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La métaphore conceptuelle dans les textes journalistiques sur les attentats du 13 novembre 2015

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Texte intégral

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UNIVERZA V LJUBLJANI FILOZOFSKA FAKULTETA

ODDELEK ZA ROMANSKE JEZIKE IN KNJIŽEVNOSTI

EVA LEGOVIĆ

La métaphore conceptuelle dans les textes journalistiques sur les attentats du 13 novembre 2015

Konceptualna metafora v novinarskih besedilih o terorističnih napadih 13. novembra 2015

Magistrsko delo

Mentor: Študijski program:

Izr. prof. dr. Gregor Perko Francistične študije

Ljubljana, 2018

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Résumé

La métaphore conceptuelle dans les textes journalistiques sur les attentats du 13 novembre 2015

Ce mémoire étudie l’utilisation de la métaphore conceptuelle dans les textes journalistiques sur les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Se basant sur 35 textes catégorisés selon la date de publication (en ou après 2015) et l’orientation politique gauche ou droite, on veut voir s’il y a des différences ou des similarités d’utilisation de la métaphore selon ces deux critères. La première partie parle des médias et de leur façon de diffuser l’information. On établit le rôle de l’informateur dans la diffusion, car c’est lui qui choisit quels outils utiliser pour satisfaire le lecteur. La deuxième partie se concentre sur la théorie de la métaphore. On décrit la projection conceptuelle de George Lakoff et on présente la typologie des métaphores où on distingue entre les métaphores conventionnelles, nouvelles, structurelles, orientationnelles et ontologiques. Ensuite, on décrit le pouvoir de la métaphore de transmettre l’expérience subjective à travers la langue. Finalement, la dernière partie est l’analyse des métaphores dans les textes choisis, selon leur type, la date de publication et le journal où elles figurent.

Mots clés: métaphore conceptuelle, information, médias, attentats en 2015

Izvleček

Konceptualna metafora v novinarskih besedilih o terorističnih napadih 13. novembra 2015

Magistrsko delo preučuje uporabo konceptualne metafore v novinarskih besedilih o terorističnih napadih 13. novembra 2015 v Parizu. Na podlagi 35 tekstov, kategoriziranih glede na datum (pred ali po letu 2015) in pripadnost levi ali desni politični usmeritvi, raziskujemo obstoj razlik ali podobnosti pri uporabi metafore glede na oba omenjena kriterija.

Prvi del govori o medijih ter njihovem načinu informiranja in komunikacije. Poznavalci ugotovljajo, da je tisti, ki informira, pomembnejši za širjenje informacij kot informacija sama.

On je tisti, ki izbira katera orodja uporabiti, da bi bil bralec zadovoljen in bi se ga vsebina dotaknila. Drugi del se osredotoča na teorijo konceptualne metafore. Natančno je delano Lakoffovo konceptualno projiciranje, obravnavana pa je tudi tipologija metafor, ki se delijo na konvencionalne, nove, strukturalne, orientacijske in ontološke. V nadaljevanju je opisana moč metaforičnega prenosa subjektivnih izkušenj skozi jezik. Zadnji del predstavlja analiza metafor v izbranih tekstih glede na tip metafore, datum objave teksta in politično orientiranost časopisa, v katerem se pojavi.

Ključne besede: konceptualna metafora, informacije, mediji, teroristični napadi 2015

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Table des matières

1. Introduction 1

2. Les médias et les événements catastrophiques 2

2.1. Le rôle des médias 2

2.2. Les événements catastrophiques dans les médias 3

2.3. Le rôle de l’informateur 4

3. La métaphore 5

3.1. L’histoire de la métaphore – d’un déviant linguistique à la norme 5 3.2. Les traits de la métaphore – le domaine source, le domaine cible, la base, la tension 8

3.4. La classification des métaphores 11

3.4.1. La métaphore conventionnelle vs. la métaphore nouvelle 11 3.4.2. Les métaphores structurelles, orientationnelles et ontologiques 12

3.4.3. La personnification 13

3.5. La métaphore – non une ressemblance, mais une identité des relations 14 3.6. Le pouvoir de la métaphore de transmettre l’expérience 15

3.7. La métaphore e(s)t la réalité 17

4. L’analyse des métaphores dans les textes journalistiques 17

4.1.1. Le Monde 18

4.1.1.1. En 2015 18

4.1.1.2. Après 2015 19

4.1.2. Le Nouvel Observateur (L’Obs) 22

4.1.2.1. En 2015 22

4.1.2.2. Après 2015 23

4.1.3.FranceInfo 26

4.1.3.1. En 2015 26

4.1.3.2. Après 2015 27

4.2. Les journaux d’orientation droite 29

4.2.1. Le Figaro 29

4.2.1.1. En 2015 29

4.2.1.2. Après 2015 30

4.2.2. L’Express 32

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4.2.2.1. En 2015 32

4.2.2.2. Après 2015 34

4.2.3. Le Point 36

4.2.3.1. En 2015 36

4.2.3.2. Après 2015 38

4.3. La conclusion de l’analyse 39

5. Conclusion 48

Povzetek 50

Bibliographie 52

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1. Introduction

L’année 2015 en France était marquée par deux événements tragiques qui ont changé l’image de la vie quotidienne. C’étaient les attentats terroristes commis à Paris en, respectivement, janvier et novembre 2015. Le premier attentat visait la rédaction de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, et le deuxième était en réalité un groupe de plusieurs attentats commis à plusieurs endroits dans la ville. Ce sont ces attentats qui font l’objet de l’analyse linguistique dans ce travail.

Dans la nuit du 13 novembre 2015, plus de 120 personnes ont perdu la vie dans une série d’attaques coordonnées par un groupe de jeunes Franco-Belges. C’était une nuit ordinaire, où les gens se divertissaient, et personne ne s’attendait à ce qu’une tragédie se produise. Au bout de quelques heures, le pays entier, ainsi que l’Europe, étaient dans un état de choc. Six endroits – le Stade de France, les restaurants et bars La Belle Équipe, Le Petit Cambodge, Le Carillon, Café Bonne Bière, La Casa Nostra, la salle de concert Bataclan, et le Boulevard Voltaire – ont été les lieux choisis des attaques qui se sont déroulées pendant quelques heures.

Inévitablement, les médias étaient les canaux les plus importants de la diffusion des nouvelles sur le déroulement des événements et sur les victimes des attaques. Le but de ce mémoire est d’analyser la métaphore conceptuelle dans les textes journalistiques qui ont couvert les attentats du 13 novembre 2015. L’objectif est de voir s’il y a des différences et des similarités entre les manières dont la métaphore conceptuelle est utilisée dans les journaux de l’orientation gauche et de l’orientation droite par rapport à la période où les textes sont écrits (2015 ou les années suivantes). Pour en trouver une réponse, j’ai d’abord étudié la métaphore conceptuelle : son histoire, comment elle fonctionne, et quel est son rôle dans la communication des expériences subjectives. L’étude est basée essentiellement sur les auteurs suivants : George Lakoff, Andrew Ortony et Charles Hartman. Dans le mémoire, on s’intéresse aussi aux médias – au rôle qu’ils jouent dans la société, et à la manière dont la communication médiatique fonctionne. François-Bernard Huyghe, Raymond Gozzi, Philippe Gréa sont parmi les auteurs qui ont écrit sur les médias, la langue et le lien entre les deux. Le cadre théorique est ensuite appliqué l’analyse d’exemples extraits d’un corpus d’articles journalistiques. La recherche se base sur 35 textes tirés de trois journaux de chaque orientation politique. Parmi les journaux d’orientation gauche, on a choisi Le Monde, Le

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Nouvel Observateur et FranceInfo; parmi les journaux plutôt d’orientation droite, ce sont Le Figaro, L’Expresset Le Point.

2. Les médias et les événements catastrophiques

2.1. Le rôle des médias

Le mot « médias » vient du terme anglais « mass-media ». Il était composé dans les années 50, la période où le développement de la technologie conduisait vers de nouveaux modes de communication, et où le nouveau client, la « masse », devait être satisfait à propos des nouvelles du monde et de la société. Depuis les années 50, la communication moderne a connu un énorme progrès au point que les médias sont devenus des moyens principaux de l’influence des masses aussi bien que des individus.

