Renc. Rech. Ruminants, 2008, 15 217
Les différents postes de consommation en énergie et les pistes d’économie en élevage bovin laitier
BEGUIN E. (1), BONNET J. (1), DOLLE JB. (2), CHARROIN T. (3), FERRAND M. (4)
(1) Institut de l’élevage - département actions régionales - 19 bis rue Alexandre Dumas - 80096 Amiens cedex 3
(2) Institut de l’élevage - département actions régionales - 56, avenue R. Salengro - B.P. 39 - 62051 Saint Laurent Blangy (3) Institut de l’élevage - département actions régionales - B.P. - 50 42272 Saint-Priest-en-Jarez
(4) Institut de l’élevage - département biométrie - 149 rue de Bercy - 75595 Paris cedex 12
RESUME - La raréfaction des ressources énergétiques, le renchérissement du coût de l’énergie et la nécessaire lutte contre le réchauffement climatique conduisent à approfondir l’analyse des consommations d’énergie dans les fermes d’élevage, dans le but de proposer un diagnostic-conseil opérationnel. L’objectif du travail mené par l’institut de l’élevage avec ses partenaires (chambres d’agriculture, ADEME) est de disposer de repères selon les différents systèmes de production, disponibles pour des démarches de conseil en consommation d’énergie. Il s’agit également de fournir aux conseillers et aux éleveurs les pistes d’amélioration susceptibles d’être mises en œuvre au sein des exploitations d’élevage. Cette communication s’appuie sur les données 2006 collectées en 2007 auprès de deux cent trente-cinq exploitations bovin lait des réseaux d’élevage. Parallèlement, une recherche bibliographique, des interviews d’experts et la réalisation d’enquêtes ont permis de lister et de valider une partie des facteurs explicatifs des consommations d’énergie des exploitations laitières ainsi que des pistes d’économies. L’analyse des écarts de consommation pour les quatre postes étudiés : électricité, carburants, fertilisation et alimentation, démontre qu’il existe plus d’écarts de consommation d’énergie de l’atelier lait par unité produite intra-système qu’entre systèmes. Les exploitations les plus économes en énergie présentent un bon niveau de productivité et de bonnes performances économiques. Quelque soit le système, il existe un potentiel d’économie d’au moins 20 % lié à l’optimisation du fonctionnement. Les marges de progrès sont présentes sur tous les postes étudiés mais avec 40 % du total des consommations d’énergie, c’est le poste alimentation qui présente les plus fortes marges de progrès.
The different areas of energy consumption and saving guidelines in dairy farming
BEGUIN E. (1), BONNET J.,. DOLLE JB, CHARROIN T., FERRAND M.
(1) Institut de l’Elevage - département Actions Régionales - 19 bis rue Alexandre Dumas - 80096 Amiens cedex 3
SUMMARY - The depletion of resources, along with the rising costs of energy and the important fight against global warming, necessitates a more profound analysis of energy consumption in animal farming. The intention is to propose a diagnosis which will lead to improved energy efficiency. The goal of the Institut de l’Elevage (Breeding Institute) and its working partners (Chambres d’agriculture, ADEME) is to provide energy saving guidelines to both farmers and consultants which can be implemented in different production and breeding systems. Data is based on research carried out in 2007 (data 2006) involving 235 Dairy farms in the “Réseaux d’Elevage “(Breeding Network). A parallel bibliographical study based on interviews with experts, and further market research resulted in identifying the factors that account for energy consumption in dairy farming and the compiling of energy saving guidelines. Analysis of the differences in consumption between the 4 factors being studied : electricity, fuel, fertilization and food, show that there is a greater difference in energy consumption per unit, produced in milking parlors operating under the same system, than those operating under different systems. The most energy efficient farms fare well from a production and economic performance point of view. Every system which endeavors to optimise production can save up to 20% minimum. While it is possible to improve on all areas, the biggest savings can be made on food production which represents 40% of energy consumption overall.
INTRODUCTION
L’étude de la consommation d’énergie dans les exploitations agricoles s’impose depuis quelques années. Le contexte économique et écologique mondial incite chacun à agir à son niveau. Suite au Grenelle de l’environnement, 100 000 diagnostics énergétiques d’exploitations agricoles sont programmés sur les cinq années à venir. Pour les éleveurs, la réduction de la facture énergétique passe d’abord par une réflexion sur les économies avant d’envisager toute production autonome d’énergie.
L’institut de l’élevage a développé une méthode de calcul des consommations d’énergie sur les fermes herbivores. Son application dans les réseaux d’élevage
1permet de conforter la démarche et d’accumuler des références. Cette méthode prend en compte quatre postes qui représentent environ 80 % des consommations d’énergie d’un élevage laitier (Risoud, 2000) c’est-à-dire les produits pétroliers, l’électricité, la fertilisation minérale et l’alimentation. Elle vise également à répartir l’énergie liée à ces quatre postes
par atelier, de manière à exprimer les consommations par unité produite : 1000 l de lait, 100 kg de viande, (Galan et al., 2007). Les résultats sont exprimés en équivalent fioul (EQF), unité d’énergie primaire qui permet d’additionner les différentes sources d’énergie utilisées sur les exploitations (1 EQF : 35,8 MJ). L’analyse des consommations d’énergie sur les exploitations bovines a fait l’objet d’un suivi particulier dans les réseaux d’élevage pendant trois années consécutives. L’objectif a été de recenser les facteurs explicatifs des niveaux et des écarts des consommations d’énergie. Ce travail s’inscrit dans une démarche nationale de création d’un outil de diagnostic - conseil, pilotée par l’ADEME.
