R. TOULLEC
J.F.
GRONGNETH.
Flageul, J.Lareynie
P.M. LucasINRA Laboratoire du
Jeune
Ruminant 65, rue de Saint-Brieuc35042 Rennes Cedex
Remplacement
partiel des protéines
du lait par celles du blé ou du maïs dans les aliments d’allaitement :
influence
surl’utilisation digestive
chez le
veaude boucherie
L’application de la politique des quotas laitiers
aprovoqué
uneréduction drastique de la quantité de poudre de lait écrémé disponible pour la fabrication des aliments d’allaitement et de fortes fluctuations de
sonprix.
Depuis 1988, l’octroi de la prime de dénaturation à la poudre de lait écrémé
utilisée
enalimentation animale n’est plus subordonné à
untaux minimum
d’incorporation. Il
enrésulte
ungrand intérêt pour l’emploi des protéines
de substitution. Cependant, le
veaupréruminant est très sensible à la
nature des protéines alimentaires. Le gluten de blé et les protéines de maïs
sont-ils utilisables ?
Certaines
protéines
de substitution sont peudigestibles
etpeuvent
entraîner des refus oudes troubles
digestifs.
Ceux-ci se manifestent notamment par desdiarrhées,
desperturba-
tions de la motricité
gastrointestinale
et desaltérations de la
paroi intestinale,
induisant uneaugmentation
del’absorption
des macromolé- cules(revue
de Troccon etToullec, 1989).
Lestroubles se
développent
en même temps que les titresd’anticorps dirigés
contre les pro- téines alimentaires. Ilsdisparaissent lorsque
lesprotéines
incriminées sont retirées durégime
etréapparaissent
dèsl’ingestion
d’un repasd’épreuve
distribuéaprès quelques jours
derégime
d’exclusion. Ces différentes caractéristi- quesindiquent qu’il
peuts’agir
de réactionsd’hypersensibilité
de natureallergique.
Lestroubles ont été
principalement
observés dans le cas de certainsproduits
issus dusoja,
maisont
également
été décrits avec un aliment dont lesprotéines provenaient
en totalité dugluten
de blé
(Kilshaw
et Slade1982). Cependant,
ànotre connaissance, l’utilisation d’aliments contenant des taux modérés de
gluten
n’a pas faitl’objet
depublications.
Le but de cet essai était d’étudier l’influence du
remplacement
d’unepartie
desprotéines
dulait par celles du blé ou du maïs sur la
digesti-
bilité de constituants de l’aliment et la réten- tion azotée, chez le veau de boucherie. Les effets
antigéniques
éventuels desprotéines
tes-tées ont été caractérisés en déterminant l’évolu- tion des titres
d’anticorps dirigés
contre elles.Leur influence sur la
perméabilité
intestinaleaux macromolécules a été
appréciée d’après
lesvariations du taux circulant de
(3 lactoglobuhne
immunoréactive.
1 / Conditions expérimentales
1.
1
/ Aliments
Quatre
aliments d’allaitement(T,
BV, BD etM),
contenant 21 % de matières azotées et 19 % delipides,
ont étépréparés.
Dans l’aliment T,les matières azotées étaient
apportées
presqueRésumé
-Le but de cet essai était d’étudier l’influence du
remplacement
d’unepartie
desprotéines
du lait par celles du blé ou du maïs, sur ladigestibilité
de l’aliment et la rétentionazotée,
chez le veau de boucherie. Pourcela,
4 laits deremplacement (T,
BV, BD etM)
ont été distribués à des lots de 6 veaux entre lesâges
d’environ 4et 19 semaines. Dans l’aliment T, les
protéines
étaientapportées
en totalité par de lapoudre
de lait écrémé. Dans les autresaliments,
19 % desprotéines
étaientfournies soit par du
gluten
de blé vital(BV)
ou dévitalisé(BD),
soit par un concentratprotéique
de maïs(M).
Ladigestibilité apparente
et la rétention azo-tée,
mesurées au cours des 8e et 14e semainesd’âge,
n’ont pas étésignificative-
ment affectées par la nature des
protéines
de l’aliment : en moyenne, ladigestibi-
lité de l’azote a été de 0,95, 0,95, 0,95 et 0,93 pour les aliments T, BV, BD et M,
respectivement.
