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Erreur médicale et expertise médicale

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Erreur médicale

et expertise médicale

Récit de la situation clinique :

une expertise comment ça se passe ?

Un après-midi aux urgences gynécologiques, un médecin de mon service qui réalise des expertises médicales me demande si je veux assister à la séance d’expertise qui aura lieu dans la salle de réunion du service. J’accepte avec empressement. Il n’y a personne aux urgences ce jour-là et je suis curieuse de voir comment cela se passe. D’autant que je me sens concernée pour le risque d’erreur médicale[1].

Arrivée dans la salle de réunion, cinq hommes sont déjà présents. Je me présente et m’assoie. Mon chef entre, les salue et me dit à l’oreille qu’il quitte la pièce en attendant que tous les intervenants soient arrivés. Quelques instants plus tard, quatre personnes arrivent. Parmi elles, une jeune femme fond en larmes à peine entrée dans la pièce. Une femme plus âgée la console et s’assoit près d’elle. Une fois tous installés autour de la table, mon chef, expert de l’affaire, entre et prend place au milieu des deux groupes. Chacun se présente tour à tour : Mme V (la victime), son mari, son avocate Maître A, un magistrat en stage dans le cabinet de Maître A, l’expert CA, le médecin mis en cause Dr M, son avocat, l’avocat de la clinique du Dr M, le chirurgien Dr H, l’avocat de l’hôpital du Dr H.

Nous commençons la séance. CA dirige le dialogue, interroge chaque personne pour suivre le récit dans l’ordre chronologique.

En janvier, Mme V consulte le Dr M dans une clinique privée pour retrait de son stérilet. Elle avait déjà consulté aux urgences d’un hôpital de banlieue, où on lui avait dit que le retrait était difficile et qu’il faudrait peut-être faire une opération. Nous n’avons pas de compte-rendu de cette consultation aux urgences. Donc elle consulte Dr M. «Pourquoi vouliez-vous retirer votre stérilet ? Un désir de grossesse ?» demande CA. «Non. Pour l’enlever, c’est tout» répond la patiente.

Dans la clinique du Dr M, celui-ci l’examine et ne voit pas lesfils du stérilet. Il lui propose une opération pour regarder dans l’utérus avec une caméra (hystéroscopie) et retirer le stérilet avec une pince.

Mme V assure que Dr M ne lui a donné aucune information sur les risques de l’opération ou sur son déroulement. Elle dit : «il m’a rassurée, il m’a dit que c’était une toute petite opération». Le mari appuie les dires de sa femme : «oui, il ne lui a donné aucune information !». «Mais vous étiez avec elle en consultation ?» demande CA. «Oui, enfin non, j’étais avec elle mais je n’étais pas dans la pièce, en fait je l’attendais dans la salle d’attente». L’avocate, Maître A, lève les yeux au ciel et lui glisse :

«dans ce cas, n’intervenez pas pour affirmer quelque chose que vous n’avez pas vu !».

CA se tourne vers le Dr M et lui demande s’il a expliqué les risques à la patiente. «Oui, je lui ai expliqué tout, les risques de l’anesthésie et du geste.

Je lui ai même donné un document explicatif». «Non, pas du tout » rétorque Mme V. Le Dr M. se reprend : «j’ai posé le document sur mon bureau devant elle, mais elle ne l’a pas pris. . .». Mais CA n’est pas convaincu, je le vois. Il n’y a aucune preuve dans le dossier sur cette information. Nous continuons.

Trace d ’ apprentissage

STRATÉGIES

ÉDECINE

Sandra Cybulski

Interne des Hôpitaux de Paris et medecin remplac¸ant en liberal, 58 avenue du vert galant, 93420 Villepinte

sandra_cybulski@msn.com Tires à part : S. Cybulski

Résumé

L’erreur médicale peut faire du méde- cin impliqué une « seconde victime ».

La mise en cause juridique et l’expertise qui l’accompagne sont une épreuve pour le médecin. Comment ça se passe concrètement ? Comment en tirer enseignement ? Quand les malheurs des uns font écho à nos propres erreurs.

Mots clés

erreurs médicales ; expertise.