On peut dire que le but des médias, c’est la communication (Huyghe : « Les médias en trois métaphores »). Aujourd’hui, on trouve dans les médias différentes thématiques qui sont traitées dans différents types de textes – longs, courts, textes de débat politique, textes de commérages, etc. Parfois, cela conduit le public à rejeter les médias comme étant triviaux qui ne peuvent pas être pris au sérieux. Le médiologue François-Bernard Huyghe en écrit : « Les médias sont-ils de triviaux tuyaux ? Certains les exècrent pour ce qu’ils inculquent et ce qu’ils occultent, d’autres les exaltent pour ce qu’ils reflètent ou ce qu’ils révèlent, mais ils [restent toujours] aux yeux un “ce par quoi” ou un “ce par où” se produit l’essentiel et le noble : la communication » (ibid.). Donc, quel que soit le type de texte dont il s’agit, la communication se produit toujours entre le texte et le public.

Si le but des médias est de communiquer, on peut se demander : que médias communiquent-ils? Selon Jean-Pierre Meunier, à travers les médias on communique des « connaissances, savoirs, idées, représentations » (1994 : 57) afin de « informer, éduquer, divertir » (ibid.) le public. Dans ce travail, on ne prendra pas en compte les deux dernières fonctions et on parlera plutôt de la fonction d’informer. À savoir, on analysera la métaphore conceptuelle utilisée pour informer le public français sur les attaques du 13 novembre 2015 ; et on verra quelles métaphores y étaient utilisées.

D’abord, on écrira la définition de l’action d’informer donnée par Meunier :

« Informer – au sens journalistique du terme – implique qu’à travers les événements – d’actualité ou non – dont on parle, soient véhiculées des connaissances ou représentations des

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domaines de référence des événements en question : domaine historique, ou politique, ou économique, ou sportif » (1994 : 58). Celui qui est responsable pour véhiculer ces connaissances et représentations, c’est l’informateur qui choisit des outils avec lesquels il va forger le texte. Le choix des outils dépend du but qu’il veut atteindre. Dans ce travail on se concentrera sur le but d’attirer le lecteur en employant la métaphore.

2.2. Les événements catastrophiques dans les médias

Les événements catastrophiques comme l’étaient les attaques du 13 novembre 2015 font partie de la thématique qui est la plus apte à émouvoir et à saturer l’imagination (Tétu 2004 : 12). Selon Tétu, « [l]es images des situations catastrophiques sont légion. Elles sont comme les matériaux bruts d’une situation insupportable et presque indicible (le commentaire est d’autant plus sobre que la mort est plus visible et, en fait, irreprésentable) : la mort est évidemment là » (2004 : 5). L’image catastrophique que le lecteur « ne peut assimiler que comme fantasme » (Tétu 2004 : 12) évoque « une réponse immédiate, en réponse à la médiatisation de l’émotion qu’elle provoque » (Tétu 2004 : 6).

Pour cette « émotion médiatique », comment l’appelle Tétu (2004 : 12), il faut trois composantes : « une information (un savoir), une évaluation par rapport à ce savoir, et enfin une position, ce qui nous renvoie à la norme sociale ou au jugement de valeur » (ibid.). Tétu dit que « la rhétorique des émotions […] n’est pas spécifique » (ibid. 10), qu’elle « ne fait qu’amplifier les traits habituels de toute information » et qu’elle n’utilise que les figures de la rhétorique dite traditionnelle (ibid.).

La rhétorique traditionnelle tire son origine d’Aristote qui l’a défini comme « l’art d’extraire de tout sujet le degré de persuasion qu’il comporte » (Barthes 1970 : 179), « la faculté de découvrir spéculativement ce qui dans chaque cas peut-être propre à persuader » (ibid). Dans cette définition, le plus important est « l’agent créateur » (ibid.) et non « l’objet créé » (ibid.), c’est-à-dire, le rôle principal appartient à l’informateur et non tellement à la thématique sur laquelle on informe. Alors, c’est l’informateur qui choisit quels outils rhétoriques il va employer pour obtenir son but.

Quels sont les buts des textes sur les attaques terroristes du 13 novembre 2015 ? Après la lecture de nombreux articles des différents journaux, on peut conclure que les textes sont écrits pour satisfaire l’intérêt et l’imagination des lecteurs, qu’ils soient liés aux événements en question ou pas. En plus, il faut que le texte ait une valeur émotive pour que les lecteurs puissent y réagir. Pour citer Tétu, « [l]’information, pour un temps au moins, doit faire croire

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que l’usager des médias se trouve confronté à une situation émouvante » (2004 : 7) qui « tient à la nature de la relation entre le sujet et cette situation, qui provoque peur ou colère, joie ou honte, etc. ; il faut donc au moins au support d’information quelque chose qui soit commun au groupe social : il faut représenter une situation à propos de laquelle une norme sociale (un jugement de valeur socialement partagé) met en cause dans un récit un actant qui est, le plus souvent soudainement, victime ou bénéficiaire » (ibid.). Donc, d’un côté, pour les rescapés des attaques ou pour leurs proches, le texte doit être une voix qui les représente et qui les lie ensemble comme une communauté des survivants. De l’autre côté, les textes doivent aussi satisfaire ceux qui veulent en savoir plus et pour qui les médias sont la source principale d’informations sur cet événement.

2.3. Le rôle de l’informateur

Selon Jean-François Tétu, « [e]ntre la victime du monde “réel ” et l’usager des médias, il faut un tiers » (2004 : 9), et c’est l’informateur. Son rôle, en particulier quand il s’agit d’événements tragiques, c’est de soustraire « la souffrance à une victime pour l’exhiber devant les usagers des médias qui, eux, ne souffrent pas » (2004 : 9). Chaque fois que « une catastrophe alimente l’actualité » (Tétu 2004 : 8), les informateurs ont tendance de « mettre le public dans une sorte de prise directe sur l’événement qui conduit à brandir […] tantôt une posture compassionnelle, tantôt la dénonciation des bourreaux » (ibid.). Dans tous les deux cas, on trouve, selon Tétu, « trois composantes majeures » (ibid.) :

- « la norme sociale sous forme de morale à maintenir (solidarité à l’égard des victimes vs dénonciation de profiteurs en tous genres, pillards, ou voyeurs ; respect des personnes et de la propriété),

- la norme sociale sous forme de l’opinion, prompte à dénoncer l’inaction, le retard ou l’inefficacité des pouvoirs publics ou des autorités en général. On y voit en particulier une tendance forte des médias à prendre parti pour la

victime, pour susciter l’identification du lecteur (l’opinion se fonde sur la morale précédente),

- l’esthétisation du spectacle de la désolation : pietà algérienne à la suite d’un massacre. » (Ibid.)

Toutes les trois composantes peuvent facilement être trouvées dans les textes sur les attentats du 13 novembre 2015. Les victimes sont une sorte de personnages principaux dans presque tous les textes. Alors, il fallait que les textes soient écrits selon la « morale à maintenir »

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(ibid.). En plus, la manière d’écrire montre souvent l’inclination à soutenir les victimes, quoi qu’il arrive. Finalement, dans les textes, l’esthétisation est très riche, car les événements tragiques tellement proches de la vie quotidienne éveillent toujours la curiosité : l’usager veut savoir tous les détails de l’expérience. Ces détails sont souvent le mieux décrits lorsqu’on utilise la métaphore. Dans la prochaine partie, on étudiera la métaphore conceptuelle et on essaiera de voir pourquoi elle est un outil parfait pour communiquer les expériences subjectives et personnelles.

