IRRÉGULARITÉS DES PROPORTIONS MENDÉLIENNES
AU LOCUS W/w CHEZ LA POULE DOMESTIQUE
P. MÉRAT
G. COQUERELLE
Station de Recherches ai)icoles,
Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -JouY-e1I-Josas
SOMMAIRE
Dans notre
population,
des croisements ont été faits, avec un parenthétérozygote
et l’autrerécessif au locus W/w
(absence/présence
depigment jaune épidenni<lue).
Parmi les descendants mâles à 8 semaines d’âge, il y a excès de tarses blanes ; il n’en est pas de même chez les filles. D’autre part, le croisement ww X Ww comporte unehétérogénéité
entre mères, hautementsignificative,
du rapport de
ségrégation
pour les deux sexes groupés.Ces résultats ne sont pas attribuables à une
pénétrance incomplète
de l’un ou l’autre allèle.Les données actuelles s’accordent mal avec
l’hypothèse
de différences dans la mortalitézygotique,
et
pourraient
donc suggérer uneperturbation
desproportions
au niveau des gamètes.!----
INTRODUCTION
La coloration
jaune
de la peau, etparticulièrement
des tarses, par des xantho-phylles,
est sous ladépendance
du locusW/w
chez lapoule domestique (HuTT, i949)!
L’allèle récessif w
permet
cettecoloration,
l’allèle dominant W l’inhibe. Dans des conditions alimentairesnormales,
avec une ration nonprivée
dexanthophylles,
lesanimaux ww ont des tarses
jaunes,
et se différencient nettement, àpartir
de 2 à3
mois
d’âge,
desgénotypes
WW ou Ww. Il était donc intéressant de chercher les raisons d’un excès de mâles àpattes blanches, qui
nous est apparu dans la descen- dance des croisementscomportant
unedisjonction
au locus W.MATERIEL
FTMÉTHODES
Dans notre
population,
issue d’un croisement initial,puis
maintenue sans apport de repro- ducteurs extérieurs(MÉxA!r,
1962), desaccouplements
d’un parent hétérozygote avec un récessifétaient
répétés
àchaque génération.
Il y avait deuxgénérations
par an, le troupeau étant diviséen deux
parties, reproduites séparément depuis l’origine,
l’une auprintemps,
l’autre à l’automne.Le sexe des animaux et la coloration des tarses étaient observés à
l’âge
de 8 semaines, et revusdeux semaines
plus
tard.RESULTATS
Nous diviserons nos résultats en deux
parties :
lesproportions
d’ensemblepar
type
decroisement,
d’unepart ; l’hétérogénéité
entrefamilles,
de l’autre.1
.
Proportions
d’ensemblepar ty!e
de cyoisemevctSur l’ensemble des
années,
de 1955 ày 6 5 ,
lesproportions
dans ladescendance,
par
type d’accouplement,
sont les suivantes :On remarque un excès de
pattes
blanches chez les mâles, et non chez les femelles.L’écart vis-à-vis de la
proportion 1/1
chez lespremiers
est hautementsignificatif,
que ce soit dans le
premier type d’accouplement ( X 2
=‘!,374,
P <o,or)
ou dansle deuxième
( Z 2
=5,86 0 ,
P< 0 , 02 ). Un groupant
les deux croisements réciproques,
le
x. 2
atteint 14,137(probabilité
inférieure ào,ool).
D’autrepart,
l’interaction entresexes pour le
rapport
deségrégation,
sur letotal,
est hautementsignificative (x.2 =
12,011, P <O,OI) (’).
I>ans notre
cheptel
et nosconditions,
la distinction à 8-10 semainesd’âge
entretarses blancs et
jaunes
était bientranchée,
saufpeut-être
pourquelques
animauxà tarses
noirs, qui
avaient été écartés de laprésente
étude.Cependant,
nous avonsvoulu vérifier si l’on
pouvait
rencontrer descoquelets
degénotype
certain MF,qui
aient des tarses décolorés les faisant classer « Wzu ». Cette vérification était
possible
car la même
population contenait,
dans laplupart
desannées,
desaccouplements
où les deux
parents
étaient àpattes jaunes,
de même provenancequ’au
tableau i.Si un descendant de ces familles
apparaissait
àpattes
« blanches », il était noté telquel,
sans que l’on ait connaissance de sonorigine
au moment de l’observation.Au total, le croisement ww X ww a donné 1 Ic!4 descendants des deux sexes à
pattes jaunes
et 16 à tarses notés « blancs », soit unpourcentage
d’ « erreurs » de I,32 p. 100. Celles-ciportaient
sur 5 descendants mâles et II femelles.Ce
pourcentage
esttrop
faible pourexpliquer
le résultat du tableau I. I;neffet,
dansl’hypothèse
d’unepénétrance incomplète
de l’allèle w à l’étathomozygote,
( 1
) Le léger excès de tarses jaunes chez les femelles n’est pas significatif (Z2 = 1,327sur l’ensemble des données du tableau i).
les 2,5 p. 100 de mâles à tarses blancs en excès
représentent
environ 5 p. 100 des mâlesgénétiquement
ww, à supposer que les deuxgénotypes
Ww et ww se trouventà peu
près
enégale proportion.
