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Proximité des commerces et qualification de l'espace public dans les centralités lausannoises

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Academic year: 2022

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Proximité des commerces et qualification de l'espace public dans les centralités lausannoises

ALONSO PROVENCIO, Marta

ALONSO PROVENCIO, Marta. Proximité des commerces et qualification de l'espace public dans les centralités lausannoises. In: ASRDLF « Métropolisation, cohésion et

performances : quels futurs pour nos territoires ?, Marne la Vallée, France, 7-9 juillet, 2014

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:89282

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Métropolisation, cohésion et performances : quels futurs pour

nos territoires

http://asrdlf2014.org/

PROXIMITE DES COMMERCES ET QUALIFICATION DE L’ESPACE PUBLIC DANS LES CENTRALITES LAUSANNOISES

Alonso Provencio, Marta

UNIL | Université de Lausanne, Institut de géographie et durabilité (IGD), Quartier Mouline Bâtiment Géopolis Bureau 3615 CH - 1015 Lausanne, Suisse. marta.alonsoprovencio@unil.ch, +41766850601

Résumé

La qualité des espaces publics, leurs formes, la spatialisation et le fonctionnement de leurs équipements et dispositifs économiques, leurs ambiances, leurs modes d’intégration dans le système des centralités intra- urbaines sont au cœur de la réflexion sur les devenirs de la ville contemporaine. L’offre commerciale peut participer à la création d’un espace urbain attractif, intense et habitable dans les centres comme dans les zones périphériques. Quelle place doivent prendre les structures du commerce dans une nouvelle programmation urbaine permettant d’assurer une attractivité redéfinie des espaces urbains ? Et plus exactement, comment intégrer les acteurs du système commercial aux politiques de renouvellement des espaces publics dans une perspective d’urbanisme durable ? On postule que le commerce à Lausanne peut toujours être considéré comme un des éléments structurant et modulant l’intensité urbaine, les pratiques de mobilité, le lien social, l’animation et l’identité des quartiers.

Cette communication présente, sous la forme d’une cartographie, les résultats d’une enquête et d’un travail de terrain réalisés sur les centralités marchandes de la commune de Lausanne. Le travail est axé sur une question majeure : en quoi le commerce peut-il contribuer à la qualité urbaine dans le cadre de l’urbanisme durable ? Plus concrètement, cette communication se fixe trois objectifs analytiques principaux. Premièrement, la recherche établit un « état des lieux » du commerce lausannois de proximité en saisissant ses catégorisations ou typologies et ses ancrages dans l’espace communal. Deuxièmement, les enjeux des pratiques marchandes de proximité sont analysés, ainsi que le rayonnement de l’offre marchande dans ses relations avec l’évolution des centralités lausannoises. Troisièmement, on cherche à appréhender les logiques de localisation des services privés, leur accessibilité, les formes et les usages dont ils font l’objet, dans une perspective durabiliste. Finalement, on s’efforce ainsi d’explorer des pistes de réflexion relatives au modèle de régulation de l’urbanisme commercial lausannois et à la manière dont les activités commerciales peuvent participer à la mise en place de stratégies de qualification de l’espace public et d’organisation des centralités urbaines.

Mots-clés

Commerce, proximité, centralité marchande, qualité urbaine, urbanisme durable, Lausanne Introduction

Les préoccupations environnementales ainsi que la mixité des fonctions et la diversité des usages des espaces publics occupent une place de plus en plus importante dans les projets urbains contemporains. La grande surface commerciale a été pendant des décennies le corollaire de l’étalement résidentiel, de l’écartement fonctionnel, autant que le résultat de la transformation des comportements commerciaux et de la motorisation individuelle. L’urbanisme durable interroge la viabilité de ces mégastructures commerciales autonomes, isolées

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2 au milieu d’immenses parkings, génératrices de trafic automobile et repliées sur elles-mêmes, pour repenser l’avenir des rues et des places commerçantes d’une ville à reconstruire vers l’intérieur. Le référentiel durabiliste obéit à une logique tout autre : le détournement des flux vers des espaces de proximité, des micro-centralités reliées par des espaces publics de qualité, capables de reconstituer la vie et l’animation urbaine dans l’agglomération consolidée. La qualité des espaces publics, leurs formes, la spatialisation et le fonctionnement de leurs équipements et dispositifs économiques, leurs ambiances, leurs modes d’intégration dans le système des centralités intra-urbaines sont au cœur de la réflexion sur les devenirs de la ville contemporaine.

Ces constats majeurs ouvrent sur plusieurs questionnements : de quelles manières la géographie du commerce peut-elle contribuer à la réflexion sur la mutation des formes urbaines ? De quelles manières le commerce de proximité peut-il participer à la qualification des espaces publics ? Comment intégrer les acteurs du système commercial aux politiques de renouvellement des espaces publics dans une perspective d’urbanisme durable ? En Suisse, la réflexion sur l’urbanisme commercial n’a pratiquement pas d’expression académique (Alonso 2013, Alonso et al. 2013) et jusqu’à récemment le commerce a été relativement absent dans les documents de planification spatiale. Dans cette communication portant sur l’agglomération lausannoise, on explore plusieurs pistes de réflexion relatives à la manière dont les activités commerciales peuvent participer à la mise en place de stratégies de développement urbain durable.

