J
OURNAL DE
T
HÉORIE DES
N
OMBRES DE
B
ORDEAUX
M
ICHEL
L
ANGEVIN
Équations diophantiennes polynomiales à
hautes multiplicités
Journal de Théorie des Nombres de Bordeaux, tome
13, n
o1 (2001),
p. 211-226
<http://www.numdam.org/item?id=JTNB_2001__13_1_211_0>
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Équations diophantiennes
polynomiales
à
hautes
multiplicités
par MICHEL LANGEVIN
RÉSUMÉ. On montre comment écrire de
grandes familles,
avec dehautes
multiplicités,
de casd’égalité
A + B = Cpour
l’inégalité
de Stothers-Mason
(si A(X), B(X), C(X)
sont despolynômes
premiers
entre eux, le nombre exact de racines duproduit
ABCdépasse
de 1 leplus grand
desdegrés
des composantesA, B,
C).
Ondéveloppera
pour cela destechniques polynomiales
itérativesinspirées
desdécompositions
de Dunford-Schwartz et de fonctionsde
Belyi.
Desexemples d’application
avec les conjectures(abc)
ou de M. Hall sontdéveloppés.
ABSTRACT. One shows how to write and to
classify
large
sets ofrelations A+B = C
(where
A =A(X), B
=B(X),
C =C(X)
arecoprime
polynomials
such that the exact number of roots of theproduct
ABC exceedsby
1 the greatestdegree
of componentsA,
B,C)
withhigh multiplicities.
Iterativepolynomial
methods gen-eratinghigh multiplicities
(decomposition
ofDunford-Schwartz,
Belyi’s
functions)
aredeveloped.
Links with Stothers-Mason The-orem and classicalconjectures
(M.
Hall,
abc)
are studied.1.
Introduction,
Généralités et Résultats1.1. La formulation du titre
"Équations
diophantiennes
polynomiales"
peut
surprendre
puisque
l’expression
"équations diophantiennes"
s’applique
aux
"équations
ousystèmes
dont on recherche les solutions en entiers ounombres rationnels"
(M.
David,
l’Encyclopaedia
Universalis,
loc.citée).
Laraison en est
qu’on
s’intéresse ici aux éventuelleséquations polynomiales
(à
coefficients entiers ourationnels)
susceptibles
d’être "au-dessus" de telle ou telleéquation diophantienne.
À
cetitre,
ce travail s’inscrit dans lacon-tinuité de celui
exposé
aux JournéesArithmétiques
deLimoges
(1997)
etpublié
dans cette revue(cf. [L])
et,
comme danscelui-ci,
lacaractéristique
est
toujours
supposée
nulle. On y montrait quel’inégalité
de Mason(où
A(X), B(X), C(X) =
A(X)
+B(X)
sont despolynômes complexes
pre-miers entre eux et où D
(supposé > 0)
désigne
leplus grand
desdegrés
correspondants) : r(ABC)
=card((ABC)-1(0))
> D estbeaucoup plus
qu’une
formepolynomiale
démontréepossible 1
de laconjecture
(abc)
de J. Oesterlé et D. Masser : Pour tout réel e >0 ,
la borne inférieure suivanteest strictement
positive :
(en
bref et avec les notations de[L]
où le radical - i. e. leproduit
desfacteurs
premiers -
est noté u :u ( abc) >
Commeexposé
dansla
partie
1 de[L],
l’appellation
théorème deMason ,
i. e. l’énoncépolyno-mial
r(ABC)
>D, masque
un ensemble de calculs et de méthodespro-jectives
d’où ressortl’importance
de l’étude d’unepart
des casd’égalités
( i. e.
ceux oùr(ABC) =
D +1,
cequi
correspond
à un revêtement x HA(x)/B(x)
ramifié auplus
en0,1, oo),
et,
d’autrepart,
desspécialisations
de l’indéterminée X en un
polynôme
ou une fraction rationnelleconve-nables
(avec
les notationshabituelles,
cesspécialisations
représentent
desendomorphismes
del’algèbre
K ~X ~ (ou K(X ) ),
naturellement "au-dessus" de fonctionsalgébriques
dans les anneaux ou corps denombres).
Cesspécialisations
ontgénéralement
pour butd’augmenter
lesmultiplicités
(plutôt
que lesdegrés
descomposantes
irréductibles)
dans les relations(A,
B,
C)
qui
sont des casd’égalité,
et ce tout en restant dans ce dernierensemble
(cf.
théorème 13 et le 5.2 de[L]
pour desjustifications
etappli-cations).
1.2. Avant de
poursuivre
vers ces "hautesmultiplicités" ,
on donne deuxexemples
relatifs aux notionsqu’on
vientd’évoquer.
