Académie d’Orléans –Tours Université François-Rabelais
FACULTE DE MEDECINE DE TOURS
Année 2014 N°
Thèse Pour le
DOCTORAT EN MEDECINE Diplôme d’Etat
Par
Nazih BENHENDA Né le 16 mai 1985 à Mostaganem
Présentée et soutenue publiquement le 3 Octobre 2014 à Tours.
Galectine-3
Nouveau biomarqueur de fibrose dans la fibrillation atriale
Jury
Président de Jury : Monsieur le Professeur P.COSNAY, CHU de Tours Membres du jury : Monsieur le Professeur D.BABUTY, CHU de Tours Monsieur le Professeur J.C. PAGES, CHU de Tours
Madame le Docteur A.BERNARD-BRUNET, CHU de Tours Monsieur le Docteur N.CLEMENTY, CHU de Tours
5 mai 2014
UNIVERSITE FRANCOIS RABELAIS
F
FAACCUULLTTEEDEDEMEMEDDEECCIINNEEDEDETOTOUURRSS
DOYEN
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Mme CRINIERE Lise ... Praticien Hospitalier (endocrinologie) M. GAROT Denis ... Praticien Hospitalier (sémiologie) Mmes MAGNAN Julie ... Praticien Hospitalier (sémiologie)
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SERMENT D’HIPPOCRATE
En présence des Maîtres de cette Faculté, de mes chers condisciples
et selon la tradition d’Hippocrate,
je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l’exercice de la Médecine.
Je donnerai mes soins gratuits à l’indigent,
et n’exigerai jamais un salaire au-‐‑dessus de mon travail.
Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés et mon état ne servira
pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime.
Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants
l’instruction que j’ai reçue de leurs pères.
Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses.
Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères
si j’y manque
TABLES DES MATIERES
Résumé et mots clés / Abstract and key words………9
Liste des Abréviations……….11
1 INTRODUCTION………..12
1.1 Données épidémiologiques………12
1.2 Physiopathologie de la fibrillation atriale (FA).………12
1.3 Galectine-‐3 (gal-‐3)………14
2 MATERIELS ET METHODES………..15
2.1 Conception de l’étude………15
2.2 Déroulement de l’étude………16
2.3 Prélèvement gal-‐3………17
2.4 Procédure ablation FA………...18
2.5 Suivi………18
2.6 Analyse statistique………..19
3 Résultats………..20
3.1 Population étudiée………..20
3.2 Taux sériques de gal-‐3……….….20
3.3 Caractéristiques générales et gal-‐3………..21
3.4 Type de FA et gal-‐3………..21
3.5 Récidive FA et gal-‐3……….19
4 Discussion………23
4.1 Ablation de FA et récurrences……….23
4.2 Fibrose atriale et FA………24
4.3 Gal-‐3 et FA………...25
4.4 Limites………..26
4.5 Perspectives……….27
5 Conclusion………..27
6 Bibliographie……….28
7 Tableaux………..34
8 Figures………38
9 Annexes………45
10 Article en anglais pour soumission dans une revue
scientifique……….49
Résumé
Objectif :
La fibrose est déterminante dans le remodelage de l’oreillette gauche (OG), le développement et l’entretien de la fibrillation atriale (FA). L’ablation tient une place prépondérante dans la stratégie thérapeutique de la FA et les récurrences restent un problème majeur.Le but de notre étude était d’étudier le taux de galectine-3 (gal-3), un nouveau biomarqueur de fibrose, et son caractère pronostique dans une population de patients adressés pour ablation de FA.
Méthodes :
Les taux sériques de gal-3 ont été déterminés dans une série consécutive de patients adressés pour ablation de FA. Les récidives d’arythmie ont été prospectivement collectées.Résultats :
187 patients ont été inclus, 56% porteurs de FA paroxystique. Le taux de gal-3 sérique moyen était de 14,5 ± 5,5 ng/ml. L’âge, le caractère persistant de la FA, la présence d’une cardiomyopathie, une diminution de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FeVG) < 45%, l’hypertension artérielle, le diabète, la dilatation de l’OG, l’insuffisance rénale étaient associés à des taux élevés de gal-3. Le caractère persistant de la FA et la FeVG< 45% étaient prédicteurs indépendants de gal-3 ≥ 15 ng/ml (OR=13,9 p=0,01, OR=54,2 p=0,04 respectivement). Les taux sériques de gal-3 sont significativement plus élevés dans le groupe FA persistante par rapport au groupe FA paroxystique (13,1 ± 4,8 vs. 16,2 ± 5,8 ng/ml, p= 0,003) Le caractère persistant de la FA et un taux de gal-3 ≥ 15 ng/ml étaient des facteurs indépendants de récidive de FA à 6 mois d’une première procédure d’ablation. (OR=2,88 [1,17-7,28] p=0,02 et OR=2,73 [1,16-6,56] p=0,02, respectivement)Conclusion :
Le caractère persistant de la FA et un taux de gal-3 ≥ 15 ng/ml sont des facteurs indépendants de récidive de FA à 6 mois. Ceci pourrait fournir des informations supplémentaires afin d’adapter les stratégies thérapeutiques pour l’ablation de FA.
