A NNALES DE L ’ UNIVERSITÉ DE G RENOBLE
C HARLES B LANC
Sur les équations différentielles linéaires non homogènes, à coefficients variables
Annales de l’université de Grenoble, tome 22 (1946), p. 119-134
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Sur les équations différentielles linéaires
non
homogènes,
àcoefficients variables
par Charles BLANC
(Lausanne).
La recherche d’une
intégrale particulière
d’uneéquation
différen-tielle linéaire non
homogène
seréduit,
si l’on connaîtl’intégrale générale
del’équation homogène correspondante,
à desopérations algébriques
et à desquadratures.
Cettefaçon
deprocéder
est irré-prochable quant
à larigueur,
elleprésente cependant
l’inconvénient très sensibled’exiger
aupréalable l’intégration
del’équation
sanssecond
membre, puis
ensuite des calculs engénéral
assezlongs,
sanspour cela mettre en évidence le
comportement
desintégrales.
Parexemple,
sil’équation
considérée résulte de l’étude d’unphénomène
se déroulant sous l’effet d’une force extérieure dans un
système
amorti,
onpeut
facilementprésumer
que l’état dusystème,
à uninstant
donné, dépend
essentiellement de la valeur de la force à cetinstant et aux instants immédiatement
antérieurs ;
c’est-à-direqu’on peut prévoir qu’il
existe uneintégrale qui s’exprime
par unesérie
procédant
suivant les dérivées successives parrapport
autemps
decette
force,
alors que la méthode de la variation des constantes donneen fin de
compte
une solution del’équation
par uneintégrale
définiecontenant la force.
J’ai
donné (1)
une solution duproblème
pour le cas oùl’équation
est à coefficients constants, le second membre
pouvant
être discon-tinu.
L’intégrale particulière
est alors la somme d’undéveloppement
limité,
d’où l’ontire,
par passage à lalimite,
une série. Les condi-(t) Ch. BLANC, Sur les équations différentielles linéaires non homogènes, à coefficients
constants, Comment. Math. Helv., I9 (ig46), 61-~ t. ’
tions de validité énoncent, sous une forme
précise,
le fait suivant :le
système
doit être assez amorti pour « suivre » les variations de la force extérieure.On étudiera ici le cas d’une
équation
à coefficientsvariables ;
onse bornera au cas où le second membre est continu et
dérivable,
mais on considérera aussi le cas où les coefficients sont des fonctionsdiscontinues,
avec discontinuités depremière espèce.
On commencepar établir
(théorème i)
une relationqui
donne par uneintégrale
définie la solution cherchée de
l’équation
différentielle. Puis on passe de cetteexpression
à undéveloppement
limité(11),
dont le théo-rème 2
donne,
avec les conditions devalidité,
le passage à la limitesous forme d’une série.
On compare ensuite la
valeur,
à l’instant t, de la solution trouvée et celle de la solution del’équation
linéaire à coefficients constantsdont les coefficients seraient
égaux
à ceux del’équation
donnée, àl’instant considéré. Ces deux solutions diffèrent d’une certaine quan- tité dont une évaluation est donnée dans le cas
général
parl’inéga-
lité
(23), qui
se réduit à(24)
si le second membre est une exponen- tielle.La validité des relations obtenues repose sur des
hypothèses
relatives au
comportement asymptotique
desintégrales
del’adjointe
de
l’équation
donnée. On connaîtdéjà
des critèrespermettant
dedéterminer ce
comportement
àpartir
des coefficients de1 équation,
ces critères concernent toutes les
intégrales
del’équation,
ils nedonnent donc que l’ordre
exponentiel
de la décroissance ; on démontre ici(théorème 3)
un critèreplus précis :
ils’agit
d’uneinégalité (3o)
pour lavaleur, lorsque t to -I- i,
d’uneintégrale
fixée par des conditions relatives à
t~,
et celaindépendamment
duchoix
due 1,
on a ainsi un critère d’uniformité pour lecomportement asymptotique
desintégrales.
i. Considérons une
équation
différentielle linéairela variable t étant
toujours
réelleici,
on suppose que10
a,,(t)
estréelle, continue,
etpossède
une dérivéecontinue ;
deplus ar(t)
- 1 ; ;. 20
F(t)
estintégrable,
réelle oucomplexe,
bornée.Considérons d’autre
part l’opérateur adjoint
à D :on a la relation de
Lagrange
avec
Introduisons maintenant deux fonctions
K(t, T)
etK*(t, r)
avec(l’indice placé après
D et D*indique
la variable surlaquelle
onopère) :
Lemme: On a la relation de
symétrie
E,n
effet,
par(3),
d’où,
enintégrant cie t1
âtz,
en
explicitant
cesfonctions,
et en tenantcompte
des conditionsimposées
à K et à K~, on obtientet
le lemme est ainsi démontré.