Exemple
1.Les
identités2 :
1 Les traductions de la conjecture (abc) -et la formulation de cette dernière elle-même- peuvent
varier avec le contexte ; les exposés ou comptes-rendus de nombreux auteurs (E. Bombieri à Zurich en 1994, A. Baker à Eger en 1996, J. Top au Centre Emile Borel (I.H.P., Paris 1999) en
témoignent) ; on pourra consulter le récent article [P] de P. Philippon et voir la forme polynomiale
proposée par J. Oesterlé dans [L].
concernant des exemples de solutions multiples, une variante homographiquement
équi-valente m’a été communiquée "par retour" par J. Oesterlé :
sont des cas
d’égalité homographiquement équivalents
(par
laspécialisation
involutive X -
3/X ) ;
ils montrent quel’équation
A + B = C où lesradi-caux de
A, B,
C sont donnéspeut
avoirplusieurs
solutions 3.
À
l’opposé,
il y a unicité si l’un des
polynômes A,
B,
C est constant. Autrementdit,
Proposition.
P étant unpolynôme
dedegré
positif,
les ensembleset
P-1(1)
caractérisent P.Démonstration. Si le
polynôme Q
vérifieQ (0)
=P (0)
etson
degré
est,
d’après l’inégalité
deMason,
auplus
(card(P-1(0))+
et ses coefficients satisfont à un
système
de Cramermon-trant que P =
Q.
DN.B. : Deux
parties
finiesdisjointes A,
B de C étantdonnées,
il sepeut
que n’existe aucun P E
C[X]
vérifiant A =P-1(0),
B =P-1(1).
Exemple
2. Un cas facile du théorème 13 de[L]
montrequ’un
casd’égalité
A(X)
+B(X)
=C(X)
demeure un casd’égalité
par laspécialisation
Q(X)
quand
la dérivéeQ’(X)
divise leproduit
A(Q(X))B(Q(X))C(Q(X)).
Les
polynômes
deCebicev
Cn
(de
première
espèce)
etDn
(de
deuxièmeespèce),
définis par =Dn(cos 0)
=(Dn
=Cn/n),
vérifient l’identitélaquelle
est un casd’égalité,
et,
comme on va levoir,
cespolynômes
four-nissent deux
exemples
naturelsd’application
de ce théorème 13qu’on
utili-sera dans la suite de ce travail.Explicitement,
cespolynômes
s’écrivent :Dans
(en),
on voit queX2 apparaît seul,
donc(en)
est unespécialisée
enX 2
d’un casd’égalité
dedegré
n, et le critère du théorème 13de
[L]
est vérifiépuisque
X diviseCn(X)Dn(X).
Deplus, si,
dans(en),
on
spécialise
X enCm(X),
on obtient un nouveau casd’égalité
puisque
=
Dm(X)
diviseet ce nouveau cas
d’égalité
estpuisque,
comme lerappelle
ladéfini-tion
Cn (cos 0)
=cos(n8),
Cn
oCe
=C,"~
oCn
=1.3. D’autres illustrations de ces
spécialisations
etmultiplicités
sontévo-quées
dans lesparties
3 et 4 de[L] :
ainsi,
derrière un énoncéplus général,
le but du théorème 5 est de montrer que, pour tout
polynôme
à racinesrationnelles distinctes
A(X) =
xz),
existent desmultiplicités
ei E Z*
(1 i r)
telles que letriplet
depolynômes
(R,
S,
R -S)
avecR(X) =
soit un casd’égalité ;
de
même,
le but du théorème 8 est de montrer que, pour toutpolynôme
séparable
P(X)
à coefficientsentiers,
il existe deuxpolynômes
auxiliairesA(X)
etQ(X)
à coefficientsentiers,
lepremier
à racines rationnellesdis-tinctes,
tels que leproduit
P(X)Q’(X) (où
Q’
désigne
ladérivée)
divise lecomposé
(ou
spécialisé)
A(Q(X)).
Avec cette dernière condition et laconstruction
précédente
d’un casd’égalité
(R,
S,
R -S)
"au-dessus" dupolynôme
séparable
A à racinesrationnelles,
on démontre(et
c’est encoreun lemme de
multiplicités)
que cettespécialisation
de X enQ(X)
con-serve autriplet
(R(Q(X)),S(Q(X)),(R-S)(Q(X)))
saqualité
de casd’égalité ;
et c’est ainsi(cf.
partie
4 dans[L] )
qu’on
en déduit que laconjecture
(abc) - où c = a + b -
implique l’inégalité
(abF(a,
b)),
valablepour tout
polynôme homogène
F à coefficients entiers dedegré f
> 0 telque
UVF(U, V)
soit sans facteurmultiple :
Autrement
dit,
u(abF(a, b))
> +En
résumé,
les énoncésévoqués
plus
haut sont desapplications
detech-niques
polynomiales
dont la démonstration s’effectue directement etsou-vent
simplement.