Mots clés: Fibrillation atriale, paroxystique, persistante, ablation, galectine-3, pronostic, fibrose
Abstract
Background:
Mechanisms of maintenance of atrial fibrillation (AF) are known to include fibrosis.galectin-3 (gal-3), as a biomarker of fibrosis, may be a valuable marker of atrial remodeling. We sought to find whether there was a link between clinical features and elevated gal-3 levels in patients referred for AF ablation.
Methods
: Serum levels of gal-3 were measured in a consecutive series of patients addressed for ablation of AF. Recurrence of arrhythmia was prospectively collected.Results:
One-hundred-and-eighty-seven patients were included, 56% having a paroxysmal type of AF. Mean gal-3 rate was 14.5 ±5.5 ng/mL. Age, persistent form of atrial AF, underlying cardiac disease, decreased left ventricular ejection fraction <45% (LVEF), hypertension, diabetes, enlarged left atrium and renal insufficiency were associated with elevated gal-3 levels. Importantly, persistent form of AF, and LVEF <45% wereindependent predictors (OR 13.9, p=0.01, and OR 54.2, p=0.04, respectively) of elevated gal-3 levels (≥15 ng/mL). Persistent form of AF and gal-3 rate ≥15 ng/mL were independent predictors of recurrence of arrhythmia at 6 months. (OR=2.88 p=0.02 and OR=2.73 p=0.02 respectively).
Conclusions:
Persistent type of AF and high gal-3 levels are independent predictors of recurrence of arrhythmia at 6 months post-ablation of AF. This biomarker of fibrosis may be implied in the mechanisms of atrial remodeling and maintenance of AF, and thus be helpful for the design of therapeutic strategy in patients with AF.KEY WORDS
Galectin-3; fibrosis; atrial fibrillation; paroxysmal; persistent.
LISTE DES ABREVIATIONS
ARA 2 : Antagoniste des Récepteurs de l’Angiotensine 2 BNP : Brain Natriuretic peptide
CRP : C-‐reactive protein
DFG : Débit de filtration glomérulaire ECG : Electrocardiogramme
EHRA : European Heart Rhythm Association ELISA : Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay ESC : European Society of Cardiology
FA : Fibrillation Atriale
FDRCV : Facteurs De Risque Cardiovasculaires FeVG : Fraction d’Ejection du Ventricule Gauche HTA : Hypertension Artérielle
HRS : Heart Rhythm Society
IEC : Inhibiteur Enzyme de Conversion IMC : Indice de Masse Corporelle
IRM : Imagerie par Résonance Magnétique MMP : Métalloprotéases Matricielles OR : Odds ratio
OG : Oreillette gauche
ROC : Receiver Operating Characteristic TGF-‐β : Transforming Grown Factor
TIMP : Tissue Inhibitor of Metalloproteases
1 INTRODUCTION
1.1 Données épidémiologiques
La fibrillation atriale (FA) est l’arythmie cardiaque la plus couramment rencontrée en pratique clinique et touche 1,5-2% de la population générale (1). Sa prévalence et son incidence sont en constante augmentation, des projections de données estiment qu’en 2050 la prévalence de la FA aura triplé (1). La morbi-mortalité lié à la FA est en constante augmentation faisant de celle-ci une maladie invalidante et coûteuse (2).
1.2 Physiopathologie de la FA
Il est bien établi que l’arythmie atriale résulte de la conjugaison de 3 paramètres formant le triangle de Coumel : Un évènement déclencheur une extrasystole atriale, la présence d’un substrat qui permet d’entretenir l’arythmie, la fibrose, et un modulateur, le système neuro- végétatif. Dans les années 1990, Haissaguerre et al ont montré qu’une extrasystole provenant des veines pulmonaires était retrouvée dans 94% des cas dans le démarrage d’une FA paroxystique (3). Cependant Lin et al ont également montré que dans 28% des cas l’origine de l’arythmie était en dehors des veines pulmonaires (4). L’élimination de ces extrasystoles fait partie du traitement ablatif de la FA (5). Les mécanismes exacts permettant le maintien de la FA ne sont pas encore complètement élucidés, mais on sait que des modifications structurelles de l’OG sont à l’origine d’une perpétuation de la FA. La FA a tendance à s’autoentretenir, en entrainant des phénomènes de remodelage complexe associant un remodelage électrique puis histologique, neuro-hormonal et même génétique (6-12). Le remodelage de l’oreillette va concourir à la récidive de la FA, sa perduration et sa chronicisation responsable du passage de la FA paroxystique, à persistante puis permanente.
