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1. Objectifs et principaux résultats

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Academic year: 2021

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1. Objectifs et principaux résultats

L’objectif premier de la présente étude était de voir si à niveau socio-économique comparable, les performances en lecture et en orthographe des élèves issus de l’immigration de 2ème et 3ème génération, différaient ou non de celles de leurs pairs autochtones scolarisés dans les mêmes classes. Certains auteurs (Braun, Forges & Wlomainck, 1997) ont mis en évidence que bon nombre d’habiletés, pourtant inscrites dans les programmes du premier et du deuxième degré du primaire, ne sont toujours pas acquises dans les classes où se trouvent plus de 15 % d’élèves issus de l’immigration.

L’étude que nous avons menée a porté sur 357 élèves inscrits dans des écoles communales de la région de Bruxelles Capitale. Ces écoles différaient par la proportion d’élèves autochtones et issus de l’immigration dans les classes et par le milieu socio-économique d’appartenance de ces enfants. Nous avons comparé trois groupes d’élèves : les élèves issus de l’immigration marocaine, les élèves autochtones et les élèves issus d’autres migrations. Les écoles accueillaient soit majoritairement des élèves issus de l’immigration de milieu socio-économique faible, soit minoritairement des élèves issus de l’immigration de milieu socio- économique moyen. Tous les enfants étaient scolarisés au départ en 3ème année primaire. Ce choix était justifié par le fait qu’à ce niveau, les mécanismes de base de la lecture et de l’orthographe sont en principe installés et les différences souvent importantes que l’on peut observer en 1ère et 2ème années primaires, liées notamment à des différences de méthode d’enseignement de la lecture, sont généralement dissipées.

Afin de voir si les élèves issus de l’immigration possédaient des mécanismes de traitement des mots écrits moins efficaces pour lire que ceux des élèves autochtones de même niveau socio-économique nous avons examiné de manière analytique leurs performances en langue écrite et orale. Nous avons administré aux élèves une épreuve de lecture et une épreuve d’orthographe permettant de mesurer l’efficience des procédures phonologiques (assemblage) et orthographiques (adressage). Ensuite, des

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épreuves d’évaluation de la phonologie et de la métaphonologie ont été administrées afin de voir si, comme l’ont montré des études réalisées aux Pays-Bas (Extra & Verhoeven, 1994 ; Geva & Verhoeven 2000), les élèves issus de l’immigration présentaient des difficultés à se représenter adéquatement toutes les structures phonologiques du français, et à établir des correspondances adéquates entre les séquences graphémiques et phonologiques. Des difficultés à ces niveaux peuvent entraver l’utilisation des procédures de médiation phonologique en lecture et en écriture.

Enfin, les performances syntaxiques et lexicales ont été évaluées, afin de voir si d’une part les enfants issus de l’immigration possèdaient un lexique orthographique moins développé du fait de leur vocabulaire restreint, et d’autre part si des faibles performances en syntaxe par rapport à leurs pairs autochtones pouvaient expliquer le retard de compréhension en lecture.

Le résultat principal de notre étude indique que lorsqu’on considère des enfants scolarisés dans les mêmes classes, ce qui garantit une certaine homogénéité de niveau socio-économique et des méthodes scolaires, les enfants issus de l’immigration obtiennent des résultats similaires aux enfants autochtones en lecture et en orthographe. Par ailleurs, nous observons des différences importantes entre écoles. Les élèves des écoles qui accueillent les proportions les plus importantes d’enfants issus de l’immigration, accusent d’un an à plus d’un an de retard tant en langue écrite qu’orale. Ces enfants mettent trois ans à acquérir ce que la population normative acquiert en deux ans. Alors que les écoles qui accueillent minoritairement des élèves issus de l’immigration, se rapprochent de la norme d’une 4ème année primaire.

L’analyse des mécanismes d’identification de mots écrits montre que les processus de base (l’assemblage phonologique et le stockage des représentations orthographiques des mots en mémoire) sont en cours.

