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Hétérogénéité tumorale des adénocarcinomes du poumon, progression sous thérapie ciblée : exemple des mutations du récepteur à l' EGF

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 164

Hétérogénéité tumorale

des adénocarcinomes du poumon,

progression sous thérapie ciblée : exemple des mutations du récepteur à l’ EGF

Pulmonary adenocarcinomas tumoral heterogeneity, progression under targeted therapy: example of EGFR mutations

A. Lupo *, ** , H. Blons **, *** , D. Damotte *, ** , K. Leroy **, ****

* Service de pathologie, HUPC (Hôpitaux univer-

sitaires Paris Centre) Cochin, Paris.

** Université Paris- Descartes, Paris.

*** Service de bio- chimie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.

**** Service de géné- tique et biologie molé- culaires, HUPC Cochin, Paris.

RÉSUMÉ Summary

» Les adénocarcinomes pulmonaires représentent les carcinomes pulmonaires les plus fréquents et sont pour la plupart d’entre eux très hétérogènes morphologiquement. La diversité histologique est associée à une hétérogénéité moléculaire à plusieurs niveaux, des mutations

“driver” (motrices) aux mutations “ramifi ées” ou “privées” liées à l’évolution sous-clonale, avec un enrichissement sélectif de sous-populations en fonction des pressions de sélection exercées par le microenvironnement et les thérapeutiques. Cette hétérogénéité a des impacts diagnostiques, pronostiques et théranostiques. Ainsi, la compréhension de ces mécanismes est importante pour le diagnostic des tumeurs pulmonaires multiples et la distinction entre lésions primitives ou métastatiques. Les diff érents concepts et leur impact clinique seront illustrés dans le cadre des tumeurs présentant une mutation activatrice du récepteur à l’ EGF (Epidermal Growth Factor) , et de leur résistance aux diff érentes lignes de traitement par inhibiteurs de tyrosine kinase ( ITK) .

Mots-clés : Carcinome bronchopulmonaire non à petites cellules – Hétérogénéité – EGFR – Résistance aux ITK – ADN tumoral circulant.

Adenocarcinomas are the most frequent pulmonary tumors and display frequently heterogeneous histological features.

This diversity is associated with multiple levels of molecular heterogeneity, from driver mutations to branched or private mutations linked to sub-clonal evolution, as well as the selective enrichment of cellular sub-populations, selected by the microenvironment and therapeutic constraints. This heterogeneity has diagnostic, prognostic and theranostic consequences. The understanding of these processes is important for the diagnosis of multiple primary lung tumors and the distinction between primary and metastatic lesions.

The different concepts and their clinical impact will be described for EGFR mutant tumors acquiring resistance to TKI in subsequent lines of treatment.

Keywords: Non-Small-Cell Lung Cancer (NSCLC) – Hetero- geneity – EGFR – Resistance to TKI – Tumoral circulating DNA.

D

ans le domaine du cancer du poumon, la notion d’hétérogénéité histologique et moléculaire est très largement acceptée, et son impact clinique en termes de pronostic, de réponse au traitement et d’échappement thérapeutique constitue un domaine d’investigation très important. Il y a 2 raisons majeures à l’intérêt actuel porté à l’hétéro généité tumorale : d’une part, il faut faire face à l’émergence des résistances sous thérapie ciblée et apporter des éléments de réponse quant aux mécanismes impliqués afi n de proposer des traitements de deuxième ligne adaptés. D’autre part, les dévelop pements technologiques sur le plan de l’analyse moléculaire des tumeurs, avec le déploie-

ment des méthodes de séquençage haut débit, ou NGS (Next-Generation Sequencing) , et l’analyse de leur environnement immuni taire, permet tent d’envisager des typages complexes dans le cadre du diagnostic en routine.

Architecture clonale

Le séquençage du génome tumoral complet à l’aide des techniques de séquençage massif parallèle per- met d’identifi er l’ensemble des altérations génétiques présentes dans les cellules tumorales : variations

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 165 Figure 1. Architecture clonale et sous-clonale des adénocarcinomes du poumon (1).

Mutations clonales Mutations sous-clonales Phase clonale

précoce

Phase clonale tardive

Phase sous-clonale tardive

Tabac APOBEC

analysés (diff érents secteurs dans une même tumeur ou diff érentes localisations tumorales synchrones ou métachrones) permettent de construire des arbres phylogénétiques représentant l’évolution sous-clonale des tumeurs. Cette évolution est représentée sous forme d’un arbre dont le tronc comporte les muta- tions ubiquitaires, présentes dans toutes les régions tumorales, les mutations des “branches” correspondant aux mutations hétérogènes, présentes dans certaines régions tumorales, et les mutations “privées”, unique- ment présentes dans une seule région tumorale. Les mutations situées dans les branches sont associées à l’évolution “sous-clonale”, alors que celles situées au niveau du tronc sont apparues très tôt au cours de l’oncogenèse, au début du développement tumoral (fi gure 1) .