Dans des modèles expérimentaux chez la chèvre, l’induction répétée de FA même réversible
induisait une FA persistante (13). Le rôle du remodelage structurel avec l’apparition de fibrose dans le myocarde auriculaire est un élément clef dans l’évolution et la stratégie thérapeutique de la FA.
Il existe de nombreuses données à la fois cliniques et histopathologiques démontrant le rôle central de la fibrose atriale dans la FA (9,14). La fibrose ne se développe pas de la même manière chez tous les patients. Xu et al ont comparé le tissu atrial prélevé sur des cœurs de cardiomyopathie dilatée explantés à l’occasion d’une transplantation cardiaque. L’extension de la fibrose évaluée par la quantité de collagène de type 1 était très faible en rythme sinusal, modérée en FA persistante et majeure en cas de FA permanente (15). Le remodelage structurel, processus lent impliquant la dégénérescence des myocytes remplacés par une fibrose myocardique concoure à la dilatation de l’OG, pouvant être partiellement réversible. Il a été montré une corrélation entre le degré de fibrose et le degré d’altération de la fonction globale de l’OG (16). La présence de fibrose est à l’origine de blocs de conduction ou de zones de conduction lente impliquées dans des phénomènes de réentrées, ou encore être à l’origine d’un raccourcissement du potentiel d’action (12).
L’identification, la quantification et le retentissement de la fibrose atriale sont des éléments importants à considérer avant le choix d’un traitement de la FA. Différentes méthodes ont été proposées pour cela : IRM cardiaque (17), échographie cardiaque aidée par la technique du doppler tissulaire (18,19) ou par speckle tracking (20-24).
La galectine-3 est un biomarqueur récemment utilisés pour quantifier la fibrose dans l’insuffisance cardiaque.
1.3 Galectine-‐3
Les galectines appartiennent à la famille des lectines, protéines qui ont la capacité de se fixer sur les glucides. La galectine-3 (gal-3) est codée par le gène LGALS3 situé sur le chromosome 14 de toutes les cellules. Il existe 15 isoformes de galectine, seule l’isoforme gal-3 possède un domaine amino-terminal non lectine qui permet son oligomérisation et ceci la diffère des autres galectines. De plus la gal-3 a la capacité d’activer des myofibroblastes cardiaques. Elle est exprimée de manière ubiquitaire au niveau de la cellule : dans le noyau, le cytoplasme, les mitochondries, dans la membrane et dans l’espace extracellulaire (25,26).
L’effet principal de la gal-3, est la promotion de la fibrose et plus particulièrement de la fibrose myocardique (25,26). Elle est sécrétée par des macrophages activés, par le système rénine-angiotensine. La gal-3 a la capacité de se lier aux myofibroblastes, les activer et stimuler la synthèse de collagène. La gal-3 favorise la transduction du TGF-β sur la cycline D1, accélérant le cycle cellulaire et favorisant ainsi la prolifération des fibroblastes et le dépôt de procollagène de type 1 (27-30) (voir annexe 1). Nous savons que la gal-3 affecte la synthèse des composants de la matrice extracellulaire tel que le collagène de type 1 (25). Il a été démontré que des taux sériques élevés de gal-3 étaient significativement corrélés à des marqueurs sériques de matrice extracellulaire cardiaque comme le propeptide amino-terminal du procollagène de type III (31). La gal-3 en activant les myofibroblastes, altère l’équilibre entre les métallo-protéases matricielles (MMP) et leurs inhibiteurs tissulaires (TIMP) et entrainant ainsi la dégradation de certains composants de la matrice extracellulaire.(voir annexe 2) Il a été observé une diminution d’expression des TIMP en cas de FA persistante ou permanente, par rapport à un groupe de patients en rythme sinusal alors que les métalloprotéases (MMP) atriales sont ainsi surexprimées en cas de FA (32). La fibrose qui en résulte diffuse en remplaçant les cellules normales du muscle cardiaque, à l’origine de changements de forme et de dimensions du cœur.