Cependant, pour les écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration, les items qui demandent plus d’élaboration (longs, complexes) engendrent davantage d’erreurs que ceux qui demandent

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moins d’élaboration (courts, simples). Le mécanisme d’assemblage en place -c'est-à-dire l’habilité à convertir phonologiquement les graphèmes présentés- de ces élèves est non seulement moins performant par rapport aux normes, mais également par rapport à leurs pairs de l’école accueillant minoritairement des élèves issus de l’immigration. La présence des effets de fréquence (avantage des mots fréquents sur les mots peu fréquents) et de lexicalité (avantage des mots sur les pseudomots) attestent de la mise en place de la procédure d’adressage (lexique orthographique d’entrée) chez les élèves quelle que soit leur origine.

Cependant les résultats obtenus par l’école accueillant minoritairement des élèves issus de l’immigration indiquent qu’ils possèdent un lexique orthographique plus développé que leurs pairs des écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration.

L’analyse des mécanismes d’écriture atteste quant à elle de la mise en place de la procédure d’assemblage. Cependant chez les élèves des écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration, la non utilisation de règles contextuelles (exemple : la règle du m devant p, b « campagne ») et complexes (/k/e, i -> s’écrit « qu ») atteste de la présence d’un processus séquentiel de gauche à droite sans tenir compte de questions de contexte. Ce qui indique que leurs procédures phonologiques sont encore élémentaires. La performance obtenue pour les items minoritaires et pour les items présentant des graphies muettes (exemple : appétit) atteste du développement du lexique orthographique uniquement pour les élèves de l’école accueillant minoritairement des élèves issus de l’immigration. La performance faible obtenue pour les items minoritaires par les écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration, indique que les élèves se comportent comme les scripteurs débutants, ils analysent les séquences phonologiques en phonèmes et attribuent à ces phonèmes des représentations graphémiques simples (/s/-> « s » pour « serpent » écrit correctement et s pour « cirque », écrit sirque).

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Les difficultés scolaires rencontrées par les enfants issus de l’immigration ont souvent été attribuées au fait de l’utilisation d’une autre langue à la maison (Enquêtes PISA, 2006). Nos résultats indiquent des différences individuelles importantes quand on évalue le niveau en arabe marocain. Ceci s’explique par le fait que l’exposition à la langue des parents n’est pas présente avec le même degré chez tous les enfants.

C’est la raison pour laquelle, la notion de bilinguisme doit être fortement nuancée lorsqu’on s’intéresse aux enfants issus de l’immigration, d’autant plus que certains ne sont pas concernés par cette réalité (par exemple, certains enfants de la troisième génération). Il est à préciser également qu’au sein des familles d’origine marocaine, tous les enfants ne parlent pas l’arabe (arabe marocain), certains parlent le berbère et d’autres le français.

De plus, nos résultats ne montrent pas de lien entre les performances orales en arabe (vocabulaire et syntaxe) et les performances écrites et orales en français. Ce qui va à l’encontre des résultats de l’enquête PISA mettant en évidence que les élèves qui pratiqueraient une autre langue que la langue d’enseignement à domicile, présenteraient des difficultés en lecture.

Les données concernant la maîtrise de la langue orale ont été examinées en détail. Les résultats montrent que les écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration présentent un retard de plus de deux ans par rapport à la norme en vocabulaire en syntaxe.

Les retards homogènes en langue écrite et orale que présentent les élèves des écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration concordent avec les liens importants que l’on a observés entre les performances écrites (lecture et écriture) et les performances orales (vocabulaire et syntaxe). Compte tenu du fait que ces élèves possèdent des connaissances lexicales et syntaxiques pauvres, leur lexique orthographique est moins développé ce qui les conduit à se comporter comme des lecteurs/scripteurs débutants. De plus les difficultés qu’ils rencontrent en décodage les conduisent à des problèmes de

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compréhension à la lecture, celle-ci étant elle-même fortement liée au niveau de vocabulaire et de syntaxe.

Le fait que les mécanismes de base de traitement des mots écrits chez les enfants des écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration soient immatures est d’un mauvais pronostic car le développement de mécanismes de lecture plus sophistiqués dépend de la lecture elle-même qui sera d’autant plus limitée que les mécanismes de base sont immatures. Ces difficultés vont persister jusqu’à la fin de leur scolarité primaire et ceci est d’autant plus marqué chez les enfants ayant un faible niveau de départ.

