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Festival des films du monde Montréal août 1981

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Séquences

La revue de cinéma

Festival des films du monde Montréal 20-30 août 1981

Number 106, October 1981

URI: https://id.erudit.org/iderudit/51039ac See table of contents

Publisher(s)

La revue Séquences Inc.

ISSN

0037-2412 (print) 1923-5100 (digital) Explore this journal

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(1981). Review of [Festival des films du monde : Montréal 20-30 août 1981].

Séquences, (106), 13–24.

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Léo Bonneville

Le succès populaire que vient de remporter le 5e Festival des films du monde est réjouissant.

Plus de 132 000 personnes se pressaient aux portes du cinéma Parisien pour assister aux 250 séances de films durant 10 jours. C'est un record dont doit être fier le directeur Serge Losique.

C'est dire qu'il y a une clientèle pour toutes sor- tes de films et que le public de chez nous n'est réfractaire à aucune forme de cinéma. Car, durant ces dix jours, nous avons eu l'occasion de voir des films de plusieurs pays et par- ticulièrement des films de l'Europe de l'Est, de l'Amérique latine, de l'Afrique... Et Serge Losique a sans doute raison de reconnaître que les spec- tateurs du Festival des films du monde de Mon- tréal forment un«public cinéphile, intelligent et OCTOBRE 1981

curieux». Il fallait voir les queues qui s'allongeaient, tôt le matin, pour acheter des billets pour les nombreuses représentations.

Cela était à la fois réconfortant et pénible. Car certaines personnes ont dû attendre une heure et parfois deux heures pour être servies. La patience était récompensée. Toutefois je sais des gens qui n'ont pas eu le courage de passer une heure ou deux en file d'attente et qui ont renoncé au festival pour cette raison.

Heureusement que le beau temps a favorisé les cinéphiles tenaces. Tout de même, il faudra que la direction du Festival modifie et simplifie sa vente des billets, dès l'an prochain.

Ce succès mirobolant ne doit pas toutefois aveugler le directeur du Festival des films du monde et lui laisser croire que tout est parfait et qu'il suffit de continuer sur cette lancée. C'est vrai qu'il y a eu des améliorations sur les années passées. Par exemple, les représentations ont eu lieu presque sans anicroche. Cependant les soirées d'ouverture et de clôture à la Place des Arts doivent être remises en question. La séance d'ouverture a été particulièrement déplaisante:

un écran minuscule incliné et marqué par une couture centrale divisait l'image; une salle étouf- fante où l'air rafraîchissant parvenait au compte- gouttes. Bref, un lieu peu approprié au cinéma.

Je pense qu'il vaut mieux sacrifier quelques sièges plutôt qu'un film et songer à un endroit mieux équipé. Dieu merci, les salles du Parisien offraient de bien meilleures conditions. Tout de même, je comprends mal qu'on laisse pénétrer des gens dans les salles en buvant. Les spec- tateurs des séances suivantes doivent écraser des gobelets sous leurs pieds et les salles deviennent des poubelles publiques. C'est inac- ceptable. Je sais que le directeur du Con- servatoire d'art cinématographique de Montréal (qui est également le directeur du Festival des films du monde) ne tolère ni nourriture, ni boisson dans la salle de cinéma de Concordia. Alors pourquoi cède-t-il sur ce point durant le Festival?

Il y a suffisamment d'espace dans les salles d'at- tente du Parisien pour se désaltérer sans gêner les autres.

Tous les ans, on se plaint de la faiblesse des films en compétition. Cela devient une ritournelle assommante. Et cette année encore on l'a en- tendue. Faut-il pour autant supprimer la

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compétition? Personnellement je regretterais sa disparition. Je crois que la compétition est un ex- cellent moyen d'émulation et aussi un sujet d'intérêt. Parmi les films choisis pour la compétition, certains prennent du relief et quelques personnes s'affirment comme acteurs et actrices. Cela doit être pour les réalisateurs un encouragement et pour les interprètes une consécration. La compétition rend alors un réel service. Pour le public, c'est un attrait sup- plémentaire. Chaque jour, les spectateurs qui suivent la compétition se demandent quels films ressortent vraiment et méritent d'être primés. Et ainsi chacun y va de ses pronostics. Non, il ne faut par abolir la compétition. On se souvient du festival de Venise qui est mort justement a- près avoir supprimé trop cavalièrement la compétition. La morosité s'est installée au festival et il est décédé. Quand on a voulu le ressusciter, on a dû revenir à la compétition qui constitue un atout majeur du festival. Je défends donc la compétition. Je dirai toutefois que la direction du festival devrait faire un grand effort pour trouver de meilleurs films. Il y en a sûrement. Nous avons été surpris de la faible représentation dans la compétition de l'Italie et de l'absence de la Grèce, de l'Angleterre, de la Tchécoslovaquie... Sans doute qu'une recherche plus intense aurait pu améliorer la qualité des films en compétition. Bref, il faudra faire un réel effort pour étoffer cette section qui suscite une juste curiosité. On a beau dire que le défunt Festival du film de Montréal ne comportait pas de films en compétition, cela n'est pas une raison valable pour la supprimer, d'autant plus que le Festival des films du monde est le seul festival compétitif en Amérique du Nord. C'est un titre qu'il faut défendre.

Il faut reconnaître que les différentes sec- tions comportaient des oeuvres remarquables. Et il faut féliciter la direction du festival d'avoir don- né une chance aux jeunes qui pratiquent le Super 8 en leur consacrant un écran. L'assistan- ce nombreuse à ces films de débutants est pour eux un encouragement précieux.

Ce qu'il faut noter, c'est que toutes les séan- ces de toutes les sections ont été suivies abon- damment. Ce qui prouve encore une fois qu'il n'y a de discrimination ni pour les pays, ni pour les genres, ni pour les formats. C'est dire aussi qu'il y a de la nourriture cinématographique pour tous les spectateurs. C'est reconnaître de plus que le Festival des films du monde peut satisfaire tous les appétits et qu'il n'est pas réservé à des gour- mets sophistiqués.