À
titred’exemple,
onpeut
vérifier que la forme donnéeci-dessus au théorème 8 s’obtient par récurrence sur le
plus grand
desdegrés
des facteurs irréductibles deP(X) (soit
parexemple
F(X))
enfor-mant le radical
(où
Resy
désigne
le résultant pour l’indéterminéeY) :
u
F(Y)~~ .
1.4. On ne
poursuit
pas ici sur la voie desdéveloppements
totalementex-plicités
de ces théorèmes(et
de leursapplications)
mais sur la voie initiale en traitant d’autres "lemmespolynomiaux"
permettant
de faireapparaître
de hautes
multiplicités
(et,
dans les casfavorables,
de rester dans l’ensemble des "casd’égalité").
Commeconséquence
de ces lemmespolynomiaux,
onretrouvera la
classique décomposition
(dite
"de Dunford etSchwartz" )
pourles
endomorphismes
des espaces vectoriels de dimension finie sur un corpsen
composante
semi-simple
etcomposante
nilpotente.
On traitera unex-emple
et uneapplication
de ces lemmes endéveloppant
un résultat dû àDanilov et Schinzel
évoqué
dans le 5.1 de[L] : "
Il existe une infinité decouples
(a, b)
d’entiers vérifiant : 0la3 - b21
[
2-33-5 -2 ~ a~/ 1.
On renvoie à[L]
pourreplacer
ce résultat dans le contexte de laconjecture
de Hall :la 3 - b21
» vfà
et pour le nouveau cas obtenu en 1998 par N. Elkies :Ce
qu’on
mettra enévidence,
c’est une suite de cas(A,
B,
C = A +B)
polynomiaux
vérifiantr(ABC)
= D + 1qui,
tousspécialisés
aupoint 11,
conduiront à cette valeur d’adhérence(la
meilleure connueprésentement)
2.33.5 -5/2
pour l’ensemble desquotients
non nuls de la forme~a3 -
Les lemmes
polynomiaux
fontl’objet
de lapartie 2 ;
l’application qu’on
vient
d’évoquer
fait celui de lapartie
3.2.
L’endomorphisme
DS2.1.
Théorème 1. Soit
P(X) un
polynôme
séparable
dedegré
d > 0 àcoef-ficients
dans un corps K decaractéristique
nulle ;
il existe ununique
en-domorphisme
DS del’algèbre
K[X] :
X -DS(X),
oùDS(X)
est unPolynôme
dedegré
2d,
tel que, pour tout entier m >1,
diviseP(DSf(X))
lorsque
f
=f (m)
est assezgrand
(DSf
désigne
l’itéré d’ordref :
DS 0 DS 0 ... 0 DS).
Démonstration. On montre d’abord l’existence d’un
polynôme
DS(X)
telque
P(X)2
diviseP(DS(X)),
et on en déduira par récurrence quep(X)2k
divise
P(DSk(X))
pour toutk >
0. Eneffet,
on voit que, pour toutpolynôme
U(X),
P(X)
diviseP(X - U(X)P(X)).
Pour quep(X)2
diviseP(X -U(X)P(X))
qui,
moduloP(X)2,
estégal
àP(X)(1-U(X)P’(X)),
il suffit de choisirU(X)
pour que(1- U(X)P’(X))
soitmultiple
deP(X) ;
l’hypothèse
deséparabilité
permettant
d’écrire une relation de BezoutU(X)P’(X)
+U1(X)P(X)
=1,
un tel choix estpossible
et la constructionde cette relation et de
U(X)
parl’algorithme
d’Euclidepermet
d’obtenir unpolynôme
DS(X)
= X -U(X)P(X)
dedegré
auplus
2d -1(polynôme
unique
sous cettecondition).
Ce processuspourrait
êtrepoursuivi
encon-sidérant un
polynôme
comme X -U(X)P(X) -V(X)P(X)2,
mais,
commeannoncé,
il estpréférable
d’itérer lemorphisme d’algèbre :
X ~DS(X).
La relation :
,p(X)2
diviseP(DS(X))"
montre,
parapplication
dumor-phisme DS’,
queP(DS(X))2
diviseN.B. :
P(DS(X))2
est le carré dupolynôme
P(DS(X))
tandis queP(DS2(X))
est lecomposé
P(DS(DS(X))).