L’étude réalisée par l’équipe de C. Swanton (2) met en évidence ce type d’évolution, dite “branchée”, fréquente dans les tumeurs solides, dans une série limitée de cancers du poumon non à petites cellules, incluant des adénocarcinomes, des carcinomes épidermoïdes et 1 carcinome adénosquameux. Les mutations “drivers” (motrices) connues, notamment celles touchant les gènes EGFR ou KRAS , sont le plus souvent clonales (mutations “du tronc”), mais il faut noter que de nombreuses altérations oncogéniques (mutations ponctuelles ou anomalies du nombre de copies) ne sont identifi ées que dans certains sites tumoraux, correspondant à des altérations spéci- fi ques “de branches” , qui génèrent une hétérogénéité intratumorale. Un doublement du génome tumoral, favorisant l’instabilité chromosomique, est fréquem- ment observé. Cet événement surviendrait après l’acquisition de la plupart des mutations du tronc, mais avant la diversifi cation branchée. Les données suggèrent des délais de latence très longs, pouvant atteindre 20 ans, entre la survenue des événements oncogéniques initiaux (mutations motrices et double- ment du génome) et le diagnostic clinique du cancer.

L’analyse phylogénétique du profi l de mutations a aussi révélé que les mécanismes mutationnels varient au cours de l’évolution clonale, puis sous-clonale des tumeurs (1) . Les mutations liées à l’exposition taba- gique (transversions C>A sur le brin transcrit) sont prédominantes au début de l’évolution clonale. Dans les adénocarcinomes, la diversifi cation sous-clonale apparaît liée à l’activation de cytosine déaminases de la famille APOBEC, qui introduisent des mutations C>T

ou C>G au niveau de triplets TpCX (comme celles qui sont observées au niveau des codons 542 et 545 de PIK3CA, par exemple) [fi gure 1] . Ce processus muta- gène est observé même chez les fumeurs persistants.

Des résultats similaires ont été observés lors de l’étude de 11 adénocarcinomes par séquençage de l’exome tumoral (3) . De plus, cette dernière étude indique que les patients dont la maladie a récidivé après chirurgie à visée curative possédaient signifi cativement plus de mutations “de branches ” ou “privées” que les patients sans récidive.

La question majeure est l’impact diagnostique, pronos- tique et théranostique de l’hétérogénéité tumorale.

L’hétérogénéité moléculaire pourrait avoir un eff et majeur sur la stratégie des prélèvements, remettant en question les prélèvements biopsiques pour l’identifi - cation d’altérations géniques constituant des cibles thérapeutiques. La détection de mutations du gène EGFR dans toutes les régions tumorales confirme cependant l’idée que l’analyse d’une biopsie ou d’un prélèvement de cytologie tumorale peut être suffi sante pour identifi er les mutations à impact clinique immédiat.

L’hétérogénéité moléculaire permettrait d’expliquer la résistance aux thérapies ciblées en raison de la sélection de sous-clones possédant des mutations additionnelles.

Elle pourrait également être un facteur pronostique de récidive postopératoire, et un facteur prédictif de

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 166

réponse aux traitements conventionnels (chimio- et radiothérapie) ou à l’immunothérapie. Il est en eff et possible de prédire, à partir des données de séquen- çage, quelles mutations donnent lieu à des néo-anti- gènes susceptibles d’être présentés aux lympho cytes T par le complexe majeur d’histocompatibilité. Plusieurs études ont montré une corrélation entre le taux global de mutations de la tumeur (charge mutation nelle), le taux global de néo-antigènes tumoraux et la réponse à une immunothérapie par les inhibiteurs des points de contrôle immunitaires. De manière très intéressante, il semble que la réponse à l’immunothérapie serait meil- leure chez les patients dont la tumeur présente un taux élevé de néo-antigènes, à condition que ceux-ci soient clonaux, c’est-à-dire présents dans quasiment toutes les cellules tumorales (4) .