2. Levons maintenant
l’hypothèse
que nous avons faite sur la continuité des coefficientsa.,(t)
del’équation (t) ;
d’unefaçon plus précise,
supposons que lesav(t)
sont continus et fois dérivablesexcepté
sur un ensemble discret depoints,
où on a des disconti- nuités depremière espèce.
On posera, si on a une discontinuitépour t = tL-.
On définit
K(t, or)
commeplus haut,
ensupposant
cette fonctioncontinue en t ainsi que ses
(N - i) premières
dérivées.L’opérateur
D* a encore un sens pour tout
t ~ Ik,
et on a, si l’intervalle fermé(a, b)
ne contient aucune discontinuitétk,
où
L(u, v)
est défini commeplus
haut. Pour éviter touteambiguïté,
posons encore
alors,
sitk
ettk+1
sont deux discontinuitésconsécutives,
d’où,
si l’on supposeu(t)
etv(t)
continues et pourvues de dérivées continuesjusqu’à
l’ordre(N
-i),
enfin,
pour un intervallequelconque (a, b)
on ala somme étant étendue aux indices k avec
a tk C
b.On
peut
dès lors passer à la définition de la fonctionK~(t, z).
On123 la suppose continue en t, ainsi que ses
(N - i ) premières dérivées,
pour t
:~- ;
en outre D*K* == o, etOn a alors
et,
puisque
laparenthèse
crochet est nulle par les conditions(6),
or on
a, comme plus haut,
d ou
Ainsi le lemme est encore valable
lorsque
les coefficients de l’é-quation (i) présentent
les discontinuitésenvisagées ici,
pourvu quel’on définisse la fonction K~ comme il vient d’être fait.
Si,
enparticulier,
les coefficients del’équation (i)
sont constantspar
intervalle,
les relations(6)
sesimplifient
un peu ; si l’on poseil
vient, puisque -,,,(0)
~ o par la dernière des relations(6),
124
Le
systèmes (6)
et(~) peuvent
se résoudre deproche.
enproche,
en
partant
del’équation correspondant
à laplus grande
valeurdep
4,on remarque
qu’ils
ne contiennent pasexplicitement
le coefficienta,,(t), si
ce coefficient est le seul àprésenter
unediscontinuité,
la fonctionK*(t, r)
et ses(N - i) premières
dérivées sont continues ent pour t =
t,~.
3. Théorème 1. - Si l’on a, en
reprenant
leshypothèses faites
auno 2 sur
l’équation (1),
pour tout z > o,lorsque
la variable t reste dans un intervallefermé
donné(A,
pou-vant
dépendre
de cetintervalle),
alors lafonction
de test une
intégrale
del’équation ( 1 ).
’Démonstration : en
remplaçant
T par t - T, il vientPar
l’hypothèse
faite surK*,
lapremière intégrale
converge uni- forménent en 1; enappliquant l’opérateur
D à cette fonction de t, ilvient, puisqu’il
est alorslégitime
depermuter l’intégration
par rap-port
à T et la dérivation parrapport
à t,et cette
intégrale
est nullepuisque
Posons d’autre
part
on a
125
or
donc
cette relation
ayant
lieupour tout
t dans l’intervalleconsidéré,
ona bien
et le théorème en résulte sans autre.
4.
Développement limité de u(t). -Posons,
avec J~s ] - p,cette
intégrale
converge uniformément en s, dans tout ledemi-plan
Rs
> - ~
p -he, avec E > o ; onpeut
donc dériver parrapport
à s,d’où
Introduisons alors la fonction de T, où t et s
joueront
le rôle de paramètres.supposons
queF(t)
est telle que l’onpeut appliquer
àG(r)
la for-mule du
développement
limité deTaylor :
si l’on
écrit,
pourabréger,
il vient
126
ou encore, en tenant
compte
de la relation(10),
avec
5. Passage à une série. -
Si,
pour une valeur déterminée de s,on a lim
Rn(s, t)
~ o, pour des valeurs de t dans un intervallen -?- 00
donné,
onpeut exprimer u(t)
par une série. Il vient en effeton
peut
énoncer enparticulier
le théorème :Théorème 2. - Si
G( 1")
estindéfiniment dérivable,
et si l’on a, pourune valeur de s, pour des valeurs de t dans un intervalle
(a, b),
pour tout T et pour tout n,
avec
alors lim
R,,(s, t)
= o, et la série(13)
a pour somme uneintégrale
den --oo
l’équation (r),
valable dans l’intervalle(a, b).