Abstract. Medical error and medical expertise

Medical error can put the doctor in accusation into the position of a

“second victim”. The legal charge and the expertise that follows are a real test for the doctor. How is it going concretely? How to learn from these?

When the misfortunes of some collea- gues can echo our own mistakes.

Key words

medical errors; expert testimony.

DOI:10.1684/med.2018.313

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L’opération a lieu une semaine plus tard. La patiente est sous anesthésie générale. Le médecin réalise l’hystéros- copie et, voyant le stérilet, l’attrape avec une pince. Il tire mais le stérilet ne vient pas. Pendant 15 minutes, il tirera sur le dispositif intra-utérin, jusqu’à ce qu’il se libère tout d’un coup. Le Dr M pense que le stérilet était pris dans la paroi de l’endomètre. À lafin de l’opération, il dit, à l’oral, que la patiente devra rester cette nuit en observation. Aucun ordre écrit n’a été posé sur le papier.

De plus, la transmission de l’information n’a pas été faite au personnel soignant, et la patiente retourne le soir à domicile.

Chez elle, elle ressent d’importantes douleurs abdomi- nales et fait un malaise. Son mari la reconduit à la clinique. Elle a de fortes douleurs et ne parvient pas à manger. Il est noté dans le dossier médical par le Dr M que la patiente est algique, probablement à cause de l’opération. Elle n’a pas defièvre. Il lui est préconisé de manger et de boire.

Le lendemain, la patiente dit s’être sentie abandonnée, aucun médecin ne l’a vue, elle se plaint de douleurs qui ne sont pas soulagées. Elle a un ventre qui augmente de taille, elle se sent mal. Les mots dans le dossier médical sont succincts. Il n’y est fait mention d’aucune hypo- thèse diagnostique sur ces douleurs persistantes et ce ballonnement abdominal. Le bilan biologique montre une CRP qui augmente progressivement, de 10 à 100 mg/L.

Le troisième jour, un autre médecin que le Dr M est de garde et examine le dossier et la patiente. Elle regarde le nouveau bilan biologique : CRP = 350 mg/L. Elle suspecte une péritonite, et appelle l’hôpital le plus proche pour avis et transfert. La patiente est emmenée dans cet hôpital et opérée en urgence par le Dr H. Elle présente une péritonite stercorale. Un lavage de la cavité péritonéale est réalisé avec pose de drains et mise sous antibiotiques.

Après tous ces événements, la patiente, remise, décide de poursuivre le Dr M. Après le rappel des événements, la patiente est examinée par l’expert puis la séance se clôt sur une discussion à propos des dédommagements de chaque partie.

Ce que j ’ ai ressenti

En assistant à l’expertise, je suis passée par différentes phases. La première était une sorte d’identification au médecin poursuivi. Étant un confrère, je m’imaginais être à sa place. La pratique de la médecine n’a rien de facile et il peut arriver à chacun de nous de se tromper. Je l’excusais avant même d’entendre son erreur. Puis en avançant dans le récit, j’ai décelé plusieurs erreurs qui auraient pu être évitées : le défaut d’information de la patiente, le retard au diagnostic, l’absence de mise par écrit des hypothèses du médecin, etc.

De plus, la patiente a rapporté son sentiment de solitude dans le service, l’absence de prise en charge de sa douleur,

le manque d’empathie des soignants. Cette douleur psychologique m’a choquée, d’autant que nous appre- nons pendant les études de médecine à écouter et soulager le malade.

J’ai appris grâce à ce cas que les connaissances seules ne suffisent pas à se prémunir des erreurs. Il faut beaucoup de communication entre les soignants, entre les services et avec le malade. Il faut aussi tout notifier dans le dossier médical : l’information donnée, les schémas réalisés pour le patient. . .

Comme je l’ai dis précédemment, devant cette séance d’expertise, je me suis tout d’abord identifiée au médecin mis en cause. Il nous est tous arrivé de faire une erreur, de diagnostic ou de prise en charge d’un patient. Cette erreur nous a plus ou moins marqués, et son souvenir reste clair dans notre esprit. Nous avons, espérons-le, appris de cette erreur et amélioré notre pratique. Mais si le patient avait entamé des poursuites judiciaires à notre égard, quelle aurait été notre réaction ? Le souvenir de la faute aurait sûrement été plus vivace et la situation plus difficile à vivre.