Les valeurs calculées ont été de 0,94, 0,93 et 0,86 pour ladigesti-
bilité de l’azote des
produits BV,
BD et M. Les veaux des lotsBV,
BD et M ontdéveloppé
desanticorps systémiques
contre lesprotéines
étudiées.Cependant,
aucune de ces dernières ne semble avoir entraîné de réactions
allergiques.
Ladévitalisation n’a pas eu d’influence notable sur l’utilisation du
gluten
de blé par lesanimaux,
mais elle apermis
d’améliorer son maintien ensuspension.
exclusivement par de la
poudre
de lait écrémé.Dans les 3 autres
aliments,
19 % des matières azotées étaient fournies soit par dugluten
deblé vital
(BV)
ou dévitalisé(BD),
soit par un concentratprotéique
de maïs(M),
le reste pro- venant de lapoudre
de lait écrémé et des acidesaminés de
synthèse (tableau 1). ).
Le
gluten
de blé natif est insoluble dansl’eau,
maiss’hydrate
facilement en formant unepâte viscoélastique.
Il estpréparé
industrielle-ment à
partir
de lafarine,
en utilisant sa viscoé- lasticité en milieu aqueux pour faciliter sasépa-
ration de l’amidon. Le
produit
obtenu estappelé
vital s’il estcapable
dereprendre
sescaractères
originaux
au contact de l’eau et dévi- talisé dans le cas contraire. La dévitalisationpeut
êtreréalisée,
parexemple,
à l’aide d’un traitementthermique.
Le concentratprotéique
de maïs est un
co-produit
de l’extraction de l’amidon. L’amidon et lesprotéines
insolublessont mis en
suspension
dansl’eau, puis séparés
par
centrifugation
et séchés. La fractionprotéi-
que obtenue est
dépourvue
despropriétés
de viscoélasticité.Les
produits
étudiés sont riches enprotéines
mais pauvres en minéraux
(tableau 2),
cequi
facilite leur introduction dans les aliments d’al-laitement ;
seule leur teneur en fer estsuscepti-
ble de poser des
problèmes
dans le cas du veaude boucherie. Par rapport aux
protéines
dulait,
celles des
glutens
de blé contiennent autantd’arginine
et sontplus
riches en acides aminéssoufrés
(tableau 3) ;
enrevanche,
elles sontmoins pourvues en
thréonine, valine,
isoleu- cine, leucine et surtoutlysine.
Lesprotéines
demaïs sont
plus
riches que celles du lait enacides aminés soufrés et surtout en
leucine,
mais sont moins pourvues en tous les autres acides aminés
indispensables
etsemi-indispen- sables, phénylalanine
+tyrosine exceptées.
Cependant,
compte tenu dessupplémentations
en
lysine
et en méthionine(ainsi qu’en
thréo-nine dans le cas des aliments contenant les
glu-
tens de
blé),
les 4 aliments utilisés ont eu des teneurs en acides aminésindispensables
etsemi-indispensables
voisines.Un
léger dépôt
seproduisait
au bout de 2 à3 mn dans le lait de
remplacement préparé
àpartir
de l’aliment BV Enrevanche,
les laits obtenus àpartir
des 3 autres aliments restaienthomogènes.
La dévitalisation a doncpermis
d’améliorer le maintien ensuspension
duglu-
ten de blé.
1.
2
/ Animaux et
mesuresVingt-quatre
veaux mâles Holstein ont été achetés àl’âge
d’environ8 j
et ont reçu un lait deremplacement classique,
dont lesprotéines
étaient exclusivement
d’origine laitière, jusqu’à
la fin de la 4’’ semaine deprésence.
Ils ont alorsété
répartis
en 4 lots de 6 et sontpassés
en3 j
àl’un des 4 aliments
expérimentaux
T, BV, BD ou M.La
digestibilité
des constituants des aliments et le bilan del’azote,
du calcium et duphos- phore
ont été mesurés en 7&dquo; et 13’’ semaine deprésence, après
une semained’adaptation
encages à bilans. Le reste du temps, les veaux ont été munis d’une muselière et
logés
en casesindividuelles sur litières de
paille.
Lors de cha-que semaine de mesures, les fèces et les urines ont été collectées en totalité et échantillonnées
pendant 5 j
consécutifs. Les fèces ont étélyo- phylisées.