Démonstration: : en
effet, si 1 G(n)(r) 1
ln, on ad’où
or
donc
127 il vient ainsi
d’où notre affirmation.
Remarque l’hypothèse
faite revient à supposerqu’il
existe unnombre
positif
A°’s + tel que 1 G(n)(,,) 1
C .An,
C étant indé-pendant
de n, maispouvant dépendre
de s et de l’intervalle(a, b).
6. Évaluation de la fonction
Y(s, t).
- Nous supposerons désor- mais que les coefficientsav(t),
ainsi que leurs vpremières dérivées,
sont des fonctions continues. On suppose en outre
qu’il
existe uneconstante
A~, indépendante
de t, avec, pour tout et pour ? > o,On donnera
plus
loin(théorème 3)
un critèrepermettant
dereconnaître dans certains cas que cette
inégalité
est satisfaite. Onpeut
remarquer dès maintenantqu’il
en est certainement ainsilorsque
les coefficients del’équation (i)
sont constants, les racines del’équation caractéristique ayant
leurpartie
réellenégative.
Soit
h(T, t)
la fonctionqui satisfait,
en!, àl’équation
différentielle obtenue enremplaçant
dansl’opérateur
D* les coefficients par la valeurqu’ils prennent
pour la valeur z _-__ t de lavariable,
la fonc- tionA(r, t)
et ses Npremières
dérivées parrapport
à ~ étant, pourz- l,
égales
àK*(-:, t)
et à sesdérivées ;
il suffit du reste que ceségalités
aient lieu pour les(N - ~) premières
dérivées. On poseencore
Appelons cvCt)
les coefficients deD*,
c’est-à-dire queavec
cr,,(I)
-=(-
1.
Cln a ainsi128
étant entendu que l’indice
supérieur (v) représente toujours
la l emedérivée par
rapport
à lapremière variable, remplacée
ici ensuite par t - T.Reprenons l’expression
deY(s, t)
et faisons uneintégration
parparties, légitime
dès que s est tel quel’intégrale converge
absolu-ment. Il vient ainsi
puis,
pour oet enfin
en tenant
compte
des conditions fixantK.*(r, .~)
pour,:, == t. On a des relationsanalogues
enremplaçant
K* par h et Y par J. On entire,
après multiplication
par(-- i),. c,(t)
et sommation parrapport
àl’indice v,
d’où,
en tenantcompte
de la définition de la fonctionh,
On a d’autre
part
puis,
en tenantcompte
desrelations 16) -ef(18),
129 où l’indice v varie maintenant de o à
(N
-i) puisque
CN est constantpar
hypothèse.
Si alors nous introduisons
l’inégalité (i4),
et si nous supposons deplus
queil vient alors
d’où
On a
ainsi,
dès que lesinégalités (14)
et(20)
sont vérifiées,avec
Supposons,
parexemple,
queF(t)
--est alors
et on a
simplement, d’après (i3),
On se trouve dans ce cas si l’on cherche le courant dans un cir- cuit
électrique
àcaractéristiques variables,
soumis à une tension alternative depulsation
M ; on aainsi,
avec s !iw,
avec
la
quantité Y(i«, t)
que l’onpeut appeler
l’admittanceinstantanée,
diffère de laquantité J(i«, t) qui
est l’admittance d’un circuit àcaractéristiques
constantes coïncidant à l’instant t avec le circuit9
130
donné ;
la différence relative entre ces deuxgrandeurs
est la quan-tité qui
satisfait àl’inégalité (24) ;
on voit que cetteinégalité
nefait pas intervenir la
pulsation :
cette différence relative est d’autantplus petite
que l’amortissement estplus grand
et que la variation descaractéristiques
estplus lente,
ce que l’onpouvait
attendre.~. Sur le comportement asymptotique des intégrales de
l’équa-
tion homogène. - On connaît
déjà
de nombreux critèrespermet-
tant
d’indiquer
lecomportement asymptotique
desintégrales
d’uneéquation
différentielle linéaire(z).
Ces critères concernent leplus
souvent l’ensemble des
intégrales,
et nepeuvent
doncpréciser
que l’ordreexponentiel
de cecomportement.
