FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE 1897-1898 I%10 64
DE
LWiE Ml un euro
Chez les Ancien®**^,,, -
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 19 Janvier 1898
Emile-Jules FARGIER
Né àSaint-Germain
(Ardècke), le 15 juin 1873.
\
«. Elève du Service de Santé
de la Marine
ExaminateursdelaThèse:•
MM.VERGELY professeur.... Président.
MORACHE professeur j DENUCÉ agrégé
'
Juges.DUBREUILH agrégé.. .
Le Candidat répondra aux
questions qui lui seront faites sur les
diverses parties de
l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE
DU MIDI
—PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEA.UX —
91
1898
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES
Doyen.
PKOFI^§EUR§
MM. MIGE...
AZAM..
DUPUY.
Clinique interne
mm.
\ picot.
i pitres.
demons.
lanerong;
n.
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
Clinique externe
Pathologie interne...
Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique
Médecine opératoire.
Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que Anatomie
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
MOUSSOUS.
COYNE.
BOUCHARD.
Professeurs honoraires.
MM.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
Médecine légale MORACHE.
Physique BERGONIÉ.
Chimie BLAREZ.
Histoire naturelle ... GUILLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
de NABIAS.
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale FERRÉ.
Clinique ophtalmolo¬
gique BADAL.
Clinique des maladies chirurgicalesdes en¬
fants P1ÉCHAUD.
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A KÉQÉS ISA' llXIlltCM 1: :
ection i)eMM. médecine(Pathologie interneetMédecine légale.) MESNARD. | MM. SABRAZÈS.
GÀSSAET. I Le
DANTEC.
auchi'j. i
section de chiliij iigii'. et accouchements
Accouchements.. \MM. RIVIERE.
CHAMBRELENT (MM. V1LLAR.
PaUrologie
exIcrue]
B1NAUD. |"/
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section dessciences anatom1ques et l'hysioeociques
. \MM. PR1NCETEAU | Physiologie MM. PACHON Analom"'
I C ANNIEU.
j
Histoirenaturelle BEILLE.sectiondes sciencesphysiques
Physique MM. S1GALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
Chimieet Toxicologie DENIGÈS.
j
€ su as r sa a* b,00.11isx'B'a a as as « :
Clinique interne des enfants
MM. MOUSSOI S.
Clinique des maladiescutanées et
syphilitiques DUBREUILH.
Clinique desmaladies des voiesurinaires
POl SSON.
Maladies du larynx, desoreilles etdu nez
MOURE.
Maladies mentales
RÉGIS.
Pathologie externe
. DENUGE.
Accouchements
RIVIERE.
Chimie
DENIGES Le Secrétaire de laFaculté: LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août 1879, la Facultéaarrêté que les opinions émisesdans les ïliesesquiluisontprésentéesdoivent être considérées commepropres à leursauteurs,et
qu'elle n'entend leur donnerniapprobation ni improbation.
A LA
MÉMOIRE
DE MONPÈRE ET DE MA MÈRE
A mon Président
de Thèse
MONSIEUR LE
DOCTEUR VERGELY
PROFESSEUR DE PATHOLOGIE ET
DE THÉRAPEUTIQUE GÉNÉRALES
CHEVALIER DE LA
LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE
i/lNSTRUCTION PUBLIQUE
MEMBRE CORRESPONDANT DE
L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
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AVANT-PROPOS
L'usage
thérapeutiques des bains chauds est à l'ordre du
jour.
Ayant entendu M. le professeur Vergely, dans son
cours à la
Faculté, faire allusion à l'ancienneté de cette
méthode, à sa
pratique chez les Grecs et les Romains, nous
avons cru
qu'il serait intéressant de faire quelques recher¬
chessur ce
sujet
:c'est l'objet de ce travail inaugural. Avant
de
quitter la Faculté de Bordeaux, qu'il nous soit permis de
remercier M.
le professeur Vergely pour la bienveillance
avec
laquelle il
nousa toujours aidé et conseillé, et pour le
grand honneur qu'il nous fait aujourd'hui en acceptant la
présidence de notre thèse. Qu'il nous excuse, si nous ne pré¬
sentons pas
à
sahaute compétence un travail plus soigné et
plusen
rapport avec sa propre valeur. Nous nous sommes
efforcé de
faire
pourle mieux, malgré le temps relativement
court que nous
avons pu consacrer à ce travail, eu égard
aux circonstances
particulières qui ont présidé à nos
études.
QueM.
le professeur Pitres et nos maîtres .de la marine
daignent agréer l'hommage de notre vive gratitude pour
l'intérêt qu'ils nous
ont toujours témoigné.
Bordeaux, le 19
janvier 1898.
DIVISION DU SUJET
Dans un premier
chapitre,
nous passerons en revue cequ'auteurs et
légendes
nous apprennent au sujet del'emploi
du bain chaud chez les peuples anciens autres
que les Grecs et les Romains.
Le deuxième comprendra l'étude du bain chaud en Grèce.
Dans le troisième enfin, nous nous occuperons du bain chaud à Rome.
Les deux derniers
chapitres
comprendront divers paragra¬phes dans
lesquels
nous ferons l'étude :1° Du
développement
du bain ; 2° De son rôlethérapeutique;
3° Des édifices publics et privés qui lui étaient consacrés.
