• Aucun résultat trouvé

Analyse de film. Retour sur le festival de Lorquin

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Analyse de film. Retour sur le festival de Lorquin"

Copied!
2
0
0

Texte intégral

(1)

Journal Identification = IPE Article Identification = 1852 Date: September 14, 2018 Time: 2:8 pm

Film

L’Information psychiatrique 2018 ; 94 (7) : 611-2

Analyse de film

Retour sur le festival de Lorquin (7 et 8 juin 2018)

Les 7 et 8 juin 2018 s’est dérou- lée la 38e édition du festival psy de Lorquin, qui met en avant chaque année depuis 1977 l’actualité audio- visuelle en santé mentale. Retour sur le palmarès. . .et réflexions sur l’apport du film documentaire à la connaissance dans le champ psy- chiatrique et à l’accès au savoir expérientiel des personnes concer- nées.

La clé d’or du festival a été attri- buée au film haïtien Douvan Jou Kaleve (Demain il fera jour).Gessica Généus parcourt les ruelles de Port- Au-Prince en quête d’explications sur cette « maladie de l’âme », telle qu’elle la nomme, qui ronge son peuple. La scène d’ouverture impressionne, contre-plongée dans une église déserte et délabrée où une mariée s’avance. L’image est belle et chargée de symboles, dans un pays abandonné du monde.

Au-delà d’une réalisation ciselée et artistiquement percutante, ce documentaire se distingue par son propos, celui d’une double-quête, anthropologique et personnelle.

Le film explore l’identité culturelle haïtienne, cherche à comprendre la cohabitation fragile entre les anciennes traditions vaudoues et l’omniprésence actuelle de la reli- gion catholique dans cette île des Caraïbes. Commentée en voix off par la réalisatrice, cette observation ethnographique se transforme en itinéraire introspectif, lorsque

Gessica Généus y convoque sa propre histoire familiale. Elle est à la recherche des causes respon- sables de la maladie mentale de sa mère, qui habite désormais aux États-Unis où elle y a refait sa vie. Maladie liée à un passé traumatique ? À une malédiction ? Cette quête de sens nous rappelle la détresse que peuvent rencontrer les personnes touchées par la maladie psychique et leurs proches face à l’injustice de celle-ci et à la mécon- naissance de ses causes. Là où l’on pourrait voir un déterminisme culturel à attribuer le malheur à des causes divines, on retrouve plutôt l’universalité d’une détresse liée au cataclysme de la maladie. Dans cet itinéraire où Gessica Généus interroge les proches de sa mère et la culture de son pays, on identifie une reconstruction nécessaire qui passe par la richesse et la diversité des facteurs d’explication. Alain Topor identifiait ainsi des modèles explicatifs complexes de leurs troubles chez les patients rétablis, intégrant plusieurs dimensions, médicales, psychologiques, spi- rituelles, interactionnistes. . . Ce qui s’observe en culture haïtienne serait donc transposable universel- lement. Ainsi Douvan Jou Kaleve évite l’écueil d’un documentaire exotique, où l’on ne pourrait ima- giner la problématique que dans l’environnement culturel observé.

La réalisatrice pose plus de ques- tions qu’elle ne trouve de réponses au sujet des contradictions spi- rituelles de son pays, mais elle semble trouver une certaine séré- nité à résoudre sa propre histoire.

Cette quête la mènera jusqu’à sa mère, rétablie, sur les rives améri-

caines où elle a fui les paradoxes d’un pays qui pourrait rendre fou et où le jour ne s’est pas encore levé.

Au festival de Lorquin, le film documentaire est mis en avant.

Parfois réalisé par des personnes concernées par la maladie ou leurs proches, ces films nous permettent d’accéder intimement à l’expérience vécue et de donner la parole aux soi- gnés.

Depuis les débuts du cinéma, de nombreux documentaires ont permis de mieux connaître les pathologies psychiatriques ou les dispositifs de soins. Ils ajoutent par- fois à la connaissance sémiologique des maladies et historique des lieux de soins une dimension existentielle indispensable à l’appréciation de ce qu’on nomme largement la santé mentale.La voix de Mette, Annaet Sur un fil, projetés à Lorquin cette année sont eux-aussi d’émouvants exemples de«paroles d’usagers».

