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Taro1

Christophe Serra-Mallol

Le taro et un tubercule de la famille des Aracées provenant du sud-est asiatique. Il est appelé « madère », « chou chine » ou « songe » à la Réunion. Le terme peut désigner la plante elle-même, dont les parties (tiges et feuilles) peuvent également être consommées après préparation.

L'espèce la plus fréquemment désignée sous le nom de taro et la plus largement cultivée est colocasia antiquorum ou esculenta. Cependant, d'autres espèces cultivées sont appelées du même nom, ou lui sont parfois assimilées : alocasia macrorhiza dit ‘ape (Tahiti) ou songe des Caraïbes (Réunion), xanthosoma sagittifolium ou songe fleur (Réunion), cyrtosperma chamissonis ou merkusii dit puhi (Tahiti) ou taro géant des marais, amorphophallus paeoniifolius appelé songe pâté à la Réunion.

Nous nous intéresserons ici au taro dans le contexte plus particulièrement polynésien.

Caractéristiques ethnobotaniques Description

Originaire du nord-ouest du Pacifique, le taro est une des plus anciennes plantes cultivées au monde et constitua l’aliment de base de la majorité des insulaires du Pacifique dans la période qui précéda l’apparition du riz (Yen 1980). Le riz n’aurait pu être à l’origine qu’une herbe poussant à l’état sauvage dans les tarodières, puis améliorée par la suite pour sa culture plus aisée (Haudricourt 1962, Barrau 1965) en utilisant les mêmes techniques agricoles de contrôle de l’eau que pour le taro (Kirch et Lepofsky 1993).

La plante est composée d’un rhizome souterrain plus ou moins volumineux selon les variétés, à la chair qui varie du blanc au violet, en passant par les couleurs intermédiaires du jaune et du rouge. Les feuilles ont la forme caractéristique d’un cœur.

Il s’agit d’un des aliments de base parmi les plus importants pour les Polynésiens pour sa racine, qui ont accru la diversité de ses variétés par sélection et croisement, y compris en créant des variétés spécifiques (Barrau 1962). Chez les Tahitiens et les Marquisiens, il était toutefois moins apprécié que le fruit de l’arbre à pain dont il constituait l’aliment de remplacement lors de la saison sèche (Ellis 1972), contrairement à Hawaii ou aux îles Australes où il constituait l’aliment principal. Les feuilles sont aussi utilisées, sous forme de fafa, tiges des jeunes feuilles, ou de pota, jeunes feuilles de taro.

Vingt-neuf variétés cultivées de taro et sept variétés sauvages ont été recensées à Tahiti par Teuira Henry (2000) à la fin du dix-neuvième siècle, chacune avec un nom différent.

On aurait compté à la même période près de deux cent cinquante variétés aux îles Hawaii, où arbres à pain et cocotiers étaient moins nombreux qu’à Tahiti à cause de conditions climatiques différentes. Aujourd’hui plus de cinq cents variétés ont été répertoriées à travers le Pacifique, dont quatre cents composent la collection du Lyon Arboretum de l’Université de Hawaii.

Des espèces voisines du taro, faisant partie de la famille des aracées, étaient également consommées par les anciens Tahitiens, comme le ‘ape (alocasia macrorhiza) ou le puhi (cyrtosperma chamissonis), taro géant dont le tubercule devait être cuit longtemps pour l’en débarrasser des cristaux d’oxalate qui provoquent une désagréable démangeaison de la bouche et de la gorge. Le ‘apura est un petit taro qui pousse dans les montagnes, et qui a une saveur brûlante et piquante que l’on fait disparaître de la même manière que pour le ‘ape. A Tahiti, ‘ape et ‘apura étaient considérés comme nettement inférieurs au

1 Pré-print de l’article « Taro » in Poulain Jean-Pierre (dir.), 2012. Dictionnaire des cultures alimentaires, Paris, Presses Universitaires de France, collection Quadrige, p. 1323-1329.

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taro. Le puhi était aussi considéré comme d’une valeur inférieure à celle du taro. Ces espèces voisines du taro n’étaient consommées qu’en remplacement du taro lorsque ce dernier faisait défaut, et parmi elles seul le ‘ape semblait cultivé.