Parsuite,
p(X)4
diviseP(DS2(X))
et,
parrécurrence,
pour tout0,
p(X)2k
diviseP(DSk(X»
-Si maintenant k est un entier vérifiant
2k ~
m, on voit que l’entierf
=2k
convient et le reste
Qm(X)
de la division de par vérifieP(Qm(X))
= 0 mod.(pour
m > 0 avecQl(X)
=X) ; Qm (X)
est lepolynôme
deplus
basdegré possédant
cettepropriété.
DExemples
(les
formules données pour tout indice n seront établiesplus
loin) :
Exemple
1.P(X)
=X (X + 1 ),
la relation de Bezout s’écrit :(2X+1)2
-4X(X
+1)
= 1.Alors,
DS(X)
=Q2(X)
=X(1 - (2X
+1)(X
+1)) =
-X~(2X
+3) ;
les itérés sont donc à coefficients entierset,
P(X)
étant
unitaire,
il en est de même despolynômes
Qn (X )
correspondants.
Exemple
2.P(X) =
(X 2 + 1),
la relation de Bezout est-à noter que
à noter que
2.2.
Théorème 2. Pour tout
polynôme
M(X)
àcoefficients
dans unde
caractéristique
0 et de radicalrM(X), il
unpolynôme
D(X)
acoefficients
dans K tel queM(X)
diviserM(D(X».
Avec les conditions :(X -
D(X))
est unmultiple
derM(X)
etdeg D
deg M,
D estunique.
Démonstration. Soit E le corps de
décomposition
deM(X)
=Ili(X
montre
qu’existe
unpolynôme
unique
D(X)
dedegré
inférieur à celui deM
vérifiant,
pour tout indicei,
mod.(X -
Xi)e(i).
Parsuite,
le
produit
xi)
=rM(D(X))
est unmultiple
deM(X).
Deplus,
lepolynôme
D(X) - X
ainsi construit vérifieD(xi) - xi
= 0pour tout i et est donc un
multiple
derM(X).
Soit Li un secondpolynôme
possédant
les mêmespropriétés
que D. CommerM(X)
diviseD(X)
-X et0(X) -
X,
=D(xi)
= xi pour tout i. Par
suite,
seul le facteur derji(0(X) -
xi)
est divisible par(X -
Xi)e(i) ;
donc,
(X -
Xi)e(i)
diviseD(X) - 0(X) _ (D(X) -
xi) -
(0(X) -
xi)
pour toute valeur dei ;
on en déduit queM(X)
diviseD(X) -
0(X),
qui
est donc nul vul’hypothèse
sur lesdegrés.
Reste à montrer que les coefficientsde D
appartiennent
à K(on
peut
oublier la condition "coefficients dans K" pourl’unicité).
La constructionexplicite
de D s’obtient par celle depolynômes Ai
=Ai(X)
vérifiant la relation de Bezout : = 1.À
partir
de cesAi
(obtenus
par la
décomposition
en élémentssimples
de la fraction1/M
=¿i Ai(X)/(X -
xi)e(i),
formepolynomiale
pratique
du lemmechinois),
on obtientD(X) =
Xj)e(j)).
L’unicité de cettedécomposition
en élémentssimples
(i.e.
celle dela relation liée à la
décomposition
deE[X]
en somme d’idéauxprincipaux :
Xj)e(j)))
montre que toutK-morphisme
de E transformantun xi en xj transforme
Ai (X )
enAj (X) ;
comme l’existence d’un telK-morphisme implique
e(i)
=e(j),
on voitque les coefficients du
polynôme
M (Zi
xiAi(X)/(X -
Xi)e(i))
égal
à Dqu’on
a construit sont dans le corps fixe du groupe de GaloisG(E/K),
corpségal
à K encaractéristique
nulle.a
Corollaire.
(notations
du théorème2) :
SoitDS(X)
lepolynôme
associéau radical
rM(X)
par le théorème1 ;
les restes des divisions parM(X)
des itérésDSk(X)
pour k
assezgrand
sont touségaux
àD(X).
2.3.
Remarque
1. Le corollaire suit des résultats d’unicité contenusdans les théorèmes 1 et 2
mais,
biensûr, quand
M(X)
=rM(X),
iln’y
a pas unicité des
polynômes
D(X)
pourlesquels
M(X)
diviserM(D(X))
(par
exemple,
siM(X)
=X(X - 1),
M(X)
=M(1 -
X)).