Si la direction du festival n'est pour rien dans les réceptions qui se tiennent durant ces dix jours, il faut regretter la soirée de clôture organisée par le Secrétariat d'Etat (Ottawa) et l'Office national du film. Cette soirée groupait des gens de tous pays dans les salons de l'Hôtel Régence Hyatt de Montréal. Quand on accueille des invités chez soi, on a soin de les traiter décemment. Or, les recevoir avec des chips (sic), des peanuts (sic) et des pretzels (sic) m'apparaît presque un affront. On a beau parler d'inflation et de restriction, il me semble que le Canada n'est pas encore un pays sous- développé. Si on ne peut faire les choses con- venablement, il vaut mieux s'abstenir. Ainsi on évite la honte et l'honneur est sauf.

Quant aux conférences de presse, elles sont toujours utiles. Comme elles sont placées dans l'après-midi et parfois se suivent au nombre de quatre, comment y participer sans sacrifier souvent des films importants inscrits dans différentes sections? On devrait revenir à un horaire plus flexible et présenter les films dès 9 heures le matin. Ainsi les critiques pourraient respirer un peu et se mettre quelque chose sous la dent avant d'aller rencontrer réalisateurs et in- terprètes.

Le 5e Festival des films du monde vient de s'affirmer sans équivoque. Cette manifestation est entrée dans nos moeurs estivales. Chaque été maintenant, Montréal donne rendez-vous à tous les cinéphiles qui accourent en foule. Il reste que la direction du Festival ne peut dormir sur ses lauriers. L'an prochain, aux mêmes dates, elle devra faire encore mieux et corriger les imperfections signalées. Nous savons qu'elle peut toujours relever les défis. 1982 n'est pas loin.

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L'ANNÉE PROCHAINE SI TOUT VA BIEN (France) 1981

Les festivals nous donnent peu d'occasion de rire franchement. C'est pourquoi il faut saluer hau- tement L'Année prochaine si tout va bien de Jean- Loup Hubert qui a eu le courage, dans son premier film, de se moquer de lui-même d'une façon fort amusante. Mais, à travers son propre portrait, il a tenté de tracer en même temps celui des gens de sa génération, c'est-à-dire celle qui a suivi mai 68. Cet homme frêle, victime de crises cardiaques imagi- naires, est un malade heureux. Vivant aux crochets de son amie, il est le créateur du personnage de Wanda dans une bande dessinée. Et constamment ce personnage fictif se mêle de ponctuer le récit.

Cela donne un ton fort joyeux au film qui se pour- suit sur des notes d'humour. Car cet homme est un peu douillet. Sa copine le sait bien et les situations ne cessent de créer des imbroglios hilarants. Rien de catastrophique tout de même. Le mariage sera célébré à la grande joie de toute la parante. Et ainsi, dans la plus saine bonne humeur, les choses finissent par se tasser honorablement.

Il faut reconnaître que Jean-Loup Hubert a le don du comique. Il a su trouver, pour interpréter son propre personnage, l'acteur Thierry Lhermite qui, par sa prestesse, sa nervosité, sa spontanéité, donne au film un rythme qui ne lasse jamais. C'est que nous nous sentons dans la vie où tout est si na- turel que le spectateur prend plaisir à voir évoluer avec aisance les personnages. Voilà une comédie venue de France qui nous permet de prendre un bain de fraîcheur.

Léo Bonneville

BUTTERFLY (États-Unis) 1981

Une plaine déserte, balayée par le sable. Il fait chaud, lourd, même. Un homme, seul, dont on per- çoit la rigueur, la solitude et le travail dur. Peu après arrive une espèce de sauvageonne blondasse, dépenaillée, qui fait des mines de chatte devant une assiette de crème, et qui — la maudite gamine — prétend être sa fille, à 17 ans! Ceci est le noeud premier d'une ficelle d'intrigues qui, à la fin, inex- tricablement mêlées, embrouillent totalement le spectateur sans pour autant l'intéresser ou l'émouvoir. Dans la deuxième partie du film, le

réalisateur, manifestement peu expérimenté, tente de réveiller (au propre et au figuré) l'intérêt dudit spectateur qui a depuis longtemps renoncé, non seulement à comprendre, mais même à suivre. Par une série de coups de théâtre. C'est ma fille. — Non, je ne la suis pas. — J'ai couché avec elle en la forçant. — Pas du tout, je l'ai provoqué. — Je suis son père. — Ce n'est pas vrai, c'est mon oncle, Etc... ayant lieu dans le tribunal sommaire où se liquide cette sordide affaire d'inceste, de meurtre, de passion coupable et de sensualité soi-disant débridée, le réalisateur tente vaillamment de défaire ce qu'il a fait. Hélas! le spectateur, bien réveillé en- fin, suit avec une hilarité croissante cette ac- cumulation ubuesque, défendue par des comédiens qui ne savent pas leur texte, et ont du mal eux- mêmes à garder leur sérieux. Stacy Keach a rarement eu un si mauvais rôle; la petite, PiaZadora joue — mal, mais mal — les allumeuses cochonnes déguisées en femme-enfant et seul Orson Welles dans le rôle du juge, à la fin, à l'autorité voulue pour mettre dans sa voix juste assez d'ironie pour détruire le peu de vraisemblance qui aurait pu rester aux dernières séquences. Mais au moins lui, qui s'en fiche complètement, s'amuse franchement. On le voit et on rit avec lui. Parodie involontaire du film noir américain des années 30, (inspiré par un roman de James Cain), le film bascule dans le ridicule.

Patrick Schupp

CARBON COPY (États-Unis) 1981

Après Greased Lightning et Which Way Is Up?, voici que Michael Schultz nous donne Carbon Copy.

De quoi s'agit-il dans cette copie conforme? D'un homme qui mène une vie plutôt rangée avec sa fem- me et sa belle-fille. Un jour, survient un jeune hom- me de race noire qui affirme être son fils illégitime.

