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Se sentir en mauvaise santé n’est pas de bon aloi

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2206

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

9 novembre 2011

actualité, info

avancée thérapeutique

C’est une bien curieuse étude que vient de publier une équipe fran­

çaise sur le site de la revue Neuro- logy.1 Triplement curieuse : par ses présupposés, ses résultats et les interprétations qu’en tirent ses auteurs. On ajoutera à la liste les conséquences qu’ils en tirent, les questions que tout ceci soulève.

Résumons.

Ce travail a été dirigé par Annick Alpérovitch et Christophe Tzourio de l’Unité neuroépidémiologie de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Située au sein de l’Hôpital de la Salpêtrière (Paris), cette unité mène des recherches qui ont pour objectif principal d’identifier les facteurs de risque (environnement, facteurs biologiques et géné tiques) de pathologies neurologi­

ques majeures (accidents vasculaires cérébraux, dé­

mences, maladies de Creutzfeldt­Jakob et de Par­

kinson). Ces recherches s’appuient notamment sur des études en population générale, grandes cohortes avec collection d’échan­

tillons biologi ques, comme l’étude de cohorte lancée en 1999 dite «cohorte 3 C» (pour les «trois cités» – Bordeaux, Dijon et Mont­

pellier – où elle est conduite).

C’est précisément sur la base de cette étude 3 C que s’articule le projet scientifique principal qui mobilise l’ensemble des chercheurs de l’équipe parisienne : explorer les relations entre facteurs de ris que vasculaire et survenue d’une pa­

thologie neurologique centrale liée au vieillissement : démence, syn­

drome parkinsonien et accident vasculaire cérébral. Cette cohorte comprend plus de 8000 personnes âgées de plus de 65 ans issues de la population générale et désormais suivies depuis plus de dix ans.

«En l’absence de tout symptôme évocateur, il est difficile d’identifier les personnes à risque de démen ce, résume­t­on auprès de l’Inserm.

L’impression d’être en mauvaise santé, indépendamment de l’état de santé réel, pourrait­il être un signal d’alerte, comme pour les maladies cardiovasculaires ?» Sché­

matiquement les chercheurs ont demandé aux participants d’éva­

luer leur état de santé au début de l’étude en 1999­2001, puis ils les ont suivis en moyenne durant six ans pour dépister notamment une démence d’origine vasculaire ou une maladie d’Alzheimer.

Comme on pouvait s’y attendre, les patients «autodéclarant» une mauvaise santé avaient globale­

ment un plus grand risque de mor­

talité lors du suivi. Mais l’Inserm ajoute qu’un fait nouveau est ap­

paru : les personnes déclarant une santé mauvaise ou moyenne avaient un plus grand risque de devenir démentes lors du suivi et notam­

ment un risque 48% plus élevé de développer une maladie d’Al­

zheimer. Ce résultat est, en outre, d’autant plus marqué qu’elles ne se plaignaient pas de troubles de

mémoire, n’avaient pas de dépres­

sion ou de handicap.

Plus précisément, pendant les 46 990 personnes­années de suivi, 618 participants ont développé une démence. Le risque de démen­

ce était augmenté de 70% chez les participants estimant être en mau- vaise santé et de 34% chez ceux qualifiant cette santé de passable.

Ainsi, l’auto­évaluation de la santé pourrait être «un facteur prédictif de la démence chez les participants sans plaintes cognitives ou sans handicap fonctionnel.»

«L’explication la plus vraisembla­

ble de cette observation, explique Annick Alpérovitch, est que le fait de se déclarer en mauvaise santé sans raison serait associé à un trouble plus général du compor­

tement, se traduisant par un repli et une baisse des interactions so­

ciales et des activités de l’individu.

Or, ce repli est connu pour être un accélérateur du processus clini que aboutissant à la démence.» Cause ou conséquence ? Explication la plus vraisemblable ne veut pas dire démontrée. Qu’importe : quelle que

soit l’explication, soulignent les auteurs, cette découverte a des con séquences pratiques importan­

tes. «Les généralistes devraient s’aider de cette question toute simple pour être alertés d’un ris­

que possible de démence future chez les personnes disant avoir une mauvaise santé, a fortiori, si ces personnes n’ont aucun symp­

tôme évocateur de début de dé­

mence» ajoute l’Inserm.

«Avoir des gens qui évaluent leur propre santé peut être un outil simple pour les médecins, pour déterminer le risque de démence d’une person ne, en particulier pour les personnes ne présentant aucun symptôme ou des problè­

mes de mémoire» souligne en écho Christophe Tzourio.

On se gardera bien, ici, de formu­

ler des critiques sur la méthodolo­

gie retenue, sur l’obtention des ré­

sultats et sur leur interprétation.

La notoriété de l’équipe de l’Inserm comme celle de Neurology ne lais­

sent ici guère place au doute. On ne peut pour autant ne pas s’inter­

roger sur le message qui nous est livré. Partant d’un ressenti de per­

sonnes âgées de 65 et plus quant à leur état de santé, la surveil lance neuroépidémiologique associée à une machinerie statistique en vient à une étrange conclusion en forme de pressentiment ou de syllogisme.

Je ne me sens pas bien, mes bilans de santé ne sont pas anormaux, c’est donc que je suis malade.

On peut sans doute le formuler autrement, de manière plus savan­

te, mais on en revient toujours à ceci : «L’impression d’être en mau­

vaise santé, indépendamment de l’état de santé réel» est associée à un risque plus élevé de 70% d’être touché par une démence. Cette impression conduit­elle véritable­

ment à un repliement sur soi, qui lui­même évoluerait vers une perte massive d’autonomie ? Si oui, com­

ment le démontrer autrement que par des chiffres ? Et en postulant que le fait soit acquis, en quoi les médecins généralistes devraient-ils s’aider de cette question toute simple ? Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Se sentir en mauvaise santé n’est pas de bon aloi

1 Montlahuc C, Soumaré A, Dufouil C, et al.Self-rated health and risk of incident dementia : A community-based elderly cohort, the 3C study. Neurology 2011;77:

1457-64. www.neurology.org/content/

early/2011/10/ 05/WNL.0b013e31823 303e1.abstract

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