Le dosage de la gal-3 a vu ses premières applications dans le domaine cardiovasculaire chez les patients insuffisants cardiaques. La gal-3 a été définie comme marqueur de fibrose déterminant le pronostic des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique (33,34). Les patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique avec des taux de gal-3 ≥ 17,8 ng/ml ont un risque plus élevé d’évènements cardiovasculaires et une surmortalité (35-37). De récentes études ont admis l’hypothèse du rôle de la gal-3 dans la naissance de la FA et dans son aggravation via l’initiation et la persistance du processus de fibrose atriale (38,39). Aucune donnée n’a été publiée à ce jour sur l’utilité d’un dosage sanguin de la gal-3 comme biomarqueur de fibrose atriale. Elle pourrait aussi, via le degré de fibrose, définir le pronostic des patients atteints de FA et prédire les résultats du traitement médical ou ablatif.
Le but principal de notre étude était de rechercher une relation entre le niveau de gal-3 et l’évolution rythmique à court et moyen terme des patients traités de leur FA par ablation.
2 MATERIELS ET METHODES
2.1 Conception de l’étude
Nous avons réalisé une étude prospective, observationnelle, monocentrique dans le service de Cardiologie du Centre Hospitalier Universitaire de Tours entre Février 2013 et Juin 2014.
Nous avons inclus de manière consécutive tous les patients bénéficiant d’une première séance d’ablation de FA. Les critères d’exclusion de l’étude étaient les conditions extracardiaques d’augmentation du taux de gal-3 (antécédents de néoplasie, traitement par immunoglobulines ou anticorps monoclonaux, pathologie inflammatoire chronique).
La FA était définie selon les recommandations de l’ESC: (40)
! FA paroxystique : durée d’au moins 30 secondes, se réduisant spontanément le plus souvent dans les 48 heures et jusqu’à 7 jours suivant le début de l’arythmie.
! FA persistante : arythmie ayant une durée de plus de 7 jours consécutifs ou nécessitant une cardioversion médicamenteuse ou électrique pour être arrêtée.
Un comité d’éthique local a approuvé cette étude. Tous les patients ont été informés et ont signé un consentement avant inclusion.
2.2 Déroulement de l’étude
Les patients ont été évalués à l’inclusion dans le service par :
- La notification de tous les antécédents médicaux, les facteurs de risque cardiovasculaires et cardio-embolique (CHA2DS2-VaSC), les symptômes (Classification EHRA= European Heart Rhythm Association) (classe I [pas de symptôme], classe II [symptômes modérés] l’activité quotidienne n’est pas affectée, classe III [symptômes sévères] activité quotidienne affectée, classe IV [symptômes handicapant] activité quotidienne interrompue), les traitements utilisés pour la FA.
- Un examen physique, indice de masse corporelle (IMC), ECG (électrocardiogramme) 12 dérivations
- Une échocardiographie transthoracique à l’aide d’un appareil VIVID E9 (GE Healthcare, Horten, Norway). Le diamètre de l’OG était mesuré en fin de systole sur une coupe parasternale, le volume maximum de l’OG était calculé sur une moyenne des coupes apicale 4 cavités et 2 cavités selon la méthode des disques recommandée par la Société Américaine d’Echocardiographie (41). La fraction d’éjection était mesurée par la méthode Simpson Biplan et le degré d’insuffisance mitrale quantifié selon les recommandations américaines (41).
- Une imagerie de l’OG pour le guidage anatomique lors de l’exploration électrophysiologique était réalisée avec mesure du volume de l’OG.
(tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique)
- Un auto-questionnaire AF-QoL spécifique de la FA permettant d’évaluer la qualité de vie était rempli par le patient. (voir annexe 3) (42)
2.3 Prélèvement Galectine-‐3
Au cours de la procédure d’ablation, un dosage sanguin était collecté sur la veine fémorale dans le but de déterminer le niveau d’anticoagulation et le dosage de la gal-3 était réalisé sur le prélèvement résiduel. Peu de données sur la demi-vie de la gal-3 sont pour l’instant disponibles dans la littérature, il n’a pas été rapporté de variations nycthémérales chez l’homme. Le dosage de gal-3 était effectué à distance, mais de manière prospective via le kit VIDAS Galectine 3 (bio Mérieux, Marcy-L’étoile, France). Le kit VIDAS est un test quantitatif automatique, il détecte des taux de gal-3 de 3, 3 à 100 ng/ml. La méthode utilisée est une méthode immunologique ELISA (Enzyme-Linked Fluorescent Assay) de type sandwich utilisant deux anticorps monoclonaux avec détection finale en fluorescence. La valeur du signal de fluorescence est proportionnelle à la concentration de gal-3 présent dans l’échantillon. Aucun médicament utilisé en cardiologie n’a présenté d’interférences sur le dosage de la gal-3 (25).