Des
prises
de sang ont été effectuées surhéparine
dans une veinejugulaire
externe, 5 haprès
le repas du matin, lejour qui
aprécédé
ledébut de la transition,
puis
au milieu et à la fin de chacune des 9 semaines suivantes. Lesplas-
mas ont été conservés à - 18&dquo;C
jusqu’aux
ana-lyses.
La/3 lactoglobuline
immunoréactive a été dosée danschaque
échantillon. Les titres d’an-ticorps dirigés
contre lesprotéines
solubles des troisproduits
étudiés ont été déterminés dans lesplasmas prélevés
avant la transition etaprès
1, 3, 5, 7 et 9 semaines derégime expérimental.
Les
techniques
ELISA utilisées ont été décritespar Nunes do Prado et al
(1989).
Les
quantités
d’aliment d’allaitement distri- bué ontaugmenté progressivement
de 1090g/j
en 4’’ semaine de
présence
à 2 800 àpartir
du début de la 16’ semaine. Les animaux ont étépesés
une fois par semaine.L’abattage
a eu lieu123 j après
l’entrée en étable.2 / Résultats
2.i / Appétit, croissance et état sanitaire L’appétit
des animaux a été très satisfai-sant dans le lot T
puisque
seul un de ses veauxa refusé
plus
de 1 % de sa ration(tableau 4).
Les refus ont été un peu
plus importants
dans les lots BD, M et surtout BV(respectivement
2,2 et 3 veaux ont refusé
plus
de 1%).
L’un desveaux du lot M n’a pu être utilisé lors de la seconde
période
debilans,
à cause d’une mau-vaise
adaptation
en cage. Legain
depoids
vifdes animaux a été inférieur
(respectivement
de3,8, 2,5 et 5,2
%)
et l’indice de consommationsupérieur (respectivement
de 1,9, 2,0 et 4,8%)
chez les veaux des lots BV, BD et M par
rapport
à ceux du lot T. De même, le
poids
de carcassea été moins élevé
(de
3,8, 2,5 et 3,3kg). Cepen- dant,
aucune de ces différences n’a étésignifi-
cative. Les notations de coloration et d’état
d’engraissement
des carcasses ont été identi-ques pour les 4
lots,
mais celles de conforma- tion ont été moins satisfaisantes pour les lots BV, BD et M.2.
2 / Digestibilité et bilans
Comme
prévu,
ladigestibilité apparente
des aliments n’a pas évoluésignificativement
avecl’âge
des veaux, sauf pour les matières miné-rales,
enparticulier,
le calcium et lephosphore,
pour
lesquels
les valeurs ont baissé de lapériode
1 à lapériode
2(tableau 5).
Cela est dûau fait que les besoins en calcium diminuent et que la
régulation
de sa rétention a lieu auniveau
digestif.
Aucune différencesignificative
n’a pu être mise en évidence entre les 4
régimes,
bien que les valeurs aient eu tendance à être un peu moins élevées avec l’aliment M(pour
l’azote 0,93 au lieu de 0,95 avec les ali- ments T, BV etBD).
En admettant que ladiges-
tibilité
apparente
de l’azote du lait et des acides aminés desynthèse
soit la même dans les 4 ali-ments, les valeurs calculées pour l’azote des
produits
BV, BD et M seraient de 0,94, 0,93 et0,86
respectivement.
Ces valeurs sontélevées,
en
particulier
celles concernant les 2glutens
deblé
qui
sontidentiques
à celles observées pour les meilleurs concentratsprotéiques
de lactosé-rum
(Grongnet
eta7 1981).
Les
quantités d’azote,
de calcium et dephos- phore
retenus parjour
ont été voisines dans les4 lots
(en
moyenne : 40,5, 38,6, 40,2 et 39,5 g ; 20,4, 18,8, 18,6 et 19,0 g ; 10,8, 11,6, 11,2 et 11,1 g,respectivement
dans les lotsT, BV,
BD etM).
Seules les différences concernant le calcium entre le lot T et les lots BV et BD ont été
signifi-
catives
(P
<0,05).
2.
3 / Titres d’anticorps et perméabilité
intestinale
auxmacromolécules
Dans le
plasma
des veaux du lot T, des titresd’anticorps
de 3 à 4 ont été trouvés tout aulong
de l’essai contre les extraits des trois
produits
étudiés
(figure 1).