Et avec une désinvolture toute naturelle, le garçon impose sa présence. Vous voyez d'ici les imbroglios que cela suscite et les embarras dans lesquels se trouve l'homme d'affaires au bord de la quarantai- ne. L'auteur nous dépeint ainsi les difficultés de préserver la respectabilité américaine. Si le jeune homme ne se sent aucunement gêné par la situa- tion, par contre, le père et son épouse se trouvent très mal à l'aise avec cet «étranger» à la maison. Le film se voit sans difficulté, les acteurs rendant leur rôle avec simplicité et naturel. Hélas! il n'apporte OCTOBRE 1981

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pas grand chose de nouveau au cinéma américain, véhiculant les clichés rebattus sur la famille et le racisme. C'est un film honorablement commercial.

Il n'y a rien de plus à en dire.

Léo Bonneville

CAUTION TO THE WIND (Espagne) 1980

Après la logorrhée verbale de Patrimoine national de Luis Berlanga présenté en hommage, voici le crétinisme assommant de Carlos Mira. Si l'on excepte l'admirable Noces de sang de Carlos Saura inscrit hors concours, il faut avouer que le cinéma espagnol ne nage pas dans la béatitude. Ce film insipide nous présente un homme qui, obsédé par une chanteuse de passage, se claustre chez lui pour savourer ses phantasmes. Malgré les in- terventions des parents, du curé et de la police, il ne bouge pas. Conséquence: on l'enferme dans un asile d'aliénés. Et c'est là que le réalisateur déraille lui aussi. Qu'il s'en prenne à la direction religieuse de l'institution et qu'il dénonce la rigueur des traitements qu'on y donne, pourquoi pas? Mais que, pourvu d'une imagination biscornue, il nous assaille d'insanités plus grotesques et scabreuses les unes que les autres, cela ne va plus. Et que le spectateur doive supporter pendant plus de quatre- vingt-dix minutes ce galimatias outrancier, quel supplice inutile. Il comprend mal d'ailleurs que cet- te ineptie ait connu les chemins de la compétition.

Vraiment le cinéma espagnol patauge dans l'in- congru.

Léo Bonneville

THE CHOSEN (Etats-Unis) 1981

The Chosen ou les élus de Dieu devenus ceux du Jury. C'est le grand prix des Amériques, celui de l'interprétation masculine pour Rod Steiger, une des mentions spéciales de Jury oecuménique et pour vous peut-être, devant tant de gratifications, celui que vous seriez tenté d'imaginer comme le chef-d'oeuvre possible et probable. Loin de là, il n'en a pas la prétention ni la nature. Il est cette étude de moeurs honnête présentée proprement et sans éclat dans l'espoir de renseigner et de plaire. Il est gentil, je ne trouve pas mieux.

Adapté d'un roman de Chaim Potok, le film est de Jeremy Paul Kagan et raconte l'essor de deux I6

tumultes, un gros et un petit. Le petit, c'est l'holocauste juif de la seconde guerre mondiale. Le plus gros, c'est une partie de baseball avortée au coeur de Brooklyn. D'une balle, un adolescent en a blessé un autre et de cela naîtra une amitié. C'est vous dire combien il s'agit d'une chose grave et comment The Chosen redonne aux valeurs des hommes tout le poids qu'il se doit. Reuven Walter est le fils d'un professeur spécialisé en affaires juives qui lutte pour l'état d'Israël. Danny Saunders a un papa très particulier: il est le chef mystique d'un groupe «d'Hassid», secte juive fanatique, dont le fondamentalisme, et je m'aventure, s'approche d'une forme de Témoins de Jéhova pour sémites. In- terprétation des écritures à la lettre, vie de rigueur sans porte ouverte aux jours modernes, sans musée, sans autre lecture, pire sans cinéma. Peu de rapport donc, sinon le seul fait d'être Juif, entre le papa dévot qui n'imagine que le Messie pour fonder une terre promise et l'autre qui entreprend une démarche politique concrète. Des convictions valables et belles mais si divergentes que l'amitié

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des jeunes gens s'en retrouvera ébranlée. Ebranlée comme le monde, ébranlée comme le Juif.

Vous l'aurez deviné, on trouve beaucoup d'in- timisme et d'humanité dans cette chronique des valeurs humaines où le bon monde se partage le bien penser. Une certaine force du dedans aussi que Rod Steiger devenu pont entre ciel et terre n'est pas sans enrichir. Dommage qu'au delà des mérites du fond, la forme soit finalement si peu inventive et que le discours lui-même en arrive a basculer dans une spiritualité assez didactique. Je crois bien que si ce n'était de la savoureuse interprétation de Rob- by Benson dans le rôle de Danny, étrange et presque burlesque, je me permettrais de préférer à The Chosen, dans une même ligne de pensée, Lies My Father Told Me, plus sensible et moins lourd. Au risque de paraître païen, je vous confierais volon- tiers que trop de vérités me donnent le cafard. Un cafard qui pèse et j'aurais si peur de vous ennuyer.

Jean-François Chicoine

CHRISTIANE F. (Allemagne) 1981

Aux confins des trottoirs et des bouches de mé- tro, il était une fois, à Berlin, une pauvre gamine qui s'appelait Christiane F., F. car tout de même assez fluette. Elle avait 13 ans et sa maman l'aimait mal.

Elle habitait une société de béton et de «tout pa- reil», vous savez, ce genre de société stérile qu'on dit déshumanisante. Etes-vous bien sûr de com- prendre de quel genre de société il s'agit? Je me permets de continuer. Christiane idolâtrait David Bowie pour lequel d'ailleurs elle m'a fait subir un show, mais alors là, un show interminable. Elle ai- mait aussi Detlev, un copain avec lequel elle com- mença à prendre, et en cachette, vous le devinez, j'en suis sûr, vous êtes venu pour cela, oui, c'est ça, de la drogue. Puis tellement de drogue qu'elle ne vécut finalement que pour cela. Toujours elle se pi- quait où et quand elle le pouvait. Mais souvent elle s'injectait planquée dans les toilettes. Ce qui fait qu'à la longue, moi qui regardais, j'étais un tan- tinet lassé d'être sans cesse confiné aux toilettes.

