PROPORTION ANORMALE DES SEXES CHEZ LES VOLAILLES :
EXAMEN DE FAMILLES PARTICULIÈRES
P. MÉRAT
Station centrale de Génétique animale,
Centre national de Recherches zootechniques, 78-Jouy-en-Josas
Institut national de la Recherche agronomique
Sur environ 17000o
poussins pedigree,
nous avionsprécédemment
mis enévidence une
hétérogénéité
hautementsignificative
de laproportion
des sexes(«
sex ratio»)
suivant les souches et les familles. Les familles à excès ou défautsignificatif
depoussins
mâles ne différaient des autres ni par le tauxd’éclosion,
ni par le taux de survie desjeunes.
D’autrepart,
uneinterprétation
de nos résul-tats par des
gènes
ou accidentschromosomiques capables
d’inverser le sexe était très peu vraisemblable(MÉ RAT , 19 6 3 ).
Ces conclusions sont renforcées par denouveaux résultats accumulés
depuis,
àpartir
des mêmespopulations.
Nous
compléterons
ici ces donnéesglobales
par l’examen dequelques
famillesparticulières,
à « sex ratio » trèsanormal,
le nombre dezygotes
de sexe non identifié étant faible pour certaines.Dans toutes les données
utilisées, provenant
deplusieurs
souches et racesélevées
respectivement
à la Station avicole deJouy-en-Josas,
à la Station duMagneraud
et àl’École
d’Aviculture de Rambouillet entre1954
et19 66, chaque père
étaitaccouplé
à un nombre variable demères,
maischaque poule
à un seulcoq. Le sexe était déterminé à 8 semaines
d’âge
et vérifié à 10semaines,
le pour-centage
d’erreurs àpartir
de cetâge
étant très faible.Aucune élimination d’animaux n’avait lieu
avant
ce dernier stade.Dans la souche «
Jouy
»depuis 1959 inclus,
le sexeétait,
enoutre,
identifié chez lesembryons
mortsdepuis
18jours
et sur lespoussins
morts de l’éclosion à 8 semainesd’âge.
Le tableau i
récapitule
les nombres depoussins
mâles et femelles observés dans la descendance de certainspères (chacun
avecplusieurs mères)
et, d’autrepart,
de certaines mères. Nous nous sommes limités aux familles pourlesquelles
leX 2
vis-à-vis de la
proportion i /i ( 50
% demâles)
étaitsupérieur
à 10,après appli-
cation de la correction de YATES. Le
pourcentage
de mâles pourchaque
familleest
indiqué,
ainsi que ses limites de confiance au seuil 5 p. 100.Ces
limites,
commes les valeurs deX 2 , indiquent
desproportions
dechaque
sexe très nettement différentes de 50 p. 100. Si l’on considère isolément
chaque famille,
laprobabilité
d’obtenir parhasard,
sous cettehypothèse,
les effectifsobservés,
estpartout
inférieure à i p. 1000.Dans
plusieurs
cas,l’explication
par une mortalitéembryonnaire
oupost- embryonnaire frappant
électivement un sexe, nécessiterait que tous leszygotes
morts soient de même sexe, ce
qui
est extrêmement peu vraisemblable. C’est le casdes
pères A,, (M
111963), E 15
etE,, (M
I N.I,.ig65), B 10 (177 1964), F 4 (188 1964),
en déduisant les oeufs notés « clairs au
mirage,
dont lamajorité
au moinspeuvent
raisonnablement être considérés comme non fécondés.Dans d’autres familles
(G io Jouy
automne19 6 2 ; D,, J! ig6i; 6 93 8, Jouy printemps
z959;6 27 , Jouy
automne 1959;4295 ,
M88i 9 66;
11239, Mil N.L.19 66),
même en
ajoutant
au sexe le moins nombreux la totalité du déchet à l’éclosion(oeufs
« clairs »inclus)
et de la mortalité avant 8semaines,
il subsiste encore unécart
appréciable
à laproportion
i/i.
La descendance du
père G 10’
celle dupère D.,
de la mère6 93 8
et de la mère6 27
sont
particulièrement significatives
de cepoint
de vue.Pour la
première, comportant 13 8
mâles et 72 femellesidentifiés,
le nombretotal d’oeufs notés « clairs » et de
zygotes
morts non sexés est de 26. Au cas,pra- tiquement impossible d’ailleurs,
où tous les oeufs « clairs » seraient en réalité fer- tiles et où tous leszygotes
morts seraient desfemelles,
on obtiendrait encore, avec13
8
mâles pour9 8 femelles, un X z corrigé égal
à6,6 1
vis-à-vis de laproportion i /r, correspondant
à uneprobabilité
voisine de i p. 100.Dans le second et le troisième cas, les 3 et les 5 oeufs non éclos étant
comptés
commemâles,
on auraitrespectivement
i23’3’ pour33$$
et33d’6
pour6 2
$$,
d’où unx 2 corrigé égal
pour lepère D 2
à8,8 9 (P
<o,oi),
pour la mère6 93 8
à
8, 25 (P
<o,oi);
pour la mère6 27 ,
on aurait6aa
pour24 i (y2
=9 ,6 3 ,
P <o,oi).