À partir de cette situation nous nous sommes posés un certain nombre de questions. Quelle est la fréquence des poursuites judiciaires, quelles sont les spécialités les plus touchées, quelles sont les causes les plus fréquentes à l’origine de poursuites judiciaires, quelles sont les procédures ?

Fréquence des procédures judiciaires chez les médecins en France et à l ’ étranger

D’après le rapport annuel de la MACSF-Sou Médical de 2014 [2], 457 000 sociétaires personnes physiques ont été couverts en Responsabilité civile profession- nelle (RCP) en 2014, contre 435 000 en 2013 (+ 5,1 %).

Ils ont déclaré 4 170 sinistres en 2014, vs. 4 028 en 2013. Le taux de sinistralité toutes spécialités confondues et tous sinistres confondus était de 0,91 % en 2014 contre 0,93 % en 2013, ce qui traduit une légère baisse.

Les généralistes voient leur sinistralité légèrement diminuer, comme les cardiologues. En revanche, les anesthésistes, les orthopédistes, les gynécologues, ORL et urgentistes voient leur taux de sinistralité augmenter.

Les spécialités les plus touchées

La spécialité la plus concernée est celle des chirurgiens (selon le Journal International de Médecine). Quatre chirurgiens sur dix font l’objet d’une déclaration d’acci- dent corporel (chiffres de 2013). Selon Samuel Fitoussi [3], avocat en droit médical, ce sont les chirurgiens

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viscéraux les plus touchés par les procès. En effet, cette chirurgie entraîne plus de complications peropératoires (hémorragie, infection), avec celle des orthopédistes, que les autres.

Selon un rapport du risque médical de 2013 de la MASCF- Sou Médical, 21,8 % des anesthésistes et 13,2 % des urgentistes sont visés.

Chez les médecins libéraux, la fréquence est moins importante : moins de 3 % ont été mis en cause en 2012. Néanmoins, les médecins généralistes sont de plus en plus exposés, notamment à propos de leurs prescriptions médicamenteuses. En effet, 166 déclara- tions de sinistres sur 505 contestent une prescription de médicaments.

Sur le plan financier, le coût total des indemnisations progresse de 30 millions d’euros en 2011 à 49 millions en 2012.

La spécialité donnant lieu aux plus grandes indemnisa- tions est la gynécologie. Quand les dommages touchent les nouveau-nés, ceux-ci peuvent avoir de lourdes séquelles tout au long de leur vie, ce qui entraîne des dépenses énormes pour leurs parents. Les préjudices étant très lourds, les dommages sont très importants, pouvant aller jusqu’à 5,6 millions d’euros[3].

Les causes les plus fréquentes de procédure judiciaire

Toujours selon Samuel Fitoussi, la première cause de poursuite du médecin généraliste est le défaut de diagnostic, c’est-à-dire lorsque le médecin généraliste tarde à demander de l’aide à un confrère spécialiste ou à adresser le patient à l’hôpital en cas de doute. Ensuite, c’est lorsque le médecin généraliste ne détecte pas des complications de pathologies déjà connues. Le cas les plus récurrent est celui des complications post- opératoires. Parfois, les patients qui se sont fait opérés quelques jours ou semaines auparavant ne pensent pas à en prévenir le médecin traitant, ou alors de manière allusive. Le médecin généraliste n’a donc pas l’idée de faire le lien entre le motif de consultation et l’opération.

Selon les chiffres de 2010 du Sou Médical, la prise en charge est la première cause de poursuite des médecins généralistes (33 % des dossiers gérés) : retard d’hospita- lisation, défaut de surveillance, mauvaise prise en charge de traumatismes, de plaies. . . Puis vient le retard ou l’erreur de diagnostic dans les cancers ou les pathologies cardio-vasculaires.