Nous
formulerons
ensuite nos conclusions.CHAPITRE
PREMIER
L'usage de se
baigner, étant fondé sur des besoins qui ont
commencé avecla
vie même de l'humanité, remonte à la plus
haute antiquité. Les
fleuves, les lacs, la mer, tels furent cer¬
tainement les
premiers bains publics.
Mais bientôt
apparurent les bains chauds.
Les diverses religions
de l'antiquité, en faisant des ablu¬
tions, lotions
et bains de tous genres une règle stricte, con¬
tribuèrent, pour une
large port, à la vulgarisation de la
balnéation. On trouve
dans l'excellent ouvrage de Bardon,
sur les costumes des
anciens peuples, une gravure représen¬
tant la piscine
où
selavaient les Hébreux après tous les sa¬
crifices.
C'était un
grand
vased'airain goudronné*.enrichi d'orne¬
ments et de
guirlandes. Tous ceux qui avaient contracté
quelque
impureté, soit par l'attouchement des morts, soit
par
l'usage des viandes défendues, soit par la lèpre; étaient
obligés de se
purifier. Les femmes après leurs couches ve¬
naientse laver
dans la piscine du tabernacle. Elles appor¬
taient comme
offrandes des agneaux et des pigeons. Le
prêtre qui
setrouvait en exercice achevait de les purifier par
une
aspersion d'eau lustrale. On purifiait de même les vic¬
times qu'on
offrait à Dieu. Tous les Israélites avaient chez
eux de
grands
vasespleins de cette eau sacrée qu'ils conser¬
vaient avec le
plus grand soin.
La
piscine du temple de Salomon, construite sur l'imitation
decelle que
Moïse avait fait faire sur l'ordre de Dieu, était
une
grande
cuveronde placée au milieu d'un grand bassin.
Elle mesurait
cinq
coudées deprofondeur,
dix de diamètreet trente de
circonférence.
C'est dans le bassin qu'on venaitsepurifier.
On trouve aussi dans le
Brahmakarmasamaptam (Ç
lepas¬sage suivant : « La
règle
des ablutions sacrées eststricte¬
ment
établie,
et si, après l'ablution du matin, l'on est souillé parl'attouchement
d'une personne souilléeelle-même pour
cause de mortou de
menstruation,
l'on doit prendre un nou¬veau bain semblable à celui du matin. »
La
plupart
des peuples, du reste, connurent dès la hauteantiquité
les bains chauds et même les bains d'étuve.plus Hérodote raconte que les Scythesemployaient
desfumiga¬
tions. « Les
Scythes,
dit-il, prennent de la graine dechanvre.Se glissantsous des tentes de laine
foulée,
ils mettent cette graine surdespierres rougies au feu.Lorsqu'elle
commence àbrûler,
ellerépand
une si grande vapeur, qu'iln'y
a pointen Grèce d'étuve qui ait plus de force. Les
Scythes,
étourdispar cette vapeur, jettent des cris confus. Cette coutume leur tient lieu de
bain,
carjamais ils neplongent
leur corps dans l'eau. »AlexandredeHumbold rapporteque
Cortez trouvadesbains publics à Tlascala. « Les Temazcalli que l'on trouve encore à
Mexico,
dit-il dans son « Essaipolitique
sur la NouvelleEspagne
», sont de vrais bains de vapeur. L'IndienAtzèque
reste étendu dans un four
chaud, continuellement
arroséavec de l'eau. Les naturels de la
Nouvelle-Calédonie
prennentle bain quele célèbre Franklin recommandait jadis sous le nomde bain d'air chaud. Aussi trouve-t-ondans les
missions,
auprès dechaque cabane,
un petit édifice voûté en forme deTemazcalli. En revenant de leur
travail,
les Indiens entrent dans cetédifice,
où peu de momentsauparavant le feu a été éteint. Ils y restent pendant un quart d'heure et,
lorsqu'ils
sont tout
trempés
de sueur, ils se jettent dans l'eau froide d'un ruisseau voisin, ou bien ils se vautrent dans le sable. »Û) Livresaint des Indous.
— il —
L'historienNestor qui,
le premier, écrivit les annales des
Russes etdes
Finlandais, rapporte que saint André, après
avoir
prêché l'évangile
auxSlaves, raconta aux Romains à
son retour qu'il
avait
vudes bains que les Slaves font chauf¬
fer beaucoup;«
ils s'y mettent nus, se lavent ensuite dans
l'eau froide etsemblent
tout régénérés.
»Tacite, enfin,
raconte
queles habitants de la Germanie
faisaient un usage
fréquent des bains chauds, ou plutôt des
lotions chaudes avant
la conquête romaine.
Les Perses et les
Egyptiens furent les premiers peuples qui
élevèrent des
monuments publics pour les bains. Ces édi¬
fices devaientêtre
déjà très luxueux à l'époque de la guerre
de Troie, car
Homère
nousmontre Ménélas rapportant
d'Egypte
des baignoires en argent.
Plustard(iv°
siècle avant Jésus-Christ), Alexandre le Grand
pénétrant dans les bains de Darius, s'écria en voyant la
magnificence
de
cesmonuments : «Est-il possible de com¬
manderà des hommes au
sein d'une telle mollesse ? » Il est
probable
quede ces contrées l'usage du bain chaud passa
en Grèce.
L'histoire des
peuples anciens nous fournit quelques indi¬
cations
thérapeutiques du bain chaud. La Bible, entre autres,
nous en donne une
des plus intéressantes.