1. En quoi le commerce participe-t-il à la qualité urbaine dans le cadre de l’urbanisme durable ?

La ville connaît aujourd’hui un double mouvement envers les espaces de consommation. D’un côté, certains espaces deviennent des espaces emblématiques et patrimoniaux, valorisés par une politique publique très active. Il s'agit des espaces de consommation de l'hypercentre, traités comme des lieux à valoriser pour l’image de la ville par les biais du marketing urbain. De l’autre, la majorité des espaces de consommation sont produits comme des lieux de transition sans qualités particulières autres que leur fonctionnalité. Dans ce deuxième cas, il est également vrai qu’on génère des lieux périphériques où le commerce n’apporte pas de qualité spécifiques aux lieux où ils s'insèrent. Dans cette situation, on peut alors se demander quelles formes urbaines doivent prendre les nouveaux projets commerciaux. Doivent-ils s’adapter à l’échelle du bâti périurbain, ou inversement, doivent-ils, en tant que centralités fonctionnelles, partager la vocation de repère comme les méga-formes (Lucan, 2009) et avoir un volume conséquent et en rapport à l’échelle de leur rayonnement ? De même, la fonction commerciale doit-elle revenir au rez-de-chaussée telle qu'elle l'était avant le fonctionnalisme du mouvement moderne ? Ou bien la fonction commerciale peut-elle se situer parmi le programme fonctionnel du bâtiment à l’étage comme dans les dernières expériences hollandaises ? Le questionnement sur la localisation des fonctions nous renvoie à une problématique majeure : à quelle échelle se constitue la mixité de la ville ?

Pour répondre à ce questionnement, l’analyse s’intéresse à la ville produite, aux résultats de l’action et aux paysages de consommation produits dans ces centralités ainsi que leurs incidences dans les représentations, images et ambiances de l'urbain.

Nous saisissons ici le rapport entre commerce et qualification de l’espace public dont les qualités participent au commerce d’une façon réciproque à travers leurs influences sur les pratiques de consommation déambulatoire (Monnet et Staszak, 2008). On cherche donc à établir quelle est la participation du commerce à la qualité de cet espace doublement public (statut et usage) : la rue, telle un objet géographique (Fleury, 2004).

Constituant le cadre conceptuel de notre recherche, l’urbanisme durable est avant tout un processus participatif qui intègre les critères environnementaux, sociaux et économiques à la prise de décision relative à la gestion et à la production de la ville. C’est un processus d'agencement différencié des espaces urbains qui procure des services économiques, sociaux et environnementaux fondamentaux à tous les habitants mais sans compromettre la reproduction conjointe des systèmes naturels, immobiliers et socioéconomiques (DaCunha, 2007). Le rôle principal de l'urbanisme durable est de garantir la qualité urbaine (DaCunha et al., 2003) et on s’interroge ici sur la qualité urbaine dans les centralités marchandes de Lausanne.

2. La proximité d’usage, une dimension d’analyse de la participation des centralités marchandes à la qualité de l’urbain

2.1. Deux notions majeures : qualité urbaine et centralités marchandes

Pour notre recherche, le cadrage conceptuel se base sur deux notions majeures qui structurent les outils de notre analyse : il s’agit dans cette démarche de faire le lien entre la centralité marchande et la qualité urbaine, en tant

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3 qu’objectif principal de l’urbanisme durable. La centralité est définie historiquement dans la littérature par sa densité, diversité et complexité ; le rapport entre un lieu dense, le volume bâti et les fonctions qui s’y installent pour atteindre un certain niveau de complexité est étudiée à partir de la fonction marchande qui nous permet ainsi de cerner les lieux des centralités lausannoises. Pour notre analyse, la notion de qualité urbaine est structurée en dimensions : formes, fonctions et usages de la ville construite d’une part, et images, ambiances et représentations de la ville réprésentée d’autre part. Ces dimensions constituent le cadrage conceptuel à partir duquel nous avons établi et allons présenter ici la démarche suivie. Le but de la démarche est d’établir de quelle manière peut-on identifier dans certaines centralités lausannoises des qualités des commerces qui participent à la qualité urbaine.

Lausanne est une ville en croissance de population, et elle doit relever le défi de cette croissance tant quantitativement que qualitativement en intensifiant les valeurs existantes. Les enjeux relatifs à l’articulation entre offre commerciale, morphologie urbaine et qualification de l’espace public sont au cœur de l’analyse de la problématique de la durabilité. La localisation du commerce en ville doit être subordonnée aux enjeux du marché, mais aussi aux enjeux de la qualité urbaine pour justement rentrer dans le cadre d’un urbanisme qui se veuille durable.

2.2. Les dimensions des centralités marchandes dans la qualité urbaine

Le rapport entre la qualité urbaine et le commerce présente en premier lieu une problématique aussi bien multiscalaire que multidimensionnelle.

De manière diffuse ou groupée, l’offre commerciale est omniprésente dans les compartiments de la ville. Elle participe tant aux opérations de requalification urbaine des centres anciens, à l’agencement des centralités secondaires dans les espaces suburbains et périurbains qu’au renforcement des centralités de proximité. Notre hypothèse principale est que l’offre commerciale peut participer à la création d’un espace urbain attractif et habitable dans les centres comme dans les quartiers périphériques. La qualité urbaine est en partie dépendante de l’organisation spatiale de la diversité des structures de commerce. Pour mieux cerner le rapport commerce- ville, on prend pour base le cadre analytique des dimensions de la qualité urbaine qu’on transpose aux centralités marchandes.

