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DROIT EUROPEEN DES AFFAIRES - LES LIBERTES DE CIRCULATION

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C

OLLEGE JURIDIQUE FRANCO

-

ROUMAIN D

ETUDES EUROPEENNES Année universitaire 2021-2022

Master 1 - 1

er

semestre

D ROIT EUROPEEN DES AFFAIRES - L ES LIBERTES DE CIRCULATION

Cours de Madame Ségolène BARBOU des PLACES, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne Travaux dirigés de Madame Ruxandra BANCU, avocate

Séance 5. La libre prestation de services

Éléments devant être maîtrisés à l’issue de la séance :

1. La notion de prestation de services et l’application subsidiaire de la libre prestation de services

2. L’application du critère de l’accès au marché en matière de libre prestation de services 3. L’interprétation jurisprudentielle de la notion des raisons impérieuses d'intérêt général

• Documents

1. CJCE, 30 avril 1974, Sacchi, aff. 15/73 (extraits) 2. CJCE, 26 avril 1988, Bond, aff. 352/85 (extraits)

3. CJCE, 30 novembre, 1995, Reinhard Gebhard, C-55/95 (extraits) 4. CJCE, 17 décembre 1981, Webb, aff. 279/80 (extraits)

5. CJCE, 25 juillet 1991, Säger, aff. C-76/90 (extraits)

6. Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (extraits)

7. CJUE, 6 octobre 2020, Commission c/ Hongrie, C-66/18 (extraits)

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Document 1. CJCE, 30 avril 1974, Sacchi, aff. 15/73 (extraits)

(…)

2. S'il n'est pas exclu que des prestations fournies normalement contre rémunération puissent tomber sous les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, tel n'est cependant le cas, comme il ressort de l'article 60, que dans la mesure où elles sont régies par de telles dispositions.

3. L'émission de messages télévises, y compris ceux ayant un caractère publicitaire, relève des règles du traité relatives aux prestations de services. Cependant, les échanges concernant tous matériels, supports de son, films, appareils et autres produits utilisés pour la diffusion des messages télévisés sont soumis aux règles relatives à la libre circulation des marchandises.

(…)

Document 2. CJCE, 26 avril 1988, Bond, aff. 352/85 (extraits)

(…)

12. Par sa première question, la juridiction nationale vise à savoir en substance si la diffusion, par l’intermédiaire d’exploitants de réseaux de câbles établis dans un État membre, de programmes télévisés offerts par des émetteurs établis dans d’autres États membres et contenant des messages publicitaires destines spécialement au public de l’État de réception comporte une ou plusieurs prestations de services au sens des articles 59 et 60 du traité.

13. En vue de répondre à cette question, il y a lieu d’identifier d’abord les services en cause, d’examiner ensuite si ces services ont un caractère transfrontalier au sens de l’article 59 du traité et de vérifier enfin s’il s’agit de prestations fournies normalement contre rémunération au sens de l’article 60 du traité.

14. Il convient de constater que les émissions de programmes en question impliquent au moins deux services distincts. Le premier service est celui que rendent les exploitants de réseaux de câbles établis dans un État membre aux émetteurs établis dans d’autres États membres, en transmettant a leurs abonnes les programmes télévisés que ces émetteurs leur ont envoyés. Le second service est celui que rendent les émetteurs établis dans certains États membres aux publicitaires établis notamment dans l’État de réception en émettant les messages publicitaires que ceux-ci ont préparés spécialement à l’intention du public de l’État de réception.

15. Ces services revêtent l’un et l’autre un caractère transfrontalier au sens de l’article 59 du traité. En effet, dans les deux cas, ceux qui fournissent le service sont établis dans un État membre autre que certains de ceux qui en bénéficient.

16. Les deux services en cause sont également fournis contre rémunération au sens de l’article 60 du traité. D’une part, les exploitants de réseaux de câbles se rémunèrent du service qu’ils rendent aux émetteurs par les redevances qu’ils perçoivent sur leurs abonnés. Il importe peu que ces émetteurs ne paient généralement pas eux-mêmes les exploitants de réseaux de câbles pour cette transmission. En effet, l’article 60 du traité n’exige pas que le service soit payé par ceux qui en bénéficient. D’autre part, les émetteurs sont payés par les publicitaires pour le service qu’ils leur rendent en programmant leurs messages.

17. Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question posée par la juridiction nationale que la diffusion, par l’intermédiaire d’exploitants de réseaux de câbles établis dans un État membre, de programmes télévisés offerts par des émetteurs établis dans d’autres États membres et contenant des messages publicitaires destines spécialement au public de l’État de réception comporte plusieurs prestations de services au sens des articles 59 et 60 du traité.

(…)

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Document 3. CJCE, 30 novembre, 1995, Reinhard Gebhard, aff. 55/94 (extraits)

(…)

22. Il y a lieu ensuite de relever que les dispositions du chapitre relatif aux services sont subsidiaires par rapport à celles du chapitre relatif au droit d’établissement dans la mesure où, en premier lieu, les termes de l’article 59, premier alinéa, présupposent que le prestataire et le destinataire du service concerné sont « établis » dans deux États membres différents et où, en second lieu, l’article 60, premier alinéa, précise que les dispositions relatives aux services ne trouvent application que si celles relatives au droit d’établissement ne s’appliquent pas. Il est donc nécessaire d'examiner le champ d'application de la notion d’« établissement ».