Dans notre étude, nous avons exploré deux voies en parallèle. La première consistait à suivre sans intervenir l’évolution des performances en langue écrite des enfants en fonction de leur niveau initial La question était de savoir si les retards observés en 3ème année tendaient à disparaître ou bien s’ils s’accentuaient. Les théories inspirées de « l’effet Mathieu » (Stanovitch, 1986) plaidaient pour la deuxième alternative.

La deuxième consistait à sélectionner un groupe d’élèves présentant des déficiences importantes au niveau de la précision dans le traitement du matériel écrit et de les faire bénéficier d’un entraînement métaphonologique (consistant en un travail au niveau de la rime, de la syllabe et du phonème). Si les performances en langue écrite de ces enfants évoluaient positivement, ceci confirmerait l’hypothèse d’un retard de nature métaphonologique qui entraverait la mise en place de mécanismes efficaces de traitement des mots écrits. Afin de contrôler l’efficacité du programme métaphonologique, un second programme consistant en un entraînement au niveau de la syntaxe a été conçu : l’objectif étant de comparer les effets des deux types d’entraînement sur les performances en lecture. La première hypothèse émise est que les enfants bénéficiant d’un entraînement phonologique amélioreraient leur précision en lecture et en orthographe. La seconde était que les enfants bénéficiant d’un entraînement syntaxique pourraient améliorer leurs

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performances en compréhension à la lecture mais pas en lecture de mots et de pseudomots isolés.

L’analyse de l’évolution des performances des enfants aux tâches de lecture et d’orthographe de la 3ème à la 5ème année a permis de mettre en évidence que tous les enfants progressent. Toutefois, l’écart entre forts et faibles persiste. Les activités scolaires ordinaires ne semblent pas en mesure de compenser les retards observés en 3ème année concernant les mécanismes de base de la lecture et de l’orthographe.

Certaines des causes de ce retard ne sont pas à la portée des chercheurs : style des interactions communicatives, pratiques familiales en rapport avec l’école, etc.…, d’autres le sont cependant. Par exemple il est envisageable de travailler avec les enfants le vocabulaire, la syntaxe et la phonologie de manière à rapprocher ces compétences orales de celles de la langue écrite. La conscience phonologique (métaphonologie) est un élément essentiel de ce travail car c’est elle qui met en rapport la langue orale et la langue écrite (Alegria et al, 2005).

Les interventions menées au cours de la 5ème année primaire portant sur les élèves présentant des déficiences importantes au niveau de la précision dans le traitement du matériel écrit et ayant pour but de remédier de manière spécifique à leurs difficultés en lecture et écriture n’ont malheureusement pas apporté les résultats escomptés. En effet, quelle que soit l’intervention envisagée, le groupe reconnu comme faible ne parvient pas à rattraper son retard ni par rapport à leurs pairs inscrits dans les mêmes classes, ni par rapport aux normes. Nous nous attendions à ce que l’entraînement phonologique permette aux élèves les plus faibles de rendre leurs procédures phonologiques et orthographiques plus efficientes. Ces élèves ont probablement développé leur propre système de décodage qui est moins performant et qui est devenu résistant aux modifications. Les enfants avaient appris à lire avec une méthode fonctionnelle de lecture, après quatre ans de scolarité primaires, ils n’ont pas atteint le niveau attendu en lecture et en orthographe.

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Lorsque nous sommes intervenus auprès d’enfants de 2ème année primaire, nous avons constaté que ceux-ci amélioraient leur procédure d’adressage en orthographe ce qui devrait à long terme leur permettre de rendre plus automatique la procédure d’assemblage, ensuite d’enrichir leurs représentations orthographiques, ce qui leur permettrait d’orthographier les mots de manière directe. Ceci est probablement dû à l’entraînement phonologique qui ne peut être bénéfique que lorsqu’il est introduit au tout début de l’acquisition de la lecture. A ce stade, mettre en lien les unités sublexicales avec leur correspondance orthographique est essentiel parce que cela permet aux enfants de lire de manière correcte et automatisée.