Remarque
2. SoitP(X)
unpolynôme
séparable ;
lesarguments
d’unicitémontrent que les
polynômes
DS(X) (associé
par le théorème 1 àP(X))
etD(X) (associé
par le théorème 2 au carrép(X)2)
coïncident ;
les preuvesde chacun de ces théorèmes fournissent des constructions
explicites
basées sur la relation UP’ +U1P
= 1pour le
premier
et ladécomposition
enéléments
simples
de1/P2
pour lesecond,
l’avantage
de lapremière
preuve étant d’êtreintrinsèque
(on
n’introduit aucun surcorps et on ne fait aucundirectement la relation de Bezout UP’ +
Ul P
= 1 et est une alternative àl’algorithme
d’Euclide. Ce fait est résumé par laproposition :
Proposition.
SoientP(X) =
Xi)
unpolynôme
séparable,
la
décomposition
deP(X)-2,
la relation de Bezout entre
P(X)
et sadérivée,
alors :Démonstration.
Exemple.
, , , , , , , , , ,., , ...,., ,
Remarque
3. Les théorèmes 1 et 2représentent
deux variantes du lemmepolynomial
"au-dessus" de laclassique décomposition :
semi-simple/nilpo-tent des
endomorphismes
des espaces de dimension finie. Eneffet,
soientM(X)
lepolynôme
minimal d’une matrice carréecomplexe
U,
D(X),
N(X ) -
X -D(X)
lespolynômes
associés à M par la construction de la preuve du théorème2,
d =D(U), n
=N(U) ;
le théorème 2mon-tre que 0 et que
Ili (U -
divise n. Parsuite,
d,
dont lepolynôme
minimal n’a que des racinessimples,
estdiagonali-sable,
tandis que le théorème deCayley-Hamilton
montre que n estnilpo-tent. La
décomposition
U = d + n est donc ladécomposition
diagonali-sable/nilpotente
de U.Quant
à sonunicité,
elle se déduit de l’écriture ded sous la forme
D (U) .
Si U = ô + v où ô estdiagonalisable,
vnilpotent
etôv
= v~,
alors d =5, n
= v ; en
effet,
comme 8 commute avec v et avecd, 8
et d - 8 sont donc simultanémentdiagonalisables ;
demême, v
com-mute avec n et la formule du binôme alors
applicable
montre que n - v estnilpotent ;
d - b = v -n, à la
foisdiagonalisable
etnilpotent,
est donc nul.2.4. Calcul
explicite
despolynômes
D et DS. Les théorèmes 1 et2 fournissent des constructions
explicites,
de naturealgorithmique
pour lepremier,
et de la forme"interpolation
avecmultiplicités"
pour lesecond ;
onprécise
ce dernierpoint
par le théorème 3 suivant :Théorème 3. Soit
M(X) =
poLynôme.
Il existe ununique
polynômes
D(X)
dedegré d
¿i
e(i)
vérifiant
D(xi)
= xi(1
i fir)
et dont la dérivée est unmultiplie
de Cepolynôme
D(X)
est lepolynôme
associé par le théorème 2 à M.Démonstration. Soit
D(X )
lepolynôme
associé àM(X )
par le théorème 2.Il suffit d’établir que D vérifie les
hypothèses
satisfaites parD,
dont on vavoir
qu’elles
caractérisent ce dernier. Parconstruction,
pour i =1, ... ,
r,(X -
Xi)e(i)
diviseD(X) -
xi. Leproduit
divise doncD’(X)
et,
siI(X)
désigne
uneprimitive
deXi)e(i)-l,
il existedonc une constante J et un
polynôme
K(X)
dedegré
auplus
(r - 2)
telsque
D(X)
=K(X)(I(X)
+J).
Comme,
pour touti,
D(xi) =
xi, lesK(xi)
vérifient les(r - 1)
équations
linéaires :K(xl)/xl -
I(xl) -
I(xj)
(j # 1)
àpartir
desquelles
on détermine K(puis J)
par laformule
d’interpolation
deLagrange.
ri
Quand
le nombre des racines est r =2,
K est uneconstante ;
onexplicite
lesrésultats
s’exprimant
alors en termes de fonctionsclassiques.
Ici,
on utiliseà la fois les notations du théorème 1 et celles du théorème 2
puisqu’on
illustre ces deux théorèmes.
Corollaire 1. Si
P(X) =
(X -
a) (X -
b),
DS(X)
= X -(a -
b)-2(2X -
(a
+b))(X -
a)(X -
b).
Démonstration.
P’(X)
= 2X -(a
+b)
d’où la relation de Bezout(a
-b)-2((2X -
(a
+b))2 -
4(X - a)(X - b)) = 1
et le résultat. Onpeut
vérifier leségalités :
DS’(X) = -6(b -
a)-2(X -
a)(X - b)
et(DS(X)
-DS(a))(DS(X)-DS(b)) _
(1/36)(DS’(X))2(2X--a-3b)(2X+b-3a) _
(b -
a)-4(X - a)2(X - b)2(2X
+ a -3b)(2X
+ b -3a).