23. Le droit d'établissement, prévu aux articles 52 à 58 du traité, est reconnu tant aux personnes morales au sens de l'article 58 qu'aux personnes physiques ressortissantes d'un État membre de la Communauté. Il comporte, sous réserve des exceptions et conditions prévues, l'accès sur le territoire de tout autre État membre à toutes sortes d'activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, la création d'agences, de succursales ou de filiales.

24. Il s'ensuit qu’une personne peut être établie, au sens du traité, dans plus d'aun État membre, et ce, notamment dans le cas des sociétés, par la création d’agences, de succursales ou de filiales (article 52) et, comme la Cour l’a jugé dans le cas des membres des professions libérales, par la création d’un deuxième domicile professionnel (voir arrêt du 12 juillet 1984, Klopp, 107/83, Rec.

p. 2971, point 19).

25. La notion d'établissement au sens du traité est donc une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d’un État membre autre que son État d’origine, et d’en tirer profit, favorisant ainsi l’interpénétration économique et sociale à l’intérieur de la Communauté dans le domaine des activités non salariées (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 1974, Reyners, 2/74, Rec. p. 631, point 21).

26. En revanche, pour le cas où le prestataire d'un service se déplace dans un autre État membre, les dispositions du chapitre relatif aux services, et, notamment, l’article 60, troisième alinéa, du traité, prévoient que ce prestataire y exerce son activité à titre temporaire.

27. Comme M. l’avocat général l’a relevé, le caractère temporaire des activités en cause est à apprécier non seulement en fonction de la durée de la prestation, mais également en fonction de sa fréquence, périodicité ou continuité. Le caractère temporaire de la prestation n’exclut pas la possibilité pour le prestataire de services, au sens du traité, de se doter, dans l’État membre d’accueil, d’une certaine infrastructure (y compris un bureau, cabinet ou étude) dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l’accomplissement de la prestation en cause.

28. Toutefois, cette situation est à distinguer de celle de M. Gebhard qui, ressortissant d’un État membre, exerce, de façon stable et continue, une activité professionnelle dans un autre État membre où, à partir d’un domicile professionnel, il s’adresse, entre autres, aux ressortissants de cet État. Ce ressortissant relève des dispositions du chapitre relatif au droit d’établissement et non de celui relatif aux services.

(…)

Document 4. CJCE, 17 décembre 1981, Webb, aff. 279/80 (extraits)

(…)

12. Par les deuxième et troisième questions, il est demandé en substance si l’article 59 du traité interdit à un État membre d’exiger une autorisation, pour la mise à disposition de main-

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d’œuvre, sur son territoire, d’une entreprise établie dans un autre État membre, notamment lorsque cette entreprise est titulaire d’une autorisation délivrée par cet État.

13. Aux termes de l’article 59, alinéa 1, du traité, les restrictions à la libre prestation de services à l’intérieur de la Communauté sont progressivement supprimées au cours de la période de transition, à l’égard des ressortissants des États membres de la Communauté. Ainsi que la cour l’a constaté dans l’arrêt du 18 janvier 1979 (Van Wesemael, 110 et 111/78, recueil p. 35), cette disposition, interprétée à la lumière de l’article 8, paragraphe 7, du traité, a prescrit une obligation de résultat précise, dont l’exécution devait être facilitée, mais non conditionnée, par la mise en œuvre d’un programme de mesures progressives. Partant, les impératifs de l’article 59 du traité sont devenus d’application directe et inconditionnelle à l’expiration de ladite période.

14. Ces impératifs comportent l’élimination de toutes discriminations à l’encontre du prestataire en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu’il est établi dans un État membre autre que celui ou la prestation doit être fournie.

15. Les gouvernements allemand et danois font valoir que la législation de l’État dans lequel le service est presté, doit, en règle générale, être appliquée intégralement à tout prestataire qu’il soit ou non établi dans cet État, compte tenu du principe d’égalité et notamment de l’article 60, alinéa 3, du traité, en vertu duquel le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer son activité dans l’État membre destinataire de la prestation dans les mêmes conditions que celles que cet État impose a ses propres ressortissants.

16. L’article 60, alinéa 3, a pour but, en premier lieu, de rendre possible au prestataire l’exercice de son activité dans l’État membre destinataire de la prestation sans discrimination par rapport aux ressortissants de cet État. Il n’implique cependant pas que toute législation nationale applicable aux ressortissants de cet État et visant normalement une activité permanente des entreprises établies dans celui-ci puisse être appliquée intégralement de la même manière a des activités, de caractère temporaire, exercées par des entreprises établies dans d’autres États membres.

17. La cour a constaté dans l’arrêt du 18 janvier 1979, précité, que, compte tenu de la nature particulière de certaines prestations de services, on ne saurait considérer comme incompatibles avec le traité des exigences spécifiques imposées au prestataire, qui seraient motivées par l’application de règles régissant ces types d’activités. Toutefois, la libre prestation des services en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des règlementations justifiées par l’intérêt général et incombant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire dudit État, dans la mesure ou cet intérêt n’est pas sauvegarde par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre ou il est établi.

18. Il convient de reconnaitre à cet égard que la mise à disposition de main-d’œuvre constitue un domaine particulièrement sensible du point de vue professionnel et social. En raison de la nature particulière des liens de travail inhérents a ce type d’activité, l’exercice de celle-ci affecte directement tant les relations sur le marché de l’emploi que les intérêts légitimes des travailleurs concernés. Ceci ressort par ailleurs des législations de certains États membres en la matière, lesquelles tendent, d’une part, à éliminer d’éventuels abus et, d’autres part, à limiter le champ de cette activité ou même à l’interdire totalement.