On saisit les dimensions de la qualité urbaine dans une double triade : celle de la ville construite et celle de son miroir, la ville représentée. Les dimensions morphologiques, socio fonctionnelles et socio-affectives de la ville sont difficilement séparables (Ley, 1983) ; au sein des structures liées à la forme socio spatiale, les citadins se préoccupent de construire leur propre réalité, leur propre ville. Pour cette raison, la grille d’analyse de la qualité urbaine utilisée pour nos centralités comporte deux triades différentes : formes, usages, fonctions, qui nous renvoient à une ville construite, et image, représentations et ambiances qui nous renvoient à une ville vécue, représentée, soit finalement à une ville projetée, à une ville possible/admissible par sa société à travers les réglementations.

Nous saisissons ici le rapport entre commerce et qualification de l’espace public dans le « servicescape » (Booms et Bitner, 1981 ; Warnaby, 2009), en traduisant les dimensions de la qualité urbaine pour le cas des commerces : notre grille établit les dimensions principales des structures du commerce qui pourraient contribuer à améliorer la durabilité urbaine. On y considère tout d’abord la compacité, en tant que relation entre les dynamiques de localisation du commerce et les modes d’organisation de la forme urbaine ; deuxièmement, la proximité d’usage (qui sera détaillée ultérieurement); et troisièmement la complexité (Porta, 2011) comme la synthèse de la mixité fonctionnelle, la proportion d’activités à haute valeur ajoutée, le nombre total d’activités et l’efficacité par unité de surface. À ces trois dimensions de la ville construite, on associe la triade relative à la ville représentée : celle de l’image par rapport aux commerces (urban branding), des ambiances de consommation et des représentations attribuées aux espaces commerciaux par les usagers et les habitants des quartiers urbains.

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4 Figure 1. Les dimensions de la qualité urbaine et les dimensions des commerces qui y participent

2.3. La « fixité » et la proximité d’usage des commerces

La répartition des fonctions commerciales dans l’espace urbain devrait pouvoir répondre à un objectif de complexité liée à l’offre de services et d’aménités, mais aussi de proximité de la demande. La répartition des fonctions commerciales permet de diminuer les distances que les habitants ont à parcourir pour leurs besoins et activités les plus courantes ; elle évite des flux unidirectionnels créés par des espaces monofonctionnels et elle permet la formation de centralités de proximité à portée des métriques de déplacement piétonnes. Du point de vue de l’approche durabiliste, la multiplicité des centralités commerciales recrée une échelle de quartier, vivante, humaine, utile et rassurante pour l’usager se déplaçant à pied. Les indicateurs clés (DoE, 1996) pour mesurer la qualité des usages dans les centres urbains par rapport au commerce, tels que le flux piéton à différentes heures de la journée, l’accessibilité et la variété modale, sont étroitement liés à la ville des courtes distances.

L’attractivité des quartiers serait alors en partie dépendante des commerces qui s’y trouvent. Cette potentialité du commerce pour créer de l’intensité urbaine pourrait être exploitée davantage en Suisse, qui est d’ailleurs le pays d’Europe avec la plus forte proportion de surface de vente.

2.3.1. La proximité commerciale dans la géographie

La proximité est définie comme un espace relatif qui (Cosinschi et al, 1998) met l’accent sur les coûts de déplacement d’un lieu à l’autre. Le lieu se référe aux attributs non topographiques du territoire, tels que leur attractivité par exemple, aussi bien en termes d’emplois que d’aménités, et conduit de ce fait aux problématiques de l’analyse spatiale et de l’analyse behavioriste. Claval (1981) visualise la portée des différents types de services. Les services dits « banals » sont des services quotidiens et à portée réduite (proximité). Les services « anormauxl » de fréquentation plus rare ont une portée forte. La portée est un rapport qui s’établit en fonction du coût du service : au prix payé pour le service s’ajoutent les coûts de transport, de temps perdu et de fatigue ; ils sont moins gênants si le déplacement est plus rare. La portée du service ou aire circulaire de chalandise est la distance maximum à laquelle le service peut être rendu dans un espace également pénétrable dans toutes les directions. Le rayon est plus faible pour le service banal, plus fort pour le service anormal. Laut (1998) rajoute à cette définition sa dimension relationnelle : la proximité commerciale peut se présenter comme un sentiment relatif et participer aux significations de l’urbain : l’échange marchand entre la sphère du privé – l’habitat – et la sphère publique –– l’environnement urbain de proximité –, qui permettent également de comprendre (Chevalier, 2007) comment des habitants s’inscrivent dans un espace et comment ils s’identifient et perçoivent leur quartier.

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5 Peron (2001) affirme que la proximité ne peut se définir indépendamment de l’autre pôle de structuration que constitue la centralité. Il donne trois dimensions à la proximité : la dimension affective, sociale et relationnelle. Il définit également la proximité « malade » associée aux configurations communautaires qui perdurent au sein de certains quartiers et qui portent les stigmates de la marginalité, de l’exclusion. La proximité serait enfin intimement liée à la mobilité et aux formes modales, ce qui est d’une grande importance pour la durabilité urbaine. À l’instar de Krier (1984), nous pensons que la ville de proximité est une ville où la mobilité est économe.

2.3.2. Les nouveaux débats de la proximité commerciale : la fixité

Lebrun (2014) constate que la proximité comme qualité des centralités marchandes serait une valeur retrouvée dans l’évolution de l’appareil commercial des années 2000. Laroche (2014) annonce que les formes architecturales des commerces arrivent à une rupture : elles ont augmenté quantitativement, mais augmentent désormais qualitivement en élargissant leurs d’aires d’évolutions envisageables dans le milieu urbain.