Du côté des spécialistes, ce sont après les chirurgiens viscéraux, les orthopédistes qui sont les plus exposés aux poursuites, comme nous l’avons dit plus haut[3]. En effet, la plupart des opérations que réalisent les orthopédistes se font à froid, à distance d’un épisode aigu, parfois en clinique privée. Donc les patients ne comprennent pas qu’il puisse y avoir des complications : infection, mauvaise mise en place du matériel d’ostéosynthèse, mauvais

positionnement. . . Ainsi, un orthopédiste aura en moyenne un procès tous les 3 ans.

L ’ expertise médicale

Définition

Une expertise médicale permet d’évaluer l’ampleur d’un dommage ou préjudice. Il peut s’agir d’un accident du travail, d’un accident de circulation, de violences volon- taires, d’une agression sexuelle, d’une erreur médicale, etc. L’expertise médicale peut être demandée par chacune des parties (en générale, la victime) ou ordonnée d’office par le juge.

Plusieurs opérations médico-juridiques permettront de chiffrer le montant des réparations du ou des préjudices subis par la victime.

Expertise judiciaire ou à l’amiable

Il existe deux types d’expertises médicales :

– Amiable : expertise décidée en dehors de tout procès.

L’expert est choisi et sa mission déterminée d’un commun accord entre les deux parties. Le médecin expert est souvent mandaté par l’assurance qui devra indemniser la victime.

– Judiciaire : expertise demandée en référé ou devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction (CIVI), le Tribunal correctionnel ou le Tribunal adminis- tratif. L’expert est choisi sur une liste d’experts asser- mentés. L’expertise judiciaire est une expertise ordonnée par un juge, lorsqu’un sinistre ne peut trouver une solution acceptable à l’amiable par les parties dans le cadre de la procédure d’assurance. La partie la plus diligente demande alors au juge en référé une expertise judiciaire.

Les conditions à remplir, selon le Nouveau Code de Procédure Civile[4](NCPC art.146) sont que le demandeur doit apporter au juge des référés de fortes présomptions de :

– l’existence d’un fait générateur de responsabilité ; – l’étendu d’un dommage juridiquement réparable ; – un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage ;

Le juge doit retenir ce qui est le plus simple, mais suffisant, et le moins onéreux (art 145 NCPC). L’expert ne doit donner son avis que sur ce qui lui est soumis par le juge sauf accord écrit des parties pour d’autres questions, mais jamais d’appréciations d’ordre juridique (art 238 NCPC). La mission initiale peut être élargie ou restreinte (art 245 NCPC) et le délai prorogé (art 279 NCPC).

Dans le cas de Mme V, l’expertise s’était faite à l’amiable, avec le Dr CA comme expert chargé de l’affaire. La réunion des intervenants s’est faite dans le service de Trace d’apprentissage|Erreur médicale et expertise médicale

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gynécologie, dans la salle de réunion, et non devant un juge au tribunal.

Le rapport d’expertise

L’expert rédige un rapport d’expertise après avoir étudié et pris en considération l’ensemble des dires et des doléances des deux parties. Ce sera à partir de ce rapport que l’assureur proposera un montant d’indemnisation des dommages.

L’expert a prévenu les intervenants dès le début de la réunion qu’il leur ferait parvenir son rapport d’expertise dans environ un mois. Chaque partie peut demander des modifications du rapport, que l’expert peut ajouter. Une fois le rapportfinalisé, il est envoyé à toutes les parties.

Le rapport doit comporter cinq parties qui reprennent le déroulement de l’expertise en elle-même[5]:

* L’exposé des faits

C’est le récit de l’erreur médicale, du dommage. Il doit être précis, concis, objectif. L’exposé des faits doit être le plus conforme possible à la réalité, en tenant compte du récit de la victime et de l’accusé. Chaque événement est rappelé par l’expert avec l’aide de la victime, de son entourage et des différentes parties en cause. Dans le cas de Mme V, l’expert rappelait chaque fait dans l’ordre chronologique et demandait à chaque fois des précisions à la victime ou au médecin mis en cause. Ainsi, certains détails qui n’apparaissaient pas initialement dans le dossier ont pu être rajoutés. Peut-être que les inter- venants les avaient oubliés ou les considéraient comme inutiles à rapporter dans l’affaire. Néanmoins, chaque information même minime peut être utile pour la suite. Il est conseillé à la victime d’être accompagnée d’un médecin et d’un avocat pendant cette étape cruciale, car le médecin mis en cause sera toujours assisté, lui, d’un ou plusieurs médecins-conseils, souvent avocats. À noter qu’un médecin-conseil est là pour faciliter la compréhen- sion des termes médicaux utilisés.