Dans la Palestine, comme
du reste dans tous les pays mé¬
ridionaux, l'action
continuelle de la chaleur appliquée à la
surface du corps
amène
unrelâchement considérable de la
peau
qui devient l'aboutissant de tous les mouvements
fluxionnaires.
D'un autre côté, la transpiration entraîne avec
elle
desmatièresexcrémentitiellesqui, danslesclimatsfroids,
passent
parles urines. Ces matières, concrétées à la surface
de la peau,
obstruent les orifices des glandes et sont une
cause fréquente
des affections cutanées, si communes dans
ces régions.
C'est probablement pour détruire la cause occa¬
sionnelle deces
maladies que la législation donnée par Moïse
aux Hébreux
comportait de nombreuses purifications jour¬
nalièreset des
bains après tous les exercices forcés.Du reste.
contre la
lèpre,
affection du genrede celle dont nous avonsparlé plus
haut,
lemômelégislateur
ordonne la séquestra¬tion, la tonsure et les bains chauds.
Moïse dut emprunter ces pratiques aux
Egyptiens.
Ce peuple, chezlequel
nous trouvons le berceau de la civilisa¬tion, avait
depuis longtemps
une médecine solidement éta¬blie.
Malheureusement
cette science ne pouvait faire de grands progrès chez eux. Bien que lespratiques
de la momi¬fication eussent dû fournir en effet aux médecins l'occasion d'étudier à loisir l'intérieur du corps
humain,
une sorte de terreur religieuse les empêchait de mettre enpièces
les cadavres et les obligeait à traiter toujours les maladies d'a¬près des règles posées dans certains livres réputés
d'origine
divine.
Hérodotenous t'ait une
description
émerveillée de la méde¬cine des
Egyptiens
au xvn° siècle avantJésus-Christ
: « LesPastophores, dit-il,
étaient formés parpetits groupes,chacun d'eux nes'occupant
que des maladies d'une seulepartie du corps, soit de la tête, soit de la
poitrine,
soit des yeux, soit de la peau, soit desdents,
soit des membres ; leur réunion formantun toutcapable desecourirn'importe
quel malade.»Prosper Alpini,
dans son « Traité de la médecine desEgyptiens
», nous initie à une applicationthérapeutique
du bainchaud,
très en vogue à la mêmeépoque.
Ilreprésente,
en effet, les
Pastophores plongeant
lesjambes d'un malade atteint de fièvre ardente dans un bain chaudjusqu'à
ce que cette partie du corps fût enflée.Le Rig-Veda
(*)
nousapprend que les Indous prirent l'habi¬tude, dès la plus haute antiquité, de
plonger
dans l'eau chaude l'enfant aussitôt après sa naissance. D'une excessive propreté, ce peuple faisaitun usagefréquent
du bainchaud,
se faisant frotter et brosser au sortir de l'eau. Les monu¬
ments de bains qu'on trouvait à cette
époque
dans l'Inde étaient de toute beauté et ne le cédaient en rien aux établis¬sements
analogues
que nous trouverons chez les Grecs,(i) Code des Indoust
CHAPITRE II
Du Bain
chaud chez les Grecs.
Les sources
originales nous font complètement défaut
pour
la première période de la médecine grecque. Homère
estnotre plus
ancien témoin, et les poèmes homériques cons¬
tituent nos
plus antiques archives. Toutefois, l'Iliade et
l'Odyssée renferment en germe des connaissances médicales
si
précises qu'il est impossible que la médecine n'eût pas
une existence
réelle avant la guerre de Troie.
Le
Rig-Veda peut nous donner une idée de ce que fut la
médecinegrecque
dans les temps préhistoriques. Ayant une
origine
commune, les Hellènes et les Indous durent avoir
en effet, au
début, mêmes mœurs et mêmes usages. Comme
leursfrères,
les Grecs firent usage des bains chauds dès les
temps
plus reculés. Malheureusement les Vedas ne nous indi¬
quent
pasde quelle façon se constitua la science médicale.
Dans la
médecine des anciens Indous tout est indécis,
indéterminé, enveloppé de symboles. Homère, au contraire,
nous initie
à
unemédecine toute humaine.
Dans
l'Iliade et l'Odyssée les bains et les onctions sont
considérés comme le soulagement le plus efficace après un
travail
fatigant. L'étranger qui arrive chez son hôte est
immédiatement conduit au bain pour le délasser de la fatigue
du voyage
et débarrasser son corps de la poussière qui le
couvre.
Voici dans
quels termes Ulysse raconte le bain qu'il prit
chez la
déesse Gircé : « Cependant quatre nymphes étaient
— u —
dans le palais de Circé et la servaient avec zèle ; elles étaient filles des
fontaines,
des forêts et des fleuves sacrésqui se
précipitent
dans la mer. L'une d'elles Laquatrième apporte
l'eau,
puis elle allume un grand feu sous lelarge trépied
; l'eaus'échauffait. Lorsque
cette onde a frémi dans l'airain sonore, la nymphe me place dans unebaignoire,
puise l'eau chaude dans le
trépied,
lamélange agréablement
avec la froide et la
répand
sur ma tète et sur mes épaulespour délasser mon corps de la
fatigue
quil'accablait. Après
m'avoirlavé,
m'avoir parfuméd'essences,
elle me revêt d'unetunique
et d'un manteau. »Déjà, à cette
époque,
l'acte complet du bain comprenait trois périodes. Le bain chaud étaitordinairement
accompa¬gné d'un bain
froid,
après quoi onrépandait
sur son corpsune huile souventparfumée avec des
herbes
odoriférantes.
