L’intervention sera conduite en deux temps. Dans un premier temps nous expliquerons comment le prix de la terre est établi, et dans un deuxième temps nous présenterons un travail estimant les effets du changement climatique sur les usages des sols grâce aux prix des terres.
Il est communément admis depuis Ricardo (1817) qu’en présence de propriétaires fonciers qui allouent rationnellement leurs terres, le prix de la terre est la valeur actualisée des revenus correspondants au meilleur usage. L’offre globale de terre étant fixe, son prix est principalement établi par les demandes en produits et services qui en sont issus. A partir de ce principe, les économistes ont formalisé cette approche de façon mathématique : le prix d’une parcelle de terre à une période donnée est la somme actualisée des revenus présents et futurs.
Le prix du foncier est donc principalement établi sur la base des revenus anticipés.
Une parcelle qui génère un revenu plus élevé sera plus chère, toutes choses égales par ailleurs : c’est le cas, par exemple, d’une parcelle urbanisée relativement à une parcelle à usage agricole, ou d’une parcelle plantée en vigne relativement à une parcelle de prairie ; en 2013, en France, le prix moyen d’un hectare de vigne d’appellation d’origine protégée (AOP) s’élevait à 131 600 euros, alors qu’il était de 5 750 euros pour un hectare de terres arables et de prés (source : http://www.le-prix-des-terres.fr).
De nombreux facteurs influencent le prix d’une terre actuellement consacrée à un usage agricole : les caractéristiques productives de la parcelle, les prix des productions et des intrants agricoles, et les politiques publiques. Parmi ces dernières, les subventions agricoles contribuent en moyenne à hauteur de 15 à 30% du prix de la terre selon une revue de littérature internationale (Latruffe et Le Mouël, 2009). En France et particulièrement en Bretagne, cet effet de capitalisation des aides directes de la Politique Agricole Commune (PAC) dans le prix des terres agricoles est renforcé dans les zones soumises à la Directive Nitrates (Latruffe et al., 2014). Enfin, les régulations foncières influencent le prix des terres agricoles, comme par exemple le droit de préemption des parcelles agricoles à la vente que peuvent exercer les Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural (SAFER).
Parce que la terre est une ressource immobile, les avantages économiques fournis par le climat sont également capitalisés dans son prix. Cette propriété fondamentale est utilisée à travers le monde pour évaluer les effets du changement climatique sur l’agriculture. Elle permet aux chercheurs d’estimer les conséquences futures des projections climatiques à partir des variations actuelles du climat dans l’espace, entre différents lieux. Cette méthode utilise le prix de la terre comme une mesure de la profitabilité de l’agriculture et permet de produire des évaluations avec relativement peu d’hypothèses (absence d’irrigation, absence d’anticipations et représentativité du climat actuel par rapport au climat futur).
Prix des terres et usages des sols
colloque
SIA 2015 Jean-sauveur ay
• Inra, UMR CESAER Dijon
Laure LatruFFe
• Inra, UMR SMART Rennes
Récemment, Ay et al. (2014) ont utilisé cette approche pour estimer les effets des projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur la profitabilité agricole. Pour la France continentale à l’horizon 2050, le réchauffement climatique apparaît profitable aux cultures annuelles relativement aux prairies, même si les effets ne sont pas homogènes.
Ces résultats sont ensuite couplés à un modèle économétrique d’allocation des sols entre cultures annuelles, prairies, cultures pérennes, forêts et zones urbaines. Ce modèle, estimé sur l’enquête TERUTI entre 1993 et 2003 (environ 550 000 parcelles enquêtées), permet de simuler l’usage des sols selon plusieurs scénarios économiques et climatiques. Les résultats obtenus servent ensuite de base pour évaluer l’effet du changement climatique sur une série de services non marchands rendus par les usages des sols, agricoles en particulier : la biodiversité aviaire, le carbone séquestré, etc.
Références :
Ay J.-S., Chakir R., Doyen L., Jiguet F., Leadley P. 2014. Integrated models, scenarios and dynamics of climate, land use and common birds. Climatic Change, 126 (1): 13-30.
Latruffe, L., Le Mouël, C. 2009. Capitalization of government support in agricultural land prices: What do we know? Journal of Economic Surveys, 23(4): 659-691.
Latruffe L., Piet L., Dupraz P., Le Mouël C. 2014. The Influence of Agricultural Subsidies on Sale Prices of French Farmland:
Accounting for the Role of Environmental Zoning and Plot Transaction Regulations. Présentation au 14ème congrès tri- annuel de l’association européenne des économistes agricooles (‘European Association of Agricultural Economists, EAAE), Ljubljana, Slovénie, 26-29 août. (http://prodinra.inra.fr/?locale=fr#!ConsultNotice:274076).
Ricardo D. 1817. Principles of Political Economy and Taxation. Great Minds Series. Amherst, New York.