2. Explications des performances obtenues en langue écrite

Les difficultés rencontrées par les écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration et de niveau socio-économique faible semblent caractérisées par un retard considérable et non par une déviance par rapport au développement normal des processus de lecture.

En effet, les procédures d’assemblage et d’adressage sont mises en place chez les élèves, mais elles ne sont pas encore automatisées en fin de 3ème année primaire. De plus, le retard en langue orale est dû à un manque général de stimulation qui concerne autant les élèves issus de l’immigration que les élèves autochtones issus du même milieu socio- économique.

Nos résultats confirment un fait établi par nombre d’auteurs selon lequel, les enfants de milieu socio-économique faible réussissent moins bien à l’école et tout particulièrement en langue écrite (Esperet, 1987 ; Hirtt & Kerckofs, 1997). On pourrait multiplier les citations de travaux allant dans ce sens. Toutefois, cette observation ne constitue pas une explication satisfaisante sur le plan psycholinguistique.

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En effet, affirmer qu’un enfant n’a pas un niveau de lecture qui corresponde à son âge parce qu’il appartient à un milieu socio- économique défavorisé ne dit rien des mécanismes à travers lesquels ce niveau agit sur l’apprentissage de la lecture et par conséquent ne donne aucune indication sur la façon de l’aider à surmonter le problème.

Nous avons tenté de mettre en évidence certains facteurs susceptibles de rendre compte des différences individuelles.

2.1. Maîtrise de la langue orale

Dans notre étude, les élèves de 3ème année primaire des écoles de niveau socio-économique faible qui accueillent majoritairement des populations issues de l’immigration, atteignent en vocabulaire et en syntaxe le niveau d’une première année primaire. Or, les performances en langage oral sont fortement corrélées avec la lecture et l’écriture (Morais

& Robillart, 1998). En effet, les faibles performances syntaxiques et lexicales de ces élèves étaient fortement corrélées à leurs performances en décodage. De plus, leurs performances syntaxiques étaient fortement corrélées à leurs performances en lecture compréhension.

La performance orale constitue donc un facteur déterminant pour les performances en langue écrite.Cependant comment intervient-elle ?Selon Demont (1994), la compétence syntaxique serait essentielle dans la reconnaissance des mots. Elle interviendrait pour pallier à l’échec de l’analyse phonologique de certains mots non familiers (exemple

« femme ») ou de mots homographiques (exemple « couvent »). Le vocabulaire aide aussi au développement des habiletés de décodage en établissant des liens entre les représentations orthographiques, phonologiques et sémantiques dans le lexique de l’enfant (Muter et al, 2004). En outre, la taille du bagage lexical est une variable fortement corrélée avec la compréhension de l’écrit. Ainsi, le lecteur ayant un bagage lexical pauvre rencontre fréquemment des mots « inconnus », pour lesquels il ne dispose d’aucune signification en mémoire. Ces mots

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inconnus empêcheraient le lecteur de construire une représentation cohérente du contenu du texte (Schillings & Poncelet, 2004).

Sur le plan développemental certains auteurs (Muter et al, 2004) ont mis en évidence qu’en début d’apprentissage, le décodage de mot est fortement dépendant de la connaissance des lettres et de l’habileté à manipuler les phonèmes, mais peu influencé par les performances en syntaxe et en vocabulaire. Au contraire, la compréhension en lecture est essentiellement influencée par les compétences linguistiques, telles que le vocabulaire et la syntaxe, mais les habiletés phonologiques interviennent très peu.

Selon Gough et al (1996, in Muter et al, 2004), la corrélation entre la compréhension en lecture et le décodage de mot diminue au cours de la scolarité. A l’inverse, la corrélation entre compréhension écrite et orale augmente. Ces résultats suggèrent que lorsque le décodage devient automatique, la compréhension en lecture chez l’enfant plus âgé devient de plus en plus dépendante des compétences syntaxiques et sémantiques.

En résumé, les faibles performances syntaxiques et lexicales obtenues par les élèves des écoles de niveau socio-économique faible accueillant majoritairement des populations issues de l’immigration, ne leur permettent pas d’aborder avec succès l’apprentissage de la lecture, et en retour, de profiter de la lecture pour les développer. Par ailleurs, les difficultés de décodage des mots écrits rencontrées par ces élèves ne sont pas essentiellement dues au retard en langue orale. En effet, la méthode d’enseignement de la lecture est un élément essentiel d’explication des difficultés.