2.4 Procédure ablation FA
Au cours de l’étude, trois opérateurs expérimentés ont réalisé les séances d’ablation que ce soit par radiofréquence ou par méthode de cryoablation. Une ponction transeptale était réalisée en utilisant une gaine (Agilis, Saint Jude Médical) et un cathéter d’ablation (thermocouplé irrigué 4mm, Biosense) était introduit dans l’OG. Un cathéter décapolaire était placé dans le sinus coronaire, puis un cathéter de cartographie de type « lasso » (réflexion spirale, St Jude Médical) et le cathéter d’ablation étaient positionnés dans l’OG sous contrôle radioscopique. Une cartographie de voltage était réalisée à l’aide d’un logiciel de cartographie électro-anatomique en 3D (Velocity, St Jude Médical) implémenté des données de l’imagerie de l’OG réalisée avant la procédure. Les patients étaient traités de manière standardisée : une isolation complète par radiofréquence ou cryoablation des quatre veines pulmonaires était réalisée pour les patients atteints de FA paroxystique, avec blocs d’entrée et de sortie démontrés en fin de procédure. Pour les patients atteints de FA persistante, une extension à la ligne du toit (entre les 2 veines pulmonaires supérieures) , la ligne mitrale (entre anneau mitral et veine pulmonaire inférieure gauche), ou encore l’isthme cavo-tricuspidien était effectué puis une recherche de potentiels fragmentés dans l’OG, le sinus coronaire voire l’oreillette droite, selon l’approche par étapes décrite par l’équipe de Bordeaux (43,44). Si le rythme sinusal n’était pas obtenu en tir, une cardioversion électrique externe était réalisée à la fin de procédure.
2.5 Suivi
Un ECG et Holter ECG-24 heures étaient réalisés 1, 3 et 6 mois après la procédure. Une consultation systématique auprès d’un cardiologue du CHU était réalisée à 6 mois au cours de laquelle un questionnaire AF QoL était de nouveau rempli par les patients.
Des épisodes de récidive d’arythmie atriale dans les 3 premiers mois n’étaient pas considérés comme un échec de procédure, car survenant dans la période dite inflammatoire de l’OG consécutive à la procédure. (« blanking period ») (45)
La récidive était définie après la « blanking period » comme :
1) FA documentée sur ECG ou Holter ECG-24 heures, symptomatique ou non
2) Épisodes de palpitations symptomatiques identiques à la symptomatologie préexistante à la procédure.
Une mauvaise tolérance de la FA imposait une cardioversion et/ou une 2e procédure d’ablation.
Sur le plan thérapeutique, aucune modification des antiarythmiques était apportée dans les 3 premiers mois puis en l’absence de récidive constatée, les antiarythmiques étaient arrêtés en accord avec les recommandations de l’ESC et l’HRS (Heart Rhythm Society) (40,44).
2.6 Analyse statistique
Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel JMP ® 9.0.1 (SAS Institute, INC, Cary, NC, USA). Les données numériques quantitatives sont exprimées en moyenne ± écart type. (Intervalle de confiance de 95%). Pour la comparaison des groupes, un test t de Student, un test de Mann-Whitney et du CHI 2 étaient réalisés. Un modèle de régression logistique nominale a été utilisé pour évaluer les facteurs de manière indépendante. Les principaux facteurs de confusion ont été analysés dans le modèle univarié.
Une valeur de p< 0,05 était considérée comme significatif. Puis les paramètres significatifs ont été utilisés dans le modèle multivarié. Des courbes de survies ont été réalisées selon la méthode de Kaplan-Meier.
3 Résultats
3.1 Population étudiée
Cent quatre-vingt-sept patients bénéficiant d’une première procédure d’ablation de FA ont été inclus. L’âge moyen était de 62 ±10 ans et 127 patients étaient de sexe masculin (68%). 105 patients étaient atteints de FA paroxystique (56%) et 82 patients de FA persistante (44%). La FeVG moyenne était de 54 ±11 %. Le diamètre de l’OG moyen était de 42 ±7 mm. Le taux de succès à 6 mois pour une FA paroxystique était de 83% et pour une FA persistante de 57%.
Les caractéristiques principales de la population sont résumées dans le tableau 1. Le questionnaire qualité de vie avant procédure retrouve un score moyen à 8,1 ±4,6 et à 6 mois à 7,0 ±8,0 (p=0,17).