3. La métaphore

La métaphore conceptuelle est un outil cognitif qui comporte une nette valeur émotive dans les textes journalistiques. La métaphore, et notamment la métaphore conceptuelle, est utilisée pour créer des effets (des images non-verbales que nous « voyons » en lisant le texte écrit) dans les médias (Shah 2008 : 15). Selon Shah, la raison en est que la métaphore est basée sur une absurdité qui lui permet d’être une source de créativité (Shah 2008 : 14). À savoir, la métaphore est littéralement fausse (ibid.), car elle déclare qu’une chose est une autre (par ex. ma vie est un jeu), ce qui la rend logiquement absurde (ibid.). En plus, comme l’écrit Raymond Gozzi Jr., la métaphore refuse d’être catégorisée dans des boîtes bien rangées (1999 : 380). En fait, une partie du rôle de la métaphore est de casser les boîtes conceptuelles qu’utilise le langage routinier (ibid.). On peut faire une parallèle ici entre ce rôle de la métaphore et le fait qu’elle est utile dans des textes informant sur les événements hors de la vie routinière. Quand notre vie sort de l’habituel et du connu, le meilleur langage utilisé pour le décrire serait, lui aussi, hors de l’habituel et du connu. Cependant, ce langage doit être assez proche du public qui peut réagir (sympathiser, se révolter, etc.) au texte donné. Dans les chapitres suivants, on décrira plus en détail cette nature en même temps habituelle et nouvelle de la métaphore conceptuelle.

3.1. L’histoire de la métaphore – d’un déviant linguistique à la norme

Depuis les premières années de la conscience langagière et jusqu’au 20ème siècle, la métaphore avait été généralement considérée comme un outil rhétorique et poétique employé par des grands orateurs et écrivains afin de dire une chose ordinaire d’une manière différente.

Selon I. A. Richards, la métaphore avait été un tour de mots, une opportunité pour exploiter

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leur versatilité, quelque chose qui nécessitait une compétence et une prudence extraordinaires (1936 : 90). Une telle perception de la métaphore tire son origine du 4ème siècle avant J.-C., quand le philosophe grec Aristote avait écrit sa Poétique, la première œuvre philosophique sur le thème de la théorie littéraire. Dans cette œuvre, Aristote avait décrit tous les procédés et les outils qu’un poète doit employer dans le but d’écrire bien. Une des choses dont il avait parlée, c’était la métaphore. Pour lui, c’était une figure rhétorique que les gens ordinaires, c’est-à-dire les « non-poètes », n’utilisaient pas. Quand il avait écrit que la métaphore est une mise en pratique d’un nom ou un mot étrangère au concept donné (traduit dans Butcher 1902 : 77), avec le mot « étranger »1 il avait évoqué la notion de quelque chose inhabituelle que nous ne pourrions pas croiser dans la vie quotidienne. Autrement dit, la métaphore était considérée comme un processus purement linguistique au moyen duquel on décrivait une chose d’une manière plus sophistiquée, ou créative au moins. Aristote donne l’exemple suivant : on peut appeler le soir la vieillesse de la journée, et inversement, la vieillesse peut être appelée le soir de la vie (1902 : 79). Il est claire que l’objectif de la métaphore dans cet exemple se trouvait dans ce que pouvait être dit au lieu d’autre chose, et il ne se trouvait pas dans la demande pourquoi ou comment on le disait différemment. De plus, pour Aristote, l’utilisation des métaphores était un signe de l’esprit génial, car pour faire de bonnes métaphores il faut avoir un œil pour les ressemblances » (dans Richards 1936 : 89). Cela impliquait que tout le monde n’avait pas le pouvoir de remarquer des ressemblances et faire des liens métaphoriques.

Au 20èmesiècle, George Lakoff, un des plus importants linguistes contemporains et un des chercheurs les plus marquants de la métaphore, a déclaré que cette théorie classique de la métaphore avait été prise pour acquise et que personne ne s’avait rendu compte que ce n’était qu’une théorie (2006 : 185) et non pas une définition finale de la métaphore. Ç’avait été le cas jusqu’au 20ème siècle quand les philosophes, les linguistes et les psychologues avaient commencé des recherches sur la langue plus en profondeur et de le lier avec les concepts de la vie, avec les hommes, et leur esprit. Dans toutes les sciences, le monde mental et les aspects cognitifs du fonctionnement humain se sont trouvés au centre de l’attention et des recherches.

Le phénomène continue au 21ème siècle (Bratož 2010 : 9). La langue et le langage n’étaient pas une exception, avec de plus en plus de recherches étant poursuivies sur la question comment les humains utilisent la langue et pourquoi certains phénomènes, comme la métaphore, existent.

1En anglais : « alien », dans la traduction utilisée (Butcher 1902).

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Conformément à l’orientation des recherches linguistiques contemporaines qui se concentraient sur l’esprit, la linguistique cognitive commençait à se développer. Les découvertes les plus importantes quant à la métaphore étaient les suivantes : qu’elle est déterminée non pas par la langue, mais par la pensée, et qu’elle est fortement employée dans le langage quotidien et non seulement dans la poésie et la fiction. À savoir, comme mentionné plus haut, la vue traditionnelle disait que la métaphore s’utilisait exclusivement à des buts littéraires ou narratifs et que conséquemment elle n’existait pas dans le langage quotidien (Lakoff 2006 : 187). En d’autres mots, tous ce qui appartenait au langage conventionnel, c’est-à-dire à la grammaire, aux définitions dans les dictionnaires, et aux sujets des conversations, avait été perçu comme littéral.

Le rejet de ces opinions traditionnelles est apparu avec la proposition déjà mentionnée – que la métaphore est contrôlée par la pensée et non pas par la langue. Ce qui est métaphorique ne se trouve pas dans la langue en tant que telle, mais dans les mécanismes de la pensée dont sont dérivées les métaphores du langage (Richards 1936 : 94). La relation entre la pensée et le langage constitue le fondement de la linguistique cognitive ; en se demandant comment le langage fonctionne on se demande comment la pensée et le sentiment et toutes les autres activités mentales agissent (Richards 1936 : 95).

En 1979, le linguiste Michael J. Reddy a publié un essai sur la métaphore du conduit2 avec lequel il a prouvé l’idée que le langage quotidien anglais est largement métaphorique, dissipant ainsi pour toujours l’opinion traditionnelle selon laquelle la métaphore ne peut être trouvée que dans le domaine du langage poétique ou figuratif (Lakoff 2006 : 186). Dans l’essai, il a prouvé que la langue anglaise a un cadre métaphorique préféré pour parler de la communication : le locuteur/envoyeur donne ses idées, pensées, sentiments, etc., a l’interlocuteur/destinataire qui doit extraire ce qui lui était donné (Reddy 165-167). Par exemple, an anglais on dit get your thoughts across ou give me an idea. On peut le trouver aussi dans la traduction en français : faire passer le message et donne moi une idée. Avec cela, Reddy a montré que la métaphore conceptuelle fait partie importante de notre façon de conceptualiser le monde quotidiennement, et que notre comportement quotidien reflète notre compréhension métaphorique de l’expérience (Lakoff 2006 : 186).

Suivant l’essai de Reddy, d’autres recherches ont été poursuivies, dévoilant un grand nombre de métaphores que l’on utilise dans notre langage quotidien. Par conséquent, le dualisme traditionnel du littéral et du figuratif était détruit (Lakoff 2006 : 187), puisqu’il

2Orig. anglais conduit metaphor.

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semblait qu’une grande partie de ce qui avait été considéré comme littéral se soit avérée être métaphorique. C’est le cas des concepts abstraits en particulier, car souvent on n’a aucune façon de parler des notions abstraites, qui n’existent pas physiquement, littéralement. Bien qu’il y existe un grand nombre d’expressions quotidiennes non-métaphoriques (la plupart décrivant des expériences et des choses strictement physiques, objectives, matériaux, touchables), la métaphore et les processus cognitifs qui lui appartiennent sont la norme quant à la description des expériences abstraites et subjectives (Lakoff 2006 : 188), comme l’étaient les attaques du 13 novembre. De telles expériences abstraites et subjectives montrent dans quelle mesure la métaphore est présente dans le langage quotidien. Bien que les concepts comme les événements, les émotions, le temps, les actions, etc. soient abstraits, ils font partie de notre expérience de base (Lakoff 2006 : 196). Conséquemment, ces concepts font partie de notre langagede base, c’est-à-dire du langage qu’on utilise régulièrement (ibid.). Suite à cette conclusion, Lakoff dit que cela signifie que, si ces concepts sont en effet d’une nature métaphorique, donc la métaphore devient centrale dans la grammaire (ibid.) que l’on utilise chaque jour et que l’on tient pour acquise. Ainsi, la métaphore avait cessé d’être perçue comme une déviance du langage (Richards 90), et avait commencé à être examinée comme un principe omniprésent de toute action libre du langage (ibid.).

