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Claude Hagège, L’enfant aux deux langues

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Cahiers de praxématique 

26 | 1996

Les mots et la scène

Claude Hagège, L’enfant aux deux langues

Jacques Bres

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/praxematique/2972 DOI : 10.4000/praxematique.2972

ISSN : 2111-5044 Éditeur

Presses universitaires de la Méditerranée Édition imprimée

Date de publication : 1 janvier 1996 Pagination : 168-170

ISSN : 0765-4944 Référence électronique

Jacques Bres, « Claude Hagège, L’enfant aux deux langues », Cahiers de praxématique [En ligne], 26 | 1996, document 9, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://

journals.openedition.org/praxematique/2972 ; DOI : https://doi.org/10.4000/praxematique.2972 Ce document a été généré automatiquement le 10 décembre 2020.

Tous droits réservés

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Claude Hagège, L’enfant aux deux langues

Jacques Bres

RÉFÉRENCE

Claude Hagège, L’enfant aux deux langues. 1996, Paris : Éditions Odile Jacob, 298p.

1 Après Le français et les siècles (1987) et Le souffle de la langue (1992), Claude Hagège intervient plus précisément encore en tant que force de proposition dans le débat public sur les problèmes linguistiques : la question du bilinguisme – au-delà du multilinguisme – est, dans L’enfant aux deux langues, envisagée non en soi mais dans le cadre sociopolitique de l’Europe. La thèse est forte et simple à la fois : la construction européenne, multipliant les contacts, rend indispensable la pratique de deux, au-delà de plusieurs langues ; cette nécessité ne peut devenir réalité que par une éducation scolaire bilingue dès la petite enfance. L’ouvrage se compose de quatre parties :

2 – La première – « Les blocages de l’adulte et les grâces de l’enfant »fait la démonstration que l’enfant dispose de potentialités d’apprentissage linguistique dans son jeune âge qui se réduisent considérablement voire disparaissent si elles ne sont pas exploitées avant le seuil fatidique de la onzième année. C’est particulièrement vrai pour la dimension phonique des langues : l’enfant, au cours de son développement, tend à ne plus percevoir les oppositions sonores qu’il n’entend pas dans sa langue maternelle (« stabilisation sélective des synapses ») ; l’oreille devient « nationale ». Les articulations phonétiques d’autre part en tant que « gestes sociaux » s’acquièrent d’autant mieux qu’elles s’appuient sur la pulsion d’imitation qui, dans la prime enfance, n’est pas entravée par la peur de la faute (lathophobie). Le bilinguisme a d’autant plus de chances de s’épanouir que l’enfant est plus tôt mis en contact avec la pluralité linguistique : ce qu’illustre le cas des enfants bilingues de couples mixtes pour lesquels C. H. préconise d’appliquer le principe de Ronjat (1913 : Le développement du langage observé chez l’enfant bilingue) : une personne, une langue. En tant que membre d’un

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couple mixte, je ne suivrai pas l’auteur sur ce dernier point. Ledit principe a les inconvénients de ses avantages : l’association systématique et exclusive d’une personne et d’une langue peut engendrer – le sujet se construisant dans la/les langues – des structures de type schizoïde. Le principe de Ronjat d’autre part, s’il est applicable dans les relations duelles adulte/enfant, l’est beaucoup moins dans les relations triangulaires père-mère-enfant où ne peut manquer de jouer – fort heureusement ! – un autre principe, d’ordre sociolinguistique : celui de la convergence tendancielle vers l’une ou l’autre langue – dans les cas de bilinguisme partagé – des différents interlocuteurs, en lieu et place de l’alternance systématique du code en fonction de l’interlocuteur.

3 – Les couples mixtes n’étant qu’une infime minorité, c’est à l’école qu’est impartie la tâche de développer le bilinguisme. La deuxième partie – « Cinq clefs pour une école nouvelle » – argumente les propositions qui permettront à l’école de remplir cette fonction :

une langue vivante étrangère (LVE) est introduite dès l’âge de 6 ans (cours préparatoire pour la France), à raison de 2 h. par jour (10 H. hebdomadaires). Dès 7 ans et jusqu’à la fin de la scolarité, les 2/5èmes des programmes s’effectuent en LVE.

la LVE est conçue non comme une matière enseignée (parmi d’autres) mais comme un instrument de communication. Pour ce faire, les rôles du corps et du groupe social sont privilégiés.

pour pallier l’absence de la LVE dans l’environnement social extrascolaire, il convient de procéder à l’immersion, sous la forme d’un échange massif d’enseignants à travers toute l’Europe : les cours en LVE sont dispensés par des natifs.

pour être couronnée de succès, l’acquisition d’une LVE nécessite une continuité pédagogique qui ne peut être obtenue que par la généralisation de l’enseignement bilingue précoce.

les langues qu’il convient d’introduire comme LVE à l’école primaire sont au nombre de 5 : l’allemand, l’espagnol, le français, l’italien, le portugais… à l’exclusion de l’anglais qui intervient seulement dans le cycle secondaire, comme possible deuxième langue étrangère.