Mais je ne me plaignais pas car il arrivait des choses bien pires à Christiane. Curieusement, pour se pro- curer de l'argent, elle n'avait pas eu l'idée de voler:

elle se prostituait. C'est ainsi que j'avais eu droit à l'habituel zoo humain: l'homosexuel, le sadomaso- chiste et celui qui crève de l'ingestion de strychni- ne. Ici et là, mon idole tentait un sevrage mais ça la faisait vomir et ça m'ennuyait beaucoup. Ce n'est

qu'une véritable cure de désintoxication qui a fina- lement semblé avoir raison de son mal. Elle a 19 ans aujourd'hui. Elle est morte propre, ce qui m'étonne un peu. Elle a écrit un livre qui a fait un boom international. À l'image de son passé, elle est héroïne. Ulrich Edel, qui pourrait bien demeurer Ul- rich E., a fait d'elle un film auquel elle aurait elle- même participé. Ça ne m'a pas plu. C'est un premier film. Facile et sans surprise, il n'est ni réflexion qui intrigue, ni non plus ce cri de détresse susceptible de nous émouvoir. Il est superficiel, accrocheur et dominé par l'empire du tape-à-l'oeil. Il manque de sang dans les veines: elles ont toutes crevé. Son manque de maîtrise et de structure dramatique l'o- blige à constamment se répéter. Les premières ima- ges nous apprennent la suite. On dirait une entrepri- se de récupération. Du reste, il est bien joué et son contenu n'est pas faux, loin de là. Le mythe du chanteur, l'amour instantané, les symptômes du se- vrage, les enfants qui, même à 13 ans, luttent pour leur survie, sont des réalités existantes, des réalités qui nous auraient peut-être secoués, il y a quinze ans. Qu'on ne tente pas de nous les révéler avec des airs de dénonciateurs. Qu'on ne cherche pas non plus à nous révolter. Les adolescents eux-mêmes ont dépassé cela; ils ont depuis le temps lutté pour leur sexualité et défendent aujourd'hui le retour à la nature. Je suis étonné vraiment du succès commer- cial du film en Allemagne autant que de l'ovation qu'il a reçue au festival. Peut-être qu'au delà de l'idée, c'est plus la violence physique et morale qui réussit à plaire. Quant à moi, je balaierais bien tout cet acné.

Jean-François Chicoine

LA DAME AUX CAMÉLIAS (Italie /France) 1980

Cette vingt-deuxième réalisation de l'histoire d'Alphonsine Plessis est signée Mauro Bolognini.

En quoi diffère-t-elle des précédentes? Etait-elle vraiment nécessaire? Voilà deux q u e s t i o n s auxquelles je voudrais apporter quelques éléments de réponse.

Cette r é a l i s a t i o n privilégie d'une f a ç o n imméritée le père d'Alphonsine Plessis et sans doute est-ce pour cela que le rôle a été confié à Gian Maria Volonté, pourtant si admirable dans Le Christ s'est arrêté à Êboli (pour citer un film récent). Ce personnage ignoble qui exploite sa fille d'une façon

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honteuse s'impose avec une acuité désordonnée.

De plus, les personnages des Dumas apparaissent comme des êtres bizarres aux moeurs équivoques.

Quant à Alphonsine Plessis, il apparaît rapidement qu'Isabelle Huppert n'a rien d'une séductrice et d'une beauté irrésistible qu'était, paratt-il, la célèbre courtisane. Si elle marquait le temps dans La Den- tellière, ici, elle alourdit le film par une présence stagnante. D'ailleurs toute la mise en scène est un exercice de virtuosité, le réalisateur ayant cherché à profiter de décors somptueux, de costumes sans cesse renouvelés pour donner l'impression d'un monde sophistiqué dans lequel trafiquait la com- plaisante Alphonsine. Il faut dire que la musique d'Ennio Moricone n'arrange pas les choses. Elle rend le film plus pesant encore et le prive de toute émotion. Le spectateur ne semble pas touché par cette histoire à la fois révoltante et misérable. Et les quintes de la pauvre Alphonsine n'arrivent pas à provoquer la pitié. On peut dire que tout ce fatras étouffe littéralement la célèbre prostituée. Et pour répondre à la deuxième question, il faut bien avouer que cette vingt-deuxième réalisation apparaît assez vaine. La grandiloquence des images sied mal ici à un récit qui aurait demandé plus de sobriété pour être convainquant.

Léo Bonneville

DESPERADO CITY (Allemagne) 1980

Ce film de Vadim Glowna se veut un reflet de la désespérance qui habite les jeunes de 15 à 24 ans en Allemagne de l'Ouest. Évidemment, cela vaut aussi pour tous les pays industrialisés. Ces jeunes ne se sentent pas à leur place dans un société dont ils refusent les valeurs.

Desperado City nous propose un monde aux prises avec des conflits existentiels. Le film couvre quatre jours dans la vie de Skoda. Le premier jour, on fait la connaissance de Skoda qui est chauffeur de taxi durant la nuit. Il rencontre une fille qui veut aller à la gare. Elle en revient, parce qu'elle se sent poursuivie. Plus tard, on démolira son appartement.

Le deuxième jour, on nous présente Liane, une fille d'origine modeste. Elle quitte son emploi d'une façon fracassante. Elle rencontre Skoda. Ils sym- pathisent.

Au fur et à mesure des rencontres, on com- prendra que Skoda est un fils de riches. Il fait du 18

taxi pour Eva, une veuve qui voudrait se l'accaparer.

Après la mort d'Eva, Skoda sera battu par ceux qui veulent venger la mort d'Eva. Skoda qui ne rêve que d'évasion vers l'Amérique ira voler son propre père pour s'enfuir avec Liane vers la Terre promise. Il connaîtra une fin tragique.

Ce film ne sent pas la thèse à pleine pellicule.

Au contraire, c'est peu à peu qu'on découvre l'univers de ces personnages bien en chair qui nous livrent leur désespérance de vivre sans donner dans le spectaculaire. De plus, le film, sous des allures décontractées, s'affirme d'une belle facture. Un film désespéré, certes, mais qui nous fait espérer d'autres réussites de la part de ce réalisateur qui en est à sa première oeuvre.