DL’itération du
morphisme d’algèbre
DS,
suivi d’une divisioneuclidienne,
permet
de calculer(et
fournit unprocédé
algorithmique)
lespolynômes
associés par le théorème 2 aux
(X -
(avec
cettenotation,
DS(X)
=D2,2(X)).
Le calcul direct d’unpolynôme égal
à a(resp. b)
aupoint
a(resp. b)
et de dérivéeproportionnelle
à(X -
b)/3-l
conduit à l’énoncé suivant.Corollaire 2.
De
plus,
lespolynômes définis
par: 2, _ - , - -, , - , ... ¿- _ w
Remarque
1. La relation de Bezoutprécédente
1 =A(X ) (X -
a)a
+B(X)(X -b)~
est un casd’égalité
(exemple :
A6(X)(1+X)6+As(-X)(1-Remarque
2. Lechangement
de variable x = a +t(b - a)
montreque
B
désignant
la fonction "bêta" associée à la fonction r par la relation d’EulerB (x, y) =
+y))-1.
En utilisant deplus
la fonction "bêtaincomplète",
onpeut
également
écrire le numérateur deDa~~ (X ) ;
par
suite,
les résultatss’expriment
effectivement,
dans le cas de deux racines auplus
pourP,
par des fonctionsclassiques.
Remarque
3. Lesexposants
étantentiers,
onpeut
aussi calculer le termenormalisateur f a b(x -
a)a-1 (x - b)B-1
dx en restant dans le monde despolynômes ; précisément,
on a :Proposition.
Démonstration. On écrit
_ -il
et,
par uneintégration
parparties,
on voit que les contributions des termes de la somme sontégales.
Corollaire.
1 1
(Bien
qu’établi
pour des valeursentières,
le corollaire s’étend auxréels ;
parexemple,
en choisissant a = b =3/2,
on voit quel’intégrale
ci-dessus estégale
à l’aire d’un demi-cercle de diamètre[a, b]
et donc queB(3/2, 3/2) _
r(3/2)2/2
=7r/8).
Exemples.
(les
exemples
(notations)
sont ceux(celles)
annoncés(resp.
utilisées)
plus
haut)
2.5. Un lien avec les
polynômes
deCebicev.
Dans lapremière partie,
on arappelé l’équation
fonctionnelle(en)
vérifiée par lespolynômes
deCebicev
Cn
et l’action de laspécialisation
X HCm(X)
compte-tenu
de lapropriété
Cn
oCm
=Cmn
Cettepropriété
s’étendgrâce
au lemme : Lemme. Soit(Cn)
une suite defonctions vérifiant
les identitésfonction-nelles :
Cn
0Cm
=Cm
0Cn = Cmn.
Soient A unparamètre
et(An)
les
fonctions définies
parAn (X ) -
ACm (X/A) ;
alors,
la même identitéDémonstration.
Théorème 4. Soit
est un
polynôme
unitaireimpair
àcoefficients
entierspositifs
vérifiant
lespropriétés :
Par
conséquent,
la suite d’identités donnée par(ii)
est une suite de casd’égalités
pourl’inégalité
deMason,
suite laissée stable par lesmorphismes
·Démonstration. Pour montrer que est à coefficients
entiers,
onapplique
la remarqueRemarque.
Soientk,
n des entiers >0,
alors(n
+(nk)
et(2n
-(nk)
sont entiers. C’est en effet clair : si(n
-t-(nk) =
(n
+k)k-1 ~k-1~
n’est pasentier,
il existe une valuation vp pourlaquelle
k) -
vp(n
+k) -
sont strictementnégatifs ;
or,vp(n
+k) ~
inf ( vp ( n ), vp ( k) ) .
Soit maintenant =
2iCm(X/2i) ;
le lemme et lapartie
1 montrentque qn o lm = lm o ln = lmn. Comme sont
impairs,
il vient :puisque
les entiers(2mn
+ m +n)
et(m
+n)
sont de mêmeparité.
Dans l’identitéCn(X)2 -
1 =(X~ -
1)(Cn(X)/n)2,
onspécialise
X enX/2i
et on
multiplie
les deux membres par-4 ;
en notant que(r2,,~t+1(X))2
=(Ci(/2z))2,
on en déduit(ii).
Pour montrer(iii),
il suffit d’établir queApplication. L’exemple
2qui
suit le théorème 1 établit la formule‘~2(x)2
+ 1 =(1~4)(X2
+4)(X2
+1)2
avecQ2(X)
=X(X2
+3)/2 ;
i
autrement
dit,
Q2(X)
est lepolynôme
dont l’itérationpermet
de former des facteurs(1
+X2)
avec de hautesmultiplicités.
