Les chaˆınes magiques
Jean-Luc Marichal
∗1 Position du probl` eme
Voici un probl`eme que je propose :
Inscrire dans chacune des n cases du tableau ci-dessous un nombre entier positif de telle sorte que le nombre figurant dans la case qui porte le num´ero ‘0’ repr´esente la quantit´e totale de nombres ‘0’ inscrits dans le tableau, le nombre figurant dans la case qui porte le num´ero ‘1’ repr´esente la quantit´e totale de nombres ‘1’, et ainsi de suite jusqu’`a la derni`ere case.
0 1 2 · · · · n−1
Ainsi par exemple, si n= 8, une solution possible s’´ecrira
0 1 2 3 4 5 6 7
4 2 1 0 1 0 0 0
En effet, dans ce tableau, il y a 4 fois le nombre ‘0’, 2 fois le nombre ‘1’, une fois le
‘2’, pas de ‘3’, une fois le ‘4’, pas de ‘5’, pas de ‘6’ et pas de ‘7’.
2 R´ esolution
Soient n ∈ N0 et In = {0,1, . . . , n− 1}. Supposons que le n-uple (x0, x1, . . . , xn−1) repr´esente une solution du probl`eme, xk (k ∈ In) d´esignant le nombre contenu dans la case qui porte le num´ero ‘k’.
D’une part, il est clair que
xk∈In ∀k ∈In. (1)
On voit alors ais´ement qu’aucune solution ne peut ˆetre obtenue pourn= 1,2 ou 3. Nous supposerons donc, dans la suite, que n≥4.
D’autre part, puisque, pour tout k ∈ In, xk repr´esente le nombre de ‘k’ inscrits dans le tableau, on peut imm´ediatement constater que la somme des xk repr´esente le nombre total de cases:
n−1X
k=0
xk=n. (2)
∗Ecole d’Administration des Affaires, Universit´e de Li`ege, Boulevard du Rectorat 7 - B31, B-4000 Li`ege, Belgique.
1
De plus, la somme des nombres inscrits dans le tableau peut s’obtenir en additionnant d’abord tous les ‘0’ (il y en ax0), puis tous les ‘1’ (il y en ax1), et ainsi de suite jusqu’aux
‘n−1’. On obtient alors
x0∗0 +x1∗1 +· · ·+xn−1∗(n−1) =
n−1X
k=0
xk, c’est-`a-dire
n−1X
k=0
kxk=n. (3)
D`es lors, de (2) et (3), on d´eduit
x0 =
n−1X
k=1
(k−1)xk, (4)
et nous pouvons alors nous int´eresser aux valeurs que peut prendrex0.
De (1) et de la d´efinition de x0, on d´eduit imm´ediatement x0 ≥ 1. Supposons alors x0 =p (p≥1). Par d´efinition de xp, on a xp ≥1. D`es lors, de (4), on d´eduit
p≥(p−1) +
n−1X
k= 1 k6=p
(k−1)xk
ou encore
n−1X
k= 1 k6=p
(k−1)xk≤1. (5)
Vu (1), ceci implique
xk= 0 ∀k ∈In\ {0,1,2, p}. (6) Trois cas sont alors `a envisager:
• Si p = 1 alors on a un seul z´ero dans le tableau et, vu (6), on a n´ecessairement n = 4. De (4), on tire x2 = 1, et de (3), x1 = 2. D’o`u la solution (1,2,1,0).
• Si p = 2 alors on a deux z´eros dans le tableau et, vu (6), on a n´ecessairement 4≤ n≤5. De (4), on tire x2 = 2, et x1 est alors donn´e par (3). D’o`u les solutions (2,0,2,0) et (2,1,2,0,0).
• Si p ≥ 3 alors, vu (6), il y a au moins (n − 4) z´eros dans le tableau et donc p=x0 ≥n−4. Si on avait xp ≥2, alors, de (4), on aurait
p=x2+ (p−1)xp ≥x2+ 2p−2 impliquant 2≥x2+p≥x2+ 3, une contradiction.
On a donc xp = 1 et, de (4), on tirex2 = 1. Par d´efinition de x1, on a alors x1 ≥2.
Mais si on avait x1 ≥3 alors, de (2), on aurait
n =p+x1+ 2≥(n−4) + 5 =n+ 1,
ce qui est impossible. On a donc x1 = 2 et, de (2), on a n = p+ 4 ≥ 7. D’o`u la solution (n−4,2,1,0, . . . ,0,1,0,0,0) pour chaquen ≥7.
2
La r´esolution compl`ete du probl`eme se r´esume donc comme suit:
• n = 1,2,3: pas de solution;
• n = 4: deux solutions (1,2,1,0) et (2,0,2,0);
• n = 5: une solution (2,1,2,0,0);
• n = 6: pas de solution;
• n ≥7: une solution (n−4,2,1,0, . . . ,0,1,0,0,0).
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