement du tutorat pour les infirmiers nouvellement affectés en psychiatrie. Cette dernière proposition a fait l’objet le 4 novembre 2016 d’un arrêté relatif à la formation des tuteurs de stage paramédicaux. Cette formation d’une durée de quatre jours a pour objectif de professionnaliser la fonction de tuteur de stage et d’harmoniser les pratiques sur l’ensemble du territoire.

11 Directeur Général de l’Agence Régionale de Santé Nouvelle Aquitaine, auteur d’un rapport présenté à Me Touraine. « Rapport relatif à la santé mentale ».

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- Les formations passerelles

Ce dispositif, régi aussi par la circulaire de 2006, a pour principe de permettre aux participants de mieux appréhender leur prise de fonction dans les services de soins et de favoriser une immersion progressive ; de comprendre la complexité du positionnement infirmier en psychiatrie et santé mentale dans le contexte actuel ; de développer son potentiel et ses capacités à travailler en équipe pluridisciplinaire ; de prendre le temps d’échanger sur les pratiques. C’est une plateforme modulaire étalée sur deux ans. Les infirmiers sont invités durant les premières années de leur exercice professionnel à suivre ce cycle de modules. Les objectifs sont de mieux appréhender la pathologie psychiatrique, de se doter d’outils spécifiques, de donner du sens à son activité professionnelle, de mieux utiliser sa capacité d’écoute dans un cadre professionnel et de réussir son intégration au sein des équipes.

Ces deux mesures d’accompagnement appuient le constat de la reconnaissance de la spécificité du travail de l’infirmier en psychiatrie qui possède ses propres savoir- faire. Le terme de formation passerelle dans le domaine de la formation n’est -il pas utilisé pour décrire un dispositif facilitant le passage d’une formation à une autre ou l’évolution vers un autre métier ? (Terme défini par la Région Ile de France dans son site métiers.net en parlant des formations paramédicales).

1.6. La réforme de 2009

L’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’Etat d’infirmier, fixe que cette formation permet d’obtenir le grade de Licence, une partie de l’enseignement est assuré par des universitaires. La notion de crédits européens est introduite, il en faut 180 pour obtenir le diplôme d’Etat. L’article 1 établit la notion de compétences professionnelles au nombre de dix pour exercer les activités du métier d’infirmier avec élaboration d’un référentiel qui a pour objet de professionnaliser le parcours de l’étudiant. Chaque unité d’enseignement tout au long des trois années de formation est reliée à une compétence et un semestre. L’étudiant est amené à devenir un praticien autonome, responsable et réflexif. La posture réflexive est une exigence de la formation permettant aux étudiants de comprendre la liaison entre savoirs et actions, donc

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d’intégrer les savoirs dans une logique de construction de la compétence. L’approche par compétences semble structurer les savoir infirmiers. En ce qui concerne la psychiatrie, les heures d’enseignement sont en baisse, l’unique stage en psychiatrie est d’une durée de 5 à 10 semaines mais il reste obligatoire dans le parcours de professionnalisation. Les enseignements de ce diplôme participent à la formation de futurs professionnels capables d’être polyvalents et de s’adapter aux situations complexes. La polyvalence entraine une égalité des compétences dans des domaines étudiés (cardiologie, chirurgie etc.) pendant la formation. Dans le domaine spécifique de la santé mentale, cette polyvalence me semble entrainer une diminution des apports théoriques et pratiques qui a pour conséquence une difficulté d’adaptation des nouveaux professionnels dès leur prise de poste. Ils disent maitriser et se sentir opérationnels en termes de gestes techniques plutôt qu’en matière de relation avec un patient en décompensation. La psychiatrie étant une spécialité où les gestes techniques sont moins présents, les nouveaux professionnels que j’ai rencontrés se sentent moins compétents. Ils ont suivi un cursus qui doit les amener à devenir des praticiens autonomes et réflexifs et ils ne se jugent pas comme ceci dans le domaine de la santé mentale.