Dans cetteidentité,
écritesous la forme
(2Q2(X))2
+ 4= (X2 + 4)(X2
+1)2,
on reconnaît l’identitér3 (X ) 2
+ 4= (X~
+4) (r3 (X ) /3)2
(et
aussi laspécialisée
par X -X 2
de l’identité
(*)
de[L]
après
la translation X - 1 + X rendantapplicable
le théorème13).
Il y a par conséquent deux modespossibles
pour obtenirpar itération de hautes
multiplicités
àpartir
de l’identitéprécédente :
X ~Q2(X)
et X -r3(X) ;
ainsi : De(X(X2+3))2+4 = (XZ+4)(XZ+1)2,
ondéduit au
premier
rang : avecrespectivement
X -r3 (X ) )
et X ~QZ (X ) )
3.
Exemples
d’applications
3.1. Une
application
directe des constructions de lapartie
2(et
duthéorè-me 13 de
[L]
tel querappelé
dans lapartie
1)
est de faire naître par itération des casd’égalité
avec desmultiplicités
élevées. Ainsi :Théorème 5. La substitution de à X dans tout cas
d’égalité
enX dont le radical est
multiple
de(X - a) (X - b)
fait apParaître
un nouveaucas
d’égalité
contenant lesfacteurs
(X - cz)a
et(X -
b)a.
Dérrconstration. Soit
(R,
S,
R -S)
un casd’éga,lité,
il suffit de vérifier quela dérivée
(dont
le théorème 3 montrequ’elle
estproportionnelle
à
(X -
b),3-1)
divise lespécialisé
(RS(R - S))(D(X)) ;
or, ceterme
comporte
un facteur(D(X) -
a)(D(X) - b)
qui
est unmultiple
deX
D
Exemple.
Dans(X-a)-(X-6)
=b-a,
laspécialisation
de X en conduit à :(X -
a)2(2X
+ a -3b) -
(X -
b)2(2X
+ b -3a) = (a -
b)3.
Le théorème 5
s’applique
à tous les casd’égalité,
ycompris
le trivial(X-f-1)/2-(X-1)/2
= 1(ou X-(X-1)
=1),
générateur
de tous les autrespar
spécialisation.
Enparticulier,
onpeut
l’appliquer
à toutes les relations de Bezoutexplicitées
dans lapartie
précédente
comme 1 =Aa, (X ) (X
-avec
(3,
aet,
par ceprocédé
itératif,
onpeut
les écrire toutesalgorithmiquement
etexplicite-ment.
Exemple.
Enspécialisant
( 1 /2) (X -~ 1 ) - ( 1 /2 ) (X -1 )
= 1par le
polynôme
qui
est la relation(*)
de[L]
où ellejoue
un rôleimportant ;
en itérant etaprès
divisioneuclidienne,
on obtient les solutionsA3(X) _
(1/16)(3X2
(déjà
vu dans lapartie
3.2. De
même,
àpartir
despolynômes
deCebicev,
onpeut
construire despolynômes :
qui,
substitués à X dans tout casd’égalité
en X dont le radical estmultiple
de
(X - a) (X - b),
faitapparaître
un nouveau casd’égalité
contenant le facteur(X - a)(X - b~
3.3. Dans le domaine des
représentations
par les formesbinaires,
les théorèmes 1 et 2 de lapartie
2permettent
d’obtenir directement desso-lutions avec de hautes
multiplicités.
En utilisantl’exemple
2qui
suit le théorème 1 de(2.1) (et
qui jouera
un rôleimportant
dans(3.3)),
on voitque les identités :
conduisent à itérer les transformations
pour faire
apparaître
des sommes de carrés(X2
+T )
à desmultiplicités
élevées,
tout en conservant pour T des facteurspremiers
donnés.3.4. Danilov a utilisé une résolvante de l’identité de Klein pour l’icosaèdre afin d’en déduire des valeurs d’adhérence pour les
quantités
de la forme~a3 -
(a,
b entiersnaturels,
a3 ~
b2)
et Schinzel a donné le meilleurminorant
positif
connu pour ces valeurs d’adhérence : 2 ~ .335 -5/2
. Cetterésolvante
peut
s’écrire comme le casd’égalité
suivant :(X2 12X + 16)3
-(X2
+4)(X2 -
18X +76)2
=1728(X -
11).