3.2 Taux sériques de galectine-‐3
La gal-3 moyenne était de 14,5 ±5,5 ng/mL. Les quartiles de concentration de galectine 3 sont les suivants : <10,8 ng/ml (Q1), 10,8-13,4 ng/ml (Q2), 13,5-17,3 ng/ml (Q3), > 17,3 ng/ml (Q4). Les patients se situant dans les quartiles Q3 et Q4 sont de manière significative plus âgés (p=0,004), ont un IMC plus important (p=0,03), ont de l’insuffisance cardiaque (p <
0,0001), sont atteints d’hypertension artérielle (p= 0,04), de diabète (p= 0,01), ont un diamètre OG et un volume OG plus élevés, respectivement (p=0,006, p=0,04), un niveau plus bas de DFG (débit de filtration glomérulaire), plus élevé de CRP (C-reactive protein) et BNP (brain natriuretic peptide) respectivement (p= 0,0001, p= 0,01, p= 0,0005).
Les paramètres des patients selon les quartiles de gal-3 sont résumés dans le tableau 2.
3.3 Caractéristiques générales et gal-‐3
Nous avons considéré comme élevé un niveau de gal-3 ≥ 15 ng/ml. Valeur obtenue par analyse des courbes ROC comme meilleure valeur seuil pour la prédiction d'évènement (récidive à 6 mois).
L’âge ≥ 65 ans, le type de FA persistante, la présence d’une cardiomyopathie sous-jacente, l’insuffisance cardiaque, l’hypertension artérielle, le diabète de type 2, un traitement par IEC (inhibiteur de l’enzyme de conversion)/ARA2 (Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2), la dilatation de l’OG (≥ 60ml/m2), la FeVG ≤ 45%, l’insuffisance rénale (DFG≤60ml/m2) était associée à une valeur de gal-3 ≥ 15 ng/ml (p<0,05). Dans un modèle multivarié, seul le type de FA persistante OR (odds ratio) =13,9 (1,81-100+) (p= 0,01) et la FeVG< 45% OR = 54,2 (1,27-100+) (p= 0,04) étaient des facteurs prédictifs indépendants d’un taux de gal-3 ≥ 15 ng/ml. Les paramètres prédictifs d’un taux de gal-3 ≥ 15 ng/ml sont résumés dans le tableau 3. Nous avons également trouvé que le score CHA2DS2-VaSC était corrélé au taux de gal-3 et que les scores CHA2DS2-VaSC les plus élevés étaient significativement associés à des taux sériques plus élevés. Pour des scores de 0 à > 5, les taux de gal-3 sont: 11.8 ±5.1, 12.5
±3.8, 16.2 ±5.3, 15.5 ±5.0, 15.4 ±4.9, et 20.9 ±7.4 ng/mL respectivement (p<0.0001). (voir figure 1)
3.4 Type de FA et gal-‐3
Les taux sériques de gal-3 sont significativement plus élevés dans le groupe FA persistante
par rapport au groupe FA paroxystique (13,1 ±4,8 vs 16,2 ±5,8 ng/ml, p= 0,003) (voir figure 2) Les patients porteurs de facteurs de risque cardiovasculaires (HTA, Diabète)
avaient des taux sériques de gal-3 significativement plus élevés que les patients indemnes d’HTA ou diabète. (15,4 ±5,6 vs 12,7 ±4,8 ng/ml p = 0,002) (voir figure 3)
3.5 Récidive FA et gal-‐3
110 patients ont été suivis à 6 mois.
En analyse univariée, la FA persistante (OR= 3,75 [1,55-9,08], p= 0,002), le diamètre de l’OG
≥ 40 mm (OR= 9,55 [2,10-43,4], p=0,0002) et la gal-3 > ≥ 15 ng/ml. (OR= 2,4 [1,02-5,63],
p=0,04) sont prédictifs de récidive à 6 mois.
La survie sans récidive d'arythmie à 6 mois d'une seule procédure d'ablation est supérieure pour la FA paroxystique par rapport à la FA persistante. (83% versus 57%, p=0.002). (voir figure 4) .Le taux de survie sans récidive d'arythmie à 6 mois d'une seule procédure d'ablation est significativement plus élevé si gal-3 <15 ng/ml 78% (p = 0,03) versus 60% si gal-3 ≥15 ng/mL (voir figure 5)
Selon le type de FA et le taux de gal-3, la survie sans récidive d’arythmie à 6 mois d’une première procédure a été évaluée. Pour la FA paroxystique et gal-3 <15ng/ml (N=45), FA paroxystique et gal-3 ≥15 ng/ml (N=15) FA persistante et gal-3 <15ng/ml (N=24), FA persistante et gal-3 ≥15ng/ml (N=25); on retrouve respectivement des survies à 87%, 73%, 63% et 52%. (voir figure 6)
En analyse multivariée, seuls la FA persistante et un taux de gal-3 ≥ 15 ng/ml sont prédictifs de récidive à 6 mois. (respectivement OR=2,88 [1,17-7,28], p=0,02) et OR=2,73 [1,16-6,56], (p=0,02). Les caractéristiques principales sont résumées dans le tableau 4.