La loi Hôpital-Patients-Santé-Territoire du 21 juillet 2009 (article 49) ajoute à cette réforme en déterminant les modalités du développement professionnel continu (DPC) est devenu une obligation pour les établissements de santé. La Haute Autorité de la Santé le présente comme un dispositif d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins associant la formation continue, l’analyse des pratiques professionnelles et la gestion des risques. Il y a l’obligation pour chaque professionnel de santé de suivre un parcours de DPC tous les trois ans, en décembre 2015 sont parues 34 orientations nationales qui déterminent les axes du DPC dont neuf sont spécifiques aux infirmiers. En psychiatrie, le DPC est un vecteur important de transmission car c’est un domaine où les savoirs sont très liés à l’expérience et se construisent dans la confrontation des pratiques où il n’y a jamais qu’une seule manière de faire.

En conclusion de cette partie, l’enseignement de la psychiatrie aux étudiants infirmiers s’étant réduit de 94 % passant de 1376 heures en 1979 à 80 heures en 2009, je peux

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dire que les mesures d’accompagnement mises en place sont indispensables aux professionnels.

Les équipes paramédicales composées d’individualités issues de formations différentes avec des savoirs expérientiels différents doivent travailler ensemble dans une profession dont les savoirs spécifiques sont prépondérants. Pour qu’une équipe fonctionne de manière efficiente dans le souci constant de la sécurité et de la qualité des soins dispensés au patients dont il est le garant, le cadre de santé doit lui aussi acquérir des compétences, mobiliser ses savoirs et assurer des missions.

1.7. Le cadre de santé

Le décret 95-926 du 18 aout 1995 pose la fonction du cadre de santé, il définit dans l’apprentissage de cette fonction un tronc commun à toutes les formations paramédicales. C’est une formation pluri-professionnelle qui ne tient pas compte de la filière d’origine de chacun, ceci dans le but de favoriser la collaboration entre les acteurs de la prise en charge des patients. Je vais plus précisément m’attarder sur une des missions qui me semblent être concernées par mes interrogations, celle de la gestion et du développement des compétences.

Dans le référentiel d’activités et de compétences élaboré dans le cadre des travaux de réingénierie sur le diplôme de cadre de santé par un groupe de travail en décembre 2012 au Ministère des affaires sociales et de la santé, il est détaillé sept activités et huit compétences. Leplat (12) (1997) propose des définitions de ces deux termes :

- « L’activité est définie comme l’exécution d’une série d’actions [. .]. Elle correspond à l’ensemble de ce qui est réalisé par les individus, les processus de réalisation du travail dans les conditions réelles […]. Elle est soumise à de multiples variations et contraintes dues à leur environnement mouvant et imprévisible ».

- « La compétence est le système de connaissances qui permettra d’engendrer les activités répondant aux exigences des taches […]. Elles sont finalisées et se

12 Fondateur de la Société d’Ergonomie de Langue Française qui a pour objectif de promouvoir l’ergonomie dans la perspective d’une meilleure adaptation des moyens et des milieux de travail aux personnes.

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caractérisent par la mise en œuvre de connaissances en vue de la réalisation d’un but ».

Le cadre de santé intègre et s’approprie ces deux notions, notamment lors de ses études afin de s’acquitter au mieux de ses missions au quotidien.

Mintzberg (13), (2011) décrit les dix rôles du cadre qu’il regroupe en trois parties : - les rôles interpersonnels : fonction de symbole, de leader et d’agent de liaison.

- les rôles liés à l’information : fonction d’observateur actif, de diffuseur et de porte-parole.

- les rôles décisionnels : fonction d’entrepreneur, de régulateur, de répartiteur de ressources et de négociateur.

Dans les services hospitaliers, le cadre endosse tour à tour tous ces rôles. Il encadre et anime une équipe et organise l’activité des soins, il doit aussi définir les compétences requises par les professionnels qu’il manage en fonction des activités du service. C’est donc à lui que revient, en collaboration avec les ressources humaines, l’élaboration des fiches de poste et il participe aux entretiens de recrutement. Lors des entretiens annuels, il fait le bilan sur les compétences des agents et évalue leurs besoins en formation. Il a donc une influence importante sur la composition de l’équipe paramédicale. Auprès de cette équipe qu’il doit accompagner dans son fonctionnement au quotidien, il se doit d’être attentif, à l’écoute, disponible auprès de son équipe. En psychiatrie où la spécificité des savoirs infirmiers est incontournable, que peut faire le cadre de santé pour que la transmission de cet héritage soit assurée ? S’il en est lui-même détenteur comment peut-il agir ? Est-il possible pour lui de mettre en place des binômes afin de favoriser la transmission entre infirmiers et d’aménager dans l’organisation au quotidien des temps d’échanges et de pouvoir y participer ? Peut-il utiliser d’autres outils pour cela ?