19. Il en résulte en particulier qu’il est loisible aux États membres, et constitue pour eux un choix politique légitime effectue dans l’intérêt général, de soumettre la mise à disposition de main-d’œuvre sur leur territoire a un régime d’autorisation afin de pouvoir en refuser l’octroi des lors qu’il y a des raisons de craindre que cette activité ne porte préjudice aux bonnes relations sur le marché de l’emploi, ou que les intérêts des travailleurs dont il s’agit ne soient pas suffisamment garantis. Compte tenu, d’une part, des différences qui peuvent exister entre les conditions des marches du travail d’un État membre à l’autre et, d’autre part, de la diversité des critères d’appréciation applicables à l’exercice de ce genre d’activités, on ne saurait contester a l’État membre destinataire de la prestation le droit d’exiger une autorisation délivrée selon les mêmes critères que pour ses propres ressortissants.

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20. Toutefois, cette mesure dépasserait le but poursuivi au cas où les exigences auxquelles la délivrance d’une autorisation se trouve subordonnée feraient double emploi avec les justifications et garanties exigées dans l’État d’établissement. Le respect du principe de la libre prestation des services exige, d’une part, que l’État membre destinataire de la prestation ne fasse dans l’examen des demandes d’autorisation et dans l’octroi de celles-ci aucune distinction en raison de la nationalité ou du lieu d’établissement du prestataire et, d’autre part, qu’il tienne compte des justifications et garanties déjà présentées par le prestataire pour l’exercice de son activité dans l’État membre d’établissement.

(…)

Document 5. CJCE, 25 juillet 1991, Säger, aff. C-76/90 (extraits)

(…)

11. La question préjudicielle doit dès lors être comprise comme visant le point de savoir si l’article 59 du traité s’oppose à une réglementation nationale qui interdit à une société établie dans un autre État membre de fournir à des titulaires de brevets sur le territoire national un service de surveillance et de renouvellement de ces brevets par l’acquittement des redevances prévues, au motif que cette activité est, en vertu de cette réglementation, réservée aux seuls titulaires d’une qualification professionnelle particulière, telle que celle de conseil en brevets.

12. Il y a lieu de relever d’abord que l’article 59 du traité exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber ou gêner autrement les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues.

13. En particulier, un État membre ne peut subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l'observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées précisément à assurer la libre prestation de services. Une telle restriction est d'autant moins admissible lorsque, comme en l'espèce au principal, le service est fourni, à la différence de la situation visée à l'article 60, dernier alinéa, du traité, sans que le prestataire ait besoin de se rendre sur le territoire de l'État membre où la prestation est fournie.

14. Il convient de constater ensuite qu'une réglementation nationale qui subordonne l'exercice de certaines prestations de services sur le territoire national, par une entreprise établie dans un autre État membre, à la délivrance d'une autorisation administrative soumise à la possession de certaines qualifications professionnelles constitue une restriction à la libre prestation de services, au sens de l'article 59 du traité. En effet, en réservant la prestation de services en matière de surveillance de brevets à certains opérateurs économiques répondant à certaines qualifications professionnelles, une réglementation nationale empêche à la fois une entreprise établie à l'étranger de fournir des prestations de services aux titulaires de brevets sur le territoire national et ces titulaires de choisir librement le mode de surveillance de leurs brevets.

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15. Compte tenu de la nature particulière de certaines prestations de services, on ne saurait considérer comme incompatibles avec le traité des exigences spécifiques imposées au prestataire, qui seraient motivées par l'application de règles régissant ces types d'activités.

Toutefois, la libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général et s'appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'État destinataire, dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'État membre où il est établi. En particulier, lesdites exigences doivent être objectivement nécessaires en vue de garantir l'observation des règles professionnelles et d'assurer la protection du destinataire des services et elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs (voir, en dernier lieu, arrêts du 26 février 1991, Commission/France, Commission/Italie et Commission/Grèce, C-154/89, Rec. p.

659, C-180/89, Rec. p. 709 et C-198/89, Rec. p. 727).

16. A cet égard, il y a lieu de relever d'abord qu'une réglementation nationale, telle que celle décrite par la juridiction nationale, vise manifestement à protéger les destinataires des services en question contre le préjudice qu'ils pourraient subir du fait de conseils juridiques qui leur seraient donnés par des personnes qui n'auraient pas les qualifications professionnelles ou morales nécessaires.

17. Il convient de constater ensuite que l'intérêt général lié à la protection des destinataires des services en question contre un tel préjudice justifie une restriction à la libre prestation de services. Une telle réglementation va toutefois au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection de cet intérêt si elle soumet l'exercice, à titre professionnel, d'une activité comme celle en cause, à la possession par les prestataires d'une qualification professionnelle tout à fait particulière et disproportionnée par rapport aux besoins des destinataires.

18. En effet, ainsi que l'avocat général l'a souligné au point 33 de ses conclusions, le prestataire d'un service, tel que celui visé dans la présente affaire, ne conseille pas ses clients, qui sont souvent eux-mêmes des conseils en brevets ou des entreprises employant des experts en brevets qualifiés. Il se borne à les prévenir lorsque des taxes de renouvellement doivent être versées pour éviter l'expiration d'un brevet, à leur demander de préciser s'ils souhaitent renouveler le brevet ainsi qu'à payer les redevances correspondantes pour leur compte s'ils le désirent. Ces tâches, qui sont exercées sans déplacement du prestataire, ont essentiellement un caractère simple et n'exigent pas de qualités professionnelles spécifiques, comme l'indique d'ailleurs le niveau élevé du système d'informatisation, dont la partie défenderesse au principal semble disposer en l'espèce.

