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VILLAGES PERCHÉS DE PROVENCE ET DE LA RIVIERA

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Academic year: 2022

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VILLAGES PERCHÉS

DE PROVENCE ET DE LA RIVIERA

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J'ai plaisir à remercier ici tout particulièrement le sénateur Pierre Lafitte

pour l'aide constante qu'il m'a apportée tout au long de ce projet.

CUCHI W H I T E

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V I L L A G E S P E R C H É S

D E P R O V E N C E E T D E L A R I V I E R A

TEXTE 7

LOUIS NUCERA ' / /

PHOTOGRAPHIES

CUCHI WHITE

ARTHAUD

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(D Les Editions Arthaud. Paris. 1988 — Tous droits réservés ISBN 2-7003-0723-2 - Imprimé en France

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1 est des lieux privilégiés. La nature y fabrique du nombre d'or ; les hommes ont su se mettre au diapason. « Je vous écris parce que je ne sais que faire et je finis parce que je ne sais que dire. » On imagine mal Madame Sassenage de Maugiron expédiant ce mess'age désormais célèbre à son époux, alors aux armées, si elle avait habité la Riviera. Là, elle aurait su que dire. Ne serait-ce que pour s'extasier sur les miracles parfaits qu'offre le soleil sur la mer à l'éveil comme au déclin du jour. Des rouges, du rose, du bleu, le chatoiement d'un prisme : il lui aurait suffi de tremper sa plume dans l'encre étalée sous ses yeux. Jusqu'aux senteurs d'iode qui pouvaient ajouter à son inspiration. Et les lumineuses tempêtes du mistral. Enfin, ce nous semble. Mais il est vrai que certains oublient d'être attentifs : ils ouvrent un œil, un paysage passe ; ils le ferment, c'est la nuit. Interrogé sur Napoléon, un homme répondit :

« Napoléon ? Ah, oui, c'était un petit gros. » L'humour ne dictait pas sa réplique ; c'est tout ce qu'il en avait retenu.

Cependant, rares sont ceux que Côte d'Azur et Riviera laissèrent indifférents. De Dante à Pétrarque, de Stendhal à Cocteau, de Berlioz à Renoir, on ne compte plus les écrivains, les musiciens et les peintres qui s'extasièrent sur Nice et toute une guirlande de .

cités bordant la mer, pour lesquelles, dans la gloire du jour, la féérie est monnaie courante.

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« Dès que vous posez les yeux sur la Méditerranée, vous savez pourquoi ce fut ici qu'un homme se mit debout pour la première fois et tendit ses bras vers le soleil. » Ainsi parla Scott Fitzgerald à son arrivée en ces hauts parages de la beauté. Et Nietzsche, avant que le destin ne le crucifie ? « Il me faut la lumière, l'air de Nice, il me faut la Baie des Anges. » Monet comme Bonnard, Dufy comme Matisse, reprirent à leur compte cet éloge de la lumière régnante dans une contrée dont l'année est constituée de « quatre étés », aux dires de ceux qui ne sont pas sans ignorer, depuis les bancs de l'école, qu'exagérer n'est pas mentir. Le premier installa son chevalet pour un temps à Dolceacqua dans la vallée de la Nervia, le second au Cannet après avoir vécu à Antibes, les deux autres à Vence après Nice. Ainsi, sans la renier, désertèrent-ils la frange de la Côte pour l'intérieur des terres ; car là aussi réside la qualité d'une région où l'on peut se plaire à fleur de mer mais aussi sur de moyennes ou de grandes hauteurs. D'un côté les vaguelettes qui frissonnent toutes pailletées de soleil, les mouettes qui planent et crient, les bateaux à la proue et au sillage d'écume, le luxe. De l'autre, même à moyenne altitude, l'austérité grandiose d'un pays dur, longuement sourd à la rumeur des siècles.

Ce sont ces villages — où les églises ont escamoté le gothique pour passer du romain au roman, du roman à la Renaissance, comme le soutenait (pas toujours à raison, peut-être) Gabriel Hanotaux, habitué de Roquebrune où la route qui mène à La Turbie porte son nom — que Cuchi White a choisi de photographier. Elle y a opéré avec cet abandon à l'instant présent qui permet peut-être de saisir l'invisible, avec sa sensibilité faite de tact et de vibrations, une sensibilité qui devine que le mot nuance est un des plus magiques de la langue française. Chez Cuchi White pas de tricherie. Qui a plus besoin de vérité que les « vrais imaginatifs » ?

Comme les précurseurs, armés de Thoruton-Pickard à vitesse variable (ou autre dernier cri d'il y a belle lurette), s'efforçaient, selon leurs propos, « d'arracher de l'oubli des paysages déjà engloutis dans le passé des choses finissantes », Cuchi White a écumé,

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sans jamais éconduire patience ni curiosité, les villages perchés de Provence, de l'ancien Comté de Nice et de la Riviera italienne. A voir l'humanité qui se dégage de ses photos, on comprend que c'est d'un amour profond et grave qu'elle s'est penchée sur toutes ces vies fouettées par des vents souverains, cinglées par les pluies, écrasées par l'été quand la chaleur annule les reliefs et feutre les bruits. Semblable au paysan qui va de son pas lent et ne se lasse pas d'observer son village accroché au flanc d'une colline ou juché sur un pic, on la suppose s'arrêtant pour mieux saisir un changement de ton, les caprices d'un nuage ou surprendre les secrets que se chuchotent depuis des temps immémoriaux les vieilles maisons serrées autour de leur clocher.