13 Universitaire Canadien en sciences de gestion, auteur d’ouvrages sur le management.

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Au travers de mes lectures et de mes recherches sur l’évolution de l’enseignement de la psychiatrie aux infirmiers et sur les missions du cadre de santé, je suis amenée à formuler la question de recherche suivante :

A partir de cette question, j’ai formulé deux hypothèses :

- C’est dans ses pratiques managériales, dans l’accompagnement individuel et collectif au quotidien de son équipe que le cadre de santé transmet les savoirs spécifiques à l’exercice infirmier en psychiatrie.

- C’est en utilisant les outils institutionnels ou mis à disposition par son établissement que le cadre de santé favorise la transmission des savoirs spécifiques à l’exercice infirmier en psychiatrie.

La recherche de réponses à la question amène dans les parties suivantes à définir, expliquer et comprendre plusieurs concepts théoriques tels que la transmission, les savoirs infirmiers, les compétences, ainsi que l’apprentissage et la professionnalisation.

2. Eléments de contexte 2.1. La transmission

Tout d’abord, définissons le terme de transmission. D’après le Dictionnaire des sciences humaines, (2008) : « C’est une passation, plus ou moins volontaire, plus ou moins visible, passation d’une personne à une autre, d’un espace à un autre […].

Dans le cadre de sa mission d’identification des besoins en formation du personnel et de la planification des actions de formation nécessaires, comment le cadre de santé peut-il favoriser la transmission des savoirs infirmiers spécifiques à la psychiatrie ? Comment s’implique-t-il ? De quels outils dispose-t-il ?

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Passation de contenus : de biens symboliques comme de biens matériels, de savoirs -faire, de compétences, mais aussi d’idées, de valeurs et de convictions ».

Pour Develay (14), (2009) elle est : « incontournable de toute société pour perdurer et inscrire l’individu dans une communauté humaine ». Je pourrais même dire dans le cas des infirmiers exerçant en psychiatrie pour inscrire le professionnel dans son groupe professionnel. La construction de l’identité professionnelle est le sentiment d’appartenir à un groupe de professionnels, de concevoir sa vie future comme ancrée dans un contexte de travail.

« La transmission implique l’asymétrie, celui qui transmet est en effet toujours en surplomb par rapport à celui qui reçoit, que ce soit par son autorité ou par ses compétences ». Ce processus met en présence deux individus qui ont chacun leur propre rapport au savoir, à la transmission et à l’autorité. « La réciprocité éducative fait que si l’éduqué apprend de l’éducateur, l’éducateur apprend aussi de l’éduqué ». Nous pouvons assimiler l’éducateur à l’infirmier expérimenté et l’éduqué au nouveau professionnel dans ce rapport asymétrique. L’autorité étant conférée par l’expérience, le nouveau professionnel par ses parcours de formation, de stages et ses centres d’intérêts participe lors de leurs échanges à cette réciprocité éducative.

Dubar (15), (2002) nous propose qu’acquérir une identité professionnelle relève d’un processus de double transaction où sont mises en jeu deux dimensions : l’une individuelle et personnelle (identité pour soi) et l’autre collective (identité pour autrui) qui s’entrecroisent. Ce processus inscrit le sujet dans un collectif qui le reconnait et l’inscrit dans son groupe. A ce titre l’accompagnement et la transmission entre pairs facilitent l’adaptation, l’intégration et la construction de l’identité professionnelle de l’infirmier en psychiatrie.

Selon Carré (16) et Charbonnier (17), (2003), la transmission est un vecteur à finalité d’apprentissage. Ils définissent deux sortes d’apprentissages : les formels et les informels. Nous pouvons définir les apprentissages formels comme ceux existants dans la formation initiale ou continue et dans des temps prédéfinis pour cela. Les apprentissages informels, c’est-à-dire ceux en dehors des temps spécifiquement

14 Professeur des universités, professeur des sciences de l’éducation, Lumière Lyon II.

15 Sociologue français.

16 Professeur des Universités en Sciences de l’éducation à Paris Ouest Nanterre La Défense.

17 Présidents de Consultants sans frontières, intervenant à sciences Po Paris et l’ESCP.

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dédiés, sont devenus une source d’apprentissage importante pour tous les professionnels.