19. Il y a lieu d'ajouter, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, que le risque, pour un titulaire d'un brevet, d’un manquement à ses obligations de la part d'une société chargée de la surveillance de brevets allemands reste très limité. En effet, deux mois après la date d'échéance, l'office allemand des brevets envoie un avis officiel au titulaire d'un brevet lui signifiant qu'à défaut du règlement de la somme, majorée d'une taxe de 10 % de la redevance due, son brevet arrivera à expiration dans les quatre mois suivant l'expédition de l'avis (article 17, paragraphe 3, du Patentgesetz).

20. Il convient donc de constater que ni la nature d'un service tel que celui en cause, ni les conséquences d'une défaillance du prestataire ne sauraient justifier une limitation de l'exercice de ce service aux seuls titulaires d'une qualification professionnelle particulière, tels que les avocats ou les conseils en brevets. Une telle limitation doit être considérée comme disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.

21. Il y a donc lieu de répondre que l’article 59 du traité s’oppose à une réglementation nationale qui interdit à une société établie dans un autre État membre de fournir à des titulaires de brevets sur le territoire national un service de surveillance et de renouvellement de ces brevets par l’acquittement des redevances prévues, au motif que cette activité est, en vertu de cette réglementation, réservée aux seuls titulaires d’une qualification professionnelle particulière, telle que celle de conseil en brevets. (…)

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Document 6. Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (extraits)

(…)

Article 4 - Définitions

Aux fins de la présente directive, on entend par :

1. « service », toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l'article 50 du traité;

2. « prestataire », toute personne physique ressortissante d'un État membre, ou toute personne morale visée à l'article 48 du traité et établie dans un État membre, qui offre ou fournit un service;

(…)

8. « raisons impérieuses d'intérêt général », des raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de justice, qui incluent les justifications suivantes: l'ordre public, la sécurité publique, la santé publique, la préservation de l'équilibre financier du système de sécurité sociale, la protection des consommateurs, des destinataires de services et des travailleurs, la loyauté des transactions commerciales, la lutte contre la fraude, la protection de l'environnement et de l'environnement urbain, la santé des animaux, la propriété intellectuelle, la conservation du patrimoine national historique et artistique, des objectifs de politique sociale et des objectifs de politique culturelle;

(…)

CHAPITRE IV - LIBRE CIRCULATION DES SERVICES

SECTION 1 - Libre prestation des services et dérogations y afférentes

Article 16 - Libre prestation des services

1. Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité́ de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

Les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité́ de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants :

a) la non-discrimination : l’exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité́ ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l’État membre dans lequel elles sont établies ;

b) la nécessité : l’exigence doit être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité́

publique, de santé publique ou de protection de l’environnement ;

c) la proportionnalité́ : l’exigence doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà̀ de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

2. Les États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l’une des exigences suivantes :

a) l’obligation pour le prestataire d’avoir un établissement sur leur territoire ;

b) l’obligation pour le prestataire d’obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes, y compris une inscription dans un registre ou auprès d’un ordre ou d’une association professionnelle existant sur leur territoire, sauf dans les cas visés par la présente directive ou par d’autres instruments de la législation communautaire ;

c) l’interdiction pour le prestataire de se doter sur leur territoire d’une certaine forme ou d’un certain type d’infrastructure, y compris d’un bureau ou d’un cabinet d’avocats, dont le prestataire a besoin pour fournir les services en question ;

d) l’application d’un régime contractuel particulier entre le prestataire et le destinataire qui

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e) l’obligation, pour le prestataire, de posséder un document d’identité́ spécifique à l’exercice d’une activité́ de service délivré́ par leurs autorités compétentes ;

f) les exigences affectant l’utilisation d’équipements et de matériel qui font partie intégrante de la prestation du service, à l’exception de celles nécessaires à la santé et la sécurité́ au travail ;

g) les restrictions à la libre prestation des services visées à l’article 19.

3. Les présentes dispositions n’empêchent pas l’État membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité́

de service lorsque ces exigences sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité́

publique, de santé publique ou de protection de l’environnement et conformément au paragraphe 1. Elles n’empêchent pas non plus cet État membre d’appliquer, conformément au droit communautaire, ses règles en matière de conditions d’emploi, y compris celles énoncées dans des conventions collectives.

(…)

SECTION 2 - Droits des destinataires de services

Article 19 - Restrictions interdites

Les États membres ne peuvent pas imposer au destinataire des exigences qui restreignent l’utilisation d’un service fourni par un prestataire ayant son établissement dans un autre État membre, notamment les exigences suivantes :

a) l’obligation d’obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes ou de faire une déclaration auprès de celles-ci;

b) des limites discriminatoires à l’octroi d’aides financières au motif que le prestataire est établi dans un autre État membre ou pour des raisons liées à l’emplacement du lieu où le service est fourni;

Article 20 - Non-discrimination

1. Les États membres veillent à ce que le destinataire ne soir pas soumis à des exigences discriminatoires fondées sur sa nationalité ou son lieu de résidence.

2. Les États membres veillent à ce que les conditions générales d’accès à un service, qui sont mises à la disposition du public par le prestataire, ne contiennent pas des conditions discriminatoires en raison de la nationalité́ ou du lieu de résidence du destinataire, sans que cela ne porte atteinte à la possibilité́ de prévoir des différences dans les conditions d’accès lorsque ces conditions sont directement justifiées par des critères objectifs.