Néanmoins, cette proximité coïncide-t-elle toujours avec celle qui a été définie géographiquement par l’espace relatif ? Le débat actuel porte sur l’intégration de l’espace virtuel dans cet espace relatif de proximité commerciale.

Ces mutations des commerces de proximité, et l’essor des nouvelles typologies, sont au centre même du phénomène marchand. Mérenne-Schoumaker (2014) affirme qu’un des traits du commerce de détail est de se transformer en permanence. Desse (2014) insiste sur la mutation perpétuelle des formes commerciales car l’organisation du commerce est selon lui un reflet de l’individu et, dans une perspective d’innovation se développent des logiques de changements. Le changement est inhérent à la fonction commerciale, qui pense sans cesse à se renouveler. Pour l’intégrer aux logiques géographiques, il est nécessaire d’envisager son rapport avec l’espace. Les changements de la mondialisation ont influencé l’espace proche dans (par exemple) la gentrification. On est d’après Desse (2014) dans une géographie post-moderne et cette hypermodernité se retrouve dans les nouvelles typologies de commerces qui sont placés comme l’individu dans un contexte social : un reflet de la société d’hyperconsommation (Lipovetski, 2006).

Le besoin de changement des commerces est au cœur du débat (que certains qualifient de révolution) des nouvelles typologies de commerce qui émergent. Dans les années 90 déjà, les nouvelles formes de commerce associées à la société d’hyperconsommation commençaient à être étudiées : dès power centers specialisés (Knox, 1991), aux centres de loisirs et d’achat, outlet centers, hard discounters… Aujourd’hui, l’évolution entre la technologie et les révolutions sociétales se traduisent dans les établissements commerciaux ; ce qui amène les chercheurs (Moati, 2014) à différentier le point de vente (basculé en grande partie en ligne) de l’appareil commercial physique. L’émergence des nouveaux formats de commerce comme le « drive », les consignes automatiques, la boutique éphémère (nomade), témoignent du fait que le magasin physique est aussi connecté au monde virtuel. Le point de vente évolue dans le rôle de la chaîne du commerce. D’après Moati, on se dirige vers la démarchandisation du point de vente qui ne serait plus l’endroit où l’on effectue la vente mais plutôt un lieu de retrait, de SAV, d’exposition de l’offre, un lieu d’animation et de rassemblement des clients… Cette affirmation doit néanmoins être complétée car, s’il est vrai qu’une autre manière d’organiser les commerces va de paire avec les nouvelles formes que prend le capitalisme , la démarchandisation du point de vente est aussi accompagnée par une marchandisation du reste de l’espace et de l’espace public : transformé en espace publicitaire et en lieu d’achat grâce à la technologie qui connecte le consommateur aux points de vente à tout moment et en tout lieu. Pour éviter de générer des « consommateurs captifs », avec le vieillissement des populations qui n’ont pas accès au monde technologiquement hyperconnecté ; dans la ville continue, le rôle physique des commerces de proximité dans la société est désirable pour faciliter le tissage des liens marchands, même dans le cadre d’une « sociabilité froide ».

En résumé, notre approche de la proximité commerciale est plus proche des idées de Krier, car la notion de proximité relationnelle ou affective se dégage de cette proximité pratiquée à l’échelle du quartier. Dans ce sens, Madry (2013) introduit la notion de « fixité » qu’il définit comme l’accès au plus proche du citoyen par des formes de commerces de proximité mais aussi par le canal d’internet. Il redefinit la proximité commerciale en incluant cette notion, où le parcours du consommateur ne se conçoit plus par rapport au processus d’achat mais par rapport au processus de consommation et de l’usage. La notion de proximité commerciale doit alors prendre compte du monde virtuel sans oublier son emprise dans l’espace bâti. .

2.4. La participation du commerce dans l’espace public : les rez-de-chaussée comme interface de bord

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6 La proximité commerciale est un facteur de durabilité urbaine (dans son évidence plus immédiate) par rapport aux valeurs paysagères. La littérature a longtemps critiqué l’impact sur le paysage des grandes surfaces comme par exemple Gasnier (2010) : « la grande distribution constitue un puissant moteur de dégradation paysagère, d’étalement urbain (exurbanisation) et un facteur de mobilité important ». Les grandes surfaces, toujours associées à l’urbanisme de secteurs, sont rejetées avec des arguments tels que : (Gasnier, 2010) « la grande distribution a adopté tous les grands principes du fonctionnalisme : annihilation de la mixité urbaine et de la proximité (pédestre), éloge de la spécialisation, du zonage monofonctionnel et de la négation de la rue ».

Considérant la contraposée de cette notion de la négation de la rue par les grandes surfaces, on peut postuler que le commerce de proximité avec des liens visuels et paysagers sur la rue pourrait produire une affirmation de celle-ci et constituer un facteur indispensable de son urbanité. Si à l’instar de Paquot (2009) on considère qu’une ville se caractérise d’abord par ses rues, la recherche d’une urbanité à l’échelle de la rue mérite qu’une attention particulière soit portée à ces commerces de proximité. Placé au rez-de-chaussée, le commerce est juxtaposé à l’espace public de la rue, et on peut se poser la question de savoir lequel déborde sur l’autre. Cette influence des commerces de proximité sur le paysage urbain de la rue est résumée par Monjal (2013) qui trouve que l’espace public et les rez-de-chaussée sont intimement liés lorsque l’urbanité est en jeu.