Cesvaleurs, qui
n’ont pas évolué avecl’âge,
sontprobablement
duesessentiellement à des attachements non
spécifi-
ques des
immunoglobulines
en solution peu diluée sur lesplaques
ELISA. Chez les veauxdes lots BV, BD et M, les valeurs initiales ont été très voisines de celles observées chez les ani-
maux du lot T, mais ont
augmenté significative-
ment par la suite. Les différences par
rapport
au lot T ont
généralement
étésignificatives
àpartir
de la 5esemaine derégime.
Lesprotéines
étudiées ont donc eu une activitéantigénique.
Cependant,
aucunsymptôme
d’activitéallergé- nique
n’a pu être mis en évidence. Ainsi, letaux circulant de
(3-Jactoglobuline
immuno-réactive est
toujours
demeuré à la limite du seuil de détection(environ
20ng/ml).
Il nesemble donc pas y avoir eu d’accroissement de la
perméabilité
intestinale auxmacromolécules,
comme cela a été observé avec du tourteau de
soja
cuit, de l’ovalbumine(Kilshaw 1981)
et dupois
cru(Nunes
do Prado et al1988).
Kilshawet Slade
(1982)
ontpourtant
constaté des altéra- tions de laparoi
intestinale avec dugluten
deblé,
mais ce dernierapportait
la totalité desprotéines
de l’aliment.Conclusion
________
Dans nos conditions
expérimentales,
les pro- téines des deuxglutens
de blé étudiés ont eu une utilisationdigestive pratiquement
aussi élevée que lesprotéines
du lait. La dévitalisa- tion apermis
d’améliorer le maintien en sus-pension
dugluten
deblé,
mais n’a pas eu d’ef- fet sur ladigestibilité.
La valeur obtenue pour ladigestibilité
desprotéines
issues du maïs, bien que moinsélevée,
est demeurée satisfai-sante.
Malgré
la formationd’anticorps
circu-lants
dirigés
contre les troispréparations
étu-diées,
aucune ne semble avoir entraîné de réac- tionallergique,
bien quel’importance
des refusai été accrue, en
particulier
avec legluten
deblé vital. Des essais
complémentaires
effectuéssur un
plus grand
nombre d’animaux devraientpermettre
de mieuxpréciser
l’influence de cesproduits
surl’appétit,
l’état sanitaire et la crois-sance.
Références bibliographiques
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de lait écrémé par d’autres sources protéiques. INRA
Prod. Anim., 2, 117-128.
Remerciements
à la Société
Roquette,
62136 Lestrem, pour l’aideapportée
à la réalisation de cet essai.Summary
Partial
replacement
of milkproteins by
wheator maize in milk feed : the influence on
diges- tibility
in the veal calf.The aim of this
experiment
was tostudy
theeffect of the
partial replacement
of milk pro- teinby
wheat or maizeprotein
ondigestibility
and
nitrogen
balance in the veal calf. Four milk-substitutes(T,
BV, BD andM)
weregiven
to groups of 6
preruminant
calves between 4-19 weeks of age. In the Tdiet, protein
wasentirely provided by
skim milkpowder.
In theother
diets,
19 % of theprotein
wasprovided
either
by
wheatgluten (vital:
BV or devi-talized :
BD)
orby
a maizeprotein
concentrate(M).
The apparentdigestibility
andnitrogen balance,
measuredduring
the 8’&dquo; and the 14’&dquo; Ih week of age, were notsignificantly
alteredby
the source of
dietary protein :
the mean valuesfor
nitrogen digestibility
were 0.95, 0.95, 0.95 and 0.93 with the T, BV, BD and Mdiets, respectively.
The calculated values for thedigestibility
ofnitrogen provided by
BV, BDand M
products
were 0.94, 0.93 and 0.86. Cir-culatory
antibodies weredevelopped by
thecalves of BV, BD and M groups
against
thecorresponding proteins.
However, none of themappeared
to induceallergic
responses.Devitalization had no effect on the utilization of wheat
gluten by
thecalves,
butimproved
itssuspensibility.
TOULLEC R., GRONGNET J.E, 1990.
Remplac;ement partiel
des proléines du lait par celles du blé on du mais dans les aliments d’allaitement : influence surl’utilisation digestive chez le veau de boucherie.
INRA Prod. Anim., 3 (3), 201-206.