Bataille (18), (2003) identifie trois grandes façons d’apprendre en situation de travail : - L’adaptation et l’ajustement à l’environnement soit le mimétisme.

- La capacité à solutionner des évènements imprévus dans les situations professionnelles soit la métis.

- La possibilité de s’intégrer durablement soit la mimésis.

Pendant les années d’exercice professionnel, les trois méthodes d’apprentissage informel semblent être utilisées alternativement par les infirmiers. Cet auteur souligne que si les apprentissages informels ne sont pas mis en lumière et reconnus par le collectif, ils sont perdus.

Christophe Dejours (1995), fondateur de la psychodynamique dans la clinique du travail, reprend le terme de « métis » en la qualifiant d’intelligence pratique, parfois proche de la « combine ». Dans le contexte professionnel elle est inséparable de la notion d’habilité professionnelle. Elle désigne une capacité à s’adapter à une situation et à trouver une solution. Il y a mobilisation de son intelligence pour pallier le décalage entre la prescription et l’activité réelle. Elle est inventive et créative, ce qui n’est pas sans rappeler la capacité des infirmiers en psychiatrie à créer des activités, des espaces pour entrer en relation avec les patients. Quand les infirmiers transmettent leurs pratiques, ils démontrent aux stagiaires et aux nouveaux professionnels l’utilisation de cette capacité d’adaptation qu’ils effectuent quotidiennement.

L’information est transmise d’individu à individu qui la combine avec ses savoirs propres, et par là même cela devient une nouvelle ressource qui sera elle-même transmise.

Je me permets d’utiliser ici un exemple tiré de mon expérience, celui de l’inventaire obligatoire des affaires du patient à son admission. Je me suis trouvée avec deux collègues dont une jeune professionnelle, diplômée depuis huit mois, devant un patient en décompensation délirante et qui nécessitait une mise en chambre d’isolement. Il transportait sa vie dans un caddy plein de choses et d’autres que nous pouvions

18 Docteur en sciences de l’éducation.

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qualifier de mélange d’objets hétéroclites, de vieux journaux et croutons de vieux pain dégageant une odeur plus que suspecte. Ma collègue voulait tout jeter, rappelant que les référents hygiène avait mis en place un protocole et que nous ne pouvions pas garder dans la lingerie réservée à cet effet des affaires si souillées. Le patient à cette évocation était de plus en plus agité et le renfort n’allait pas tarder à être appelé. Avec ma seconde collègue, plus expérimentée, nous nous sommes armées de gants, sur- blouses et de patience et avons trié avec le patient les affaires petit à petit, tout en recevant, écoutant son délire. Bien sûr nous n’avons pas pu tout jeter, avons entreposé les affaires restantes dans la pièce à linge sale mais surtout cette entorse au protocole a permis d’instaurer un lien de confiance entre l’équipe et le patient. Le reste des affaires purent être triées les jours suivants. Cette jeune collègue m’a dit plus tard qu’elle était désarmée face à cette situation et que sa seule réponse à cet instant était l’application stricte du protocole tout en convenant que cela ne la satisfaisait pas dans sa position de soignante. Nous avoir vu faire lui avait montré qu’il était possible de faire autrement dans le respect du patient, des protocoles et des prescriptions.

Si j’ai pu avec ma collègue faire cette petite entorse au protocole, c’est parce ce que je savais que la cadre de santé responsable de l’unité nous autorisait ces pratiques à compter du moment où nous pouvions considérer que c’était l’action la plus thérapeutique pour le patient. Elle nous jugeait capable d’adapter nos actions aux différentes situations. Elle nous avait transmis cette éthique qui est de prendre en compte la prescription et de l’adapter au cas par cas.