La survie sans récidive d’arythmie à 6 mois d’une seule procédure pour une FA persistante est significativement supérieure grâce à l’obtention d’un retour en rythme sinusal per-procédure.
(HR=0.25 [0.08-0.81], log-rank p=0.03). (voir figure 7).
4 DISCUSSION
Le dosage de la gal-3 dans une population de patients traités par une première séance d’ablation de FA montre :
1) Les taux de gal-3 sont plus élevés chez les patients atteints de FA persistante par rapport aux patients atteints de FA paroxystique.
2) Les taux de gal-3 sont significativement corrélés au score CHA2DS2-VaSC évaluant le risque cardio-embolique dans la FA.
3) La FA persistante, la FeVG< 45% sont des facteurs indépendants de taux de gal-3 élevés dans notre population.
4) La FA persistante et un taux de gal-3 ≥ 15 ng/ml sont des facteurs indépendants de récidive de FA à 6 mois d’une première procédure d’ablation
5) Dans la population de FA paroxystique, le taux de gal-3 ≥ 15 ng/ml est prédictif de récidive de FA à 6 mois.
4.1 Ablation de FA et récurrences
L’ablation de FA tient une place prépondérante dans l’arbre décisionnel thérapeutique de la FA selon les dernières recommandations de l’ESC et l’HRS (44,46) (voir annexe 4). De nouvelles données mettent en première ligne l’ablation pour des patients sélectionnés symptomatiques sous traitement anti-arythmique. Les indications s’élargissent et de plus en plus de patients sont candidats à cette thérapeutique. Notre population avait le même profil que les différentes études sur le pronostic d’ablation (47,48). Dans notre étude, le taux de succès à 6 mois de maintien en rythme sinusal est de 83 % pour la FA paroxystique et 57 % pour la FA persistante, comparable aux différents résultats de la littérature (47,48).
Les causes de récurrences nécessitant le plus souvent une nouvelle procédure sont multiples (49). Il semble donc judicieux de bien sélectionner les patients et d’adapter les thérapeutiques
afin de limiter au maximum les complications et les récurrences. Le problème des récurrences est essentiel dans l’ablation de FA, le taux de succès étant nettement inférieur aux autres procédures d’ablation d’arythmie (flutter, faisceau accessoire). Il est donc licite d’identifier des facteurs prédictifs de succès. Dans notre étude, un diamètre ≥ 40 mm, le type persistant de la FA sont retrouvés comme facteurs de récurrence, confirmant la littérature existante (50).
Cependant nous avons les premières données qui définissent un taux de gal-3 comme facteur prédictif de récurrence. Le taux de gal-3 comme biomarqueur de degré de fibrose atriale semble être une hypothèse ambitieuse. Dans notre étude, les courbes de survie sans récidive à 6 mois pour les patients atteints de FA paroxystique semblent se séparer dans le temps contrairement aux patients atteints de FA persistante. Le résultat de l’ablation de la FA paroxystique semble dépendre du taux de gal-3, suggérant de guider la stratégie de l’ablation (isolation des veines pulmonaires ± extension ligne électrique de l’OG) selon le taux de gal-3.
Dans la FA persistante le taux de gal-3 pourrait guider le choix entre traitement médical et traitement ablatif. L’ablation étant réservée aux patients avec les taux de gal-3 les plus bas.
Nous retrouvons dans notre étude qu’un retour en RS per-procédure était prédictif de succès, ce qui est concordant avec l’équipe de O’Neill et al (51). Cependant le caractère potentiellement proarythmogène de l’ablation extensive chez certains patients atteints de FA persistante a déjà été démontré, justifiant une nouvelle fois l’importance de bien sélectionner les patients candidats à l’ablation (52,53).
4.2 Fibrose atriale et FA
Une corrélation entre le degré de fibrose de l’OG et la FA a été largement démontrée, notamment sur des biopsies atriales post mortem (9,10). De plus, grâce à des modèles expérimentaux, on a constaté que la FA entretient la FA via le remodelage (38,54).