Janick Beaulieu

EL CRACK (Espagne) 1981

Peu de choses à dire sur German Areta, détec- tive privée sauce Espagnole, dans un Madrid assez sordide pour avoir des airs de New York. Peu de choses sinon qu'il a le sens du détail d'un Columbo, le pragmatisme d'un Hercule Poirot mais que de lui surtout on a voulu faire une sorte d'Humphrey Bogart ibérique, finalement sans surprise, dans un pastiche «American Dream» des films noirs des années trente. Pour lui, la grosse affaire: retrouver Isabel Medina, une fille dont le papa a perdu la trace depuis trois ans. Comme nous, il apprendra son passage louche dans un salon de massage, puis son accession à la prostitution de luxe aux côtés de grands de ce monde. Il veut en savoir trop long:

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on lui piège son automobile, mais c'est la fille de sa petite amie qui va sauter. El Crack. Un peu de sen- timentalisme et de tango des «mères Courage». Là débutera la vengeance de German Areta.

Ce pas très gros film de José Luis Garcia est bien fait, assez bien raconté et pas mal joué. Sans nécessairement renouveler le genre, le réalisateur aurait pu nous raviver les esprits ou même nous amuser aux dépens de toute une génération de pellicules et de stars. Le film est trop pareil à tant d'autres, sérieux et pas assez satirique pour qu'on réussisse à en rire. Le pastiche se fait copie. La copie traîne, interminable, et n'excite plus per- sonne. Bien sûr, il y a du cinéma là-dedans, quelques moments hors du commun comme ce crime qu'on commet dans les lavabos sur un air de La Traviata ou de discours off sur bande magnétoscopique. Mais ce ne sont là que brisures de rythme au sein d'un boléro un peu gris qui tourne à mauvaise vitesse. Si l'air vous en dit.

Jean-François Chicoine

EN PLEIN JOUR (Pologne) 1980

Il faut quelques notes historiques pour com- prendre ce film. Au début de ce siècle, la Russie, la Prusse et l'Autriche se partagent la Pologne. Aussi des mouvements souterrains s'organisent pour libérer le pays des envahisseurs. Le protagoniste du film, surnommé Blanc, vient de liquider un officier de police russe. Il est arrêté, puis relâché malgré les soupçons qui pèsent sur lui. Chargé d'une seconde mission, il doit aller abattre un écrivain réputé, ac- cusé de collaborer avec la police russe. Blanc se rend d'abord à Cracovie pour assister au procès privé de sa future victime, mais les preuves ne le satisfont pas. Tout de même, il suivra «son homme»

jusqu'à Rome pour procéder à l'exécution. Mais...

Le récit nous tient en haleine du début à la fin. Il ne faut pas croire que nous avons affaire ici à un film policier tendu par un suspense hitchcokien.

Non. Le protagoniste est un personnage froid, discret et obéissant. Une figure figée qui a expulsé tout sourire. Ce qui ne l'empêche pas d'être sym- pathique et de s'éprendre de la belle Eva, épouse d'un des chefs de la conspiration (Krystina Janda que nous avions connue dans L'Homme de marbre, dans Le Chet d'orchestre et récemment dans L'Homme de 1er). Mais le climat est à la fois mystérieux et ténébreux. Les personnages ne

parlent que pour dire le nécessaire. Blanc, malgré les va-et-vient, reste fidèle à sa mission. S'il flanche finalement, c'est que la certitude a flanché d'abord.

Ainsi est-il tacitement soumis à un débat difficile:

sa conscience ou son devoir. C'est sa conscience qui l'emporte. Mais il paiera fatalement. Car l'organisation transcende tout.

Un film qu'il suffit de voir pour le suivre, l'aimer et l'apprécier. Un très bon travail de la part du réalisateur, Edward Zebrowski, du photographe et des acteurs. Au fait, En plein jour n'aurait-il pas un sens symbolique?

Léo Bonneville

THE 5TH MOVEMENT (Japon) 1981

Un charmant film, naïf et grave, qui veut dénon- cer, et qui ne fait qu'effleurer les grands problèmes sans les résoudre ou même les faire partager au spectateur un peu indifférent: l'existence d'un or- chestre p h i l h a r m o n i q u e dans une ville est sérieusement menacée lorsque la grosse com- pagnie qui le commandite décide de retirer son aide financière. Inspiré par un fait authentique qui secoua le vie musicale nippone en 1972, le film suit les péripéties vécues par les musiciens pour, premièrement faire survivre l ' o r c h e s t r e , et deuxièmement effectuer tout de même la tournée prévue dans le nord du Japon avec, comme chef in- vité, Aram Khatchaturian. À la défection de celui-ci, pour cause de santé, les musiciens affolés vont trouver le chef qui jadis fonda l'orchestre. Il accepte de diriger les concerts de tournée qui, bien entendu,

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seront des succès. L'orchestre est sauvé et le spec- tateur peut respirer. Une gentille histoire d'amour sous-tend le propos social, et les quatre mouve- ments de la 8e symphonie de Dvorak, celle dite «du Nouveau Monde» accompagnent les phases ou révolution des sentiments comme des événements.

Cela ne va pas bien loin, la technique est naïve ou simpliste, ainsi que le montage, et le film se voit sans ennui comme sans intérêt.

Il faut dire que, peu de temps avant, j'avais vu Le Chet d'Orchestre de Wajda. Et comme certains thèmes sont communs aux deux films qui tentent, chacun de son côté, de provoquer une réflexion et sur la musique et sur la façon dont on la vit, je dois avouer que le film de Seijiro Kohyama pèche par comparaison, et gravement. C'est dommage, car vu en soi, cette petite oeuvre illustre bien, et clairement, à sa manière, les problèmes d'existence et de survie auxquels sont sujets les entreprises ar- tistiques d'aujourd'hui, que ce soit dans la musique, ladanse, lecinémaou la peinture...