La notion de transmission appartient à la culture des infirmiers. Nous utilisons ce mot pluri-quotidiennement. C’est une action quotidienne effectuée envers nos collègues, collaborateurs. Elle est également réglementée au travers de temps réservés dans une journée à cette action. « Les transmissions sont écrites et orales, générales ou spécifiques, individuelles ou collectives » Muller (19), (2013). Les infirmiers quand ils transmettent leur savoir, sont obligés de le verbaliser, de le formaliser que ce soit dans une discussion informelle entre collègues ou dans un espace plus réglementé comme un groupe d’analyse de pratiques. Dans une profession où nous sommes formés par nos pairs, nous pouvons considérer comme Delion, (2001) que c’est une transmission

19 Cadre supérieur de santé, docteur en sciences de l’éducation, formatrice à l’IFCS de Sainte-Anne.

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d’expérience. Non pas sous la forme « je te montre comment faire », mais plutôt sous celle de l’expérience partagée dans une prise en charge d’un même patient.

En tant que futur cadre de santé, je dois envisager la nécessité de cette transmission, mais aussi me demander comment m’impliquer, l’initier ou la faciliter ? C’est ainsi qu’il me parait nécessaire d’aborder et de définir ce que sont savoirs et compétences.

2.2. Savoirs et compétences

Ces deux notions sont totalement dépendantes l’une de l’autre. Les savoirs sont indispensables et doivent être mobilisés pour acquérir des compétences.

2.2.1. Les savoirs

La formation reçue par tous les infirmiers nous procure un socle de connaissance théorique et pratique commun sanctionné par un diplôme. Le parcours de stages de chacun complète sur le terrain notre savoir et notre expérience. La réingénierie des études en soins infirmiers de 2009 repose sur l’acquisition de compétences dont la numéro dix est : « Informer et former des professionnels et des personnes en formation ». C’est cette compétence et donc cette mobilisation des savoirs que je vais explorer.

Selon Le Boterf (20), (2013) : « La compétence est la mobilisation ou l’activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donnés ». Il a préalablement déterminé que la compétence est la résultante de trois facteurs : le savoir agir (combiner et mobiliser des ressources), le vouloir agir (motivation de l’individu) et le pouvoir agir (l’organisation du travail) et ne pourrait exister si un de ces trois éléments était absent. Il a distingué plusieurs types de savoirs :

- Les savoirs théoriques : c’est le savoir acquis pendant la scolarité, dans notre cas à l’I.F.S.I. C’est l’enseignement théorique qui ne

20 Docteur d’état en lettres et sciences humaines. Auteur d’ouvrages sur la formation et la gestion des ressources humaines.

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prépare pas directement à l’exercice d’une activité professionnelle par exemple les cours d’anatomie ou l’étude des diagnostics infirmiers.

- Les savoirs procéduraux : ces savoirs visent à indiquer « comment s’y prendre pour ». Ils consistent à décrire les procédures, les modes opératoires. A l’hôpital, nous les retrouvons dans les guides de bonnes pratiques ou les procédures validées par la cellule qualité.

- Les savoir-faire procéduraux : Le passage du savoir procédural au savoir-faire procédural passe par l’expérience pratique.

Il insiste aussi sur le fait que cette mobilisation ou activation de ces savoirs ne doit pas être une simple addition des savoirs mais que ceux-ci devront en plus être combinés avec les ressources de l’environnement. C’est-à-dire dans le cas des infirmiers avec les ressources des autres membres de l’équipe pluridisciplinaire. Les savoirs autres que théoriques s’acquièrent par la pratique et l’exercice de la profession d’infirmier au sein d’une équipe à laquelle l’individu appartient, d’où l’importance de l’expérience qui s’acquiert petit à petit.

J’ajouterai la notion de « savoir y faire », qui signifie savoir s’y prendre. Cette notion est évoquée par Lambert (21) (2006) qui détermine les savoirs insus et les savoirs agis comme ceux qui ne ressortent pas immédiatement comme compétences mais qui proviennent de l’expérience, de la vie de tous les jours : « Savoir ce qui ne se sait pas et qui pourtant nous fait et constitue notre rapport à l’autre et au monde » Ces savoirs sont issus de la relation de proximité avec la folie et la souffrance des patients. Ces éléments du soin sont issus d’un quotidien incertain et sont difficiles à anticiper sans expérience et s’imprègnent en nous au fur et à mesure des situations vécues. Les infirmiers exerçant en psychiatrie acquièrent au fil du temps une façon de s’adresser au patient, une distance thérapeutique, une empathie, une clinique qui font que leur rapport à l’autre, « au fou » est empreinte de respect de l’autre dans sa différence. Ces notions difficiles à exprimer doivent être formalisées pour que les compétences des infirmiers en psychiatrie puissent être définies dans des espaces réservés ou non entre professionnels.