(…)

Document 7. CJUE, 6 octobre 2020, Commission c. Hongrie, aff.C-66/18 (extraits)

1. Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

– de constater que, en imposant aux établissements d’enseignement étrangers situés en dehors de l’Espace économique européen (EEE) la conclusion d’une convention internationale en tant que condition pour pouvoir fournir des services d’enseignement, conformément à l’article 76, paragraphe 1, sous a), du Nemzeti felsőoktatásról szóló 2011. évi CCIV. törvény (loi no CCIV de 2011, relative à l’enseignement supérieur national) (tel que modifié par le Nemzeti felsőoktatásról szóló 2011. évi CCIV. törvény módosításáról szóló 2017. évi XXV. törvény (loi no XXV de 2017, modifiant la loi no CCIV de 2011 sur l’enseignement supérieur national), adopté par le Parlement hongrois le 4 avril 2017 (Magyar Közlöny 2017/53) (ci-après la « loi sur l’enseignement supérieur »), la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article XVII de l’accord général sur le commerce des services (ci-après l’« AGCS »), figurant à l’annexe 1 B de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à

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Marrakech et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986- 1994) (JO 1994, L 336, p. 1) (ci-après l’« accord instituant l’OMC ») ;

– de constater que, en imposant aux établissements d’enseignement supérieur étrangers de dispenser un enseignement supérieur dans leur pays d’origine, conformément à l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), et, en tout état de cause, en vertu des articles 49 et 56 TFUE, ainsi que de l’article XVII de l’AGCS ;

– de constater que, en imposant les mesures susmentionnées, conformément à l’article 76, paragraphe 1, sous a) et b), de la loi sur l’enseignement supérieur (ci-après les « mesures litigieuses »), la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et

- de condamner la Hongrie aux dépens.

(…)

C. Sur le fond

1. Sur l’exigence tenant à l’existence d’une convention internationale préalable

94 En vue de statuer sur le premier grief, il convient, tout d’abord, de préciser l’étendue des engagements de la Hongrie en matière de services d’enseignement supérieur au regard de la règle du traitement national figurant à l’article XVII de l’AGCS, ensuite, d’examiner la question de savoir si l’exigence tenant à l’existence d’une convention internationale préalable modifie les conditions de concurrence à l’avantage des prestataires nationaux de tels services ou des services qu’ils fournissent, en méconnaissance de cette disposition, et, enfin, dans l’affirmative, d’examiner les arguments de la Hongrie visant à justifier cette modification au titre de l’une des exceptions prévues à l’article XIV de l’AGCS.

(…)

2. Sur l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné

(…)

b) Sur l’article 49 TFUE

1) Sur l’applicabilité de l’article 49 TFUE i) Argumentation des parties

157. La Hongrie fait valoir, à titre principal, que ne sauraient être qualifiées d’« activité économique », au sens du traité FUE, les formations dispensées par des établissements d’enseignement financés, pour l’essentiel, par des fonds privés lorsque, comme c’est le cas s’agissant de la CEU, c’est le prestataire de services lui-même qui finance l’activité d’enseignement. Il s’ensuivrait que l’article 49 TFUE n’est pas applicable en l’espèce.

158. La Commission soutient, au contraire, que les services d’enseignement supérieur fournis contre rémunération par des établissements privés constituent des « services », au sens du traité FUE. Par conséquent, les établissements privés exerçant en Hongrie de façon stable et continue des activités d’enseignement et de recherche scientifique seraient fondés à se prévaloir du droit à la liberté d’établissement, en vertu de l’article 49 TFUE.

ii) Appréciation de la Cour

159. L’article 49, paragraphe 1, TFUE dispose que, dans le cadre des dispositions qui figurent au

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d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites.

160. À cet égard, il importe tout d’abord de relever que la Cour a jugé que l’organisation, contre rémunération, de cours d’enseignement supérieur est une activité économique qui relève de ce chapitre 2 lorsqu’elle est effectuée par un ressortissant d’un État membre dans un autre État membre, d’une façon stable et continue, à partir d’un établissement principal ou secondaire dans ce dernier État membre (arrêt du 13 novembre 2003, Neri, C-153/02, EU:C:2003:614, point 39).

161. En l’espèce, l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur est applicable aux établissements d’enseignement supérieur, sans qu’aucune distinction soit effectuée selon que ces établissements dispensent leurs formations diplômantes contre rémunération ou non.

162. Ensuite, la Cour a jugé que relève de la liberté d’établissement une situation dans laquelle une société constituée selon la législation d’un État membre dans lequel elle a son siège statutaire souhaite créer une succursale dans un autre État membre, quand bien même cette société n’aurait été constituée, dans le premier État membre, qu’en vue de s’établir dans le second où elle exercerait l’essentiel, voire l’ensemble, de ses activités économiques (arrêt du 25 octobre 2017, Polbud – Wykonawstwo, C-106/16, EU:C:2017:804, point 38).

163. Par conséquent, l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné relève de l’article 49 TFUE dans la mesure où cette exigence s’applique à un établissement d’enseignement supérieur ayant son siège dans un État membre autre que la Hongrie et dispensant dans ce dernier État une formation contre rémunération.

2) Sur l’existence d’une restriction i) Argumentation des parties

164. Selon la Commission, constitue une restriction à la liberté d’établissement, au sens de l’article 49 TFUE, l’exigence selon laquelle les établissements d’enseignement supérieur concernés sont tenus, en application de l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur, de remplir des conditions spécifiques dans l’État membre de leur siège pour pouvoir créer un autre établissement en Hongrie.

165. En particulier, un État membre ne pourrait refuser le bénéfice des avantages liés à la liberté d’établissement à une entité juridique au motif que celle-ci n’exerce aucune activité économique dans l’État membre où elle a été constituée.