Ces villages que Cuchi White a visités et épiés, je crois les connaître tous. Là, des maçons, architectes d'instinct et d'empirisme, ont soumis la pierre. On y voit des ponts, qui ne doivent rien au ciment armé, enjamber de petites rivières où nagent des cygnes impassibles, des poules d'eau rigolotes, d'attendrissants bébés canards, des truites gloutonnes qui suscitent les convoitises. Rien ne semblait alors distraire les bâtisseurs des-impératifs de durée et de prudence. Les maisons (souvent soudées les unes aux autres, reliées par des arcs, comme si les colères de la terre étaient toujours à redouter), les voûtes, les escaliers, les portiques, les dédales, les renfoncements, les portes en ogive, le pavement, les corniches racontent combien à l'éternité de la matière, les hommes ont ajouté de discernement, de patience, d'invention, afin que leurs descendants, des siècles et des siècles plus tard, profitent de qualités durement conquises par les vertus du travail. Une règle encore : que l'harmonie préside, qu'aucun divorce n'affecte nature et architecture. Ainsi les habitations font-elles bon ménage avec l'hiver et l'été, l'épaisseur des murs y pourvoyant.

Furent des époques où l'histoire du monde se confondait à celle du village. Sans quitter le coin de terre qui les avait vus naître, les hommes en savaient fichtrement long sur le travail, l'amour, la mort, la fureur des éléments, et, somme toute, sur la marche de

l'univers.

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On pouvait leur vanter les océans lointains, des forêts où les cimes des arbres effleurent le ciel, des sites ensorceleurs, des récoltes qui n'avaient pas besoin d'ensemencement, des villes si vastes qu'on s'y perdait, des royaumes de cocagne, laboureurs et bergers se contentaient de leur petit bout de planète, persuadés, sans le formuler peut-être, qu'il faut plus d'une vie pour faire seulement le tour d'un homme et, qu'aussi réfléchi soit-on, on meurt sans doute dans la méconnaissance de sa propre personne.

Ce rappel des siècles, où résonnent pleurs et souffrances, mesquineries, jalousies, drames, invasions, actes de cruauté et, quand même, de belles voix d'hommes, ces hommes à qui l'on souhaite serrer la main, avec lesquels on veut trinquer, boire le coup, rire, Cuchi White a tout fait pour le capter.

On la distingue sur les routes brûlantes de soleil ou des sentes ombragées. Elle flâne. Elle écoute les roulades des oiseaux en appel d'amour. Elle respire l'air à goût de résine, de vieilles souches, d'herbes sèches, de buis, de tilleul, de lavande, de mimosa, de foin, de fenouil, de thym, de sauge, de romarin, l'odeur forte des figuiers, douceâtre des moulins à huile, irremplaçable des myrtes, l'haleine chaude du sud. Une source se cache sous la mousse. D'un canon de fontaine coule un mince filet d'eau fraîche dans une vasque polie par les ans, chargée de tuf et d'une poisseuse végétation.

Les feuilles d'argent des oliviers miroitent à la brise. Un cadran solaire bien pâle sait encore donner l'heure sans se tromper. Des lavoirs où l'on ne tord plus souvent le linge, une moissonneuse-batteuse hors service, un pressoir qui sent le moût pour toute éternité, une carcasse rouillée d'antédiluvienne machine apparaissent au détour d'une rue ou à deux pas d'un perron aux pavés disjoints. Des alouettes montent des prés, tirelirent et font le saint-esprit, avant de se laisser tomber comme des pierres sur des proies visibles d'elles seules. Des hirondelles se préparent à un long voyage ; elles s'adonnent encore à quelques rase-mottes et

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trissent leur adieu au pays natal que certaines reverront l'année prochaine. Un lézard fuit sur une muraille calcinée. Des buissons frémissent au vol précipité des merles. Des vignes sauvages, des aloès, des valérianes qui affolent les chats, des figuiers de Barbarie, des bardanes et leurs gratte-culs, des caroubiers avec leurs gousses longues et cirées de noir, des lentisques, le jaune des genêts et des boutons d'or, le rouge des coquelicots ornent une nature aride où les cigales mènent tapage et vivent en une inlassable scie leur existence torride. Les escargots attendent une pluie qui ne vient pas. Des cistes produisent leur laudanum. Des ânes rêvent à de grands chardons bien bleus et bien piquants. Des vaches agitent leur queue pour se délivrer du supplice des mouches. Une chèvre arrache, de son air solennel, des feuilles à un arbuste : son grelot tinte, sa robe claire luit de sueur, ses sabots sont poussiéreux, sa barbichette lui confère une dignité comique. Cuchi White va ; tout la requiert. Des hommes et des femmes l'observent qui franchit le lit d'un torrent asséché, saute un amas de pierraille, foule un parterre d'aiguilles de pins, longe un muret où s'accroche du lierre, contourne la margelle d'un puits. L'un est cantonnier : son menton repose sur ses deux mains jointes au bout du manche de sa pelle. L'autre, berger, sent le lait caillé et le fromage. Il taille une figurine sur une branche de buis en regrettant que ce ne soit pas du néflier dont le bois est si dur et si solide. Une vieille dame, vêtue de noir, mélange des simples et prépare des potions miracle. Elle sait aussi enlever le soleil qui est entré dans les têtes. Son mari, lui, manie le coudrier : l'espérance de l'eau est toujours vivace.