Son utilisation à la période pré-européenne Culture

Le taro était cultivé dans toute la Polynésie, dans des milieux humides, très irrigués sinon marécageux qui favorisaient la maturation rapide des plantes comme l’avaient parfaitement compris les anciens Polynésiens qui apportaient un soin particulier à sa culture. Le ‘ape était plutôt cultivé dans les îles de la Polynésie ouest (Tonga, Samoa, Futuna), mais également dans les îles de la Société comme aux Australes. Le taro géant était moins cultivé, sauf en cas d’absence relative des précédents (Kirch 1991).

Deux grands types de culture coexistaient chez les anciens Polynésiens selon la distinction opérée par Jacques Barrau (1965) pour les sociétés mélanésiennes puis approfondie par Kirch (1994) pour la Polynésie : les cultures « humides » (taro et ses dérivés) et les cultures « sèches » (ignames, patates douces), sources d’une division du travail entre hommes et femmes pour ces types de culture. Les cultures « humides » nécessitent moins de surface et de soins que les secondes, mais demandent plus de travail de préparation des sols, ainsi qu’un contrôle éventuel de l’eau.

Trois grands types de culture humide, notamment utilisée pour le taro, ont été relevés en Océanie (Barrau 1965, Kirch 1991 et 1994) :

- la culture sur des buttes de terre aménagées au milieu des sols engorgés d’eau ou marécageux qui se forment dans les îles hautes entre la bordure littorale et le bas des montagnes. Il s’agit du type qui présente le moindre impact sur l’environnement en matière d’action humaine. Ce type de culture, ainsi que le suivant, sont encore relevés de nos jours, notamment aux Australes ou à Futuna (Di Piazza 1990) ;

- la culture en terrasses à base de terre et de pierres sur le versant bas des montagnes ou sur les rives des rivières, avec un contrôle de l’eau grâce à des systèmes d’irrigation linéaires ou « en cascade » à partir d’une source d’eau vive directe ou captée depuis des canalisations réalisées en bambou. Les cultures en terrasses les plus sophistiquées se trouvaient à Hawaii, et notamment dans l’île de Kaua’i, où ont été mises à jour des cultures en terrasses d’une longueur de plus de trois kilomètres avec des dénivelés d’une terrasse à l’autre qui pouvaient atteindre trois mètres de hauteur. Selon Kirch et Lepofsky (1993), cette technique aurait été relativement récente, et serait le signe de la centralisation forte du pouvoir, tant à Hawaii qu’à Tahiti. Ce type de culture était surtout utilisé pour les taro et ses dérivés (‘ape…).

Pour les variétés qui nécessitaient plus d’humidité, des systèmes complexes et importants de contrôle d’eau étaient mis en place sous forme d’irrigation continue par des rivières et des canaux, ou maîtrisée grâce à des barrages (Kirch 1991, Kirch et Lepofsky 1993)

- la culture dans des trous aménagés dans la partie centrale des îles et îlots (motu) coralliens peu fertiles afin d’atteindre la couche d’eau douce lenticulaire, trous qui étaient soit remplis de terre mélangés à des feuilles et autres débris végétaux, soit dans lesquels on disposait des paniers végétaux emplis de feuilles et de débris végétaux quand la terre venait à manquer, telles qu’on les utilisait encore aux Tuamotu au début du vingtième siècle (Chazine 1985).

Ces différentes techniques d’agriculture « humides » utilisées par les anciens Polynésiens démontrent la connaissance approfondie des conditions écologiques que requièrent le taro et les espèces voisines, et permettent l’existence d’un surplus agricole nécessaire à une société fondée sur l’échange des vivres et l’économie d’apparat.

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Stockage

L’absence de poterie depuis la fin de l’ère Lapita vers 500 avant notre ère limitaient les conditions de stockage dans le Pacifique oriental. Le taux d’hygrométrie important empêchait l’utilisation générale des techniques de séchage ou de salage pratiquées en Nouvelle Zélande, et le taro ne se conservait que quelques jours, en l’absence de céréales pouvant être stockées.