Patrick Schupp

GARDE À VUE (France) 1981

Trois années se sont écoulées depuis la réalisation de Dites lui que je l'aime. Je me suis alors permis un petit plaisir et lui ai dit à mon tour:

«Claude Miller, je vous aime. Vous êtes l'un des cinéastes les plus personnels des écrans de France et d'ailleurs. Vous êtes l'équivoque, l'ambiguïté des passions étranges. Je sors de vos films dans le doute de les avoir compris et la certitude de les avoir aimés. Si les êtres que vous dessinez

culbutent sur eux-mêmes, nous glissons nous aussi. Expliquez-moi la meilleure façon de mar- cher.»

Sa formation est avant tout celle d'un scénariste. Il a été longtemps directeur de produc- tion pour François Truffaut et c'est en 76 qu'il nous présente de son cru à lui La meilleure façon de mar- cher avec Patrick Dewaere, étonnant dans une variation baroque sur l'humiliation. Deux ans plus tard, c'est au tour de Gérard Depardieu d'être écor- ché en lui-même, méconnaissable dans Dites-lui que je l'aime. Puis, en août dernier, Claude Miller venait nous présenter Garde à vue, à l'époque en- core inédit en France, et pour lequel il est reparti avec la palme on ne peut plus justifiée du meilleur scénario. Lino Ventura, Michel Serrault et Romy Schneider s'y arrachent éclats d'âmes et de mots.

On ne peut imaginer plus fascinant assemblage de

«monstres».

Garde à vue s'amorce sur un air de boîte à musique, la nuit magique du nouvel an, alors que l'inspecteur Gallien a sollicité la présence de maître Martinaud, principal témoin dans l'autopsie du meurtre de deux fillettes. Le face-à-face se corsant, le notaire devient suspect. Le policier a de l'instinct, l'autre, une saveur fourbe. Pêcheur et anguille, ils atteindront des sommets. Une main, un regard, puis le témoignage de Mme Martinaud, intrigante, direc- te et sans espoir. Les personnages se débouton- nent alors que les fautes se confondent. La pénalité légale n'est rien devant l'échec d'une vie entière.

Adaptation libre de Claude Miller et Jean Her- man d'un roman de John Wainwright, «A table», Gar-

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de à vue a été entièrement tourné en studio.

D'aucuns lui trouveront ainsi une forme théâtrale et statique: ils auront raison. Il n'est pas impossible que ça puisse déplaire. Par contre, le montage im- briqué de retours en arrière amenuise en ce sens le problème, permettant même une sorte de con- struction visuelle quasi surréaliste. D'autres seront gênés par le thème du film qui n'est pas de la toute dernière originalité. Garde à vue pourtant est l'un de ces rares films qui ne tombent jamais dans le piège de l'histoire. C'est un jeu sans repos du dominé au dominant. C'est un huis-clos au verbe mordant où Ventura, acharné, dans son rôle le plus impeccable arrache ce qui reste d'ironie et de mensonge à un Serrault plus ambigu et merveilleux que jamais. Je mentirais pour eux.

Jean-François Chicoine

JE T'AIME (Brésil) 1981

Cela commence par une déclaration à la télévision. On y dénonce d'une façon humoristique le «merdier national». Paulo, un chef d'entreprise en faillite que sa femme a abandonné, se lance à la recherche de la «palpabilité»: il essaie d'expérimen- ter les différentes étapes entre l'amour et le déisr.

Pour ce faire, Paulo invite chez lui une certaine Monica qui s'appelle Marie. Elle se fait passer pour une putain de luxe, alors qu'en fait elle en avait assez des absences prolongées d'Ulysse, son pilote de mari qu'on nous présente comme un névrosé de la guerre. Cette charmante faune s'en donne à corps joie durant près de deux heures dans l'ap- partement baroque de Paulo. De l'amour sous tous les angles: masochisme, fétichisme et autres trucs du genre. Tout un appareillage électronique pour multiplier les ébats de ses victimes consentantes du désir amoureux.

Un des personnages de Je t'aime porte lui- même un jugement sur toute cette démonstration nébuleuse en disant que tout tombe dans le «sor- dide mélo». Il ajoute: «Ce n'est plus de la psychologie, c'est de la politique». Et j'ajouterai que ce n'est même pas de la politique, à moins que la politique du réalisateur, Arnaldo Jabor, ne consiste qu'à nous dévoiler les charmes de la belle Sonia Braga. Ce film, commencé dans un élan baroque, s'applatit dans la confusion qui n'en finit plus de s'étirer en longueur. De l'érotisme de qualité? Non, c'est ennuyeux à dormir debout. Ce film n'a de profond que son ennui.

Janick Beaulieu

KINGS AND DESPERATE MEN (Canada) 1981

Butterfly n'était déjà pas bon. Que dire alors de Kings and Desperate Men? Je reprends le program- me: «Un groupe de terroristes-militants (pour qui?

pour quoi?) assiègent une station radiophonique dont ils réussissent à s'emparer» (Voilà une idée brillante, plausible, logique et bien pensée! Avec de telles prémisses, on se demande à quoi on va aboutir.) «Ils intentent alors, sur les ondes, (voyez l'audace et la crédibilité de l'ensemble!) un procès au juge et au système social qui les ont i r r é s i s t i b l e m e n t condamnés.» On c o m p r e n d pourquoi — mais on n'est pas allé assez loin: c'est aussi le réalisateur et le scénariste qu'il aurait fallu condamner! -

L'interprétation est au niveau du scénario. Il y a d'abord et surtout Patrick Me Goohan qui cabotine comme je ne pensais plus qu'on était capable de le faire depuis que Mounet-Sully et Charles Laughton sont morts. Mais eux, c'était de grands acteurs! Il y a aussi l'aberrante Margaret Trudeau dont on se demande où elle était la pire: en représentation avec Pierre-Elliott ou en train de bêtifier sur l'écran... Et c'en est remarquable: elle n'a pas trop de répliques, Dieu merci! Eh bien! elle trouve le moyen de les rater toutes, de dire faux d'un bout à l'autre. Il faut le faire! Je me suis laissé dire que la pauvre avait dû quitter la salle le soir d'un visionnement public par une petite porte dérobée, sous les huées de la foule... Et dire que c'est avec notre argent qu'on commet de telles atrocités qui, en l'occurence, deviennent une véritable indélicatesse. Ça, un film de festival? Je ne lui aurais même pas donné le visa d'exploitation en salle: je l'aurais mis en deuxième film d'un programme de ciné-parc populaire avec un Elvis, par exemple. Et je pense même que c'est faire injustice au pauvre Elvis qui lui, au moins, ne jouait pas si mal, et surtout n'avait pas tant de prétention!