21 Infirmier de secteur psychiatrique, formateur-conseil, ancien directeur d’IFSI.

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Oury, (2001) : « L’infirmier est celui qui participe à l’ambiance ; c’est-à-dire à ce système institué, réseau d’échanges imaginaires, symboliques et réels […]. Nous pouvons essayer d’isoler des facteurs spécifiques de cette « construction » culturelle que constitue le groupe des soignants. Deux facteurs nous semblent primordiaux : la disponibilité et la vigilance ».

Savoir sentir cette ambiance du collectif des patients, observer les réactions de chacun, recevoir ses demandes, ses délires, sa souffrance sont des compétences essentielles afin de pouvoir transmettre au reste de l’équipe notre ressenti. Ce ressenti propre à chacun que l’on doit transmettre au travers des situations du quotidien et que l’on n’enseigne pas dans les IFSI.

2.2.2. Les compétences

Chaque professionnel diplômé possède des savoirs personnels ou issus de sa formation qu’il mobilise selon les situations rencontrées et donc il a des compétences.

Zarifian (22) (1999) en propose trois définitions : « La compétence est la prise d’initiative et de responsabilité de l’individu sur des situations professionnelles auxquelles il est confronté ». L’individu est donc capable d’adapter une réponse face à un évènement, il prend des responsabilités et agit en fonction des savoirs déjà définis par Le Boterf.

Cette prise d’initiative a pour action de pouvoir modifier l’existant et influe sur les conséquences de l’évènement.

« La compétence est une intelligence pratique des situations qui s’appuie sur des connaissances acquises et les transforme, avec d’autant plus de force que la diversité des situations augmente. » C’est une dimension compréhensive, il faut savoir apprécier et comprendre une situation. Cette approche s’appuie sur la dynamique d’apprentissage qui est essentielle dans la démarche compétence, ce qui signifie que les connaissances acquises sont dépendantes du nombre d’évènements auxquels l’individu a été confronté et l’expérience qu’il en aura tiré. L’expérience c’est aussi accepter de se remettre en question, affronter des problèmes nouveaux qui vont

22 Sociologue français, professeur à l’université de Paris Est Marne la Vallée.

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permettre un apprentissage et l’acquisition d’expérience. Zarifian affirme qu’avant d’acquérir une certaine expérience, l’individu va passer par une phase qui sera de paraitre incompétent. Il me semble que le cadre de santé a toute sa place dans cette phase qui peut être délicate pour certains, son accompagnement individuel des agents est essentiel afin de favoriser l’acceptation de ce phénomène.

« La compétence est la faculté à mobiliser des réseaux d’acteurs autour des mêmes situations, à partager des enjeux, à assumer des domaines de coresponsabilités. » Cette approche fait appel à la mobilisation de plusieurs acteurs, face à un même évènement, il permet d’avoir un éventail de compétences. C’est l’équipe qui est mobilisée à cette occasion. Tous les acteurs d’une équipe pluridisciplinaire doivent être mobilisés et mobilisables afin de réfléchir à une prise en charge de patient à débuter ou à réorienter. Je voudrais prendre ici un exemple tiré afin d’illustrer cette dernière approche de Zarifian.

2.2.3. La constellation transférentielle

Cette notion a été théorisée à de nombreuses reprises et est issue de ce mouvement né dans les années 60 à l’instigation de Tosquelles F., Oury J., Chaigneau H. pour n’en citer que quelques-uns : la psychothérapie institutionnelle. Si je me réfère à Oury J. c’est le regroupement de toutes les personnes concernées par un patient, ceux qui sont présents avec lui dans un de ses lieux. La réunion de cette constellation autrement dit l’équipe est une ponctuation par rapport à l’itinéraire d’un patient, itinéraire concernant son mode de socialisation, son traitement médical, son investissement dans le projet de soins, son mode d’occupation des lieux fréquentés.