Les bains dont nous
entretient Homère consistaient en de
simples
effusions ; nullepart, en effet, nous ne voyons les héros del'Iliadeet de
l'Odyssée
seplonger
dans unebaignoire
pour yA
l'époque demeurer tranquilles
de la guerre de Troie,commelesonbains chauds étaientle faitaujourd'hui.
exclusivement
réservés auxathlètes et aux guerriers. Les femmes et les enfants en étaient
sévèrement
tenus à l'écart.Seuls les
Phéaciens,
petit peupleréputé
par sa mollesse et son amour duplaisir,
en faisaient un usagequotidien. Aussiétaient-ils
regardés avecmépris par les autres Hellènes.
Mais les mœurs ne
conservèrent pas
longtemps
cerigorisme, Hésiode,
le plus ancien poète grec aprèsHomère,
nous mon¬tre. en effet, dans son « Traité des Œuvres et des Jours ». les femmes se
baignant
dans desétablissements
qui leurétaientréservés. « La peau délicate de la jeune nymphe,
dit-il,
qui n'a point encore ressenti les feux de la blondeVénus,
seraitpénétrée
du souffleimpétueux
de Borée sansle soin qu'elle prend de se purifier par un bainsalutaire et derépandre sur son corps une liuile parfumée. Ne te
baigne
point, ajoute-t-il plusloin,
dans l'eau où ta femmes'est purifiée. Cette
impu¬
reté serait sévèrement puni par les
dieux. »
A mesure
qu'Athènes vit
sonempire grandir et ses riches¬
ses augmenter,
les bains chauds devinrent d'un usage de
plus en
plus fréquent. On abrogea les lois qui défendaient
l'établissement de
bains publics dans l'enceinte de la ville
et recommandaient les
bains froids et la natation comme
base de la
première éducation. L'Etat lit construire de nom¬
breuxétablissements
de bains où le peuple allait se baigner
à touteheure du jour.
Les riches citoyens eurent leurs bains
privés
et certains esclaves affranchis fondèrent des établis¬
sements où l'onse
baignait moyennant redevance.
Lejeune
Athénien,
aulieu d'aller au gymnase, trouva plus
agréable de
sebaigner deux ou trois fois le jour ; il fît des
salles debains son
séjour habituel. On y festoyait et on s'y
livrait aux
plaisirs les plus immoraux. Les rhéteurs y
allaientfaireleursconférences,
certains d'y trouver toujours
des auditeurs. Certes,
il
nefaut
pascroire que cet exemple
fût suivi seulement par
quelques débauchés : la nation tout
entière, hormis
quelques hommes qui étaient contraints par
leurs fonctions à
garder
uncertain décorum, se livra avec
fureur au
plaisir du bain. Socrate et Phocéon vers le milieu
du vcsiècle av. J.-C.
s'élèvent
avecardeur contre cet abus ef¬
frénéet se
plaignent amèrement que les salles de bains soient
plus
fréquentées
queles palestres par les jeunes gens, au
grand
détriment des bonnes mœurs.
Plus tard les désordreset
les ignominies de tout genre s'ac¬
centuèrentencore, et
cela grâce à l'influence des philosophes,
élèves du mêmeSocrate
qui s'élevait si fort contre le relâche¬
ment des mœurs. La
philosophie, en effet, en hostilité avec
l'ordre social établi
n'était
pasune école de patriotisme et de
vertu mais un
dissolvant jeté dans la cité. La grandeur et le
salutde l'Etat étaient encore
la constante préoccupation des
contemporains
de Miltiade et de Périclès ; les èlèves de So¬
crate enseignent avec
Platon le mépris des institutions natio¬
nales, avec
Zénon
uneindifférence égale pour la liberté et la
servitude, ou
même
avecXénophon à Coronée tirent l'épée
contre leurs concitoyens.
— 16 -
L'esclavage
de son côtéexerça une influence néfaste surles mœurs de cette
époque. L'esclave,
voué par sa condition même à lasensualité,
au vol, à la ruse, à toutes les basses et ignoblespassions,
se vengeait de l'homme libre en le cor¬rompantpour profiter de sesvices.
Toutes les peuplades de la Grèce suivirent
l'exemple
d'A¬thènes.
Polybe,
qui vivait à la lin du incsiècle,
raconte qu'àTlièbes on laissait ses biens non à ses enfants mais à ses compagnons de table, à conditionde les
dépenser
en orgie; de telle sorte,dit-il,
que plusieurs avaient plus de festins à faire par mois que le mois n'avait dejours.Seuls les
Spartiates,
demeurant fidèles à la rigueur desan¬ciennes mœurs, se
plongèrent
tous les jours dansTEurotas,
réservant les bains chaudspour les cas exceptionnels.
A partir du 111e
siècle,
la Grèce va se débattre dans l'anar¬chie. Décimée par ses luttes
intestines,
ramolliepar sesvices,elle n'eut en quelquesorte plus de sang pour résister aux
Macédoniens et plus tard aux Romains.
Rôle
thérapeutique
duBain chaud dansl'ancienne
Grèce.La
plupart
des auteurs sont d'accord pour admettre que les bains chauds furentérigés
en moyenthérapeutique
dès les premierstempsdela médecinegrecque. Savarolevamêmejusqu'à
de faire dériver le motSaXavstov,
qui signifie balnéationSaXXo,
ava, remède contreles douleurs. Quoi qu'il ensoit, les bains chauds étaient consacrésau dieu médecin Hercule. On racontait que le héros en devait la connaissance àHépheste
ou à Pallas.