166. La Hongrie soutient, à titre subsidiaire, que l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné ne restreint pas la liberté d’établissement. En effet, cette exigence serait liée à l’exercice d’une activité, et non à la constitution de sociétés. En particulier, elle n’empêcherait pas un établissement d’enseignement supérieur étranger de créer, par exemple, dans le cadre d’un établissement secondaire, une succursale en Hongrie. Elle ne limiterait pas non plus le choix de la forme juridique de l’établissement et prévoirait seulement, s’agissant des prestataires de services déjà établis en Hongrie par l’intermédiaire d’un établissement secondaire, une condition tenant à l’exercice d’une activité d’enseignement supérieur.

ii) Appréciation de la Cour

167. Conformément à la jurisprudence de la Cour, doit être considérée comme une restriction à la liberté d’établissement toute mesure qui interdit, gêne ou rend moins attrayant l’exercice de cette liberté (arrêt du 6 septembre 2012, Commission/Portugal, C-38/10, EU:C:2012:521, point 26).

168. En l’espèce, l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur exige que les fournisseurs de services concernés qui souhaitent fournir en Hongrie des services d’enseignement supérieur au moyen d’un établissement stable dispensent effectivement une formation d’enseignement supérieur dans l’État dans lequel ils ont leur siège.

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169. Or, une telle exigence est de nature à rendre moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement en Hongrie pour les ressortissants d’un autre État membre qui souhaiteraient s’établir en Hongrie afin d’y fournir des services d’enseignement supérieur.

170. Par conséquent, l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné constitue une restriction à la liberté d’établissement, au sens de l’article 49 TFUE.

3) Sur l’existence d’une justification i) Argumentation des parties

171. La Hongrie soutient tout d’abord que l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné est nécessaire aux fins de maintenir l’ordre public et de prévenir les pratiques trompeuses. Cette exigence serait en outre nécessaire pour garantir la qualité de l’offre d’enseignement par les établissements concernés en Hongrie, d’autant plus que les diplômes délivrés par ces derniers sont des documents officiels produisant des effets juridiques.

172. Cet État membre fait ensuite valoir que ladite exigence est un moyen qui permet de garantir de manière appropriée le respect de tels objectifs en ce que l’autorité compétente serait ainsi en mesure d’acquérir la conviction qu’il existe une activité réelle et légale dans le pays du siège du prestataire de services, et ce dans le but de garantir un enseignement universitaire d’un niveau de qualité élevé en Hongrie.

173. Cela étant, la Hongrie fait observer que ses autorités se bornent, en pratique, à examiner l’activité d’enseignement supérieur, les diplômes déjà délivrés, la formation sanctionnée par ces diplômes, à savoir les conditions et le programme d’enseignement, ainsi que la qualification du corps enseignant qui assure cet enseignement.

174. Enfin, il n’existerait pas de mesure moins restrictive, l’objectif consistant à garantir des formations de l’enseignement supérieur de haut niveau ne pouvant être réalisé qu’en examinant l’activité exercée dans l’État dans lequel l’établissement a son siège. En tout état de cause, dans la mesure où l’enseignement supérieur n’a pas fait l’objet d’une harmonisation au niveau de l’Union, les États membres disposeraient d’une marge de manœuvre importante à cet égard.

175. La Commission soutient tout d’abord que l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné n’est de nature à répondre à aucun des objectifs invoqués par la Hongrie. En effet, la Hongrie n’aurait invoqué aucune argumentation convaincante quant aux motifs pour lesquels cette exigence serait justifiée et proportionnée au regard de tels objectifs, ni même indiqué en quoi consisteraient les abus que celle-ci permettrait d’empêcher.

176. La Commission fait valoir, en particulier, que ladite exigence est inadéquate en ce que le niveau de qualité de l’enseignement dispensé dans l’État du siège de l’établissement concerné ne fournirait aucune indication sur la qualité du service fourni en Hongrie. En outre, si son objectif était véritablement de prévenir les fraudes et les abus, la Hongrie aurait dû adopter des règles spécifiques à cet égard.

177. Enfin, l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné serait disproportionnée. En effet, l’échange d’informations avec les agences d’assurance de la qualité et/ou d’agrément de l’État du siège de l’établissement d’enseignement concerné, comme le préconiseraient les conclusions du Conseil, du 20 mai 2014, sur l’assurance de la qualité à l’appui de l’éducation et de la formation (JO 2014, C 183, p. 30), et la coopération renforcée au sein de l’EEE entre autorités de l’enseignement supérieur constitueraient des solutions de remplacement moins restrictives.

ii) Appréciation de la Cour

178. Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, une restriction à la liberté d’établissement ne saurait être admise qu’à la condition, en premier lieu, d’être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et, en second lieu, de respecter le principe de

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systématique, la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 23 février 2016, Commission/Hongrie, C-179/14, EU:C:2016:108, point 166).

179. Par ailleurs, il incombe à l’État membre concerné de démontrer que ces conditions cumulatives sont remplies [arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C-78/18, EU:C:2020:476, point 77].

180. En l’espèce, la Hongrie invoque, en premier lieu, la nécessité de maintenir l’ordre public.

181. À cet égard, il importe de rappeler tout d’abord que, dans le cadre des libertés fondamentales garanties par les traités, les raisons d’ordre public ne peuvent être invoquées qu’en présence d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société (arrêt du 19 juin 2008, Commission/Luxembourg, C-319/06, EU:C:2008:350, point 50).