Un ancien, à la peau cuite, tannée par le soleil et les froidures de l'hiver, tire sur sa pipe. La réverbération a terni ses yeux bordés de rouge. Il se souvient de ce que lui rapportait son père qui, du reste, le tenait de plus ancien que lui : « Le Comté de Nice qui, autrefois, allait de Saint-Dalmas-le-Sélvage à Perinaldo, de Tende à Aiglun, résume à lui seul les climats, les reliefs et la flore de toute l'Europe. On y rencontre même des plantes polaires. » Et il se dit que cette femme qui musarde en chemin pour respirer une

fleur, pour mieux entendre le refrain des mésanges, pour repérer les mirages que fabrique l'air surchauffé, cette femme, amie de la 9

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simplicité, a bien raison de se promener en ces parages et de s'intéresser à tout. C'est qu'ici l'esprit des lieux existe. Ne pas mésuser de son talent, ne pas se hâter aident à ne pas l'effaroucher. La récompense se hisse alors à la hauteur du mérite. Il est des chasseurs qui ne tuent pas.

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L'ombre de Shelley plane-t-elle encore sur Vernazza, Corniglia et Manarola, ces villages de marins ? Cuchi White en a restitué la rudesse, la beauté à couper le souffle, mais aussi la mélancolie. Shelley, familier du golfe de la Spezia, y venait en voisin avant de s'embarquer, un jour de 1822, au cap de Casa Magni, pour une croisière sans retour.

Dans ces villages qui forment, avec Riomaggiore et Monterosso al Mare, Le Cinqueterre^, une conjuration de vignerons, de cépages en étages et de roches volcaniques (souvent noires) propose un vin blanc à damner un saint. Mais que les assoiffés, fussent-ils des plus vertueux, prennent garde ! De Manarola et Corniglia à la mer, les faux pas sont interdits. La descente est si abrupte, les gradins tombent si droit sur la Méditerranée, qu'à chaque moment le vertige menace. Et la mort.

J'oubliais. Le vin se nomme « sciacchetrà » qui, affirme-t-on, signifie zig-zag. Est-ce en langue vérnaculaire ? C'est qu'en cette région le dialecte s'emploie couramment. Comme souvent en Italie, d'ailleurs. Dans la vallée de la Nervia, par exemple...

La Nervia ! Elle fait partie de mes mythologies intimes. Terre d'exil, elle charme les regards depuis des siècles. L'Histoire en imprègne chaque pierre. Tours ébréchées, vestiges de créneaux ou de donjons, poternes, chemins de ronde déposent en nous d'intenses émotions, tandis que les rues des villages se chargent de donner un sens à des multitudes de vies émiettées qui assiègent les mémoires. Certains êtres y furent heureux en dépit de tout ; d'autres, jusqu'à l'heure dernière, ne purent oublier souffrances et

1 - «Les cinq terres. »

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La Côte d'Azur est bien connue : plus de trois millions et demi de touristes y défilent chaque été. Mais l'arrière-pays du Var, de Nice, de la Riviera italienne ? Tous ces nids d'aigles, ces villages perchés, accrochés avec opiniâtreté à la caillasse, encagnardés dans le soleil ? Ces belvédères avec vue panoramique sur les forêts des Maures et de l'Estérel, sur les gorges de la Vésubie, le canyon de Rougon, les vignes vertigineuses des « Cinqueterre » et... sur la mer, la Méditerranée toute pailletée de soleil ? Il est temps de suivre ces deux merveilleux guides que sont CUCHI WHITE, la photographe, et LOUIS NUCERA, l'enfant du pays, qui nous entraînent pour aller visiter leurs villages, où : « La Beauté — comme le dit Nucera — qui se voulait éternelle, a trouvé un lieu qui ne la bouderait jamais. »

CUCHI WHITE, américaine, photographe, vit depuis trente ans en France, entre Paris et Vallauris. Elle a souvent exposé en France et en Italie et publié déjà deux ouvrages de photographies : L'ŒiZ ébloui (ses recherches sur le trompe-l'œil) avec un texte de Georges Perec, en 1981, et Rêveuse Riviera, avec un texte de Michel Butor, en 1983.

LOUIS NUCERA, niçois, est un romancier bien connu. Son dernier livre, Mes rayons de soleil, paru au printemps 1988, a obtenu le Grand Prix de littérature sportive.

FY 6111-X-88 ISBN 2-7003-0723-2 225,00 FF

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