2.2. Méthodes d’enseignement de la lecture

Dans les écoles que nous avons évaluées, la méthode d’enseignement de la lecture pratiquée est la méthode dite « mixte », appelée également méthode semi-globale. Cette méthode tente de combiner les avantages de la méthode globale et syllabique, les mots appris par la méthode globale étant utilisés pour découvrir les syllabes et

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les phonèmes, permettant ainsi le déchiffrage de nouveaux mots En pratique, elle commence généralement par l’apprentissage par cœur d’un certains nombre de mots (capital mots), pour poursuivre en se combinant avec une analyse syllabique ou phonémique. Ce type de méthode est particulièrement inadapté dans le cas d’enfants issus d’un milieu socio- économique défavorisé (Morais1994 ; Braibant & Gerard 1996). En effet, nous avons vu dans notre étude que les élèves des écoles les plus faibles sur le plan socio-économique, présentaient un niveau de 2ème année primaire en en décodage de mots écrits.Par ailleurs, on constate que les écoles accueillant minoritairement des élèves issus de l’immigration de niveau socio-économique favorisé se situent au niveau d’une 4ème année primaire en lecture. Pourtant la méthode d’enseignement de la lecture étaient la même pour toutes les écoles. Quand on analyse de plus près la manière de pratiquer cette méthode, c’est là que l’on constate les différences. En effet, dans les écoles les meilleures, le premier semestre est consacré au capital mots, et dès le mois de janvier, les correspondances graphèmes-phonèmes sont introduites jusqu’à la fin de la première année primaire. Ce qui permet aux élèves d’automatiser le code.

En revanche, les écoles les plus faibles consacrent le premier semestre et une partie du second semestre au capital mots, ensuite elles introduisent les correspondances phonèmes-graphèmes, pour repasser quelques semaines plus tard au capital mots et ceci jusqu’à la fin de la 1ère année primaire. Dans ces écoles, l’introduction tardive du code, conduit les élèves à une impasse. D’une part ils ne possèdent pas d’instrument leurs permettant de décoder les mots écrits qu’ils ne connaissent pas

« par cœur », or ces mots représentent la majorité des mots qu’ils rencontrent en début d’apprentissage. D’autre part leurs ressources linguistiques et cognitives ne leurs permettent pas de suppléer efficacement au manque d’habileté de décodage. Ils développent ainsi un sentiment d’incompréhension face à l’écrit. Aussi, ils sont forcés de

« comprendre » une phrase ou un paragraphe de manière superficielle

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grâce aux mots clés qu’ils ont pu reconnaître parce qu’ils font partie de leur « capital mots ». Le travail de suppléance qu’ils doivent réaliser est très limité parce que leur vocabulaire et leur syntaxe le sont. Ainsi, ils deviennent des lecteurs « approximatifs » qui se contentent d’extraire une idée générale et peu précise du sens du texte qu’ils essayent de lire.

2.3. Différences liées aux écoles

Comme nous venons de le voir, la manière de pratiquer les méthodes d’enseignement de la lecture peut conduire à d’importantes différences de performances entre écoles. Néanmoins, les différences liées à l’école sont diverses. Dans notre étude, nous avons constaté que le recrutement socio-économique pouvait être très différent d’une école à l’autre. Certaines accueillaient des populations de niveau socio- économique plutôt défavorisé, d’autres accueillaient des populations de niveau socio-économique plutôt favorisé. Cependant, comme l’ont soulevé Lafontaine & Blondin (2004) dans le cadre des enquêtes PISA pour la Communauté française de Belgique, le niveau socio-économique individuel de l’élève joue peu comparativement à l’effet de l’homogénéisation sociale des publics d’élèves dans les établissements qui, lui, est massif. En termes plus concrets, cela signifie qu’une fois qu’un élève s’est inscrit dans un établissement, le fait que cet élève individuellement soit d’origine plus ou moins favorisée n’aura qu’une influence relativement limitée sur ses performances scolaires.