En
l’occurrence,
on nepeut
donc retenirl’hypothèse
d’une mortalitéembryon-
naire
plus grande
dans un sexe. Cette constatationrejoint
la conclusion que nous avions tirée d’unecomparaison
des taux defertilité,
d’éclosion et de mortalitéjuvénile
dans les familles àproportion
des sexessignificativement
anormale ounon, pour l’ensemble des
populations
étudiées(MÉ RA T, 19 6 3 ).
Une
question
d’ordrestatistique
se pose : les famillesci-dessus,
et engénéral
toutes celles
figurant
au tableau i, ont été choisiesprécisément
comme celles don- nant l’écart leplus significatif
vis-à-vis del’égalité
defréquence
des deux sexes.Quelle
était laprobabilité
de les obtenir par hasardparmi
toutes les familles de lapopulation
dont elles fôntpartie?
On
peut
noterpréalablement
que nos testsd’homogénéité
duz 2 ,
hautementsignificatifs
sur la totalité des données(MÉ RAT , 19 6 3 ), impliquent
l’existence de familles àproportion systématiquement
anormale.Plus
précisément,
pour lepère G io ,
leX 2
vis-à-vis de laproportion i /i, égal
à20 ,
7 pour i
degré
deliberté, correspond
à une variable t =Z2
valant 4,55,qui
aune
probabilité
voisine de3 . i ô
d’êtredépassée
en valeur absolue. Dansl’hypo-
thèse nulle d’une
fréquence égale
des sexes dans toutes lesfamilles,
laproportion théorique, parmi
les4 86
familles de mêmepère
d’effectif suffisantanalysées
dansla
population
«Jouy »,
de celles donnantun X 2
au moinségal
à cettevaleur,
est fournie par une loi de POISSON de moyenne m =4 86
X 3 X 10-6=0 , 0014 6.
La
probabilité
d’observer au moins une telle famille dans notre échantillon est donc i - P(o)
= i - e-1 != o,ooi5.
La familleG lo
aurait donc pu difficilementapparaître
defaçon purement
aléatoire.Ajoutées
aux résultats d’ensemble de notrepremière publication,
ces donnéesparaissent
bien prouver la réalité d’écarts substantiels àl’égalité
deproportion
dessexes à la
fertilisation,
dans certaines familles chez lapoule.
Nous avions
déjà indiqué
à ce propos(MÉ RAT , 19 6 3 )
le faitqu’il
y a, dansl’ensemble,
non seulement unehétérogénéité
entremères,
mais surtout des varia- tions attachéesspécifiquement
à la descendance de certainspères.
Ceciapparaît surprenant, puisque
la détermination du sexedépend
de lapremière
division méio-tique
de la femellequi
a lieu dans l’ovaire(S TURKIE , 19 65,
p.5 2 6).
Il faudrait doncsupposer, dans certains cas au
moins,
lapossibilité
d’uneinfluence,
sur cette divi-sion,
du sperme ou despermatozoïdes.
Onpeut
seulement noter, de cepoint
de vue,que, selon SMYTH
( 19 6 3 ),
lapossibilité
de fertilisation intra-ovarienne n’estpeut-
être pas à exclure apriori,
au moins chez le dindon.Reçu pour publication en décembre 1968.
SUMMARY
ABNORMAL SEX RATIOS IN THE FOWL STUDY OF CERTAIN FAMILIES
The observation of sire or dam families with extreme sex-ratio at hatching or at 8 weeks, and with little mortality and infertility, strongly suggests that in these cases there is a real devia- tion of the sex ratio at fertilization (primary sex ratio). It is especially true for sire Gio, with 138 sons, 72 daughters and only 26 zygotes with sex not identified : Counting these 26 zygotes (or ova) as females does not suppress the significance of the deviation; on the other hand, the probability of observing so extreme a sex ratio among all families is inferior to .0015.
This is in accord with our previous conclusions drawn from an analysis of sex ratios between and within families in the whole populations.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
bIÉ R
n2 P., 1963. Proportion des sexes (sex ratio) chez les volailles. II. Différences entre souches et entre familles. Ann. Zootech., 12, 105-123.
SnrtY2a J.-R. Jr., 1963. Functional persistency of turkey semen following differentreinsemination inter- vals. Poult. Sci., 42, 357-362.
STU R
KIE P.-D., 1965. Avian Physiology. Cornell University Press.