Patrick Schupp

LE MERLE BLANC (Russie) 1981

J'avoue m'être laissé un peu séduire par le début du Merle blanc de Valéri Lonskoi. Une salle immense pleine de danseurs qui se laissent aller au rythme disco. Un chanteur qui exécute une chanson américaine. On entend même un ingénieur déclarer ouvertement: «Chacun vit pour soi. On ne s'unit que OCTOBRE 1981

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pour faire des saletés.» Ce n'est pas tout. Plus tard, on a même droit à une chicane de ménage. Et il flot-

te au-dessus de tout cela un je ne sais quoi de léger et de triste qui nous invite à sourire tendrement.

Mais, on s'aperçoit qu'on a été piégé. Ce qui se présente comme neuf ou terre a terre n'est que superficiellement traité au profit d'une morale of- ficielle qu'on n'arrive pas à prendre au sérieux, par- ce qu'elle se refuse à mettre bas les masques.

Yégor Ikinnikov se trouve dans le Midi, parce qu'on lui a offert un voyage afin de le récompenser de son travail exemplaire en qualité de mineur. On nous le présente comme «un brûleur de vie» qui flir- te avec plusieurs filles pour finalement s'enticher d'une certaine Sonia. Après les vacances, Yégor va la relancer jusque dans son village natal. Il tombe sur une fête préparée à l'occasion de l'anniversaire de son mari. Sonia, qui n'en peut plus de ressentir l'indifférence de son mari, va demeurer avec Yégor chez une amie. Et, brusquement, le ton change.

Convenance oblige. Sonia retournera chez son mari, parce que, sans elle, il ne pourra pas tenir le coup.

Le film ramasse en cours de route un certain nombre d'invraisemblances. Mais, le plus difficile dans toute cette affaire, c'est d'arriver à croire à l'authenticité des personnages. Le réalisateur sem- ble traiter ses protagonistes comme des adultes responsables. Mais, à la première extravagance, il leur retire toute autonomie. C'est prendre le spec- tateur pour une marionnette ou un naïf aux yeux clos. La salle n'a pas marché. Elle avait raison: les sentiments ont des lois que même le cinéma alimentaire se doit de respecter.

Janick Beaulieu 22

MICHIKO (Japon) 1981

Michiko est une actrice japonaise qui fut soudain frappée de paralysie partielle à l'âge de trente-quatre ans, perdant par le fait même l'usage de la parole. Un long travail de réhabilitation lui a permis de recommencer à parler et elle s'est ap- pliquée à la peinture pour compenser la perte de ses activités normales. Son mari, Takayuki Nishie, se trouvant être cinéaste, il a enregistré sur pellicule diverses étapes de cette évolution. À travers cette vision documentaire s'alimentant à même l'intimité d'un couple, on est frappé par le courage de cette femme exceptionnelle qui a su surmonter son handicap avec un optimisme in- vincible et réussir des oeuvres d'un art naïf coloré et touchant. Malheureusement, on est beaucoup moins impressionné par le travail cinéma- tographique de son époux qui a trop souvent cru que la bonne volonté suppléait au manque de savoir-faire. Par inexpérience ou par insouciance, il a bouleversé l'ordre chronologique sans se préoc- cuper de fournir des points de repère et a omis des détails importants qu'on ne trouve que dans la documentation fournie sur le film. La mise en place de diverses scènes est souvent d'une maladresse insigne et les détails manquent pour bien com- pren dre certai ns passages.

Robert-Claude Bérubé

SALAM ON 1981

& STOCK SHOW (Hongrie)

Oeuvrant en équipe depuis des années, deux ar- tistes de music-hall se séparent lorsque leur numéro a une chance de passer à la télévision, le patron de la boîte où ils travaillent ayant décidé que le remplacement par une jolie fille de l'un des par- tenaires aurait pour effet de renouveler la per- formance. Se croyant, à bon droit, trahi par son compagnon, le chanteur évincé cherche à exercer sa vengeance jusqu'à ce que tout s'arrange en fina- le. Il y a dans ce film une recherche de baroque as- sez intéressante, mais cela s'accroche à une intri- gue racontée par à-coups et handicapée par de cu- rieux trous dans ledéveloppement. C'est ainsi quela conclusion arrive comme par surprise sans conti- nuité logique avec ce qui précède. Le réalisateur semble beaucoup plus préoccupé par les effets mo- mentanés que par limpression d'ensemble. Croirait- SÉQUENCES 106

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on qu'il s'agit du même Pal Sandor dont on avait présenté, il y a quatre ans, un curieux film stylisé sur la période de l'occupation, Un Flôle étrange. Ici, la mécanique apparaît grinçante dans sa mise en place d'un «show-biz» tapageur où rôde la hantise de l'échec. Comme on est loin de Cabaret.

