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Lignes de vie

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Academic year: 2022

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Bulletin Amades

Anthropologie Médicale Appliquée au Développement Et à la Santé  

64 | 2005 64

Lignes de vie

Yannick Jaffré

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/amades/245 DOI : 10.4000/amades.245

ISSN : 2102-5975 Éditeur

Association Amades Édition imprimée

Date de publication : 1 décembre 2005 ISSN : 1257-0222

Référence électronique

Yannick Jaffré, « Lignes de vie », Bulletin Amades [En ligne], 64 | 2005, mis en ligne le 03 février 2009, consulté le 08 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/amades/245 ; DOI : https://

doi.org/10.4000/amades.245

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Lignes de vie

Yannick Jaffré

1 C’est quoi, du dedans, « une population étrangère» ? Quelques mains vides additionnées, « des millions de solitaires dont les actions et les œuvres, chaque jour, nient les frontières et les plus grossières apparences de l’histoire » (Camus), des vies minuscules une par une.

2 Prenons deux « étrangères ». Elles ne « représentent » rien, bien sûr. Ces fameuses vies

« représentatives » sont seulement des vies abusivement résumées sous quelques grandes rubriques : origine, identité, richesse… Elles ne représentent rien. C’est plus sérieux, elles tentent de se dire.

3 Leïla Sebbar nomme son père – instituteur formant sur les mêmes bancs des agents de la colonie, des cadres de la guerre de libération et de futurs cadres de l’Algérie indépendante – « un homme frontière ». Et son livre s’intitule « Mes Algéries en France ». Bien sûr. Comment, malgré l’impatience des rives, séparer la terre de la terre ?

4 La mémoire ne fait pas le tri. Elle prend les objets du quotidien comme l’histoire les pose, mais les boîtes à chiquer, maintenant sur un bureau, évoquent l’absence du geste qui les portait aux lèvres. Elle fixe les regards, comme celui de Maurice Audin qui ne savait pas encore, ou de Germaine Tillon déjà savait trop. Elle se souvient d’un titre, accueillant les enfants sur un livre d’école, « bonjour Ali ! bonjour, Fatima ! » ; si seulement… S’attarde sur des promesses devenues des mensonges : « Rien ne nous séparera, notre sang s’est mélangé ». Et puis l’histoire : les monuments aux morts, les trottoirs à balayer et le sourire de Zidane. Le livre s’achève en parlant des tourterelles.

Peut-être simplement parce qu’elles sont d’un gris très doux.

5 Cette même histoire traverse une mère et son fils. Ils sont d’un même présent que les âges rendent différent. C’est pour cela qu’ensemble ils se côtoient. « Elle glisse des mots en français dans sa langue maternelle ; elle veut que son fils lui parle en arabe, mais lui s’obstine, il parle en français ». Par choix, autant que par ancienne honte. « Je criais que j’irais défendre mon fils si on lui faisait du mal ; tu m’as dit – Tu vas lui parler en arabe à la maîtresse ? » Elle voudrait qu’il se souvienne des odeurs de la menthe lorsqu’ils ouvraient les fenêtres. Il regarde dehors, lit « Je t’aime et juste à coté salope ; il lit des

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prénoms enchevêtrés en minuscules (.) Il ne les connaît pas… ». Il ne reste pas longtemps. Sa mère lui dit « souviens toi toujours que tu as une âme ». Il s’en va.

6 Ce sont, autrement agencés, les mêmes mots que prononce Nina Bouraoui : « Je suis en train de naître de moi-même alors qu’il aurait été plus doux, plus simple, de naître aussi un peu de vous. (…), je garde ce sentiment d’être sans cesse une étrangère (…), je me sens étrangère à l’intérieur de moi-même (…) une sorte de fuite de moi-même ».

7 Voilà deux « étrangères » avec leurs mots du dedans. Il nous en reste une modeste ritournelle : l’étranger est un ami que l’on n’a pas encore rencontré…

BIBLIOGRAPHIE

Leïla Sebbar, Mes Algéries en France, Saint-Pourçain-sur-Sioule, 2004, Ed. Bleu Autour Leïla Sebbar, Parle mon fils, parle à ta mère, Paris, 2005, Ed. Thierry Magnier

Nina Bouraoui, Mes mauvaises pensées, Paris, 2005, Ed. Stock

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