4 Ces 5 propositions constituent un tout cohérent : elles ne sauraient être isolées les unes des autres. C’est seule leur application intégrale qui permettra un bilinguisme généralisé.

5 – La troisième partie – « De quelques données de base et méthodes utiles » – envisage les difficultés que ne manquent pas de rencontrer les natifs francophones dans l’apprentissage d’une LVE du fait de certaines spécificités du français : par exemple son accentuation seulement oxytonique alors que dans la plupart des langues l’accentuation est également paroxytonique et proparoxytonique. Problèmes potentiels mais aussi atouts effectifs, au nombre desquels les langues régionales dont la pratique peut fonctionner comme propédeutique à celle d’une LVE (on regrettera – mais sans doute est-ce là susceptibilité de diglosse ! – que C. H. parle sans précaution de l’« aptitude multilingue des patoisants » – le soulignement est bien sûr de moi).

6 – La quatrième partie – « Diversité des situations bilingues » – questionne et précise la notion de bilinguisme en l’articulant à d’autres notions linguistiques : compétence communicative, bilinguisme coordonné et bilinguisme composé, alternance codique, compétences active et passive, diglossie, bilinguisme égalitaire et bilinguisme d’inégalité, insécurité linguistique, semi-linguisme, plurilinguisme.

7 Sachons gré à l’auteur de participer au débat de société en vulgarisant pour un public large certains acquis des sciences du langage avec le talent et l’élégance qui sont les

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siens, sans jamais sacrifier la complexité des faits – par ex. le rapport audition/

production des sons (p. 18-37) – ni recouvrir la pluralité de ses sources (une bibliograhie substantielle à laquelle sont faits de nombreux renvois permet à tout un chacun lecteur d’aller y voir soi-même).

8 Les propositions de C. H. sont quelque peu iconoclastes : l’auteur le sait bien qui prend la peine de répondre par avance avec beaucoup de clarté à bon nombre d’objections.

Pourtant aucune provocation : s’il bouscule situations acquises, idéologie unilinguiste frileuse, tabous de tous ordres, c’est que le bilinguisme est à ce prix. La cinquième proposition par exemple écarte l’anglais de l’enseignement précoce au motif principal que, compte tenu de l’actuelle situation de dominance de l’anglo-américain, cette langue serait massivement choisie, ce qui réduirait dans les faits la pluralité linguistique : « alors que toutes les autres langues acheminent naturellement les élèves vers le multilinguisme, l’anglais les en écarte » (p. 275). Voilà qui va susciter – entre autres – les résistances typiques des situations de contacts de langues inégalitaires, tout simplement parce qu’est contredite la diglossie déjà fortement prégnante, et pas seulement en Europe : Langue A : anglo-américain / langue B : tous autres idiomes. Et l’on sait combien il est difficile de remonter la diglossie. Difficile mais cependant pas impossible, comme est là pour nous le rappeler le cas du catalan. Il y faut une volonté politique et des moyens adéquats.

9 Je soulignerai pour terminer un élément, dont l’auteur n’explicite pas les conséquences pourtant d’importance : C. H. place au centre de son dispositif l’école. Voilà sans doute un nouveau défi pour cette institution, qui après avoir appris la maîtrise de la langue vivante maternelle se doit de faire acquérir celle d’une/de plusieurs LVE. Si l’avenir de l’Europe est en effet au multilinguisme, il importe que tous les enfants y aient accès.

Faute de quoi, ce sont des instituts privés qui se chargeront de cette tâche, pour les seuls enfants de ceux qui peuvent réaliser cet investisssement, comme c’est déjà le cas notamment en Grèce et en Espagne.

10 Souhaitons que les propositions de C. H. soient discutées, au-delà qu’elles trouvent à s’actualiser, afin que l’enfant aux deux langues ne soit plus, comme semble le suggèrer le titre avec distance, une anomalie au même titre que la femme à deux têtes, mais tout simplement la norme…

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