Homère nous donnepeu
d'indications
au sujet del'emploi
en médecine du bain chaud. Les premières notions précises que nous avons à cesujetdatent
d'Hippocrate,
c'est-à-dire aumilieu du ve siècle av. J.-C. Certes les bains chauds devaient avoir de nombreuses indications
thérapeutiques
avant cetteépoque,
inais tous les ouvrages médicaux antérieurs ayant- 17 -
disparu, nousen
sommes réduit aux conjectures. Un coup
d'œiljeté sur
la médecine
grecqueavant le ve siècle nous
permettra cependant de nous faire une idée du rôle joué en
thérapeutique
parle bain chaud.
La médecinefut d'abord
domestique; chacun
sesoignant
ousoignant ses
proches. Mais à mesure que le domaine des
connaissances
thérapeutiques s'agrandit, la médecine de¬
vintun sacerdoce. Les
prêtres furent les premiers médecins.
Les plus
célèbres d'entre
cesprêtres médecins sont les Asclé-
piades, ou
disciples d'Esculape. Tout en employant des remè¬
des, le plus
souvent superstitieux, ils ont rendu cependant
des servicesà la science par
le goût
quequelques-uns ont
montré pour
l'observation.
« Les temples,
dit Gauthier, étaient placés dans des boca¬
ges
où coulaient des sources d'eau vive ou minérale, que les
prêtres
savaient habilement utiliser. Les profanes ne pou¬
vaient
pénétrer dans le sanctuaire sans avoir subi des puri¬
fications. Onleur
faisait prendre des bains d'eau simple et
d'eau minérale
(*).
»Lesbains étaient toujours
accompagnés de frictions et au¬
tres
manipulations qui devaient opérer des effets -surpre¬
nants sur les personnes
dont le système nerveux était déli¬
cat. Lesprêtres
employaient aussi avec succès les onctions.
Lexvstre, espèce
de brosse fort dure avec laquelle on se fai¬
sait frotter le corps au
sortir du bain, fut inventé à Per-
game
où
setrouvait un temple d'Esculape fort célèbre. La
balnéation jouait
donc
unrôle important dans la thérapeuti¬
que
des disciples d'Esculape, mais leurs pratiquesétaienten-
tourées de tantde
mystères qu'il n'a transpiré (pie quelques
notionstrès vaguesen
dehors des sanctuaires.
La médecine se laïcisa peu
à
peu.Pythagore fonda une
nouvelleclasse de
médecins, les philosophes, dont la théra.
peutique nous
est totalement inconnue ; Ilérodicus de son
côté inventa la
médecine des gymnases. Les préposés aux pa-
(') Gauthier,
Recherches
surla médecine dans les temples.
F.
— 18 —
lestres
s'habituèreht,
en effet, à traiter les fractures et les luxations, sifréquentes
dans leursétablissements. En outré, le but primitif des gymnases étant d'entretenir la souplesseet la vigueur du corps, l'état de santé devait être pources agents de l'Etat l'objet d'une observation minutieuse. Les bains furentprobablementunde leurs moyens
thérapeutiques favoris,
carles bains publics, qui au début étaient absolu¬ment distincts des
palestres,
sefondirentpeu à peu avec eux.Hippoçrate
naquit àl'époque
où les directeurs de gymnase étaient àl'apogée
de leur gloire. Il réforma la médecine et"substitua
la science àl'empirisme
de ses prédécesseurs.Ses ouvrages révèlent un esprit profondément observateur.Voici,
d'après
lui, lesrègles
qui doivent présider au bain chaud : « Le bain est utile dans un grand nombre de mala¬dies;
pour les unes tous lesjours,
pour les autres à de plus longsintervalles,
mais,quelquefois,
il faut s'abstenir parce qu'on n'a pas tout ce qui est nécessaire. Dans peu de mai¬sons, on effet, on trouve les ustensiles toutprêts et les servi¬
teurs sachant donner un
bain;
or, si le malade n'est pas bai¬gné dans toutes les
règles,
il souffrirabeaucoup.
Il faut unepièce qui ne fume pas, un bain
abondant,
de l'eau pour les effusions,fréquentes,
mais non trèsfortes;
à moins que celane soit nécessaire au malade, il vaut mieuxnepas faire d'ac¬
tions détersives sur le corps et, si l'on en fait, la substance que l'on emploiera sera chaude et étendued'une plus grande quantité d'eau que dans l'état de santé.
» Il faut quele malade n'ait que peudechemin à faire pour aller à ta baignoire et qu'il puisse y entrer et en sortir faci¬
lement. Celui qui prend le bain doit être
paisible',
garderie silence et11e rien faire parlui-même,
mais il laissera les au¬tres l'arroser et le frictionner. On se servira pour le sécher
d'épongés
au lieu debrosses,
et l'on oindra d'huileson corps avant qu'il soit très sec.» On aurasoin de sécher la têteautant que possible en res¬
suyant avec une
éponge
et l'on ne laissera se refroidir ni les extrémités ni le reste du corps. »Après
cesconseils, Ilippocrate recherche les effets de la
balnéation: «Le
bain chaud, dit-il, provoque consécutive¬
ment le
refroidissement; à jeun, il atténue et rafraîchit, car
il ôte au corps
l'humidité par la chaleur; or, la chair étant
vided'humidité se
rafraîchit.