Certains patients atteints de FA vont développer plus rapidement une fibrose atriale et rentrer dans la maladie atriale sous une forme persistante voire permanente alors que d’autres patients évoluent sur un mode paroxystique pendant de nombreuses années. La définition du type de FA de l’ESC semble quelque peu arbitraire, d’autant plus qu’elle a des conséquences de prise en charge. L’IRM cardiaque est l’examen de référence pour évaluer le degré de fibrose myocardique (17,55). Cependant le moyen d’accès à cette technique est difficile et l’utilisation d’un logiciel spécifique à l’OG réduit encore plus sa disponibilité (17).
L’échographie cardiaque avec l’apport du doppler tissulaire et du speckle tracking pour l’analyse du strain ne peuvent donner qu’une évolution indirecte de la fibrose atriale (20,56,57). La gal-3 pourrait être une alternative moins coûteuse et plus facile d’accès. Il reste à confirmer que les taux de gal-3 soient corrélés au degré de fibrose atriale.
4.3 Galectine-‐ 3 et FA
Il existe une association positive entre les taux de gal-3 et le sexe féminin, l’âge, les FDRCV (diabète de type 2, HTA, IMC élevé) (58). Dans notre étude nous confirmons ces données.
Sur des modèles animaux de rats, l’administration intrapéricardique de gal-3 multiplie par 3 la densité en collagène du ventricule gauche, illustrant l’hypothèse du rôle de la gal-3 dans la fibrose myocardique (59). Récemment Ho et al ont montré que des taux élevés de gal-3 étaient associés à un risque accru de développer une FA dans la population générale, mais pas après prise en compte des FDRCV (58). De Boer et al avaient montré une stabilité dans le temps du taux de la gal-3 dans une population atteinte d’insuffisance cardiaque chronique, il serait utile peut être de doser à distance dans le suivi la gal-3 dans la FA afin d’objectiver un remodelage positif et une baisse de l’expression de la gal-3 (35).
Le taux de gal-3 ≥ 15 ng/ml a été objectivé par analyse statistique, nous retrouvons dans l’étude de Szadkowska et al un taux quasi similaire ≥ 16 ng/ml comme facteur de FA dans une population d’infarctus du myocarde (60). Les taux de gal-3 dans l’insuffisance cardiaque chronique semblent plus élevés, ceci peut être expliqué simplement par la masse myocardique du ventricule gauche supérieur à l’OG.
4.4 LIMITES
Bien que notre cohorte soit de petite taille, nous retrouvons des résultats significatifs, une étude prospective avec plus de patients est attendue. Les patients traités par ablation ne reflètent pas la population générale présentant une FA, cependant le but de l’étude était de sélectionner et identifier des patients adressés pour ablation de FA. Nous objectivons des récurrences sur l’interrogatoire du patient, un ECG et holter ECG 24heures au cours du suivi, cependant certains auteurs ont avancé l’idée d’une baisse de l’innervation cardiaque suite à une procédure d’ablation qui sous-estimerait les récurrences symptomatiques (61). Afin d’y remédier, un suivi à 1 an avec un enregistrement holter longue durée pourrait être effectué.
Une interférence dans le dosage peut être rencontrée avec la présence de concentrations élevées de facteur rhumatoïde, gammaglobulines, facteurs circulants dirigés contre des composants du réactif du kit de dosage. Nous avons exclu les patients susceptibles de développer de tels anticorps.
4.5 PERSPECTIVES
La gal-3 apparaissant liée à l’étendue de fibrose atriale pourrait être un facteur pronostique facile d’accès et efficace pour prédire le substrat à traiter lors d’une procédure d’ablation. Son accès pourrait apporter des informations afin d’adapter la stratégie ablative.
On pourrait compléter une isolation des veines pulmonaires par les lignes du toit ou l’isthme chez les patients porteurs de FA paroxystique avec gal-3 ≥ 15 ng/ml et inversement.
La gal-3 pourrait être un marqueur de risque thromboembolique, comme il semble être en corrélation avec le score CHA2DS2-VaSC.
Enfin l’apport de la gal-3 dans la compréhension de l’histoire naturelle de la FA pourrait guider le traitement médical. Les anti-aldostérone, IEC ou ARA 2 sont connus pour réduire la fibrose et la survenue de FA (62). Leurs indications pourraient être élargies aux patients atteints de FA et taux de gal-3 élevés.
L’inactivation constitutive du gène de la gal-3 protège contre le développement de la fibrose myocardique et pourrait être une voie de recherche (25).
5 CONCLUSION
Le dosage de la gal-3 représente une voie prometteuse dans l’évaluation de la fibrose atriale témoin d’un remodelage de l’OG dans une population de patients traités par ablation.
La gal-3 pourrait constituer un apport majeur afin de sélectionner les patients et guider les thérapeutiques ablatives de FA.
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