L’espace public est le seul élément urbain à caractère unificateur. Il est capable de relier en soi-même tous les espaces privés de la ville. Sa spatialité est définie par le vide : c’est l’absence du bâti et sa délimitation obligée par l’espace privé qui le façonnent. Dans cette recherche, on ne s’attache pas à étudier le commerce qui peut éventuellement être localisé dans l’espace public (les marchands ambulants par exemple). Même si ce type de commerce peut certainement contribuer à générer de l’urbanité dans l’espace public où il s’insère, son manque de matérialité ou de présence physique sédentaire implique que son analyse soit réduite aux dimensions des fonctions et usages.Le commerce qui nous intéresse par rapport à l’espace public est celui qui se situe à la limite avec l’espace public car il peut participer pleinement à générer sa qualité. C’est le cas notamment du commerce en rez-de-chaussée ou des commerces dans des bâtiments isolés mais entourés par l’espace public. Madry (2013) fait le lien entre espace à statut public ou à statut privé et ce phénomène de détricotage du tissu commercial : « le commerce, autrefois organisé en bordure de rues et de places appartenant généralement au domaine public, se déploie désormais majoritairement en bordure d’espaces privés (parkings et malls). Il est indéniable que l’espace public a une importance majeure dans l’accessibilité du commerce. Le commerce des grandes surfaces est placé dans les espaces de mobilité autoroutiers ou dans des espaces privés à usage public (les centres commerciaux). Au contraire, le commerce de proximité nous intéresse par son rapport aux espaces publics à l’échelle du micro-territoire, car il est localisé en bordure des rues. Panerai (2013) présente ce type de commerce comme des espaces ouverts au public qui constituent une partie malléable du rez-de-chaussée comme une frontière poreuse entre le dedans et le dehors. Le commerce est à la fois la limite privée de l’espace public (façades et vitrines) et en même temps une limite poreuse, car il ajoute une couche d’usage public à des espaces privés qui entourent l’espace à statut public et aux usages publics : la rue. En parlant de cette interface représentée par les commerces en bas des bâtiments, Monjal (2013) affirme qu’une des principales

caractéristiques du pied des immeubles est son accessibilité, la capacité à rendre visible, par transparence, ce qui se passe à l’intérieur et donc être porteur d’informations. Les rez-de-chaussée deviennent une prolongation ou une transposition de l’espace public, à condition que l’architecture l’autorise par la transparence et l’ouverture.

Le commerce et les fonctions urbaines localisés dans cet espace de porosité favorisent les pratiques d’usage de l’espace public qui l’entoure : Masboungi (2013) affirme que les rez-de-chaussée fondent la qualité, l’identité toujours unique et la valeur d’usage de chaque ville. Point de rencontre entre espace public et bâti, c’est sur ce lieu d’imbrication, ce niveau zéro, ces « plinthes » que se joue la capacité à « faire ville », en favorisant urbanité et multiplicité d’usages. En encourageant la multiplicité d’usages, les commerces augmentent la perception de sécurité du lieu : (Masboungi 2013) « Des rez-de-chaussée actifs offrent une surveillance naturelle des lieux, donc une sécurité sans barrière ni coercition. Enfin les rez-de-chaussée sont par nature durables s’ils permettent flexibilité, accueil d’initiatives et réversibilité ». « Revoir les dimensions et les distances entre les objets s’impose en relecture de nombre d’échecs de places ou rues destinées à l’animation et qui peinent à y parvenir ». Monnet (2008) relève le double rôle que joue le commerce dans la structuration de l’espace et du paysage urbains, soit à l’échelle des agglomérations ou des régions du fait des variations de densité du tissu commercial entre zones non ou mal desservies et quartiers spécialisés ou suréquipés, soit à l’échelle de la rue du fait du rôle particulier que jouent les transactions et les espaces commerciaux (ou publicitaires) dans l’interface fluide et floue entre le public et le privé. Cependant l’importance de ce rapport entre espaces publics et commerce fonctionne dans les deux sens, et comme l’affirme Pazoumian (2013) « Le réaménagement des espaces publics et de la voirie joue

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7 alors un effet de levier sur le commerce ». Finalement, le commerce participe aux espaces publics à l’intérieur des terrains d’étude, car il est capable, associé à d’autre fonctions urbaines, de créer des espaces de qualité, comme mis en lumière : Racine (1999) « des espaces publics où de vraies rencontres puissent se développer, dont on puisse dire : « tiens, il se passe quelque chose là, en bas ». »

Figure 2. Les dégrés d’interaction des commerces dans l’espace-rue 2.5. Les commerces de proximité dans la production d’une urbanité marchable

Les commerces de proximité, en tant que moteur de la marche en ville, constituent un vecteur fondamental de l'urbanité. Pour appréhender la marchabilité urbaine, on doit comprendre le lien fort entre commerce et formes modales : le commerce a un rapport à la mobilité et aux temps de déplacement en ville. A l’ère où la mobilité structure l’espace urbain (Gasnier, 2004), le commerce de transit est plus que jamais en train de se relocaliser sur les réseaux et les nœuds de circulation aussi bien matériels qu’immatériels. Le commerce dans les gares, dans les nœuds des lignes de métro, voire les commerces d’aéroport ou les convenience stores sur les autoroutes et dans les hôpitaux sont des exemples de relocalisation commerciale qui développent de plus en plus dans des espaces de flux. Ils visent une clientèle canalisée par les flux de transport. Ils constituent une économie de temps pour le consommateur et une façon pour les acteurs politiques de limiter les déplacements.