1
Ces exploitations sont suivies dans le cadre d’une action partenariale associant des
éleveurs volontaires, l’institut de l’élevage et les chambres d’agriculture, selon une
approche globale de l’exploitation sur une durée d’au moins trois ans. Le dispositif
réseaux d’élevage reçoit le soutient financier de l’office de l’élevage.
218 Renc. Rech. Ruminants, 2008, 15 1. MATERIEL ET METHODES
Pour aider à la récolte des informations sur le terrain, une liste de facteurs explicatifs des consommations d’énergie a été constituée par recherche bibliographique. Ce travail a été complété par le recours à des avis d’experts : 1) des conseillers des réseaux d’élevage du Nord-Ouest ont été réunis pour examiner les facteurs susceptibles d’expliquer les écarts de consommation d’énergie observés entre les exploitations du dispositif. 2) des conseillers mécanisation des chambres d’agriculture de Picardie et d’Arvalis ont été sollicités pour confirmer les facteurs pouvant modifier les consommations de carburant.
Ce travail a amené à la liste simplifiée présentée tableau 3.
1.1. NIVEAUX DE CONSOMMATIONS D’ENERGIE Les consommations d’énergie en 2006 par unité produite (1000 l de lait) de deux cent trente-cinq exploitations des réseaux d’élevage bovin lait, réparties sur tout le territoire français, ont été enregistrées puis comparées. Préalablement, les exploitations ont été typées selon les modalités suivantes correspondant à différents systèmes de production (tableau1) :
Mode de production : conventionnel ou Agriculture Biologique (AB)
Localisation : plaine ou montagne
Combinaison de production (OTEX) : spécialisé herbivore ou polyculture-élevage
Système fourrager : herbager, herbe-maïs ou maïs L’utilisation d’une typologie croisant OTEX et système fourrager permet ainsi de réduire fortement la variabilité des niveaux de consommation d’énergie au sein d’un échantillon d’exploitations d’élevage (Charroin et al., 2006). Cette typologie intègre également le fait que les écarts moyens de consommations d’énergie sont a priori significativement différents entre exploitations de plaine et exploitations de montagne ainsi qu’entre mode de production biologique et mode conventionnel.
Tableau 1 : répartition des deux cent trente-cinq exploitations laitières de l’échantillon 2006 par système de production
1.2. ENQUETES COMPLEMENTAIRES
La recherche des facteurs explicatifs des consommations d’énergie et l’identification des pistes d’amélioration susceptibles d’être proposées aux éleveurs ont nécessité de disposer d’informations ciblées par type d’activité. Plusieurs investigations complémentaires ont été réalisées dans ce but.
Une première enquête visait à valider les facteurs explicatifs des niveaux de consommation d’énergie. Elle a été réalisée sur soixante-dix exploitations laitières des réseaux d’élevage du Nord-Ouest. Les informations recueillies portaient sur l’état du parcellaire, les pratiques en bâtiment (mode de distribution des fourrages, mode de paillage), les pratiques d’utilisation du matériel de traction, les conditions de réalisation de la traite (type d’équipement, durée), le niveau de finesse du pilotage de la fertilisation et de la complémentation concentré. Une deuxième enquête très approfondie a porté sur les consommations d’énergie (électricité et carburant) en bâtiment
d’élevage laitier
2sur soixante exploitations de Bretagne, Pays de la Loire, Nord-Picardie et Rhône-Alpes. Les informations collectées portaient à la fois sur les équipements (distribution des aliments, raclage, paillage, traite, stockage du lait,…) et sur leurs utilisations par l’éleveur. La troisième enquête
3, complémentaire à des données Mécagest (outil d’analyse des charges de mécanisation), a porté sur l’identification des facteurs explicatifs des consommations de carburant liées aux surfaces. La base de données constituée totalise quatre cent cinq exploitations de Picardie dont cent dix-neuf exploitations laitières.
2. RESULTATS
2. 1. ECARTS DE CONSOMMATION ENTRE EXPLOITATIONS D’UN MEME SYSTEME
La comparaison intra-système a été réalisée entre les exploitations économes (quarts inférieurs) et les exploitations consommatrices (quarts supérieurs). Les exploitations sont classées selon la consommation d’énergie de l’atelier laitier par unité produite (EQF / 1000 l) répartie en quatre postes (électricité, produits pétroliers, engrais, alimentation). La variabilité intra-système s’avère plus forte pour les systèmes herbagers très sensibles à la qualité de gestion des surfaces en herbe (figure1). S’il existe des écarts de consommation très significatifs d’environ 20 % entre mode de conduite conventionnel et agriculture biologique (95 vs. 75 EQF / 1000 l) dus à la faible consommation d’intrants (engrais, concentrés) en AB, les écarts entre les systèmes conventionnels sont plus faibles. Les consommations sont un peu supérieures pour les exploitations de montagne par rapport aux exploitations de plaine (105 vs. 97 EQF / 1000 l) et pour les exploitations de polyculture-élevage par rapport aux exploitations d’élevage spécialisées à système fourrager comparable (106 vs. 96 EQF / 1000 l). Sur deux cent huit exploitations conventionnelles, l’écart moyen entre la consommation d’énergie (en EQF atelier lait / 1000 l) des exploitations économes et la moyenne s’élève à 30 % et celui entre exploitations économes et exploitations dépensières à 47 %.
Des marges de progrès sont donc réelles et ce, pour toutes les classes typologiques, y compris pour les exploitations en agriculture biologique.
Figure 1 : écarts de consommation d’énergie des ateliers laitiers pour différents systèmes de production (résultats 2006)
Les exploitations économes en énergie présentent de bons résultats en matière de production comme en matière de performance économique comme cela est illustré par le groupe des spécialisés herbivores herbe-maïs (tableau 2).
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Cette action a bénéficié du soutien financier de l’ADEME
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