En substituant 2X àX,
onretrouve l’identité
($)
utilisée dans[L]
où l’on montre que($)
est une formecondensée,
qu’on
déduit enposant
de l’identité des invariants de Klein pour l’icosaèdre
(et
donc pour ledodéca-èdre),
laquelle
peut
être formulée ainsi(c’est
un casd’égalité
puisque
lemorphisme
respecte
le critère du théorème 13 de[L]
auquel
on renvoieavec :
En
spécialisant
X dans($)
auxpoints
de la suite d’entiers(cf.
[L]) :
xn =(( (2 .
11 - 31 +61 125~4n+3
+(2.11 ’
31 -61 125~4n+3~~2 _ 3)~/5 -
1 onobtient pour
(xn
+1) (resp. ((xn -
3)2 - 5)3)
un terme de la forme125yn
(resp.
unmultiple
de125),
d’où lasimplification
par 125 mise en évidencepar Schinzel et la formation d’une différence de la forme
an -
On varelever dans les
polynômes
cette suite de lafaçon
suivante :Théorème 6. Soient
r3(X)
=2Q2 (X )
= +3)
(cf.
fin
de lapar-tie
2),
=F3(r3(X))
=(DSn) la
suite des identités(cas
d’égalité)
déduites de la résolvante(DSO )
par itération successive de’Y(X) "
Alors,
laspécialisation
aupoint
11 dans cette suite(DSn)
d’identitésen-gendre
une suite dediffére
=cn pour
laquelle
tend vers2 - 33 -
5-5~2
par valeursinférieures.
Démonstration. Comme
l’indique
le théorème4,
l’image
par lemorphisme
X - de(X2+4)
engendre
une suite de casd’égalité
(DSn)
(lesquels
satisfont donc au théorème 13 de
[L])
contenant le facteur(X2
+4).
Cette dernière identité s’écrit :An(X)3 -
(X2
+4)Bn(X)2
=1728Cn(X)
(An,
Bn, Cn
à coefficientsentiers,
lepolynôme Bn
seprésentant
lui-même sousla forme d’un
produit : facteur,
facteurcarré,
facteurbiquadratique... ).
L’étude de laspécialisation
aupoint
11 est basée sur le lemme(un
résultatplus général
adéjà
été établi dans le(iii)
du théorème 4 pour lapremière
congruence du
lemme)
suivant :Au
point
X =11,
les termes(X~
+4)
etCn(X) = -yn (X ) -
11 sont tous deux divisibles par 125 et il en est donc de même deAn(X)3.
D’autrepart,tous
les termes(n
>0)
sontmultiples
deX(X2~-3)
etprennent
donc au
point
11 des valeursmultiples
de4 ;
il en est donc de même de[(X~ - 18X
+76)]~~~ .
Comme 1728 =2~3~
on voitl’égalité
en entiers :peut
êtresimplifiée
par2~ ’ 53.
Pour ngrand,
1728Cn(11)
est voisin de337n(11)/53 tandis
que(An(ll)/2 2
5)1/2
est voisin de-yn(11)/2 512
d’où lequotient
annoncé : 2 ~3~ ’
5"~.
. Pour voir que la limite est atteinte parvaleurs
inférieures,
il suffit de considérer la forme deDSo
et d’observer que,n(11)
est un entiergrand.
DPour n =
1,
on retrouve le calcul(cf. [L]) :
(22~2399~60659~553187221)3-(17~19~61~839~109441~555301~181879441)2=34~5~11~41~3001.
Remarque.
Onrappelle
qu’il
estimpossible
de trouver uncouple
(P,
Q)
de
polynômes
tel que ledegré
de(P3 - Q2)
soit moitié de celui de P(s’il
en était
ainsi,
en notant d ledegré
de(P3 - Q2),
ledegré
de P serait 2det celui de
Q
serait3d,
le nombre de racines duproduit
PQ(P3 - Q2)
serait alors6d,
soit auplus
ledegré
deP3
(ou
celui deQ2,
qui
lui estégal),
d’où une contradiction avecl’inégalité
deMason).
Cette remarque,faite par
Davenport
dès les années60,
est de faitéquivalente
avec certainesformes du théorème de Mason
(aussi
énoncé par Stothers antérieurementet
indépendamment).
On renvoie à labibliographie
de[L]
pourplus
de détails.Bibliographie
[L] M. LANGEVIN, Imbrications entre le théorème de Mason la descente de Belyi et les différentes
formes de la conjecture (abc). J. Th. Nombres de Bordeaux 11 (1999), 91-109.
[P] P. PHILIPPON, Quelques remarques sur des questions d’approximation diophantienne. Bull.
Aust. Math. Soc., 59, (1999), 323-334 ; Addendum Ibid. 61, (2000), 167-169. Michel LANGEVIN
Th des Nombres, I.M. Jussieu & A2X, I.M. Bordeaux Universite de Bordeaux 1
33405 Talence cedex France