Pour les acteurs du commerce, se positionner « là où les gens passent » est crucial. Au niveau de la rue, le rapport entre les structures marchandes et les flux est aussi d’une grande importance. Ainsi, Simonet (2013) nous rappelle que le commerce de proximité en rez-de-chaussée ne peut pas s’implanter n’importe où, il répond à des critères et des règles stricts liés à la densité de résidents et d’actifs mais aussi au flux de passants. La présence de commerçants indépendants et de forains (complexité commerciale) est un moyen pour le commerce de proximité de se distinguer des centres commerciaux périphériques. Les commerces ont donc besoin de passants, mais ils constituent aussi réciproquement un moteur de flux. Dans le cas des commerces de proximité, ces flux sont pour la plupart piétons. Pour (Sabatier et Morvan, 2007) les déplacements piétons sont incontournables et ont une signification renouvelée, ils jouent un rôle croissant pour la consommation en ville. La mobilité pédestre transforme les lieux de transit en espaces-temps du shopping. Les aéroports et les centres historiques représentent, chacun à leur manière, deux pôles de cette évolution. À l’ère de l’hyper-mobilité, la synergie entre commerce et mobilité pédestre s’affirme toujours davantage. En effet, pour que le piéton devienne acheteur il faut d’abord qu’il puisse marcher en ville. Aussi pour avoir « envie » de marcher, il faut avoir un but sur lequel la consommation peut avoir une incidence. (Michel 2013) dit au sujet de la mobilité pédestre que : « Le commerce est un élément moteur, mais non exclusif, car toutes les fonctions urbaines ont leur mot à dire : il s’agit de faire voisiner des composantes d’activités marchandes et non marchandes, des lieux d’emploi, des lieux économiques et des lieux de résidence beaucoup plus intimes ». La présence de commerces de proximité associés à d’autres fonctions urbaines assure une diversité des moteurs de la marche.

Le croisement de cette dimension de la mobilité piétonne au facteur topographique nous semble incontournable dans la ville de Lausanne. Car une topographie abrupte constitue un élément décourageant à la marche. Pour qu’une ville ait une bonne marchabilité elle doit être bien lisible. Il s’agit du « mental mapping » déjà étudié par Lynch (1977) qui soutient qu‘un bon système de repérage doit aider les gens (locaux ou touristes) à construire des cartes mentales de la ville. Plus notre carte mentale est bien construite, plus nous nous sentons à l’aise pour marcher en ville. Le commerce de proximité a un lien direct avec la lisibilité de l’urbain en favorisant notamment les déplacements piétons par l’intérêt que suscitent les vitrines à la fois éléments facilement lisibles mais aussi repères du paysage de consommation.

D’un côté, l’influence du commerce de proximité dans l'encouragement de la marche a des conséquences sociales souhaitables. Grâce aux piétons, la ville devient un endroit plus agréable : moins bruyante, moins

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8 polluée et plus animée. Le trafic piéton contribue à l’animation, la sensation de sécurité, la lisibilité et l’identité du lieu. D’un autre côté, la marche est également bénéfique pour le bon fonctionnement des commerces «impulse buying » (Davies, 2007). La piétonnalisation des hypercentres en témoigne. En somme, le commerce a plus besoin des urbains (Madry, 2011) que de la ville.

Aujourd’hui, on assiste à un renouveau de la marche urbaine (Lavandinho, 2011) où le commerce joue le rôle d'attracteur : en milieu urbain, les marcheurs déploient rarement des stratégies de navigation au long cours. Ils procédent plutôt par cabotage (Lavandinho, 2011) : cela consiste à aller de proche en proche au gré d’attracteurs qui s’enchaînent et qui éveillent successivement l’intérêt du marcheur au fur et à mesure de sa progression.

Pour améliorer la marchabilité, il faut enlever les barrières physiques ou mentales à la marche et améliorer le système de repérage afin de faciliter le développement de cartes mentales par les piétons. Les commerces en tant qu’attracteurs servent au marcheur de points de repère ou de points d’ancrage (Gibson dans Lavandihno, 2011) en ponctuant de façon rythmée ou continue l’espace-rue des centralités.

3. Une lecture cartographique du commerce lausannois dans la qualification de l’espace public 3.1. De l’agglomération au quartier : les enjeux multi-scalaires du commerce à Lausanne

Dans le cadre spatial de référence de l’agglomération, l’organisation multipolaire des grandes surfaces commerciales et les comportements motorisés des ménages ont détourné la demande des consommateurs lausannois du commerce de leur quartier et du centre-ville au profit de l’offre périphérique principalement concentrée à l’ouest. Le mouvement d’étalement résidentiel de la population du centre vers la périphérie, initié vers la fin des années 1960, a été suivi par une relocalisation des surfaces commerciales et une restructuration de l’offre commerciale de la ville-centre touchant essentiellement le commerce indépendant et l’érosion du commerce de proximité dans les quartiers péricentraux (Da Cunha 1994, Bochet et al. 2003, Da Cunha et al.

2004, Alonso et al. 2013).