Sur une souche différente
(souche
L22),
on constate d’ailleurs uneproportion
encore
plus
faible d’enfants àpattes
« blanches » issus de deuxparents
àpattes jaunes :
26( 9
mâles et 17femelles)
contre 3753 àpattes jaunes,
soito,6 9
p. 100. Il est vraisemblable que ces cas sont lefait,
enpartie
d’erreursmatérielles,
eten partie
d’animaux en mauvaise santé au moment de l’observation. Notons que, dans les deux
populations étudiées,
le nombre d’ « erreurs dephénotype
est leplus
faible chezles
mâles,
alorsqu’il
faudrait le contraire pourexpliquer
lesproportions
du tableau z.On doit donc faire
appel
à une autreexplication.
Laplus normale,
a!yiori,
est une mortalité
embryonnaire
oupost-embryonnaire
un peuplus grande
pour les mâles ?’? que pour lesWw,
dans nosconditions,
sansqu’une
différence semblable existe chez les femelles.On
peut
tester cettehypothèse
deplusieurs façons.
Lacomparaison
du tauxd’éclosion des croisements wzv X ze!w avec ceux ne donnant que des enfants à tarses blancs ne révèle pas de différence nette, dans les années où elle était
possible,
maisc’est un test peu
sensible,
vu la variabilité du taux d’éclosion entre familles.On
peut également
comparer laproportion
des sexes dans le croisement ww X wwet dans les autres : si les mâles ww ont un taux d’éclosion ou de survie
inférieur,
leurproportion
dans lepremier
cas devrait être diminuée.Or,
elle est, autotal,
de 495C 3‘d‘
pour 5oiÇJ9,
dans cepremier
cas et, dans lesecond,
de ro 5001(_!
pour1
0 13 6 ÇÇ ;
la différence est faible et nonsignificative.
En dernier
lieu,
dans les deux croisements Ww X ww et ww X Ww, on observe bien un certain défaut de mâlesparmi
les descendants àpattes jaunes (z 35! c!
pour 1
45 6 99
dans lepremier
cas ; 1 334c f c f
pour 1 37499
dans lesecond),
mais il y a, encore
plus,
un excès du même sexe chez les enfants à tarses blancs :1 512
cfcf II
41299
dans lepremier croisement,
14 6 2 CI’ 332 !
dans lesecond, soit,
autotal,
2 974Cd l 2
744YY,
c’est-à-dire 52,oi p. 100 demâles,
d’oùun X 2 égal
à 9,251 vis-à-vis de laproportion III (P
<0 , 01 ),
et ley 2
decontingence
parrapport
au reste dutroupeau (8
021f f j 7 8g5 Y!)
est de4 , 35 6, significatif
auseuil 5 p. 100.
Enfin,
le croisement Ww X Ww, réaliséégalement
dans laplupart
desgéné-
rations,
donne desproportions
trèsproches
de cellesprévues (tabl. 2 ).
On ne retrouve donc pas ici l’excès de
pattes
blanchesparmi
les mâlesqui
caractérise les deux croisements du tableau i.
L’hypothèse
d’une différence de survieembryonnaire
chez les mâles neparaît
donc pas satisfaisante. La seule
explication
restante serait uneperturbation
desproportions
au niveau desgamètes. Cependant,
cetteinterprétation
est rendueplus
difficile par le fait que l’excès de mâles Ww se retrouve dans les deux croisements
réciproques,
etqu’il
faudrait donc faireappel
à deux mécanismes distincts. Il est doncprudent
de nerejeter l’interprétation précédente
que si des donnéescomplé-
mentaires nous
contraignent
absolument à le faire.2
.
Hétérogénéité
entrefamilles
Le tableau 3
donne,
partype
decroisement,
pourchaque
sexe et pour les sexesgroupés,
lesX 2 d’hétérogénéité
entregénérations,
entrepères intra-générations
etentre mères
intra-pères
etintra-générations.
Pour le croisement Ww X ww on ne voit pas bien la
signification
de l’hétéro-généité
entregénérations
chez les mâles.Quant
àl’hétérogénéité
entrepères
pour les deux sexesréunis,
elle atteint toutjuste
le seuil 5 p. 100 designification.