182. Or, la Hongrie se borne à affirmer que l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné permet à l’autorité compétente d’acquérir la conviction qu’il existe une activité réelle et légale dans le pays du siège du prestataire de services concerné. Ainsi que cela a été relevé au point 154 du présent arrêt, elle n’a présenté aucune argumentation de nature à établir, de façon concrète et circonstanciée, en quoi l’exercice, sur son territoire, d’une activité d’enseignement supérieur par de tels établissements constituerait, à défaut de respect de cette exigence, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société hongroise.

183. Partant, il y a lieu de conclure que l’existence d’une telle menace n’est pas établie en l’espèce.

184. En deuxième lieu, la Hongrie invoque l’objectif consistant à prévenir les pratiques trompeuses. Sans étayer davantage son argumentation, cet État membre semble considérer que l’accès des établissements d’enseignement supérieur étrangers au marché hongrois comporte le risque de voir de telles pratiques se développer.

185. Or, en se fondant sur une présomption générale, la Hongrie ne démontre pas, en dépit de la charge de la preuve qui lui incombe, rappelée au point 179 du présent arrêt, en quoi consiste concrètement un tel risque, ni comment l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné permettrait de le prévenir.

186. En tout état de cause, ainsi que Mme l’avocate générale l’a en substance relevé au point 185 de ses conclusions, la Hongrie n’a pas expliqué pourquoi l’objectif de prévention des pratiques trompeuses ne pourrait être atteint s’il était permis à un fournisseur ne dispensant pas au préalable une formation d’enseignement supérieur dans l’État membre où il a son siège d’établir par tout autre moyen qu’il respecte la réglementation de cet État et qu’il présente par ailleurs un caractère fiable.

187. En troisième lieu, l’objectif, invoqué par la Hongrie, consistant à assurer un niveau élevé à la qualité de l’enseignement supérieur est certes susceptible de justifier des restrictions à la liberté d’établissement (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2003, Neri, C-153/02, EU:C:2003:614, point 46).

188. Il convient cependant de relever que l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné ne contient aucune précision quant au niveau requis de la qualité de l’enseignement que l’établissement étranger dispense dans l’État membre de son siège et qu’elle ne préjuge au demeurant en rien de la qualité de l’enseignement qui sera dispensé en Hongrie, de telle sorte qu’elle n’est, en tout état de cause, pas de nature à garantir la réalisation de cet objectif.

189. Il découle des considérations qui précèdent que l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné ne peut être justifiée par l’argumentation de la Hongrie fondée sur le maintien de l’ordre public, ni par celle fondée sur des raisons impérieuses d’intérêt général tenant à la prévention des pratiques trompeuses et à la nécessité d’assurer un niveau élevé à la qualité de l’enseignement supérieur.

(13)

190. Partant, il y a lieu de conclure que, en adoptant la mesure prévue à l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur, la Hongrie a, pour autant que cette disposition s’applique à des établissements d’enseignement supérieur qui ont leur siège dans un autre État membre, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 TFUE.

c) Sur l’article 16 de la directive 2006/123 et, à titre subsidiaire, sur l’article 56 TFUE

1) Sur l’applicabilité de la directive 2006/123 i) Argumentation des parties

191. La Hongrie fait valoir que ne sauraient être qualifiées d’« activité économique », au sens de l’article 4, point 1, de la directive 2006/123, les formations dispensées par des établissements d’enseignement financés, pour l’essentiel, par des fonds privés lorsque, comme c’est le cas s’agissant de la CEU, c’est le prestataire de services lui-même qui finance l’activité d’enseignement. Par conséquent, cette directive ne serait pas applicable en l’espèce.

192. La Commission soutient que, conformément à l’article 2 de la directive 2006/123, ainsi qu’à l’article 4, point 1, de celle-ci, lequel renvoie à la définition des services inscrite dans le traité FUE, le champ d’application de cette directive inclut les activités d’enseignement et les formations qui sont financées pour l’essentiel au moyen de participations financières privées.

Par conséquent, les établissements privés exerçant en Hongrie de façon temporaire des activités d’enseignement et de recherche scientifique seraient fondés à se prévaloir du droit à la libre prestation des services au titre de ladite directive.

ii) Appréciation de la Cour

193. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/123, celle-ci s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre.

194. Conformément à l’article 4, point 1, de cette directive, il y a lieu d’entendre par « service » toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 57 TFUE.

195. En l’espèce, l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur concerne de manière générale les prestations de services d’enseignement susceptibles d’être exercées par les établissements d’enseignement supérieur étrangers en Hongrie et, partant, également la dispensation de formations contre rémunération. Or, cette dispensation constitue une « activité économique », au sens de l’article 4, point 1, de la directive 2006/123. Partant, cette dernière est applicable en l’espèce.

2) Sur l’existence d’une restriction i) Argumentation des parties

196. La Commission soutient que l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné, en tant qu’elle vise également les établissements d’enseignement supérieur qui entendent fournir en Hongrie des services transfrontaliers, constitue une restriction à la libre prestation des services, garantie à l’article 16 de la directive 2006/123. À titre subsidiaire, la Commission soutient que cette exigence méconnaît l’article 56 TFUE.

197. La Hongrie conteste cette argumentation.

ii) Appréciation de la Cour

198. À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2006/123, l’État membre dans lequel le service est fourni garantit, notamment, le libre exercice de l’activité de service sur son territoire.

199. En l’espèce, l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur exige des établissements concernés qu’ils dispensent une formation d’enseignement supérieur dans l’État dans lequel ils ont leur siège.