Il n’y a aucune mention pour la Polynésie de stock de tubercules, et notamment de taro, tel qu’on en rencontre en Mélanésie. Du fait de l’environnement climatique, le processus d’accumulation des biens alimentaires se faisait par stockage « sur pied » pour le taro. Mais les conditions climatiques particulières du Pacifique insulaire, et l’avènement régulier de phénomènes naturels tels que les tempêtes tropicales, les cyclones et raz de marées et leur mémoire parmi la population, purent induire les habitants à développer des formes de conservation des principaux végétaux tenant compte de l’ensoleillement et de l’hygrométrie, par fermentation, macération, ou sous forme de farines (Barrau et Peeters 1972).

La conservation par fermentation anaérobique ou semi-anaérobique grâce au stockage souterrain du taro était la principale méthode développée en Polynésie pour parer aux catastrophes climatiques qui intervenaient périodiquement, et surtout pour assurer la soudure entre deux périodes de récolte. Le lien entre le développement de cette technique d’une part, et l’intensité et la régularité des phénomènes climatiques tels que les cyclones, a été mis en évidence dans tout le Pacifique insulaire depuis l’ère Lapita à l’exception de Hawaii. Un autre argument en faveur du développement de cette technique pour parer aux périodes de disette est qu’elle aurait été mise en œuvre avant le développement des techniques de production végétale. La fermentation acide était utilisée dans toute l’aire Pacifique insulaire, pour les préparations de stock de ‘uru, de taro, ou de bananes.

Une autre technique utilisée pour la conservation du taro était la conservation par cuisson, mais à capacité limitée dans le temps, et qui a pu être utilisée pendant les voyages inter insulaires. Un des exemples est le tuparu, une crème semi-liquide cuite à base de ‘uru ou de taro, de bananes, et de lait de coco qui pouvait se conserver pendant plusieurs semaines.

Préparation

Contrairement au fruit de l’arbre à pain, à la banane ou à la noix de coco, le taro est un végétal tropical qui nécessite une préparation et une cuisson appropriées pour éliminer les effets de l’oxalate de calcium : lorsqu’il est mal ou incomplètement préparé, il provoque une démangeaison des voies digestives qui persiste plusieurs heures après son ingestion.

La préparation du taro requérait un travail relativement important : peler, couper, râper, écraser, battre, mixer, filtrer, sont quelques unes des techniques utilisées par les anciens Polynésiens. Ainsi, avant consommation, le taro est préparé pour sa cuisson au four par grattage de l’enveloppe avec un coquillage travaillé à cet effet, puis coupé avant cuisson préalable. A la cuisson, les racines deviennent tendres et savoureuses, parfois farineuses, très semblable à la pomme de terre.

Un apprentissage du mode de préparation était donc nécessaire pour rendre comestibles les différentes variétés de taro, apprentissage d’autant plus important que les aliments étaient moins courants. Les restes de préparation (pelures) étaient donnés aux porcs et aux chiens, alors nourris exclusivement d’aliments végétaux.

Les principales préparations utilisées les plus couramment concernaient les deux principaux aliments de base des Polynésiens, fruit de l’arbre à pain et taro, sous forme de bouillies, pâtes ou purées (poi, popoi, et po’e) élaborées à partir du féculent mélangé

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à du lait de coco et épaissi par cuisson, comme dans le reste de l’Océanie (Barrau et Peeters 1972). Si le popoi préféré à Tahiti semblait être celui confectionné à base de

‘uru, les anciens Hawaiiens lui préféraient le poi de taro (Handy et Handy 1972) comme les anciens habitants des îles Australes.

Le tuparu est un autre type de préparation à base de taro, de bananes mûres et de lait de coco, passés au filtre et mis à cuit au four dans des feuilles. Les quantités cuites de cette préparation étaient importantes, par paquets de cinq à six kilos mis au four pendant toute une nuit, et pouvant se conserver pendant plusieurs semaines (Morrison 1989, Wilson 1968).

Hormis la cuisson au four enterré une fois le tubercule pelé et coupé en morceaux, une des rares solutions utilisées pour pallier l’absence de récipients tenant au feu était la cuisson à la pierre chauffée dans un grand plat taillé dans du bois, le ‘umete. Cette méthode était notamment utilisée pour cuisiner la « verdure » (feuilles de taro, fafa...) cuite dans du lait de coco, et mélangée à du taro râpé (Oliver 1974).