Ces films introspectifs nous affran- chissent du regard psychiatrique en consacrant leurs images au témoi- gnage libre d’une vie impactée par la maladie aux multiples autres dimen- sions et en nous demandant d’être attentifs à cette complexité pen- dant 10, 20, 40, 60 minutes. . .(voire même 1 h 26 pour le fantastique

doi:10.1684/ipe.2018.1852

Rubrique coordonnée

par A. Bouvarel et S. Cervello

611

Pour citer cet article : Analyse de film.L’Information psychiatrique2018 ; 94 (7) : 611-2 doi:10.1684/ipe.2018.1852

(2)

Journal Identification = IPE Article Identification = 1852 Date: September 14, 2018 Time: 2:8 pm

Mrs Fangdu réalisateur Wang Bing, derniers instants d’une ouvrière chi- noise de 68 ans atteinte de la maladie d’Alzheimer). En croissance dans leur nombre et leur qualité, les documentaires«expérientiels»sont de formidables outils de déstigmati- sation.

Les Journées Cinéma et Psychia- trie de Lyon, qui se dérouleront les 5 et 6 décembre 2018 mettront à l’honneur les documentaires pri- més au festival de Lorquin, comme chaque année depuis 2011. Cet événement de formation et de ren- contre est ouvert à la cité dans un objectif de promotion de la santé mentale et de lutte contre la stig- matisation des troubles psychiques.

Leur thématique cette année,«Bien- venue chez les psys : des lieux, du soin » permettra de donner une place particulière aux dispositifs communautaires, ouverts sur la cité, dans leurs dimensions actuelles et historiques.

Sophie Cervello sophie.cervello@gmail.com

Liens d’intérêts

l’auteure déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

Palmarès du festival de Lorquin 2018

Clé d’or :Douvan Jou Kaleve(Le jour se lèvera) 52 minutes, 2017, Haïti.

Documentaire. Réalisation : Gessica Généus.

Production : SaNoSi Productions (France), Ayizan Production (Haïti) et Productions Fanal (Haïti).

Clé d’argent :Sur un fil 34 minutes, 2017, France.

Documentaire. Réalisation : Soline Caffin Production : Ateliers Varan.

Prix du bureau :Le monde de Charlie 56 minutes, 2017, France.

Documentaire. Réalisation : Wolfgang Korwin Zmijowski.

Production : Wolfgang Korwin Zmijowski.

Prix spécial du bureau :Anna 42 minutes, 2018, France.

Documentaire. Réalisation : Garance Scharf.

Production : La boite à songes.

Mention Coup de cœur du jury :Sales gosses 84 minutes, 2016, France.

Documentaire. Réalisation : Céline Thiou.

Production : Les films du Balibari.

Mention Prix spécial du jury :Saint-Alban, Une révolution psychiatrique 60 minutes, 2016, France.

Documentaire. Réalisation : Sonia Cantalapiedra.

Production : Les films d’un jour.

612 L’Information psychiatriquevol. 94, n7, août-septembre 2018

Références

Documents relatifs

Rappel de texte : y a deux lutins et elle les voit et ils s’entendent bien et pi ils jouent bien ensemble. Et sa maman elle les

Selon l'auteur, la première proposition n'est qu'un mythe dans la mesure où la Cour suprême ne gouverne plus depuis trois quarts de siècle (I) et la seconde n'est qu'une légende

Depuis 2012, le festival italien construit un partenariat avec le Festival du film de Contis, qui a pour objectif de montrer les films primés dans les deux festivals et de

Ce fut un conflit armé qui dura huit longues années, de 1775 à 1783 ; ce fut une guerre civile entre sujets britanniques et une guerre intestine entre Américains ; ce fut une

Le Festival du film des Villae est une initiative créée par l'Institut Villa Adriana et Villa d'Este - Villae en collaboration avec l'Association culturelle Seven

Les Sociétés de Recherche Opérationnelle comptent, pour le moment, à leurs clients des honoraires assez élevés. Coût d’un Service attaché à la

[r]

A la fin du XIX e siècle, les syndicats ont désigné le chômage comme le problème le plus important de la classe ouvrière et ils ont fait des efforts vigoureux pour le