200. Considérée à l’aune de la directive 2006/123, une telle exigence, en tant qu’elle impose aux

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supplémentaire, est de nature à restreindre le droit de ceux-ci au libre exercice d’activités d’enseignement supérieur en Hongrie, dans l’hypothèse où ils souhaiteraient exercer leur activité d’abord en Hongrie plutôt que dans l’État membre de leur siège comme dans celle où ceux-ci envisageraient d’exercer une telle activité exclusivement en Hongrie.

3) Sur l’existence d’une justification i) Argumentation des parties

201. La Hongrie soutient que l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État membre du siège de l’établissement concerné est nécessaire aux fins de maintenir l’ordre public.

À cet égard, la Hongrie renvoie, mutatis mutandis, à son argumentation relative au moyen tiré d’une violation de l’article 49 TFUE.

202. La Commission considère que la Hongrie n’a pas démontré que les services d’enseignement fournis temporairement par les établissements d’enseignement supérieur établis dans un État membre avaient une incidence sur l’ordre public en Hongrie, comme l’exigerait pourtant l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2006/123.

ii) Appréciation de la Cour

203. En vertu de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2006/123, l’État membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service a la faculté d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité de service lorsque celles-ci sont justifiées, notamment, par une raison d’ordre public et de sécurité publique, ainsi que conformément au paragraphe 1 de cet article 16.

204. Il y a lieu, cependant, de rappeler que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 181 du présent arrêt, à laquelle renvoie le considérant 41 de la directive 2006/123, les raisons d’ordre public et de sécurité publique supposent, notamment, l’existence d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société. Or, ainsi que cela a été relevé aux points 154 et 182 du présent arrêt, la Hongrie n’a invoqué aucune argumentation de nature à établir, de façon concrète et circonstanciée, en quoi l’exercice, sur son territoire, d’une activité d’enseignement supérieur par des établissements ayant leur siège dans un autre État membre constituerait, à défaut de respect de l’exigence tenant à la dispensation d’une formation dans l’État du siège de l’établissement concerné, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société hongroise.

205. Partant, il y a lieu de considérer que cette exigence ne saurait être justifiée au regard de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2006/123.

206. Il découle de ce qui précède que, en adoptant la mesure prévue à l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur, la Hongrie a, pour autant que cette disposition s’applique à des établissements d’enseignement supérieur qui ont leur siège dans un autre État membre, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la directive 2006/123. Par conséquent, il n’est pas besoin d’examiner si cet État membre a violé l’article 56 TFUE, une telle violation n’ayant été soulevée par la Commission qu’à titre subsidiaire.

207. Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en adoptant la mesure prévue à l’article 76, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’enseignement supérieur, la Hongrie a manqué, pour autant que cette disposition s’applique à des établissements d’enseignement supérieur qui ont leur siège dans un État tiers membre de l’OMC, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article XVII de l’AGCS et, pour autant qu’elle s’applique à des établissements d’enseignement supérieur ayant leur siège dans un autre État membre, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 TFUE et de l’article 16 de la directive 2006/123.

(…)

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1) En adoptant la mesure prévue à l’article 76, paragraphe 1, sous a), du Nemzeti felsőoktatásról szóló 2011. évi CCIV. törvény (loi no CCIV de 2011, relative à l’enseignement supérieur national), tel que modifié par le Nemzeti felsőoktatásról szóló 2011. évi CCIV. törvény módosításáról szóló

(15)

2017. évi XXV. törvény (loi no XXV de 2017, modifiant la loi no CCIV de 2011 sur l’enseignement supérieur national), qui soumet l’exercice, en Hongrie, d’une activité de formation diplômante par les établissements d’enseignement supérieur étrangers situés en dehors de l’Espace économique européen à la condition que le gouvernement hongrois et le gouvernement de l’État du siège de l’établissement concerné aient consenti à être liés par une convention internationale, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article XVII de l’accord général sur le commerce des services, figurant à l’annexe 1 B de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994).

2) En adoptant la mesure prévue à l’article 76, paragraphe 1, sous b), du Nemzeti felsőoktatásról szóló 2011. évi CCIV. törvény (loi no CCIV de 2011, relative à l’enseignement supérieur national), tel que modifié par le Nemzeti felsőoktatásról szóló 2011. évi CCIV. törvény módosításáról szóló 2017. évi XXV. törvény (loi no XXV de 2017, modifiant la loi no CCIV de 2011 sur l’enseignement supérieur national), qui soumet l’exercice, en Hongrie, de l’activité des établissements d’enseignement supérieur étrangers à la condition qu’ils dispensent une formation d’enseignement supérieur dans l’État de leur siège, la Hongrie a manqué, pour autant que cette disposition s’applique à des établissements d’enseignement supérieur qui ont leur siège dans un État tiers membre de l’Organisation mondiale du commerce, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article XVII de l’accord général sur le commerce des services, figurant à l’annexe 1 B de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech et approuvé par la décision 94/800, et, pour autant qu’elle s’applique à des établissements d’enseignement supérieur ayant leur siège dans un autre État membre, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 TFUE et de l’article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur.

3) En adoptant les mesures prévues à l’article 76, paragraphe 1, sous a) et b), du Nemzeti felsőoktatásról szóló 2011. évi CCIV. törvény (loi no CCIV de 2011, relative à l’enseignement supérieur national), tel que modifié par le Nemzeti felsőoktatásról szóló 2011. évi CCIV. törvény módosításáról szóló 2017. évi XXV. törvény (loi no XXV de 2017, modifiant la loi no CCIV de 2011 sur l’enseignement supérieur national), la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

4) La Hongrie est condamnée aux dépens.

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