Mme V était défendue par une avocate et entourée d’une magistrate et de son compagnon. Le médecin, le Dr M, avait son avocat et l’avocat de la clinique dans laquelle il travaille. Le chirurgien qui avait opéré la patiente dans l’hôpital d’A avait aussi son médecin-conseil, avocat de l’hôpital.

* L’étude des pièces du dossier

C’est un rappel chronologique des événements, en s’appuyant sur les pièces médicales importantes.

* L’examen clinique de la victime

Le médecin expert va évaluer les séquelles éventuelles de la victime. Il commence par faire un inventaire précis et pour chacun des préjudices en évaluer la valeur selon les critères de classification du dommage corporel. La conclusion de cet examen déterminera la future indem- nisation de la victime. L’examen doit se dérouler dans une pièce différente de la salle de réunion, par l’expert. La

victime peut être accompagnée de son médecin-conseil.

Tous les participants non médecins devront sortir de la pièce. Le médecin expert devra se renseigner notamment sur les difficultés que rencontre la victime dans sa vie quotidienne. En fin de réunion, l’expert demande à la victime, au médecin et au directeur de l’établissement de quitter la salle de réunion. Il ne doit rester dans la pièce que les avocats, les médecins des différentes parties, le médecin accompagnateur de la victime et l’expert. La conclusion revient à l’expert, qui peut donner tout de suite sa conclusion ou la différer à la rédaction de son dossier. L’examen physique permet d’évaluer les consé- quences physiques, psychiques ou physiologiques du dommage. Dans notre affaire, la patiente présentait des douleurs pelviennes persistantes. La cicatrice de laparotomie était bien propre, mais elle restera présente et visible, ce qui gênait la patiente pour« se montrer à la piscine ou à la mer, ce n’est pas très joli». Mme V rapportait aussi des dyspareunies. L’examen au spéculum ne montrait pas d’anomalie du col utérin. Le toucher vaginal était normal.

*La discussion

Partie fondamentale du rapport d’expertise, elle déter- minera la décision du magistrat concernant l’indemnisa- tion du dommage. L’expert doit utiliser des termes simples qui seront compréhensibles par des non méde- cins. Il devra dire s’il y a eu erreur ou faute, négligence ou aléa thérapeutique. Sa discussion sera argumentée. S’il conclut à l’absence de faute, il lui faudra expliquer pourquoi.

*La conclusion

Elle comprend un résumé sommaire des faits et une ou plusieurs phrases de conclusion. L’expert dit si les conséquences physiques, les séquelles décrites sont en relation directe avec l’erreur commise.

L’expert fait tout d’abord un pré-rapport aux différentes parties, elles ont quatre semaines pour donner leurs commentaires, qu’on appelle les «dires à l’expert».

L’expert doit y répondre. Les intervenants peuvent aussi poser des questions sur le pré-rapport.

Avec toutes ces informations, l’expert évalue chaque préjudice, poste par poste, en lui attribuant un coefficient codifié :

– de 0 à 7 : Prix de la douleur (Pretium Doloris)

– de 0 à 100 % : Incapacité Permanente Partielle (IPP) : c’est le déficit fonctionnel de la victime, c’est-à-dire le retentissement des séquelles sur les actes de la vie quotidienne.

Le juge décide en prenant en compte l’avis de l’expert.

Conclusion du cas de Mme V

Selon le Code de déontologie, le médecin se doit de donner au patient une information claire loyale et appropriée. Ce sera au médecin de prouver, en cas de

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litige, qu’il a bien donné l’information. Or, dans notre cas, il n’y avait pas de mot dans le dossier, pas de trace de documents papiers remis à la patiente et selon celle-ci, on ne lui aurait pas donné l’information. Donc le médecin ne peut pas prouver qu’il a bien informé la patiente, malgré ses dires.