3.2. Les traits de la métaphore – le domaine source, le domaine cible, la base, la tension

La première distinction que l’on doit mentionner est celle entre les deux parties constitutives d’une métaphore : le concept qui doit être compris, et le concept que l’on utilise pour décrire le premier concept. La première partie, c’est-à-dire le concept que nous voulons expliquer, est nommé le domaine cible, et l’autre le domaine source. Par exemple, dans l’expression métaphorique Ne joue pas avec mon cœur, le domaine source, c’est le concept du jeu que nous utilisons pour expliquer le domaine cible – les concepts de l’amour et des émotions.

Deux autres concepts qui sont définis dans ce travail sont la base et la tension. La base est ce que les deux domaines, le domaine source et le domaine cible, ont en commun (Ortony 1975 : 45), est la tension désigne les différences entre les deux domaines, donc ce qui ne permet pas la désignation d’une identité complète entre le domaine source et le domaine cible, car c’est toujours seulement quelques attributs, et non tous, qui se projettent d’un domaine sur l’autre. Ainsi, si l’on regarde la phrase Ne joue pas avec mon cœur, les deux domaines (le

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domaine de JEU et le domaine d’ÉMOTION), ont la base dans notre expérience de jouer, tricher, se sentir floué, etc. De l’autre côté, la tension se trouve dans le fait que le cœur est un organe dans notre corps et non pas un objet avec lequel nous pouvons jouer littéralement (avec nos mains, par exemple).

3.3. La projection conceptuelle

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Dans Contemporary Theory of Metaphor(La théorie contemporaine de la métaphore), écrite en 1992, Lakoff écrit que la métaphore dépend de notre « projection conceptuelle » (2006 : 223) plutôt que de notre choix des mots. La projection conceptuelle peut être définie comme la façon dont nous conceptualisons un domaine mentale avec l’aide d’un autre domaine. Pour l’expliquer, Lakoff se sert de la métaphore L’AMOUR EST UN VOYAGE (2006 : 189). Un exemple de cette métaphore serait : « On a décidé de prendre des chemins différents après 7 ans de relation ». Parce que cette phrase n’est ni poétique ni un exemple de talent rhétorique (ibid.), mais fait plutôt partie de notre langage quotidien, Lakoff se demande : y-a-t-il un principe général qui fait que les expressions linguistiques des voyages sont employées pour caractériser l’amour (ibid.) et y-a-t-il un autre principe similaire qui fait que nos modèles d’inférence (orig. patterns of inference) sur voyages sont utilisés pour parler de l’amour dans de telles expressions (ibid.) ? Il a découvert que les réponses sur les deux questions sont positives, et que le principe général en question est une et même chose, mais que nous ne pouvons pas trouver dans la grammaire ou dans des dictionnaires. Plutôt, le principe se trouve dans l’esprit, c’est-à-dire dans le système conceptuel qui est à la base de chaque langue, dans ce cas de l’anglais (ibid.). Alors, il n’est pas tellement important de demander comment on utilise la métaphore avec des mots, mais plutôt pourquoi nous décrivons un concept à l’aide d’un autre. Dans la métaphore L’AMOUR EST UN VOYAGE, on projette notre connaissance des voyages sur notre connaissance de l’amour (Lakoff 2006 : 191). Telles correspondances nous permettent de réfléchir à l’amour en se servant des connaissances que nous avons quand nous réfléchissons aux voyages (ibid.). Ce type de projection peut être décrit avec ce que Lakoff appelle un « scénario métaphorique4» (2006 : 190) : les amoureux sont des voyageurs sur un voyage qu’ils font ensemble, et leurs objectifs de vie communs sont perçus comme des destinations à lesquelles ils doivent parvenir. La relation est leur véhicule, et il leur permet de poursuivre ces objectifs communs ensemble. La

3Orig. anlais conceptual mapping(Lakoff 2006). Traduit par Gréa (2002 : 110).

4Orig. anglais metaphorical scenario(Lakoff 2006).

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relation est considérée comme remplissant son but pourvu qu’elle leur permet de progresser vers leurs objectifs communs. Le voyage n’est pas facile. Il y a des obstacles, des endroits (carrefours) où une décision doit être prise concernant le chemin à prendre, s’ils veulent continuer à voyager ensemble (ibid.). Le scénario métaphorique est une façon utile de

« définir » les métaphores, car il décrit la projection conceptuelle qui se passe dans le processus métaphorique. Lakoff prévient que ces projections métaphoriques ne doivent pas être confondues avec les expressions métaphoriques (2006 : 191). C’est-à-dire, quand on dit l’amour est un voyage, l’expression qu’on dit est seulement le moyen linguistique à travers lequel on exprime la projection qui se passe entre les concepts AMOUR est VOYAGE. Ce n’est pas la langue qui est au premier plan, mais le processus conceptuel : les métaphores sont des collections de correspondances conceptuelles (ibid.) et non de correspondances linguistiques.

Il est nécessaire qu’on définisse les deux parties de base d’une projection conceptuelle : le schéma et l’attribut5. Si l’on prend, par exemple, la métaphore LA VIE EST UN VOYAGE, le schéma serait l’ensemble de nos connaissances générales des voyages, et ensuite on projette ce schéma sur le concept de la vie. Ensuite, Lakoff et Turner disent que ces connaissances générales ont une structure squelettique assez riche pour distinguer les voyages d’autres types d’activités (1989 : 61). Cependant, cette structure n’est pas tellement riche qu’elle représenterait un voyage spécifique (ibid.), par exemple on ne sait pas s’il s’agit d’un voyage en bateau ou en voiture. La structure représente seulement nos connaissances des voyages en général – un concept de VOYAGE. En conséquence, comprendre la vie en termes des voyages nous permet une conceptualisation de la vie riche et variée, car nous utilisons le schéma squelettique des connaissances des voyages, et ce schéma a des attributs qui peuvent être remplis avec différents éléments. Ainsi, l’attribut de TRANSPORT dans le schéma de VOYAGE peut être rempli avec n’importe quel type de transport que le locuteur veut insérer.

On a, par exemple, la citation suivante de Paulo Coelho, trouvée dans Le Monde6: « Notre vie est un voyage constant, de la naissance à la mort. Le paysage change, les gens changent, les besoins se transforment, mais le train continue. La vie, c'est le train, ce n'est pas la gare. » Par exemple, on pourrait remplir l’attribut de TRANSPORT avec un bateau ou un avion pour dire la même chose. D’ici vient le pouvoir de la métaphore d’être comprise par la plupart du monde même si l’on utilise différentes expressions métaphoriques.

5Orig. anglais : schema et slot(Lakoff & Turner 1989).

6Source : http://dicocitations.lemonde.fr/citation_auteur_ajout/66440.php.

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Naturellement, l’importance des projections conceptuelles n’exclut pas le rôle joué par le langage et les mots dans les métaphores. Cependant, ce rôle est secondaire, bien que la projection des domaines que nous faisons en utilisant des métaphores est primaire (Lakoff 2006 : 192). Lakoff donne un argument convaincant en disant que, si les métaphores étaient basées sur les mots, chaque expression linguistique serait une métaphore en soi (ibid.). En réalité, toutes les expressions ne sont que des réalisations linguistiques d’un seul type de conceptualisation métaphorique des concepts abstraits (ibid.). Pour cette raison, Lakoff distingue deux éléments d’une métaphore conceptuelle : la métaphore signifiant la projection conceptuelle, et l’expression métaphorique (ibid.) signifiant l’expression linguistique individuelle qui est la manifestation concrète de la projection (ibid.). Dans ce travail, cette distinction sera adoptée.