»
Après le
repas,il échauffe et humecte, dilatant en un
plus
grand volume ce qui est dans le corps.
» Pris avec
modération, il assouplit le corps et le fait gros¬
sir; pris avec
exagération, il humecte les parties sèches et
dessècheles
parties humides. Or, les parties humectées cau¬
sent faiblesse
et défaillance; les parties humides desséchées
causent de la
sécheresse et de la soif.
» 11 provoque
enfin des éruptions arrondies sur le corps. »
S'appuyant
surces données, le vieillard de Cos conseille
desbains chauds
prolongés pour les enfants en bas âge, des
bainsd'étuve
avant la réduction des luxations des vertèbres,
desaffusions d'eau
chaude sur les membres dans la fièvre
quarte,
des bains de vapeur ou des bains avec beaucoup
d'eau chaude,
suivis de bains de siège dans les déplacements
de la matrice,
des bains de siège chauds pris dans une dé¬
coction de roses ou
de ronces, ou de myrtes, ou d'olivier, ou
devrilles de vignes, ou
de baies de genièvre, ou de sauge
pour
les aphtes .des parties génitales, un bain de siège dans
del'huilechaude
où l'on
ajeté des aromates, comme la fleur
de jonc
odorant, s'il y a du vent dans la matrice, des bains
desiège
chauds dans les maladies utérines. Il recommande
enfin le bain
chaud dans les maladies des yeux, dans la
pleurésie et dans la péripneumonie.
Ce sont-là des
préceptes dont quelques-uns font encore loi
à notre époque.
Lesefforts
réunis des prêtres, des philosophes, des direc¬
teurs de gymnase
et surtout d'JIippocrate avaient réussi à
éleverla
médecine
aurang de science. Malheureusement le
ve siècle est
le point culminant de la médecine nationale
grecque.
Les prêtres médecins, 'à partir de cette époque,
eur'ent leplus sou
vent recours à des jongleries; les philoso-
— 23 -
plies
s'occupèrent
presqueexclusivement
derhétorique,
et les directeurs dégymnase,
délaissés,
fermèrent leurs éta¬blissements.
Mais la médecine grecque ne
disparut
pas pour cela.Transportée
àAlexandrie,
elle forma une pléiade de méde¬cins illustres. Plus tard, à
l'époque
deGaton,
elleémigra
à Rome où elle brilla d'un éclat tout nouveauet donna nais¬
sance, au 11e siècle de notre
ère,
avecGalien,
à une théorie qui subsista pendantdix-sept
siècles.Des
Établissements
de Bains en Grèce.Sauf
quelques
textes d'auteurs plus ou moinsdénaturés,
quelquesvasespeints,
laplupart
dutemps symboliques
peut- être, et remontant à uneépoque
difficile àdéterminer,
nous ne possédons aucundocument
pouvant nousdonner une
idée de ce que furent les
établissements
debains aux diver¬ses
époques
de l'histoire grecque. Nousallons essayercepen¬
dant de déterminer à quel moment et dans
quel ordre ont du apparaître les
divers perfectionnements
apportés à cesnuments. mo¬
On peut considérer trois périodes:
Première période. — Dans la
première,
qu'on pourrait enquelque
sorte appelerlégendaire,
les athlètes et les guerriers ont seuls le droit de sebaigner
en dehors des casexception¬
nels. Les femmes et les enfants sont sévèrement tenus à l'écart des bains. Tout est primitif. Le guerrier prend ses
ablutions dans la
plaine,
un de sescompagnons d'armes versant l'eau chaudesur les différentes parties deson
corps.
C'est durant cette période
qu'apparurent
lesbaignoires;
le termedWxiiuvOoç, employé
parHomère, désigne
unelarge
cuve où un hommepouvait entrer etse tenir
debout,
tandis qu'on le lavait.L'épitlïète d'eu^eaToç,
qui est parfois accolée à ce mot et qui signifie bientaillé,
poli, fait supposer que cesbaignoires
étaient en bois oùen marbre.
- 21 —
Deuxième Période. — Avec
Hésiode commence la deu¬
xième
période
:désormais
onse baigne dans des édifices fon¬
dés pour
cet
usage.Un vasepeint
du musée de Leyde nous donne une idée des
monuments de cette époque.
11 représente un portique sur¬
montéd'unfrontonet
à l'intérieur duquel jaillit l'eaupar deux
ouvertures : deux
baigneurs reçoivent l'eau en douches
(Kpouvo;). De chaque côté du portique, deux autres guerriers
répandent de l'huile sur leurs membres. Les vêtements de
ces personnages
sont suspendus aux branches d'un arbre, la
scène se passe
donc
enplein air.
Il devait exister déjà à
cette époque des établissement de
bains
spécialement affectés aux femmes, les passages d'IIé-
siode ([lie nous avons
cités plus haut permettent en effet do
lesupposer.
Aussi rapporterons-nous à cette période un vase
peintdum
usée de Berlin : Quatre femmes se baignent à l'inté¬
rieur d'unédifice en
forme de portique: les colonnes qui sou¬
tiennentle monument
sont dans l'eau jusqu'à mi-jambe. Les
quatre
baigneuses reçoivent en douches une eau qui jaillit
de têtes d'animaux sauvages.