Au travers de tous ces éléments, l’équipe analyse les transferts et les contre-transferts de chaque membre de cette équipe.

« C’est en réunion que peuvent être reliées, articulées toutes les dimensions de l’existence du malade et les diverses possibilités pour lui d’être ressenti d’une manière différente par l’entourage. Ces aspects sont mis en présence et il s’en suit des mises au point sur le plan conscient, dans toute l’équipe, à l’égard des relations au patient.

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C’est en réunion que se fera l’analyse institutionnelle qui permettra de déceler si l’institution est conforme à sa fonction officielle -le soin-. » Cano (23), (2004).

Le cadre de santé est partie prenante de l’équipe soignante et de cette constellation, lors des réunions il fait part de sa propre histoire, de son ressenti face à un patient.

Comme les autres professionnels il analyse les transferts et contre-transferts, fait part de ses expériences passées. Il est de plus responsable de l’instauration de ces espaces de paroles qui vont permettre aux professionnels de devenir des praticiens réflexifs et non de simples exécutants. Ces espaces n’ont pas seulement la finalité de communiquer des savoirs, mais également d’en créer de nouveaux. Ces nouvelles connaissances cliniques participent à l’amélioration de la qualité des soins dont le cadre de santé est le garant.

Friard (24), (2010) parlant de l’infirmier déclare dans un article : « Il a besoin d’un cadre de santé comme filet de sécurité, besoin d’un tiers avec qui négocier sinon il risquerait de se sentir tout-puissant, de ne plus avoir de limites jusqu’au moment où je m’écraserais par terre avec le patient que j’accompagne. Il faut qu’existe cette fonction qui m’amène à répondre de ce que j’essaie de faire avec un patient ou un groupe de patients. Le cadre de santé a le soin infirmier et ses virtualités comme référence directe ».

Cette affirmation forte renvoie à la fonction clinique du cadre de santé nécessaire en psychiatrie. Le cadre se doit d’être présent auprès de son équipe afin d’analyser les pratiques mais n’est-ce pas cela que l’on nomme proximité ? Il régule le fonctionnement de son équipe, il en prend soin et permet aux soignants de donner le meilleur d’eux-mêmes. Pour moi, cette activité prend toute son importance dans le domaine de l’apprentissage et de la professionnalisation.

23 Médecin titulaire d’un diplôme inter universitaire d’éthique et pratiques médicales.

24 Infirmier de secteur psychiatrique, centre de santé mentale Hélène Chaigneau (Gap).

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2.3. Apprentissage et professionnalisation 2.3.1. L’apprentissage

Selon le dictionnaire Larousse (2011) : « L’apprentissage est l’initiation par l’expérience à une activité, à une réalité. C’est l’ensemble de mécanismes menant à l’acquisition de savoir-faire, de savoirs ou de connaissances ». Les étudiants en formation peuvent être considérés tels des apprentis, plutôt des apprenants qui pendant leurs études sont accompagnés en IFSI ou en stage par des professionnels dans le but d’acquérir des compétences et donc des savoirs.

Bourgeois (25) et Nizet (26), (2008) précisent que l’apprenant n’est pas une table rase et qu’il aborde les apprentissages nouveaux avec des connaissances préalables, des représentations. Dans une approche constructiviste, ils précisent qu’il y a apprentissage quand la confrontation active du sujet avec des informations nouvelles en provenance d’une situation conduit à une transformation effective des connaissances.

« En ce sens, apprendre, ce n’est pas substituer des connaissances nouvelles à des connaissances préalables mais bien transformer des connaissances préalables en connaissances nouvelles. On ne peut donc apprendre qu’avec des connaissances préalables. »

Lenoir (27) (2006) cite Knowles (28) M. S. ce qui nous apprend qu’il est indispensable de partir et de se centrer sur l’apprenant qui forme un groupe hétérogène avec ses partenaires de formation selon son niveau scolaire et son histoire personnelle.

L’andragogie doit tenir compte non seulement de ces deux paramètres et aussi des rythmes et des modalités de chacun en situation d’apprentissage.

« Nous ne pouvons enseigner directement à autrui ; nous ne pouvons que faciliter son apprentissage » « Une personne n’assimile parfaitement que les choses qui lui paraissent nécessaires au maintien de son moi ».