3.4. La classification des métaphores

Dans Les Métaphores dans la vie quotidienne (1980)7, qui est une œuvre majeure quant à la théorie de la métaphore, Lakoff et Johnson proposent une classification des métaphores conceptuelles selon deux critères : le niveau de la fréquence et la structure des métaphores. Ainsi, selon le niveau de la fréquence, ils les séparent en métaphores conventionnelles (les plus fréquentes) et les métaphores nouvelles. Selon la structure, ils les séparent en métaphores structurelles, orientationnelles et ontologiques. Cette classification à été acceptée par de nombreux chercheurs qui se sont basés sur l’œuvre de Lakoff et Johnson.

3.4.1. La métaphore conventionnelle vs. la métaphore nouvelle

Dans la deuxième partie des années 1970, quand la linguistique cognitive était encore en train de se développer, toutes les métaphores étaient considérées comme des métaphores nouvelles, car le grand système de la métaphore conventionnelle avait été à peine remarqué (Lakoff 2006 : 223). Selon Lakoff, cela signifie qu’aucune recherche n’était faite sur le rôle que le système de la métaphore conventionnelle jouait dans la création des métaphores nouvelles (ibid.). Cela posait évidemment un problème, car, sans le système des métaphores conventionnelles, beaucoup de métaphores nouvelles n’auraient pas une base sur laquelle on pourrait les créer.

7Orig. anglais: Metaphors We Live By(1980).

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Une métaphore conventionnelle est celle qui est utilisée dans le langage quotidien d’une communauté linguistique (Bratož 2010 : 23). Ce type de la métaphore, reflété dans le langage qu’on utilise, structure le système conceptuel (Lakoff & Johnson 1980 : 139) d’une certaine culture. Par exemple, Je me sens au plus bas de moi-même est une expression de la métaphore LES SENTIMENTS NÉGATIFS SONT EN BAS, qui est une métaphore conventionnelle de la société francophone et qui reflète le fait qui les membres de cette communauté lient un sentiment négatif avec l’orientation vers le bas (par exemple avec nos corps – la posture courbée). De l’autre côté, les métaphores nouvelles sont considérablement plus rares. Ce sont des métaphores employées hors de l’usage ordinaire du langage. Selon Lakoff et Johnson, elles sont imaginatives et créatives, nous donnant une nouvelle compréhension de notre expérience (1980 : 139). En d’autres termes, les métaphores conventionnelles sont celles qui étaient nouvelles autrefois, mais qui sont devenues ordinaires avec le temps et l’utilisation. Aussi, quand on les utilise, on n’est pas consciemment attentifs à leur nature métaphorique (Bratož 2010 : 23).

3.4.2. Les métaphores structurelles, orientationnelles et ontologiques

Selon le type de la structure, les métaphores ont été divisées par Lakoff et Johnson en métaphores structurelles, orientationnelles et ontologiques (1980). Premièrement, les métaphores structurelles sont celles dans lesquelles un concept est métaphoriquement structuré en termes d’un autre concept (Lakoff & Johnson 1980 : 14). Lakoff et Johnson donnent l’exemple de la métaphore LE DÉBAT EST LA GUERRE, où le concept de débat est structuré en termes de concept de guerre. Ainsi, on peut sortir gagnant d’une discussion ou attaquer avec des arguments la personne à qui l’on parle. Alors, on peut dire que les métaphores structurelles sont des métaphores (souvent conventionnelles) qu’on utilise pour expliquer et comprendre des concepts abstraits en termes d’autres concepts que l’on trouve similaires aux premiers.

En comparaison avec les métaphores structurelles, les métaphores orientationnelles reflètent principalement notre expérience du monde à travers l’orientation spatiale, le fait qu’on voit les choses comme étant en haut ou en bas, dedans ou dehors, derrière ou devant, etc., par rapport à un autre objet (Lakoff & Johnson 1980 : 14). Par exemple, TRISTE EST EN BAS/HEUREUX EST EN HAUT est l’une de ces métaphores. Par exemple, se sentir au bas de soi-même ou relever le moralsont des expressions appartenant à cette métaphore.

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Finalement, le dernier groupe des métaphores que Lakoff et Johnson décrivent, c’est le groupe des métaphores ontologiques. Selon eux, les métaphores ontologiques expriment la manière dont on regarde les événements, les activités, les émotions, les idées, etc. comme des entités et des substances (1980 : 25). Les métaphores ontologiques sont basées sur notre expérience avec des objets physiques autour de nous, en particulier nos corps (ibid.). Il y existe un grand nombre de métaphores ontologiques, les plus fréquentes étant la métaphore du contenant et d’entité. Par exemple, on dit ce qui se passe dans ta tête (métaphore du contenant) ou on va faire tout pour maintenir la paix (métaphore d’entité). Il est important de dire que les métaphores ontologiques, comme les métaphores orientationnelles, ne sont pas perçues comme étant métaphoriques parce que le simple fait de voir une chose non-physique comme une entité ou une substance ne nous permet pas d’en comprendre grand-chose (ibid.).

C’est pourquoi les métaphores ontologiques peuvent être plus élaborées. Ainsi on a, par exemple, la métaphore L’ESPRIT EST UNE MACHINE (changez votre attitude) ou L’ESPRIT EST UN OBJET FRAGILE (on est complètement détruits après cet expérience).

3.4.3. La personnification

Un des types les plus répandus de la métaphore, c’est la personnification. C’est une extension de la métaphore ontologique (Lakoff & Johnson 1980 : 34) qui personnifie les concepts abstraits. En l’utilisant, nous manipulons nos ressources conceptuelles d’une manière qui nous permet de créer des façons de comprendre les choses autour de nous en termes que nous connaissons, disent Lakoff et Turner (1989 : 74). C’est quelque chose de très logique si l’on prend en compte que nous sommes des êtres humains et en tant que tels nous comprenons le monde autour de nous en termes de ce qui est humain. Parfois, imaginer un objet abstrait, comme l’émotion ou les forces naturelles, en termes de traits humains nous vient immédiatement et spontanément, comme par exemple l’image de la mort comme la Faucheuse ou le cœur comme un guide. La raison pour laquelle de pareilles métaphores nous viennent à l’esprit tout naturellement, c’est parce qu’elles se basent sur des concepts qui sont plus liés avec notre expérience physique (Lakoff & Turner 1989 : 73). On utilise ces concepts de base pour créer une personnification plus imaginative, qui nous vient cependant automatiquement à l’esprit. Ainsi, la Faucheuse apparait de la métaphore de base LES HOMMES SONT DES PLANTES (ils grandissent, vivent jusqu’à l’âge mûr, etc.) qui est ensuite alliée aux concepts de la culture et la moisson (Lakoff & Turner 1989 : 74). Aussi, par

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exemple, on dit écoute ton cœur quand on utilise la métaphore de base que les actions des gens sont contrôlées par d’autres forces, et quand on l’allie aux concepts de doute et de conseil.

3.5. La métaphore – non une ressemblance, mais une identité des relations

Il était déjà établi que notre motivation d’utiliser les métaphores est basée sur la facilité qu’elle crée dans la compréhension des concepts abstraits parce qu’elle nous permet de lier deux ou plusieurs concepts différents pour comprendre le plus abstrait d’entre eux.

Selon Ungerer et Schmid, les métaphores ont cessé d’être des figures ornementales de la parole : elles sont devenues les outils conceptuels importants (xiv) qui nous permettent de conceptualiser et de parler de nos expériences ainsi que des sujets complexes comme la société, la politique, etc. Le secret est dans le pouvoir qu’ont les métaphores pour établir des structures non seulement au niveau lexical, mais aussi au niveau cognitif (ibid.). En outre, non seulement elles nous aident à conceptualiser la réalité, mais on peut aussi dire qu’elles la définissent (Feinstein 45) et construisent le sens (Feinstein 48). Selon Feinstein, la métaphore nous permet, ou plutôt nous incite à regarder au-delà du littéral, à générer des associations et de toucher des niveaux nouveaux, différents, ou plus profonds du sens (45). À travers le processus métaphorique, nous réorganisons et vivifions les sens ; leurs natures souvent disparates peuvent donc être synthétisées, condensées et étendues (ibid.).