Leurs vêtements sont suspen¬
dus à une tringle
située au-dessus de leurs têtes,ce qui indi¬
que
qu'on
setrouve en présence d'un édifice primitif. Cepen¬
dantla scène nese passe
déjà plus en plein air.
TroisièmePériode.—
La troisième période commence avec
le v° siècleavant
notre ère. L'usage de se baigner se vulga¬
risant de plus en
plus, les établissements de bains se multi¬
plient
et
seperfectionnent.
Xénophon
signale l'existence de Ta-oouTTif'.ov, endroit où
l'on
quittait
sesvêtements et où se tenaient ceux qui étaient
chargés de
les garder (tgaTto'-puXaxouvTEç). Cette partie des
bains n'était pas
inutile,
carles vols de vêtements étaient
fréquents dans les établissements publics. Des peines très
sévères furent
édictées contre les auteurs de ces larcins.
Hérodote
parle des étuves comme d'une chose parfaitement
connueà son époque.
On provoquait la sueur de deux façons:
ou bien en se
tenant dans une chambre dont l'air très sec
était porté à une
température
assezélevée;
ou encore enremplissant cette même salle de vapeurshumides par l'as¬
persion de caillouxou de morceaux de fer incandescents.
I n'y eut probablement jamais chez les Grecs de local spé¬
cial pours'étuver. Il est possibleque l'endroit où l'on
s'expo¬
sait à l'air chaud fut
i'aXentXnptov
ou chambre pour l'onction.Plutarque,
en effet, raconte que Damon fut assassiné pen¬dant, qu'on l'oignait dans Pétuve.
Désormais,le baincomplet compritquatreactes: en entrant dans les
bains,
on se soumettait à l'influence de l'air chaud,ensuite on se mettait clans l'eau
chaude,
puis, ensortant de là, on se jetait dans l'eau froide: enfin on se faisait essuyer la sueur et parfumer le corps d'huiles odoriférantes.Platon, dans
l'Atlantide,
signale de nouveaux perfection¬nements : « Deux sources
intarissables,
dit-il, l'une froide l'autrechaude,
toutes deux admirables parl'agrément
et la salubrité de leurs eaux fournissaient à tousles besoins.Il y avait pour les bains des bassins découverts et des bas¬
sins voûtés. 11 y en avait pour les rois et pour les particu¬
liers :
d'autres,
séparés, pour lesfemmes;
d'autres pourles chevaux et les bâtes desomme ; chacun d'eux étaitdisposé
et décoré suivant sa destination. »
On ne va donc plus pêle-mêle aux bains publics ; non seu¬
lement les sexes sont
séparés,
mais encorechaque
classe de la société a ses bains réservés.Unelégère redevance était due par ceux qui
fréquentaient
lesbains publics. Lepréposé aux recettes, qui était
chargé
de la police desétablissements, fournissait,
si on ledésirait,
tous les ingrédients de la toilette.
Un vase inédit du musée du Louvre, signé
Andokidès,
peutnous donner une idée des bains de la fin du m0 siècle avant notre ère. Une femmenagedans une piscine
(xûXuu6v,0p*) où
l'onvoit s'agiterdes poissons. On a donc affaire à une eau cou¬
rante ; une autre baigneuse est sur lepoint desejeter dans l'eau ; une troisième enfin verse de l'huile sur sa main. Pas de
vêtements,
ce qui fait supposer la présenced'un«TroouTvjpiov,
Les
monuments qui représentent des bains dans lesquels
une personne
pouvait entrer tout entière sont très rares. Par
contre, ceux
qui
nousmontrent do grands vases annulaires
autour
desquels des hommes ou des femmes nus se lavent
sont
excessivement nombreux. On ne sait pas au juste s'ils
représentent un épisode delà vie réelle, comme les scènes
de toilette
qui
sepassent à l'intérieur des maisons, ou s'ils
ont
simplement une signification religieuse et mythologique.
On serait
cependant tenté de se prononcer en faveur de la
deuxième
hypothèse, car la plupart de ces monuments nous
montrent des
hommes et des femmes se baigriaiït dans la
même salle.
Or le mélange des sexes parait avoir été consi¬
déré comme
très choquant à cette époque; aucun auteur n'en
parle, et ce que nous savons de la retenue et delà pudeur des
femmesgrecques
en général, et des femmes athéniennes en
particulier nous permet d'affirmer que la promiscuité des
sexes
n'exista jamais dans l'ancienne Grèce.
Certains
historiens prétendent cependant qu'àLacédémone,
l'habitude des exercices en commun amenèrent le mélange
des sexes
dans les bains. Malgré cet attentat porté à la pu¬
deur, la
sévérité des mœurs était telle, que les lois de la
chasteté y
demeurèrent rigoureusement intactes. A aucune
époque
de l'histoire de Sparte on ne retrouve, en effet, les
scènes
scandaleuses dont les thermes furent le théâtre.
CHAPITRE III
Du Bain
chaud à Rome.
On n'a pas de
notions précises sur l'époque à laquelle ap¬
parurent les bains chauds à Rome. Il est probable cependant
qu'ils
furent
connusdès les premiers tempsde la République.
Lescolonies grecques, en
effet, étaient nombreuses sur les
côtes d'Italie et de
Sicile, et les Romains durent prendre les
diverses
combinaisons d'eau chaude et d'eau froide à des
voisins déjà
convertis à cette méthode.
Au moment de la
deuxième guerre punique l'usage de se
baigner
était
assezrépandu, car Justin raconte qu'après cette
guerre
les habitants de l'Espagne empruntèrent cette habi¬
tude aux Romains.