25 Docteur en sciences de l’éducation.

26 Sociologue belge, professeur à l’université de Namur.

27 Enseignant chercheur en sciences de l’éducation à l’Université Paris Ouest Nanterre.

28 Spécialiste américain de la théorie de l’éducation, notamment de l’andragogie.

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En situation de travail, cet auteur insiste sur le processus complexe qui transforme ces situations en support à l’acte d’apprendre. Cela demande à l’encadrement une étude précise des connaissances et savoir-faire mobilisés pour un acte précis afin d’en repérer les situations potentielles d’apprentissage. Ce rôle est pour moi dévolu au cadre de santé qui dans le cadre de ses missions détermine et identifie avec son équipe ces situations apprenantes. J’ai évoqué ici des situations formalisées par le collectif soignant mais il faut aussi prendre en compte ce que des auteurs qualifient d’apprentissages informels.

2.3.2. Les apprentissages informels

Carré, Charbonnier, (2003) les définissent comme résultant de :

« L’acquisition et/ou la modification durable des savoirs (déclaratifs, procéduraux ou comportementaux) produits en dehors des périodes explicitement consacrées par le sujet aux actions de formation instituées (par l’organisation ou par un agent éducatif formel) et susceptibles d’être investis dans l’activité professionnelle. »

Muller, (2016) se concentre dans le domaine de la santé, elle précise que ces savoirs informels ne sont pas évoqués dans le référentiel de formation en IFSI. C’est en débutant son parcours professionnel ou en changeant de poste que l’infirmier déstabilisé par de nouvelles fonctions dans une nouvelle spécialité nécessite de nouveaux apprentissages que l’on nomme « informels. »

Muller, A. confirme que ces apprentissages interviennent en dehors des principales structures d’enseignement et de formation conduisant à des certificats officiels. Ils sont considérés fréquents et fondamentaux mais ils sont difficilement quantifiables, disséminés et non formalisés. Elle cite Wenner M. infirmière et docteur en sociologie :

« […] constate qu’en milieu hospitalier les infirmières ou une équipe de soin apprennent des pratiques sur le terrain puis transmettent ces savoir à leurs pairs. […]

Cette relation d’échanges peut être assimilée à une forme d’autoformation sociale, de compagnonnage favorisant l’appropriation des savoirs et l’évolution commune des pratiques professionnelles. Les sources sont l’observation, la mémorisation, l’écoute des autres. »

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Les professionnels de santé en psychiatrie s’accordent pour définir que leur pratique s’appuie sur des éléments du quotidien, une réalité à partager avec des collègues pendant les pauses et les réunions informelles. Ce processus fait partie de la voie vers la professionnalisation que je vais évoquer.

2.3.3. La professionnalisation

Le référentiel de formation a pour objet de professionnaliser le parcours de l’étudiant en soins infirmiers (ESI). La professionnalisation est la ou les voies que l’étudiant va prendre pour devenir un professionnel. J’ai choisi de citer Wittorski (29) (2007) pour définir ce terme :

« La professionnalisation est un processus de formation d’individus aux contenus d’une profession existante […] Elle « met en scène » des acquis personnels ou collectifs tels des savoirs, des connaissances, des capacités et des compétences. Bien plus, nous pourrions dire qu’elle réside dans le jeu de la construction et/ou de l’acquisition de ces éléments qui permettront au final de dire que quelqu’un qu’il est un professionnel c’est-à-dire qu’il est doté de la professionnalité. »

Il présente un outil d’analyse de l’offre de professionnalisation et des dynamiques de développement professionnels des sujets. Il distingue six voies de professionnalisation :

- La première correspond au modèle de la formation « sur le tas » : les situations professionnelles nouvelles exigent de l’individu la production par tâtonnement et essais-erreurs de compétences nouvelles : il s’agit d’une logique de l’action. C’est l’apprentissage de l’étudiant infirmier qui effectue un soin technique accompagné de l’infirmier diplômé.

- La deuxième renvoie à la formation alternée entre la transmission de savoirs théoriques en classe et la production de compétences en

29 Professeur des universités en formation des adultes, spécialiste des questions relatives au rapport travail-formation et à la professionnalisation.

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