Cependant, si l’on considère que la métaphore ne dit pas qu’une chose est commeune autre chose, mais qu’une chose est une autre chose (« comparaison comprimée8», comme l’appelle Charles O. Hartman (329)), on peut se demander – la métaphore, est-elle un mensonge logique ? Hartman en écrit en 1982 : la métaphore ne signale pas la similarité, mais déclare audacieusement l’identité (328). A est vraiment B, alors le problème est, selon Hartman, évident : si l’on déclare qu’une chose (catégorie) est une autre, on fait une erreur de catégories9(ibid.). Donc, la métaphore ne peut pas être un outil fiable pour répandre le savoir, car elle nous force à arriver aux conclusions basées sur des fausses prémisses (ibid.). Suite à cette remarque, on peut se demander pourquoi, donc, les métaphores sont si souvent utilisées, et sont parfois même nécessaires10? L’argument de Hartman concernant ce dilemme est que les métaphores contiennent plus d’information qu’une simple équation A=B (331). Il ne s’agit

8Orig. anglais compressed simile.

9Orig.anglaiscategory mistakes.

10Ortony, Andrew. “Why Metaphors Are Necessary and Not Just Nice”. Educational Theory, vol. 25, 1975, pp.

45-53.

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pas de l’identité des catégories en tant que telles, mais de l’identité de la relation entre les catégories. Par exemple, quand on dit mon amour est une rose, on pense plus que love = rose (ibid.). La question n’est pas de l’amour étant une rose, mais plutôt de la relation entre le locuteur, son amour, et une rose. Ainsi, Hartman propose l’équation suivante (ibid.):

mon amour une rose --- = ---

moi moi

On peut l’interpréter de la façon suivante : mon amour est à moi/fait à moi ce qu’une rose est à moi/fait à moi. C’est cette relation entre catégories différentes qui nous permet de faire des liens nécessaires pour extraire les sens derrière des choses les plus dissimilaires (Hartman 327). Par conséquent, la métaphore devient une structure de relations (Hartman 334) qui détache l’action des choses et l’attache aux choses nouvelles (ibid.).

3.6. Le pouvoir de la métaphore de transmettre l’expérience

Avec l’analyse mentionnée au-dessus, Hartman a réussi à déconstruire la raison pour laquelle la métaphore est nécessaire afin que nous comprenions certains concepts. Dans son article, il fait la conclusion que le rôle de la métaphore n’est pas de nous fournir simplement la connaissance, mais aussi de connaître ce que nous connaissons ; c’est-à-dire, son rôle est de nous faire comprendre (338). Dans cette section, on parlera de l’expérience comme d’une chose qui, pour être bien transférée et bien comprise, a besoin de la métaphore conceptuelle.

À savoir, quand nous voulons parler de notre expérience à quelqu’un, nous ne pouvons pas le faire directement. Autrement dit, on ne peut pas littéralement transférer l’expérience.

Conséquemment, nous devons le faire en utilisant certains moyens, dans ce cas la langue et la métaphore.

La réalité de nos expériences existe en soi, et pour la communiquer à travers la langue on doit mettre une entité (l’expérience) dans une autre entité (le message) à travers un intermédiaire (la langue). L’origine en tant que telle de la métaphore suggère la notion de transfert, car le mot grec « metaphorá » signifie « transport » (Encyclopaedia Universalis). La notion de transfert présuppose que certains aspects de l’expérience en tant que telle seront changés, perdus même. À savoir, nous ne pouvons pas simplement faire quelqu’un sentir notre expérience, on peut seulement espérer que le langage qu’on utilise suffira pour

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transférer le maximum d’expérience à une autre personne. C’est ici que la métaphore entre en jeu, car, selon Feinstein, de nombreux aspects de l’expérience sont innommables dans le discours ordinaire ; la métaphore, dans la mesure du possible, comble cet écart (48). De plus, dit Feinstein, afin de comprendre l’expérience, on doit premièrement l’extraire et le transformer en un symbole (46), et puis, pour le transférer aux autres, le retransformer en une langue ou un système de symboles (ibid.), car l’expérience en tant que telle est inexprimable.

Un auteur des auteurs les plus importants qui a étudié la manière dont la métaphore se substitute à l’inexprimabilité de l’expérience est Andrew Ortony. Il souligne le fait que les expériences n’arrivent pas dans de petits paquets discrets (1975 : 46), mais dans des circulations continues qui nous conduisent entre différents états (ibid.). C’est pourquoi il est nécessaire que les mots soient assez flexibles pour couvrir tous les aspects des expériences (ibid.). Les expériences sont des continuités dans le domaine temporel ainsi que dans le domaine référentiel (ibid.). Alors, cette continuité entière des expériences nécessite que tous ses aspects soient dénotés par des mots utilisés, d’où la nécessité d’avoir recours à la métaphore dans la communication linguistique (ibid.).

En conséquence, l’utilisation du langage et de la logique pour transférer les expériences signifie l’utilisation des symboles discrets pour transférer une sorte de continuum (ibid.). À cause de cela, ce système des symboles discrets échoue souvent à capturer littéralement tous les aspects possibles de l’expérience que nous voulons décrire (ibid.). Selon Ortony, cette insuffisance est remplie de métaphores (ibid.), et il fait une liste de trois traits de la métaphore qui lui permettent de transférer l’expérience avec succès : sa compacité11, sa capacité de nommer les choses innommables, et sa vivacité12. Le trait premier, la compacité, réfère à la capacité qu’a la métaphore de préciser un ensemble des caractéristiques en un ou deux mots (Ortony 1975 : 49). Autrement, avec un langage plutôt littéral, ces caractéristiques nécessiteraient une longue liste de caractéristiques individuellement précisées (ibid.). Le deuxième trait réfère au pouvoir de la métaphore d’exprimer une chose qui ne peut pas être dépeinte littéralement, c’est-à-dire des choses abstraites comme les pensées ou les émotions (ibid.). Le troisième trait, la vivacité, apparaît comme la conséquence des deux premiers traits (Ortony 1975 : 50) et elle concerne le fait que la métaphore transfère toutes les particules de l’expérience beaucoup mieux que ses équivalents non-métaphoriques, simplement parce que le domaine source transfère la bande entière de l’expérience de base (ibid.). Une représentation analogue des attributs totalement discrets (ibid.) remettrait en cause des

11Orig. anglais compactness.

12Orig.anglais vividness.

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nombreux détails de l’expérience transférée, et la métaphore échappe à ce danger (ibid.). À travers le domaine source (l’expression), elle réussit à transférer l’expérience avec une vivacité des détails qu’il serait impossible de transférer en utilisant le langage non- métaphorique (ibid.).

3.7. La métaphore e(s)t la réalité

Aujourd’hui, il est bien connu que les médias sont là pour informer, mais aussi pour influencer le public. Le lecteur qui n’est pas directement lié aux événements en question doit pouvoir imaginer ce qui s’est passé. Cela signifie que les médias vont avoir beaucoup de liberté pour présenter les événements selon leurs propres affinités, à condition que les informations concrètes (le jour, l’heure, etc.) restent exactes. Cette liberté conduit souvent aux descriptions métaphoriques (Shah 2008 : 9) qui permettent à l’auteur de construire la forme du discours sur un certain événement ou un certain sujet. Selon Shah, la description métaphorique n’est pas une réflexion sur la réalité, mais elle a plutôt une fonction de construire la réalité en définissant ses traits distinctifs (2008 : 15). Par l’utilisation de la métaphore, l’informateur fait bon usage du pouvoir de la métaphore d’évoquer les possibilités d’imagination (ibid.), ce qui est le plus important quand le lecteur n’est pas directement lié à l’événement en question.

4. L’analyse des métaphores dans les textes journalistiques

Dans cette partie analytique, on prendra les textes choisis parlant des attaques du 13 novembre 2015. Les articles sont choisis s’ils comportent des métaphores, ce qui signifie que les articles strictement informatifs ne sont pas inclus dans l’analyse, parce que j’ai trouvé que la plupart des métaphores se trouve dans des textes écrits après les attaques. Les articles sont groupés selon leur appartenance aux journaux d’orientation gauche ou orientation droite, et là- dedans ils sont classés par la période où l’on les a écrits. Ainsi, on pourra analyser la manière dont les deux groupes des journaux utilisent la métaphore et s’il y a de différences et de similarités entre ces groupes. Les témoignages directs ne sont pas exclus de l’analyse, car ils sont aussi des sources importantes de l’expression métaphorique. En plus, les métaphores dans les témoignages montrent de quelle manière elles sont utiles pour parler des expériences subjectives et de nos émotions.