Symbolique du taro

Comme dans la plupart des sociétés « végétalistes » de la zone tropicale, l’origine légendaire des cultigènes était attribuée à une « semence » ou à une « bouture » humaine. Le taro serait né des pieds de l’homme et ses feuilles de ses poumons (Henry 2000).

De nombreux rites étaient centrés sur le taro dans les îles polynésiennes où il en constituait l’aliment de base (Garine 1991).

L’évolution de l’utilisation du taro en Polynésie jusqu’à nos jours Le taro au cours du dix-neuvième siècle

Dès les années 1820, les transactions entre Polynésiens et Européens deviennent monétaires à Tahiti : Nancy Pollock (1992) évalue pour sa part aux années 1850 le début de la vente plutôt que l’échange de taro dans le Pacifique, la vente des aliments produits aux marins de passage ou aux missionnaires installés permettant ainsi d’obtenir des liquidités monétaires pour l’acquisition de biens étrangers. Deux nouvelles variétés de taro (rarotoa et niue) et deux de ‘ape sont introduites depuis les îles Cook et Hawaii par les navigateurs de passage au cours du 19ème siècle (Henry 2000).

Au milieu du même siècle, pain, farine et légumineuses sèches complètent l’alimentation quotidienne quand les moyens matériels le permettent, ou grâce aux réseaux d’échanges inter-familiaux, et tendent à faire abandonner certains aliments traditionnels, comme le taro. Les plantations taro sont progressivement laissées à l’abandon (Moerenhout 1959), rendant la population bien moins résistante face aux risques de disette

Dans les années 1860-1870, des plantations d’exportation sont mises en œuvre pour fournir notamment le marché européen en huiles alimentaires et savon et tendent à remplacer de plus en plus systématiquement les cultures de subsistance, les fosses à taro aujourd'hui à demi comblées des îles de l’archipel des Tuamotu restant comme seules témoins de cette époque révolue.

Le taro au cours du vingtième siècle

Selon Jacquier (1949), les superficies cultivées de taro baissent notablement au milieu des années 1940, et « les demandes étant supérieures à la production, le taro tend à devenir un produit de luxe à Tahiti alors qu’aux îles Australes il constitue encore la base de l’alimentation ». Jacquier note qu’à cette période, on fabrique encore une pâte fermentée à base de taro, appelée tioo, « assez analogue à la popoi de ‘uru dont elle porte indifféremment le nom » et réservée à la consommation locale alors qu’elle était

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auparavant exportée vers les Tuamotu qui ne consomment plus désormais que des céréales d’importation.

A la fin des années 1950, chaque maisonnée, y compris dans la partie urbanisée de Tahiti, dispose toutefois encore d’un apport alimentaire par la culture de végétaux tels que le taro (Cunningham 1961). Dans la hiérarchie traditionnelle des cultures appréciées, le taro vient en tête, accompagné des produits traditionnels de cueillette (Panoff 1970).

La situation est quelque peu différente dans les autres Territoires du Pacifique insulaire.

Ainsi, le régime alimentaire au Samoa occidentales est toujours à base de produits d’origine locale, dont le taro. Les importations alimentaires y sont relativement peu importantes et utilisées en quantités limitées (Coyne 2000). En Nouvelle-Calédonie, les populations autochtones disposent de vastes surfaces de terres fertiles pour les cultures vivrières dont le taro. Seules les régions les moins favorisées en matière de production alimentaire ont tendance à utiliser plus d’aliments importés. De même qu’à Tahiti, les modes de préparation et de cuisson des aliments se modifient : la friture se substitue à la cuisson à l’étouffée.

L’occidentalisation croissante de l’alimentation va amoindrir le recours aux aliments locaux comme le taro, et notamment dans la restauration collective et commerciale.

Le taro aujourd’hui en Polynésie

Le taro a constitué l’aliment de complément, associé au riz, dans la plupart des îles polynésiennes, jusqu’au début des années 1960. Mais la monétarisation de la société polynésienne du fait de l’implantation du Centre d’Expérimentation du Pacifique à partir de 1963 va bouleverser les modes alimentaires, et le délaissement progressif des cultures de produits vivriers faire monter leur prix en conséquence.