Comme partout ailleurs, le processus d’affinage ou de sélectivité des centres a conduit à Lausanne au transfert d’une large part des équipements commerciaux de détail en périphérie et à la disparition progressive du commerce de proximité dans les quartiers périurbains. Les dynamiques urbaines des dernières décennies et l’influence des approches fonctionnalistes ont affecté la distribution des fonctions commerciales en réduisant le rôle des centralités de proximité et leur complexité. L’urbanisme de secteurs a produit des modèles de production urbaine simplificateurs où les activités sont séparées physiquement dans l’espace et où le commerce est séparé de l’habitat.

La question des relations entre la qualité urbaine et les transformations du commerce dans leurs spatialités ainsi que dans la forme et matérialité des lieux se pose aux différentes échelles spatiales d’analyse et d’aménagement. On se focalise ici sur les transformations de la ville-centre à l’échelle communale, de son hypercentre et de ses quartiers ce qui nous permet de considérer la problématique de la diversité de l’offre commerciale et des centralités marchandes.

3.2. Délimitation des centralités marchandes dans la commune - trois outils croisés

Pour saisir l’objet d’étude, notre mode opératoire se positionne dans le terrain de l’interdisciplinarité. Nous allons emprunter les outils de recherche de la géographie (méthodes d’enquête, analyse statistique) mais aussi de l’architecture (morphologie urbaine, analyse sensible) et de l’urbanisme (analyse documentaire). Pour délimiter les périmètres des centralités, nous commençons par la géovisualisation du total d'équivalent d'emplois et d'établissements à plein temps dans les secteurs statistiques de la commune, à partir des codes NOGA, ce qui nous sert à écarter les zones où les commerces sont quasi-inexistants. Deuxièmement, nous avons confronté ces données avec l’analyse des documents d’urbanisme notamment le Plan Général d’Affectation qui définit les tronçons commerciaux où le caractère commercial est à préserver. Troisièmement, la rélève de terrain de la localisation d’établissements nous a montré que la localisation des commerces déborde dans certains cas ces tronçons commerciaux définis dans le PGA, et dans d’autres cas, les tronçons ont muté pour des activités (banques, assurances). Finalement, par le travail croisé des données et documents confrontés à la connaissance empirique du terrain nous délimitons les périmètres des centralités dans l’espace de la commune. Nous avons 927 établissements à l’intérieur de notre périmètre pour un total de 1171 commerces dans l’ensemble de la commune. Cela nous mène à une première conclusion partielle, que la vérification empirique des centralités marchandes englobe 79, 2 % des commerces de détail.

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9 Figure 3. Nombre d’établissements et équivalent d’emplois à plein temps dasn le commerce de détail par secteur statistique (Source SCRIS 2008)

Figure 4. Délimitation des centralités marchandes et localisation des enquêtes

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10 Egalement, le commerce implanté dans l'hypercentre lausannois représente un 46% du total de la commune, ce qui est aussi un premier résultat d'importance. Enfin, l’échantillon de l’enquête représente un 22,7% des commerces de détail localisés à l’intérieur des périmètres d’étude. Nous avons procédé l’enquête par sélectionner d’une façon répétée et systématique l’échantillon en proposant de répondre à nos questions à un sur trois des commerces rencontrés sur le terrain, en se fixant le cible de 10 enquêtes minimum par chaque centralité découpée du terrain d’étude. L’échantillon donc, n’a pas une distribution homogène dans l’espace.

3.3. La proximité d’usage des centralités lausannoises

Concernant les usages de proximité, l’enquête a confirmé que les centralités des quartiers péricentraux de l’ouest de la commune sont celles dont la plupart des commerces ont un rayonnement de quartier. Concernant les fréquences d’achat, nous les avons réprésentés d’une façon géoréférencée, et on apprécie que ces points sont

distribués d’une façon homogène sur le territoire. Dans cette carte, l’image de l’hypercentre disparait et on voit qu’il est dominé par une fréquence d’achat occasionnelle (bleu clair) avec uniquement certains points d’achat fréquent, qui maillent le territoire communal et qui s’insèrent dans l’hypercentre franchisé et textilisé.

Figure 5 : Pôles de fréquences d’achat et de pratiques de proximité dans les centralités

A mesure qu’on s’éloigne du centre on voit une dominante alimentaire dans les centralités. Cette dominante alimentaire est assez importante (40-50%) dans les quartiers de l’est lausannois (Chailly, Montchoisi) à haut revenus et dont ces centralités sont plus déconnectées du reste. Le commerce du textil est très présent dans l’hypercentre piéton (42%) qui à développé une manque de « complexité commerciale » avec certaines rues qui sont entièrement dédiées au commerce textile et franchisé souhaitant s’implanter dans des lieux patrimoniaux ayant une ambiance qui leur confère un « branding urbain » reconnaissable.

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11 Figure 6. Valeurs de commerce indépendant et franchisé dans les centralités

Figure 7. Localisation des branches du commerce alimentaire et textile dans les centralités

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12 Figure 8. Synthèse des représentations de l’espace public dans les centralités

La synthèse des représentations de l’espace public des centralités, montre les zones que l’enquête à relevés comme étant représentées positivement ou négativement de façon relative à la perception de sécurité, d’animation, d’entretien des aménagements de l’espace public, du calme du trafic et du caractère perçu comme branché ou ringard de cette espace. Cette synthèse donne lieu à des pistes intéressantes comme l’extrême différence entre la centralité de la gare vers le nord et vers le coté lac. Les aires qualifiés de zones à enjeux dans dans les réprésentations de l’espace coincident avec les centralités dont les usages sont de proximité, ainsi qu’avec celles dont la proportion de commerce indépendant est plus forte. Parallèlement, les zones les mieux réprésentées coincident avec les aires de présence d’établissements textil et franchisé.