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4.1. Les journaux d’orientation gauche 4.1.1. Le Monde

4.1.1.1. En 2015

a. « Cette nuit, la ville aussi, ils l’ont tuée» (Aubenas, 2015).

- La personnification de la ville de Paris.

b. «Les nouvelles des attaques se sont diffusées au fil des heures, au son des sirènes et des ambulances. » (Ibid.)

- La métaphore structurelle LA COMMUNICATION EST UN CANAL, où l’on perçoit la communication comme un canal. On peut faire le lien ici entre cette métaphore et la métaphore du conduit de Reddy, qui était le premier à démontrer comment on utilise la métaphore structurelle dans la vie quotidienne.

c. « La presse internationale rendait compte samedi matin de l’onde de choc qui a frappé la Francevendredi soir » (« Attaques à Paris vues de l’étranger »).

- Deux métaphores : l’onde de choc est la métaphore structurelle UN ÉTAT EST UN MOUVEMENT ÉLÉCTRIQUE, et frappé la France est la métaphore ontologique par laquelle on perçoit la France comme une entité.

d. « Au lendemain des attentats qui endeuillent la France, la presse internationale se faisait l’écho de la tragédie qui a fait au moins cent vingt mortsvendredi soir à Paris, évoquant‘une nuit d’horreur’[…] » (ibid.)

- La première expression et la deuxième expression sont des métaphores ontologiques d’entité. Les attentats et la France sont conceptualisés comme entités dans la première expression, de même que la tragédie (qui fait quelque chose) dans la deuxième expression.

- La dernière expression est la métaphore structurelle UN ÉVÉNEMENT NÉGATIF EST L’HORREUR.

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e. « Anne Hidalgo s’est déplacée aux alentours du Bataclan pour exprimer sa douleur, remercier les forces de l’ordre et apporter son soutien aux victimes et à leurs familles. » (« Anne Hidalgo », 2015)

- Les deux expressions sont les métaphores ontologiques d’entité. La douleur est une entité exprimable, et le soutien et un objet qu’on peut apporter à quelqu’un.

4.1.1.2. Après 2015

a. « Un an après les attentats du 13 novembre 2015, ‘le fantôme du terrorisme plane toujours’ » (Bouanchaud, 2016).

- La métaphore ontologique, où le concept de terrorisme est conceptualisé comme une entité, notamment un fantôme.

b. «Le sentiment de l’habitude n’efface pas celui de l’insécurité. » (Ibid.) - La métaphore ontologique d’entité et la personnification.

c. « Comment retrouver la légèreté ? » (Ibid.)

- La métaphore ontologique d’entité (la légèreté est perçue comme une entité à trouver).

d. « Comment surmonter ma peur ? » (Ibid.) - La métaphore ontologique d’entité.

e. « […] le souvenirde ce vendredi 13 novembre reste vif. […] Si le sentiment de sidération est passé, laissant place à celui de l’habitude, la vie n’a pour autant pas repris son cours 'normal'. » (Ibid.)

- La première expression est la personnification : le concept du souvenir est perçu comme vivant.

-Le sentiment qui passe, laissant la place à un autre sentiment, c’est un exemple de la métaphore ontologique par laquelle on conceptualise les concepts abstraits comme les entités qui passent dans la dimension de l’espace et du temps.

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- La troisième expression est une personnification du concept de vie, qui doit reprendre son cours.

f. « […] ’vivre avec’ le terrorisme, avec ces attaques venues chambouler toute la sphère de l’intimeet les habitudes qui la composent. » (Ibid.)

- Vivre avec terrorisme est un exemple de la métaphore ontologique où le terrorisme est une entité qui nous suit dans la vie quotidienne.

- Ces attaques venues chambouler toute la sphère de l’intime et les habitudes qui la composent est construit de plusieurs métaphores ontologiques. Les attaques sont une entité personnifiée. Puis, la sphère de l’intime est une autre entité, chamboulée par les attaques. La sphère de l’intime est une troisième métaphore d’entité, par laquelle on perçoit la partie intime de notre vie comme une sphère. Enfin, cette sphère est composée de plusieurs parties – les habitudes.

g. «L’onde de chocressentie a été d’autant plus forteque les liens géographiques, temporels, affectifs ou sociétaux établis avec les victimesétaient ténus. » (Ibid.)

- La première expression est la métaphore structurelle UN ÉTAT EST UN MOUVEMENT ÉLÉCTRIQUE.

- La deuxième expression est la métaphore ontologique où l’on crée des liens abstraits avec d’autres personnes.

h. «Les termes ‘innocence perdue’,‘insouciance envolée’ou encore‘légèreté oubliée’ reviennentsouvent. » (Ibid.)

- Une double métaphore : les termes sont une entité personnifiée (ils reviennent), alors il s’agit de la métaphore ontologique. Les termes eux-mêmes sont aussi des exemples de la métaphore ontologique, car les trois concepts abstraits sont conceptualisés comme des entités à perdre, envoler, ou oublier.

i. « ‘Quand je vais à un concert, je ne me sens plus comme à la maison. »

- Se sentir comme à la maison, un exemple de la métaphore ontologique par laquelle on relie le sentiment de confort au sentiment d’être à la maison.

j. «Retrouvons l’espritdu 11 janvier 2015 » (Reibenberg, 2017).

- La métaphore ontologique d’entité, ou d’objet.

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k. «Sans peur ni haine, les Français doivent sortir d’une forme de passivité, le meilleur hommage que l’on peut rendre aux victimes est de réaffirmer que la barbarie n’a pas gagné nos cœurs. » (Ibid.)

- Les deux premières expressions sont des métaphores ontologiques d’entités. On perçoit la peur et la haine comme les entités qu’on peut avoir ou pas. La passivité est perçue comme un contenant qui, en plus, existe sous différentes formes.

l. « 13 novembre 2015, tout le monde ne le sait peut-être pas encore, mais cette nuit terrible nous marquera touset pour toujours. » (Ibid.)

- La métaphore ontologique d’entité et la personnification.

m. « En attendant, c’est notre rapport collectif à cette date […] qui dessine aujourd’hui le tableau de ces événements. Un tableau pas très net, bourré de maladresses et de gaucherie, qui donne comme un immense sentiment de gâchis et de temps perdu. Parce que nous privilégions trop systématiquement l’émotion à la raison. » (Ibid.)

- La partie avec le tableau est la métaphore structurelle LES ÉVÉNEMENTS SONT DES TABLEAUX. Cette une métaphore qui nous permet d’avoir une image qui réunit tous les événements dans un même endroit – le tableau.

- La dernière expression est la métaphore ontologique où l’émotion et la raison sont des entités. C’est un bon exemple de notre conceptualisation des émotions qui sont en bas, et la raison en haut.

n. « Ils sont trahis par leurs émotions. C’est leur émotion qui parle. C’est le vertige du nombre de victimes et le trouble né du huis clos infernal qu’ont vécu les gens pendant des heures insoutenables. » (Ibid.)

- Dans la première et la deuxième phrase, il s’agit de la personnification des émotions.

-Le vertige du nombre appartient à la métaphore ontologique par laquelle on perçoit le nombre comme un vertige.

-Le trouble né appartient à la métaphore conceptuelle d’entité.

- Huis clos infernal appartient à la métaphore structurelle UN ÉVÉNEMENT NÉGATIF EST L’ENFER.

o. « Comme beaucoup, j’avais les larmesaux yeux et au cœur. » (Ibid.)

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- La métaphore ontologique de contenant (le cœur est un contenant).

p. « Ce ne sont pas les assaillants qui ont parlé les derniers avec leurs armes, c’est nous, avec notre cœur et notre raison. » (Ibid.)