Onpeut
donc
s’interroger
sur sa réalité.Plus
significative
estl’hétérogénéité
entre mères, pour laproportion
chez lesdeux sexes
réunis,
dans le croisement ww X Ww : Il y a des mèresqui
ont un excèssystématique
d’enfants àpattes blanches,
et aussi l’inverse. Il nes’agit
pas de désac- cords entre lephénotype
et legénotype.
Nous avons vu la rareté des cas où un ani- mal ww est noté «à pattes blanches)) ;
ces cas n’étaient d’ailleurs pasgroupés
par familles. En sensinverse,
le cas d’un animalgénétiquement
WW ou Ww, et noté« pattes jaunes ·>,
est encoreplus
rare: Dans notrepopulation,
nous en avons noté20 sur 4502
animaux,
soit 0,4 p. 100, et ces cas n’étaient pas nonplus groupés
par familles.D’autre
part,
unecomparaison
dupourcentage
depoussins éclos,
pour les mères à excès ou à défaut d’enfants àpattes
blanchessignificatif
au seuil 5 p. 100, et pour les autres mèresaccouplées
aux mêmespères,
montre l’absence de différence de cepoint
de vue(tabl. 4 ) :
ni l’une ni l’autre n’estsignificative
auseuil
p. 100( 1 ).
(
1) Quant n la proportion des sexes, elle ne diffère pas
de
1/1 pour les poussins des deux phénotypeset globalement, qu’il s’agisse des mères ayant eu un excès d’enfants à pattes blanches, ou de celles présen-
tant une proportion par défaut d’enfants du même type.
La mortalité
jusqu’à
8 semainesd’âge
étaitfaible,
et nepouvait
modifier defaçon appréciable
le résultat de cescomparaisons.
Il
paraît
donc difficiled’interpréter l’hétérogénéité
observée par desvariations,
entre mères, du
rapport
des taux de survie deszygotes
Ww et ïk,,7t,. Nous sommesdonc
amené,
les autrespossibilités
n’étant pasétayées
par nosrésultats,
à supposer l’existence de différencessystématiques
entre mères pour laproportion
d’ovules BVet w
qu’elles produisent,
ou encore decrossing-over somatiques.
CONCLUSIONS
Ainsi,
les deux faits saillants que nous avonsrencontrés,
excès d’enfants mâles àpattes
blanches dans les croisements Ww X ww et ww X Ww, ethétérogénéité
entre mères de la
proportion
sur les sexesgroupés
dans le croisement W1£’ XWw, suggèrent
lapossibilité
deperturbations
desproportions
se situant au niveau desgamètes plutôt
que deszygotes.
Telle estl’hypothèse
laplus plausible
dans le secondcas. Dans le
premier, quoiqu’on
nepuisse
sans doute pas larejeter
avec une totalecertitude, l’explication
par une survie moins bonne deszygotes
mâles W1C’ soulèvedes difficultés.
Si
l’interprétation suggérée
seconfirme,
elleprésenterait
uneanalogie
avec lesphénomènes
que nous avons décrits antérieurement au locus R(MÉ RAT , 19 6 4 ), interprétés
comme une fertilisation sélective dans le croisement Rr X rr, et comme unehétérogénéité
dans laproportion
des ovules R et r pour le croisement rr X Rr.Si, malgré
les apparencesactuelles,
ils’agissait
d’unequestion
de mortalitéembryonnaire,
il serait intéressant decomprendre pourquoi
une différence de survie deszygotes
WIC et 1C’Wexiste dans un sexe seulement.Reçu pour
publication
en rnars i966.SUMMARY
ABNORMALITIES OF MENDELIAN PROPORTIONS AT LOCUS 4V/W IN THE DOMESTIC FOWL
Matings
of one parentheterozygous
and the other recessive to locus W/w(absence
or presence ofepidermal
yellowpigmentation)
were carried out in ourpopulation.
White shanks were
preponderant
amongeight
weeks old male progeny, but not among female progeny. On the other hand, in ww X Wwmatings,
there was ahighly significant heterogeneity
between dams in the
segregation
ratio for both sexespooled.
These results cannot be attributed to an
incomplete
penetrance of either of the two alleles. Our present data do not fit in with thehypothesis
of differences inzygotic mortality,
and may suggest that the proportions were disturbed at the gametic level.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
)-IuTT F. B., 1949. Genelics of the lowl. ;B!cGraw IIill Book, New-York.
MÉxnT P., 1962. Quelques relations entre caractères extérieurs à hérédité simple et productivité. C. R.
12
e Congr. mond. avic., 71-76.
MÈ
RAT P., 1963. Ségrégations anormales pour les allèles crête simple &dquo; et « crête en rose » chez la poule.
IV. Discussion d’ensemble relative aux trois types de croisement Rr x rr, rr X Rr et Rr x Rr. Ann.
Biol. anim. Biach. Biophys., 2, i33-i4i.