L’intégration des outils urbanistiques et architecturaux à notre palette d’instruments est fondamentale : l'analyse sensible par exemple est un outil clé, car l'étude des commerces dans la commune de Lausanne s'est faite à partir de l’information récoltée en tant que promeneur attentif. Si l'analyse morphologique et typologique s'efforce surtout de montrer les formes urbaines et la situation de chaque centralité à l'échelle de la commune, l'analyse sensible est liée aux pratiques de proximité et est réalisée à l'échelle du quartier. Suite à la localisation à travers l'analyse morphologique et fonctionnelle des centralités marchandes, l’enquête de terrain établit les pôles à forts enjeux tels que les centralités qui pourraient être qualifiées d'exemplaires. Partant de cette base, on peut cerner les centralités présentant des caractéristiques intéressantes que ce soit par leur forme (en forme d'étoile rayonnante autour de la gare), par leur rapport aux typologies urbaines (en continuum dans le rez-de-chaussée inséré dans un cadre à valeurs patrimoniales), par leurs pratiques de proximité comme révèle l'enquête. De cette façon, on décrit les centralités marchandes dont la criticité des enjeux a été mis en exergue par l’enquête et l’analyse typo-morphologique. Cette sélection sur la base de notre grille d’analyse nous permet de réaliser une analyse d'une façon structurée et reproductible et révéler ses divergences et convergences.

Conclusion : la nécessité d’une approche sensible aux interactions entre le commerce et l’espace-rue La localisation du commerce en ville doit être subordonnée aux enjeux du marché, mais aussi aux enjeux de la qualité urbaine pour justement rentrer dans le cadre d’un urbanisme qui se veuille durable. Dans une enquête réalisée au sujet des mutations du commerce auprès de chercheurs du commerce et de cadres responsables

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13 d’enseignes, Moati (2014) note que très peu de répondants ont cité l’urbanisme comme facteur de changement du commerce. Ces résultats soulignent le fait que les outils urbanistiques répondent peu, et trop tard aux enjeux de localisation du commerce dans la production urbaine.

L'urbanité et la qualité des espaces publics passent par le travail du rez-de-chaussée, car il englobe les espaces de froissement entre deux mondes: public-privé et intérieur-extérieur. Le rez-de-chaussée est le grand oublié des plans d’urbanisme : l'influence du zonage, les plans d'affectations, etc, sont souvent des documents principalement sur plan, contraints à delimiter le traitement des enjeux dans une vision bidimensionnelle du territoire. L'enjeu consisterait à dépasser cette approche par le plan pour penser la ville en trois dimensions (voire quatre avec la dimension temporelle). Les documents graphiques ont toujours besoin d'un certain type d'expression graphique immuable (car ils doivent être visés par le géomètre agrée et sont basés sur les plans cadastraux) et un plan d'étage type doit continuer de permettre d’établir les affectations principales (destinées à l’habitat ou aux activités) en laissant une liberté nécessaire au travail de l’architecte. Néanmoins, un dédoublement des plans au niveau du rez-de-chaussée serait un outil profitable pour assurer cette synergie d’attracteurs pour le piéton dans les endroits stratégiques afin d’assurer la marchabilité par le projet d’urbanisme.

Étant une ville contrainte par sa topographie (par rapport à d’autres villes) en termes de marchabilité, on peut se questionner sur le positionnement de Lausanne. L’urbanité, que nous retrouvons encore dans les quartiers historiques du centre ville, n’est pourtant pas au rendez-vous dans les nouveaux écoquartiers : des expériences urbanistiques qui n’ont pas généré des fragments de ville « vibrants » mais avec une animation qui pourrait plutôt se comparer à celle des banlieues dortoirs. Comment les projets d'écoquartiers, étudiés comme exemples de développement urbain durable, pourraient-ils parvenir à fournir une intensité à la ville qui favoriserait la marche et les pratiques de proximité? Si le commerce a le rôle d'intensifier l'urbanité, comment ce dernier pourrait-il devenir un outil à part entière pour augmenter cette urbanité lors de nouveaux projets?

Comme Dind (2009), nous pensons que l'urbain a besoin d'un gradient d'intensité, d’intensité urbaine, d’intensité perçue, vécue et conçue. « D’une part, la ville devrait offrir des lieux à forte intensité, lieux centraux riches d’opportunités sensorielles, sociales et de pratiques, où la densité et la diversité des activités s’associent à la centralité et à la qualité des espaces publics pour renforcer les sentiments d’urbanité et d’identité collective.

D’autre part le respect des identités particulières et des différents modes de vie devrait se concrétiser sous la forme de lieux aux fonctions plus caractérisées, lieux de mise en retrait vis-à-vis du regard collectif, plus propices aux activités des individus ou des groupes : lieux de rencontre pour les adolescents, commerces ethniques, restos branchés, zones calmes ». Si comme Lavandinho (2011) on considère, en tant que concepteurs, que les commerces peuvent être un attracteur pour la marchabilité, une hiérarchisation et une structure avec des points d'intensité variable s'avère nécessaire. Finalement, à l'ère du développement urbain durable, le modèle christallérien semble encore valable pour les structures du commerce sous une nouvelle optique urbaine.

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