Le développement du commerce de proximité au début du vingtième siècle, et l’utilisation de nouvelles techniques de conservation, auraient ainsi fait disparaître le procédé de conservation par ensilage des fosses à taro, qui ont aujourd’hui complètement disparu (Vérin 1969).

Le salariat qui se généralise et l’urbanisation croissante tendent à modifier ainsi les modes et rythme de vie : d’un mode de vie traditionnel encore largement marqué par les activités traditionnelles au début des années 1960, les Tahitiens passent à un cadre de vie urbain, imposé par les contraintes et les rythmes du travail salarié, qui s’étend également aux occupations et aux loisirs, et à l’alimentation bien sûr.

Les féculents et tubercules locaux (taro, uru, manioc, banane fe’i, tarua, patate douce) sont peu présents dans la consommation alimentaire à domicile déclarée dans une enquête réalisée en 2001 (Serra-Mallol 2010) : seulement 9% des ménages interrogés déclarent en avoir consommé la veille à Tahiti. Les jeunes feuilles du taro, le fafa, sont toujours consommées, cuites au four avec les portions grasses de la chair de porc, à l’occasion surtout des repas familiaux de fin de semaine (le ma’a tahiti du dimanche).

Le passage de générations d’enfants dans les cantines des établissements scolaires depuis leur généralisation dans les années 1970 a sans doute aucun grandement diffusé parmi plusieurs générations les habitudes du repas à la française, et détourné bon nombre d’enfants aujourd'hui adultes du goût et de l'envie de consommer des produits

« traditionnels » comme le taro.

Les cultures de vivriers traditionnels comme le taro ont également été délaissées au profit de cultures de légumes, plus rentables : il faut en effet neuf mois pour produire un plant de taro quand quelques mois suffisent à produire haricots, concombres, choux divers, pastèques, et de façon plus intensive que le taro (chaque plant nécessite en effet

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environ un mètre carré). En général, dans la vallée, les deux types de produits, vivriers locaux et légumes, sont cultivés ensemble.

Et si le prix des produits importés est resté stable ou a même baissé avec l’arrivée de la grande distribution alimentaire à Tahiti à la fin des années 1980, le prix des produits locaux a connu une nette augmentation depuis une trentaine d’années. Le taro est désormais un produit de luxe, comme la plupart des vivriers traditionnels. Les familles les moins aisées économiquement sont obligées de se rabattre sur les produits de faible qualité, en général figurant dans la liste des produits de première nécessité détaxés comme le riz. Mais ce sont aussi celles qui sont le plus amenées à consommer des vivriers locaux du fait d’une propension plus forte à s’inscrire dans des réseaux de dons de ces produits, et à développer au moins en zone rurale des jardins vivriers (Bricas et al. 2001). Une estimation a ainsi été faite du coût de la calorie par aliment de base à partir des prix moyens relevés au cours d’une année et du nombre de calorie en moyenne par kilogramme de l’aliment considéré : le taro est ainsi six fois plus cher que le pain, et quatre à cinq fois plus cher que le riz.

Conclusions

Le taro, comme la plupart des autres produits traditionnels, a connu en Polynésie un net fléchissement de sa consommation, du fait de l’élévation générale du niveau de vie depuis cinquante ans, et les modifications imposées par un mode de vie occidental (salarisation, monétarisation, développement de la grande distribution…). Mais un mouvement de renouveau culturel semble vouloir inverser la tendance depuis quelques années, en mettant en valeur les vivriers locaux à travers la création de salons de l’agriculture, de concours des plus beaux féculents…

Son utilisation alimentaire provient ainsi de trois grandes raisons : des raisons économiques car le recours à l’autosubsistance permet de pallier l’absence de rentrées financières dans le ménage, l’inscription dans des réseaux de dons et d’échanges alimentaires dot le poids relatif est loin d’être négligeable dans l’alimentation quotidienne notamment des ménages les moins aisés, et une volonté idéologique récente qui passe par l’affirmation d’une volonté : consommer « traditionnel » reviendrait à sauvegarder son patrimoine culturel et affirmer son identité sociale.

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Christophe SERRA-MALLOL

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