Selon la patiente : «le Dr . . . ne m’a pas expliqué les risques de l’opération». Réponses du médecin : «Si, je lui ai expliqué, et j’ai posé devant elle sur mon bureau une note explicative, qu’elle n’a pas prise». Malheureuse- ment, il n’y a aucune trace écrite dans le dossier sur l’information donnée, ni papier explicatif sur les risques de l’intervention.

Donc le médecin est en faute ; il ne peut pas prouver qu’il a donné l’information. Selon la loi, il ne l’a pas donnée.

D’autres problèmes se sont enchaînés à propos de ce cas, et c’est normal quand on sait qu’une erreur médicale découle souvent de multiples facteurs et de petites erreurs qui n’ont pas été rattrapées.

– Le médecin n’a pas respecté le délai de réflexion avant une chirurgie, qui est d’au moins 15 jours. L’opération s’est faite plus tôt.

– Juste après l’hystéroscopie, le médecin aurait dit à l’oral que la patiente ne devait pas sortir chez elle, devait rester hospitalisée pour surveillance. Mais son ordre oral n’a pas été entendu, et la patiente est sortie. La transmission d’information n’a pas été optimale. L’absence de preuve écrite de cet ordre est aussi en défaveur du médecin.

– Il y a eu un grave retard au diagnostic de péritonite.

On voit que le médecin ne note pas d’hypothèse diagnostique lorsque la patiente se plaint de douleurs

abdominales après la chirurgie. Il ne note pas d’examen physique hormis la douleur. La patiente semble avoir eu une surveillance clinique très faible, dans le service.

~

Liens d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

RÉFÉRENCES

1. Cybulski S. J’ai aussi le droit de me tromper (le moins souvent possible j’espère !).

Médecine2018 ; 14 : 139-43.

2. MACSF. Responsabilité civile professionnelle : rapport sur le risque des professionnels de santé. Chiffres 2014) https://www.macsf.fr/groupe/Presse2/Res- ponsabilite-civile-professionnelle-Rapport-sur-le-risque-des-professionnels-de- sante-chiffres-2014.(consulté le 16/06/2016).

3. Rivière JP. Les motifs les plus fréquents de mise en cause judiciaire de la responsabilité médicale. VIDAL ; 29 janvier 2015. www.vidal.fr/actualites.(consulté le 26/05/2016).

4. Légifrance. Nouveau Code de Procédure civile NCPC. Version du 17 juin 2016.

https://www.legifrance.gouv.fr/afchCode.do ; jsessionid=1603564642230913356A1- B076534AE7D.tpdila22v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006165183&cidTexte=LEGI- TEXT000006070716&dateTexte=20160725.(Consulté le 05/05/2016).

5. Le médiateur de la République. Association des Paralysés de France. Le guide de l’expertise médicale en 10 points. Janvier 2010. http://www.leciss.org/sites/default/files/

100115_expertise-medicale-amiable-en-10-points.pdf.(consulté le 10/06/2016).

6. Braudo S. Dictionnaire du droit privé. https://www.dictionnaire-juridique.com/

serge-braudo.php.

7. Debard T, Guinchard S.Lexique des termes juridiques 2017-2018. 25eédition. Juin 2017.

En pratique

Le médecin était-il fautif ?

La « faute » selon le dictionnaire de droit privé [6] est

«l’action, volontaire ou non, ou encore l’omission, qui porte atteinte au droit d’autrui en lui causant un dommage». Dans le cas rapporté, le médecin était, d’après l’expert, non fautif.

La faute lui était-elle imputable ?

Selon la définition du Lexique juridique de Dalloz [7], l’imputabilité est « le fondement moral de la respon- sabilité pénale, reposant sur le discernement et le libre arbitre. Sont en conséquence des fautes de non- imputabilité et donc d’irresponsabilité, les troubles psychiques et neuropsychiques et la contrainte. » Qu’est-ce que la responsabilité juridique ?

Une faute doit avoir été commise par l’auteur de l’infraction et celle-ci doit lui être imputable. La faute était imputable au médecin.

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