Nous allons établir ici un critère conduisant à uneégalité
du genre del’inégalité (14)
intro-duite au n° 6. Il
s’agit
d’un critère decomparaison.
On considèreune
équation
donnée. et une autre
équation
on fait sur
l’équation (a 6)
leshypothèses
suivantes :10
l’équation (26) possède,
pour t ~tl,
uneadjointe;
soita(t, to) l’intégrale
de cetteadjointe
définie pourto > 1 > ~, tl,
avecpour 1 --
to ;
;2" de
plus,
si on poseil existe deux constantes p et
A~
avec, pour tout t et tout r tels que(2) Voir, par exemple : KAMKE, Differentialgleichungen l, Leipzig, 1942, p. 101-102, ou encore, parmi les ouvrages originaux : 0. PERRON, J. für Math., r1~3 (igt3), p. 25-50 ;
Math. Zeitschrift, J (igi8), p. 2~-43 ; L. CESARi, Annali Pisa (a), g (tg4o), fasc. III,
p. 1-24.
131 30 soit
(, to)
uneintégrale
de(26)
satisfaisant pour1 =-- t.
~a desconditions données
on pose
et on suppose
qu’il
existe une constanteAg
telle que, pourt to > ti,
Écrivons
encorenous pouvons alors énoncer le théorème de
comparaison :
Théorème 3. - Soit c?
(t, to) l’intégrale
del’équation (25) qui satisfait
pour t --to
aux mêmes conditions que~(t, 1,,);
posonscelons si
la
fonction (D(I, 1,,) satisfait
à une mêmeinégalité
queqi°(t, to) ; plus précisément,
on a, pour tout ~ > i, et t >to
>t3,
Démonstration: posons, pour
abréger l’écriture
on a
132
et en outre
écrivons
on a alors
et,
puisque l’intégrale
converge uniformément en t,donc
ou encore
si nous sommons par
rapport
à 11, de zéro à N - i, il vientou, en tenant
compte
desinégalités (2~)
et-(28),
Soit maintenant
ou encore
133
supposons que
W(t, to)
ne soit pas bornée en t,10
étantdonné ;
soitun nombre
M ~
oN-i; il existerait alors un nombret4{to)
tel queon aurait
ainsi,
par(3i),
ou encore
donc, puisque
la fonctiong(t)
esttoujours positive,
soit alors M =
-),A,,
avec 1 > i, etsoit t2
tel queOn doit nécessairement
avoir to 1,,,
doncsi to ~ t2,
la -fonctionW(t, to)
nedépasse pas, pour
t ~to,
la valeuraA.
Comme toutes leshypothèses
ont été faitespour
t ~t,,
onpeut
donc affirmer que Wne
dépasse
pas?.A,,
pour t >to
>t3
- max(ti, 1,) ;
; il en résultealors
l’inégalité
et le théorème est ainsi démontré.
Corollaire. - Si les conditions du théorème 3 sont satisfaites
avec f,, _- oo , et
on a, pour tout
to,
avec
Ce corollaire constitue le critère annoncé au nO
6,
pour recon-134
naître si
l’inégalité (14)
a lieu. La fonction K*satisfait,
on levoit,
à une
équation
différentielle de la forme(25).
Remarques.
i. Nous n’avons pas eu besoin de supposer que les coefficients de
l’équation (25)
sont continus. Il n’est pas nécessaire nonplus
que l’on ait
la seule
hypothèse
faite surl’équation (25)
elle-même estqu’elle possède
uneintégrale
satisfaisant aux conditionsimposées.
2. Les
inégalités (2~)
et(28)
ne sont pas contradictoires.- Ellessont même liées et, dans certains cas, l’une entraîne l’autre. En
effet,
si les conditions pour~(/, to)
sonton a
d’où
et les
deux inégalités
considérées sontidentiques,
avecÀ.~ _-__ A5 ;
d’une
façon* plus générale,
les fonctions de tc(r, t)
et t~(t, r)
sont l’une et l’autre des
intégrales
del’équation (-9,6) ;
sauf circons-tances
exceptionnelles
relatives aux données x.,, si l’une desinéga-
lités considérées est
satisfaite,
l’autre l’estégalement,
avec uneconstante convenable.
3.
Si,
enparticulier,
les coefficients del’équation (26)
sontconstants, il suffit de supposer que les racines de son
équation caractéristique
ont toutes leurpartie
réellenégative ;
toutes leshypothèses
faites enrésultent;
si les coefficients sontpériodiques,
il suffit d’examiner ce
qui
se passe dans unepériode.
École