Robert-Claude Bérubé

SALLY AND FREEDOM (Suède) 1981

Les fidèles de Bergman ont sans doute remarqué le nom du célèbre cinéaste au générique de ce film suédois; mais il figure ici uniquement en tant que producteur. Il s'agit d'une réalisation de l'une des actrices de sa troupe régulière, Gunnel Lindblom, dont les rôles les plus mémorables furent ceux de Mara la noire dans La Source et de la soeur nymphomane dans Le Silence. Sally and Freedom n'est pas son premier essai à la mise en scène d'un film; déjà, il y a quelques années, certains cinéphiles ont pu apprécier, lors d'une semaine de films suédois, Paradis d'été, oeuvre fort parente dans sa conception et son déroulement. C'est naturellement de la condition féminine qu'il est ici question sans qu'il s'agisse pour autant d'un tract féministe. Centré sur les tribulations d'une jeune femme insatisfaite à l'aube de sa trentaine, le scénario ouvre aussi des aperçus sur maintes autres situations vécues par d'autres femmes dans une Suède en transformation. L'idée est bonne d'avoir fait de l'héroïne une travailleuse sociale, même si elle semble manquer parfois de la maturité pour régler ses propres problèmes; que dire de ceux des autres? Cela évite de fermer l'étude sur un cas de narcissisme, d'auto-centrisme maladif. Cela per- met aussi d'introduire au moins un personnage ap- paremment équilibré, celui de la supérieure immédiate de Sally, interprétée d'ailleurs par Gun- nel Lindblom elle-même. Sally, mariée trop jeune après une enfance couvée, traverse une crise d'identité et arpente les impasses d'une liberté mal comprise (que de crimes on commet sous ce nom!).

Il y a là riche matière à réflexion sur certaines orien- tations contemporaines et il y a surtout un ton de tristesse dans l'observation de poursuites mal engagées à la recherche d'une chimère. In- terprétant un personnage à la fois agaçant et at- tachant, Ewa Frôling s'avère une jeune actrice fort talentueuse qui s'est bien mérité le prix d'in- terprétation du Festival. On la reverra bientôt dans le prochain film de Bergman.

Robert-Claude Bérubé

TIRO AL AIRE (Argentine) 1981

Il n'y a pas qu'au Canada que se pratique l'im- portation des vedettes. L'interprète principal de ce film argentin est l'acteur espagnol Hector Alterio que l'on avait remarqué au festival de l'an dernier dans El Nido. On se demande d'ailleurs pourquoi il s'est donné la peine de faire le voyage (pourquoi pas après tout? c'est toujours agréable de se sentir apprécié à l'étranger). Le film n'est guère qu'une mouture sud-américaine de Kramer vs Kramer avec variations accrocheuses à la clé. Un acteur veuf de fraîche date se retrouve seul avec son fils de onze ans. On a voulu corser la situation en faisant du père un homme-enfant, cabot sans engagement toujours à la poursuite d'un rêve de gloire in- saisissable, et du gamin un adulte précoce qui saisit et pardonne les faiblesses de son géniteur.

Tout cela s'étire en effets répétitifs venant souligner i n u t i l e m e n t des c a r a c t é r i s a t i o n s clairement établies dès les premières scènes. Les poursuites amoureuses de l'histrion, avec ou sans l'approbation du f i s t o n , et ses embardées professionnelles ne s'avèrent pas d'un intérêt tran- scendant et l'on se demande ce que vient faire un film aussi psychologiquement faible et aussi com- mercialement racoleur dans un festival. Si l'on en croit la justesse sociale des observations de cette production, les institutrices en Argentine sont choisies à l'issue d'un concours de beauté et por- tent un intérêt particulier aux hommes d'âge mûr, ce qui doit populariser les réunions parents- maîtres.

Robert-Claude Bérubé

WHO'S SINGIN' OVER THERE?

(Yougoslavie) 1980

Ce n'est pas la première fois qu'on emprunte au cinéma l'allégorie d'un voyage en autobus pour représenter la destinée humaine. Qu'il suffise de se rappeler La Montée au ciel de Bunuel et Voyage Sur- prise des frères Prévert. Le jeune réalisateur yougoslave Slobodan Sijan n'est pourtant pas in- digne de ses illustres devanciers et propose une parabole savoureuse sous forme d'une ballade où un couple de gitans vient à points nommés pousser le refrain. On est à la veille de l'invasion du pays par les Allemands: dans un coin de campagne, diverses personnes prennent place à bord d'un autocar à destination de Belgrade. En route, d'autres voyageurs s'ajoutent, tous aussi cocassement

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caractérisés les uns que les autres. Le propriétaire du véhicule brinquebalant et son fils le chauffeur ne le cèdent d'ailleurs pas aux passagers sur le plan de l'originalité du comportement. Bien sûr, tout cela apparaît plutôt caricatural comme peinture, maison

reconnaît ici et là les points de repère qui renvoient à une réalité par trop cruelle qu'il a bien fallu présenter sous un masque de bouffonnerie pour mieux la supporter. Bouffonnerie qui relève d'ailleurs de la tradition classique des grands comiques du cinéma; on se croirait parfois dans un film de Sennett. La critique de moeurs pointe l'oreille à l'occasion (qu'il suffise de signaler la séance de voyeurisme) à travers te pittoresque des notations et le voyage se poursuit de façon fort aler- te au fil d'une alternance bien dosée d'éléments comiques et dramatiques. Ce film présenté sans battage préalable fut l'une des plus agréables sur- prises du Festival. On lui a accordé le prix spécial du jury; ce n'est pas si mal, mais à mon avis il aurait mérité mieux, le grand prix des Amériques par exemple.

Robert-Claude Bérubé.

P A L M A R E S

LONGS MÉTRAGES

Grand Prix des Amériques :

The Chosen de Jeremy Paul Kagan (États-Unis)

Prix spécial du Jury :

Who's Singin' Over There ? de Slobodan Sijan (Yougoslavie)

Prix d'interprétation féminine :

Eva Froling, dans Sally and Freedom de Gunnel Lindblom

Prix d'interprétation masculine: (Suède)

Rod Steiger dans The Chosen de Jeremy Paul Kagan

Prix du meilleur scénario: (États-Unis)

Garde à vue de Claude Miller (France)

Prix du Jury oecuménique :

Sally and Freedom de Gunnel Lindblom (Suède)

Prix de la Presse internationale:

Les Plouffe de Gilles Carie (Canada/Québec) COURTS MÉTRAGES

Grand prix de Montréal :

Le Concept subtil de Gérard Krawczyk (France)

Prix spécial du Jury :

Piwi de Jean-Claude Lauzon (Canada/Québec)

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