- La métaphore ontologique d’objet (le cœur et la raison sont des outils qui nous aident à parler).

q. « Rien qu’un peuple assis devant un tsunami d’images véhiculant de l’émotion, du saisissement et de l’effroi. Est-ce là tout ce que nous avons à nousoffrir, la peur? » (Ibid.)

- La première expression est la métaphore structurelle UN ENSEMBLE EST UNE FORCE DE LA NATURE.

- La deuxième expression est la métaphore ontologique d’objet (on peut offrirla peur).

r. « Ceux qui ont fabriqué les tueurs[…] » (ibid.).

- La métaphore structurelle LES HOMMES SONT DES MACHINES, où un type de personnes est perçu comme étant fabriqué par quelqu’un.

4.1.2. Le Nouvel Observateur (L’Obs) 4.1.2.1. En 2015

a. « La prise d'otages au Bataclan vire au bain de sang. » (L’Obs, « Attentats à Paris », 2015) - La métaphore structurelle LA VIOLENCE/LE MEURTRE EST LE SANG par laquelle on visualise l’événement comme un bain de sang pour créer l’esthétisation d’un massacre.

b. « Ils étaient armés avec de gros fusils, j'imagine que c'est des kalachnikovs, ça faisait un boucan d'enfer. » (Ibid.)

- La métaphore structurelle par laquelle on projette le concept de l’enfer sur le concept du bruit que les fusils faisaient. Le concept d’Enfer biblique fait partie intégrante de notre culture et porte toujours la signification de quelque chose de diabolique, d’apocalyptique, de douloureux, etc.

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c. «Paris a été frappé […]» (ibid.).

- La métaphore ontologique, notamment la personnification, par laquelle on conceptualise la ville de Paris comme une personne qui a été frappée, bien que Paris soit seulement l’endroit où l’événement s’est passé.

4.1.2.2. Après 2015

a. « C’est une personne vulnérable, il n’est pas prêt à affronter la réalité de ce qu’il a fait, ni la prison, qui l’attend. […] Il y a une fragilité psychologiqueen lui. […] Il faut utiliser cette vulnérabilité, c’est la faille dans laquelle il va falloir s’engouffrer. » (Deffontaines, 2016)

- Les métaphores dans la première phrase sont des exemples de la métaphore ontologique, notamment de la personnification, par laquelle on perçoit le concept de la réalité comme une personne à affronter. On peut aussi dire que cette « personne » aurait l’autorité sur celui qui doit l’affronter. Aussi le concept de la prison est-il présenté comme une personne qui attend l’assaillant.

- La deuxième phrase présente la métaphore ontologique L’ESPRIT EST UN OBJET, par laquelle on conceptualise notre psyché comme une chose qui peut être forte, faible, cassée, fragile, etc.

- Dans la troisième phrase, on trouve la métaphore ontologique par laquelle on peut utiliser la vulnérabilité de quelqu’un comme si elle était un objet. La deuxième expression métaphorique appartient à la métaphore structurelle UN PROCESSUS EST UNE FAILLE, par laquelle on projette le concept d’une faille dans laquelle on peut s’engouffrer sur le concept abstrait de processus.

b. « Beaucoup de points sontencore obscurs. » (Ibid.)

- La métaphore structurelle L’IGNORANCE EST OBSCURE/LA CONNAISSANCE EST CLAIRE, par laquelle on perçoit ce qu’on ne connait pas comme étant dans l’obscurité.

c. « Après, savoir dans quel état d’esprit ils étaient juste avant de commettre les attentats…

[…] Pour moi, ils ont tellement perdu toute forme d’humanité! » (Ibid.)

- La première phrase comporte une métaphore ontologique, on peut dire la personnification, par laquelle on conceptualise les pensées, la motivation, les idées et d’autres parties de l’esprit comme ayant différents états.

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- La deuxième expression métaphorique est aussi une instance de la métaphore ontologique, car on conceptualise l’humanité de quelqu’un comme une entité qui peut avoir une forme et qu’on peut perdre. Cette métaphore sert à présenter les assaillants comme inhumains.

d. « […] des tatouages pour panser les plaies» (L’Obs avec AFP, 2017)

- La métaphore structurelle L’ESPRIT EST UN CORPS par laquelle on conceptualise des événements négatifs et marquants en termes des plaies physiques qu’on peut panser. Par cette métaphore, on souligne l’effet douloureux et violent des événements en question.

e. « Des dizaines de rescapés du 13-Novembre 2015 se sont fait tatouer pour se souvenir, porter le deuil, réapprendre à vivre. » (Ibid.)

- Les deux expressions appartiennent à la métaphore ontologique dans laquelle le deuil est un objet qu’on peut porter, et la vie est un processus qu’on apprend ou réapprend à faire.

f. « Après avoir été ‘ensevelie’ dans la fossedu Bataclan, Laura Levêque avait ‘l’impression de se balader avec des corps sur les épaules en permanence : autant l’inscrire’ sur la peau. A 32 ans, elle a ‘récupéré [son] corpset transformé l’horreur en beau’. » (Ibid.)

- Dans son témoignage, Laura Levêque, présente au Bataclan cette nuit-là, parle d’être ensevelie dans la fosse pour souligner le sentiment de la mort qu’elle avait comme une des survivants. Ensuite, elle décrit le sentiment comme une balade avec des corps. Cette métaphore, on peut l’appeler LES MORTS SONT VIVANTS, est assez appropriée pour le but d’esthétisation de l’événement, ainsi que pour la description d’une expérience très subjective.

- Dans la deuxième phrase, on trouve deux métaphores ontologiques. La première parle du corps qu’on peut récupérer bien qu’il soit toujours là, et la deuxième conceptualise les concepts opposés, l’horreur et le beau, comme deux entités qui peuvent se transformer l’un en l’autre.

g. « Quand on a été blessé ‘que’ psychologiquement, on a l’impression de ne pas être une victime parce qu’on ne porte pas sur nous les traces de notre présencece soir-là. » (Ibid.)

- La métaphore ontologique par laquelle on perçoit le concept abstrait de présence comme une entité qui laisse des traces sur nous. Ici, cette expression souligne le fait que les gens présents le 13 novembre sur les lieux des attentats diffèrent des autres gens qui n’étaient pas là.

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h. « […] ‘malgré l’horreur de ce soir-là, il y a encore des belles choses à vivre’. » (Ibid.) - La première expression est un autre exemple de la liaison du concept d’horreur au 13 novembre 2015. La deuxième est une métaphore ontologique qui dit qu’on peut vivre les choses, notamment des choses belles.

i. « Comme s'il n'y avait, derrière le geste ignoble des terroristes djihadistes, aucun agenda politique, aucune motivation. Comme si ces attentats avaient été l'expression d'une forme de fatalité, tout simplement. » (Croissandeau, 2017)

- La première expression comporte une métaphore ontologique qui exprime notre conceptualisation des choses abstraites comme étant en relation physique avec nous ; ainsi, les motivations et les pensées des djihadistes en question peuvent être derrière le geste.

- La deuxième est aussi une métaphore ontologique, car on perçoit le concept de fatalité comme ayant une forme.

j. «Ecrire l'histoire d'un pays sur ses monumentssuppose pourtant qu'on accepte de regarder la réalité en face. » (Ibid.)

- La première expression appartient à la métaphore structurelle L’HISTOIRE EST UN LIVRE, et les pages du livre, dans ce cas, sont des monuments en France. On peut l’analyser en termes de son structure en disant que les fentes de PAGES dans le schéma de LIVRE sont remplies par MONUMENTS.

- La deuxième expression est une métaphore ontologique de la personnification. On perçoit la réalité comme une personne qu’on doit confronter, regarder en face.

k. « […] [S]ont là de réelles et salutaires préoccupations, en particulier dans un pays où le corps social a tenu le chocaprès les attaques […] » (ibid.).

- Cela est une double métaphore : la première est une métaphore ontologique LA SOCIÉTÉ EST UNE ENTITÉ PHYSIQUE, par laquelle on conceptualise la notion abstraite de société comme ayant une forme physique, qui dans ce cas est le corps. Puis, la deuxième métaphore est une métaphore ontologique par laquelle une société comme entité tient le choc, qui est en réalité une notion liée à l’esprit.

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