A cette époque
les établissements de bains étaient en nom¬
bre assez restreint
et servaient plutôt, selon l'expression de
Sénèque, à débarrasser le corps de la crasse de la sueur que
de celledes parfums.
Patriciens et plébéiens rivalisaient en¬
core dezèle pour
servir l'Etat, et les grands consulaires après
les honneurs du
triomphe retournaient à la charrue. Mal¬
heureusement. dans ses
luttes avec les Carthaginois et les
Asiatiques,
Rome faussa ses mœurs. Avec l'empire du monde,
elle rapporta
les vices et l'habitude du plaisir des peuples
qu'elle avait vaincus.
Les conditions
de fortune étant changées par la conquête
d'opulentes provinces, les Romains prirent rapidement les
habitudes dela
richesse. Aussi au ue siècle de notre ère, l'hel-
lénisme trouya-t-il un terrain tout
préparé lorsqu'il
se préci¬pita sur Rome.
La lettre suivante que
Sénèque
écrit à Lucilius nous donneune idée du luxe apporté dès les premières années de rem- pire dans la construction des établissements de bains.
« Jevous écris de la maison de Scipion l'Africain après
avoir adoré son ombre au pied de l'autel sous
lequel
je crois que ce grand personnage est enterréJ'ai vu cette maisonqui est bâtiedepierresdetaillé,
flanquée
de deux tours, et accompagnée d'un bois fermé demurs. 11 y a une citernesous les bâtimentsetsousle jardin quipourrait fournir à une armée, une étuve fort étroite et mal éclairée
comme on les faisait au
temps
passé, car nos anciens necroyaient pasqu'elles pussent êtrechaudes sielles n'étaient obscures.
» Je prendsplaisir à considérer la manière de vivre de Sci¬
pion par rapport à la nôtre
d'aujourd'hui.
Je dis: C'est en ce coin que ce grand capitaine, qui fut autrefois la terreur deCarthage,
à qui Rome estobligée
de n'avoir été prisequ'une
fois, venait selaver au retour de lacharrue,car
il labourait la terrecomme on le faisait en cetemps-là.
11 demeuraitsous cettechétive couverture ; il marchait sur ce pavé mal¬
propre.
» Qui se contenterait maintenant de telles étuves? On se croit misérable et mal
ajusté
si dans les parois des lieuxoù l'on sebaigne
l'on ne voit éclater des pièces de marbre d'Alexandriemarquetéesd'une pierre deXumidieettaillées
en rond : si l'on ne voitrégner
à Fentour une ceinture d'autres pierres de diverses couleurs artistementtravaillées,
qui fontuneespèce depeinture,si l'onn'est caché sous le verre, si les cuvettes où l'on entre après avoir bien sué n'ont le bord de pierre Thnsienne que l'on ne voyait autrefois que dans les
temples,
et si les robinets qui versent de l'eau ne sont d'ar¬gent.
» Je ne parle encore que des étuves du peuple ; que sera-ce
quand je viendrai à celles des affranchis, que je dirai combien
ilya
de statues, combien de colonnes qui ne portent rie.n et
qui
sont posées seulement pour l'ornement et hi maynili¬
cence,
quelle quantité d'eau tombe d'un degré sur l'autre en
guise
de cascades avec un bruit- surprenant !
)> Nous sommes venus
à ce point de délicatesse que nous ne
voulons plus
marcher que sur des pierres précieuses. Dans
cesbains de
Scipion,
aulieu de fenêtres, il y a des fentes tail¬
lées dans les murspour
recevoir le jour sans affaiblir le bâ¬
timent. Mais
à présent si les étuves ne sont ouvertes et dis¬
posées
de manière qu'elles aient le soleil toute la journée, si
l'on nese
liûle
en selavant et si de la cuvette on ne voit à dé¬
couvert lacampagne
et la mer, l'on dit que ce sont des ta¬
nièresou des
grottes.
» Ainsi deschoses
qui ont attiré les yeux et l'admiration de
tout le monde au
tèjhips qu'elles ont été faites ne passent plus
que pour
des antiquailles quand il plait au luxe,d'inventer
quelque nouveauté et d'abolir ce qu'il y avait introduit.
» Autrefois il y
avait peu de bains et l'on n'y voyait aucun
ornement; car
à quoi bon enrichir une chose qui ne doit
coûterqu'un
liard et qui a été inventée pour la santé et non
pour
le plaisir ! On n'y versait pas de l'eau nouvelle, et celle
qui
était chaude ne sourdait pas d'une fontaine. On ne se
souciait pas
aussi qu'elle fut si claire, parce qu'elle ne servait
que pour
décrasser. Mais, ô dieux ! qu'il y avait de plaisir
d'entrer dans ces
bains obscurs qui n'étaient enduits que de
plâtre sachant que Caton, Fabius Maximusf ou quelques-uns
des Cornéliusy
avaient trempé la main pour en régler la
chaleurî
» Caralors, ces
édiles, de quelque maison qu'ils fussent,
avaientcharge
d'entrer dans ces lieux publics, afin de les
faire tenir
proprement et de donner à l'eau une température
commode
et salubre, non plus comme celle d'aujourd'hui,
qui
est tellement chaude que, pour punir un esclave qui
auraitfait
quelque mauvaise action, ce serait assez de le
jeter
dedans. Pour moi, je ne saurais plus distinguer si le
bain est