Ce qui par contre semble jouer davantage dans les performances en lecture, ce sont les différences pédagogiques qui peuvent exister entre écoles. En effet, notre étude montre des différences importantes entre les écoles favorisées et défavorisés au niveau de la prise en charge des difficultés en lecture. L’école recrutant des élèves favorisés sur le plan socio-économique se caractérisent par un programme de soutien aux élèves les plus faibles en lecture. A partir du moment où une institutrice signale des difficultés chez un élève, celui-ci est systématiquement dirigé

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vers l’enseignant(e) chargé(e) des cours de remise à niveau en langue écrite.

Les résultats de notre étude ont mis en évidence que les écoles qui accueillaient majoritairement des élèves issus de l’immigration obtenaient des performances en langue écrite équivalentes au niveau d’une 2ème année primaire, alors que les écoles qui accueillaient minoritairement des élèves issus de l’immigration s’approchaient du niveau d’une 4ème année primaire. Cependant, lorsque l’on tient compte uniquement du facteur origine, on constate qu’il n’y a pas de différences entre élèves issus de l’immigration et élèves autochtones au niveau de l’appropriation de la langue écrite. Cependant la concentration d’élèves issus de l’immigration dans les classes serait une variable susceptible d’expliquer ces différences (Braun et al, 1997).

Toutefois, ce n’est pas la proportion d’élèves issus de l’immigration en soi qui explique les différences de performances en langue écrite, mais bien l’influence conjointe du milieu socio-économique, des méthodes pédagogiques, de la maîtrise de la langue orale et des pratiques familiales en rapport avec la lecture.

2.4. Pratiques familiales en rapport avec la lecture

Dans les écoles les plus performantes en langue écrite de notre étude, 24 % des élèves bénéficient d’un suivi logopédique (en structure privée) alors que pour les écoles les moins performantes on ne dépasse pas les 5%. C’est aussi dans ces écoles les plus performantes en langue écrite que 75 % des parents déclarent des activités extra-scolaires de lecture.

Selon Lahire (1993, 1995), toutes les familles n’entretiennent pas le même rapport à l’écrit et, plus généralement, à ce qu’il appelle la «culture écrite». Dans certaines familles par exemple, on lit davantage d’histoires aux enfants. Or, cette pratique est corrélée, avec notamment la réussite en lecture. En outre, certains parents peuvent associer l’apprentissage de l’écrit voire même la pratique de l’écrit au quotidien à une expérience

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douloureuse et laborieuse. Inversement, certaines familles seront très familières avec l’écrit, l’utilisant quotidiennement.

Certaines valeurs jouent également un rôle, comme par exemple le rapport à l’autorité : dans certaines familles, même si les parents sont incapables d’aider leurs enfants sur le plan scolaire, ils peuvent cependant leur apprendre à obéir, à respecter ce que dit le professeur, etc. En outre, les formes de l’autorité familiale exercent également une influence, le respect de l’autorité à la maison permettant l’intériorisation des normes de comportement.

Enfin, certaines familles se distinguent par des investissements pédagogiques différents, c’est-à-dire par des formes différentes d’implication par rapport à la scolarité.

3. Conclusion

En conclusion nos résultats montrent que les mécanismes de traitement des mots écrits des élèves issus de l’immigration de 2ème et 3ème génération ne sont pas moins efficaces que ceux de leurs pairs autochtones scolarisés dans les mêmes classes. Toutefois, les écoles accueillant majoritairement des élèves issus de l’immigration accusent un an de retard en lecture et en écriture et plus d’un an de retard en syntaxe et en vocabulaire. Or, les performances en langue orale constituent un facteur déterminant des performances en langue écrite.

Pour remédier à ces difficultés, il est envisageable de travailler le vocabulaire, la syntaxe et la phonologie de manière à rapprocher ces compétences orales de celles de la langue écrite. La conscience phonologique (métaphonologie) est un élément essentiel de ce travail. Les résultats de nos programmes d’entraînement phonologique chez les apprentis lecteurs ont permis de montrer qu’une intervention de ce type permet de pallier aux problèmes de décodage. Sur le plan linguistique ceci est susceptible à long terme de casser le cercle vicieux : incompréhension du code alphabétique - lecture déficiente – absence de bénéfices de la lecture.

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