Relation entre hétérogénéité histologique et hétérogénéité moléculaire

L’hétérogénéité intratumorale est défi nie par l’associa- tion de plusieurs populations cellulaires dont l’agen- cement morphologique et la présence d’anomalies moléculaires diff èrent au sein d’une même tumeur. Les adénocarcinomes pulmonaires sont un bon exemple pour étudier cette hétérogénéité. Ils représentent les carcinomes pulmonaires les plus fréquents et sont pour la plupart d’entre eux (80-90 %) très hétérogènes mor- phologiquement, comportant l’association de diff érents types d’architecture au sein d’une même tumeur. En 2011, l’ International Association for the Study of Lung Cancer (IASLC), l’American Thoracic Society (ATS) et l’European Respiratory Society (ERS) ont proposé une classifi cation histopronostique des adénocarcinomes pulmonaires en fonction de leur architecture prédo- minante, qui, depuis 2015, a été adoptée par la classi- fi cation de l’Orga nisation mondiale de la santé (OMS).

Plusieurs études ont montré que l’architecture prédo- minante de ces tumeurs était un facteur pronostique indépendant. Les tumeurs de “bas grade”, ayant le meil- leur pro nostic, correspondent aux adénocarcinomes in situ et aux adénocarcinomes avec invasion minime dont la survie à 5 ans est proche de 100 % ; les grades intermédiaires possèdent une architecture prédomi- nante lépidique, acinaire ou papillaire et les hauts grades ont une architecture solide, micropapillaire ou mucineuse (5) .

L’hétérogénéité morphologique était fortement sug- gestive de l’hétérogénéité moléculaire. De fait, il a été montré que la présence de certaines mutations était préférentiellement associée à certains types archi-

tecturaux d’adénocarcinome. Les mutations du gène EGFR sont plus fréquentes dans les adénocarcinomes d’architecture papillaire ou lépidique, alors que les adénocarcinomes mucineux sont presque toujours mutés KRAS et jamais EGFR . Les réarrangements du gène ALK sont rares, concernant entre 3 et 5 % des adénocarcinomes, et sont plus fréquents dans les adénocarcinomes de type cribriforme (sous-type archi- tectural des acinaires) ou ceux possédant des cellules mucosécrétantes de type bague à chaton. Les mutations des gènes TP53 et STK11 sont fréquentes : rapportées dans environ 50 % et 20 % des adénocarcinomes pulmo- naires, respectivement, elles sont plus fréquemment retrouvées dans les architectures solides.

Ces résultats ont été confi rmés récemment dans l’étude de G. Pelosi et al. (6) , dans laquelle plusieurs régions tumorales d’architectures diff érentes provenant de 20 adénocarcinomes pulmonaires opérés ont été microdisséquées. L’étude moléculaire de ces diff érentes régions tumorales a révélé que 60 % de ces tumeurs pré- sentaient une hétérogénéité moléculaire intratumorale.

Les mutations EGFR et KRAS étaient considérées comme

“dominantes”, car les mutations EGFR étaient retrouvées dans toutes les régions tumorales analysées et celles de KRAS , dans la très grande majorité d’entre elles. Les mutations “ramifi ées” ou “privées” concernaient d’autres gènes tels que TP53 , STK11 ou PIK3CA . Il est intéressant de noter que 1 tumeur KRAS mutée et 2 tumeurs ALK réarrangées présentaient, dans certains secteurs, une mutation rare de l’ EGFR touchant l’exon 18. Concernant la corrélation morphologique et moléculaire de ces tumeurs, les mutations EGFR étaient présentes dans des secteurs tumoraux de grade intermédiaire (lépi- dique, papillaire), alors que les mutations KRAS et les réarrangements d’ ALK étaient présents dans des sec- teurs de haut grade (solide, micropapillaire). De plus, comme dans l’étude de J. Zhang et al. (3) , la présence de nombreuses mutations dites “branchées” étaient associée à un pronostic plus péjoratif. Leur localisation préférentielle dans des secteurs de haut grade suggère que l’accumulation de mutations pourrait aff ecter la morphologie de la tumeur.

Hétérogénéité et diagnostic des tumeurs multiples pulmonaires

La présence de plusieurs tumeurs pulmonaires syn- chrones au diagnostic est observée dans environ 10 à 20 % des carcinomes pulmonaires non à petites cellules (7) . De plus, le risque qu’a un patient atteint d’un cancer pulmonaire traité à visée curative de développer

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 167 (scanner en coupes fi nes et PET scan), mais aussi du fait

des progrès thérapeutiques qui ont amélioré la survie de ces patients atteints de carcinomes pulmonaires. La distinction entre métastases pulmonaires et tumeurs pulmonaires primitives multiples est primordiale, car elle détermine le pronostic des patients et, donc, leur prise en charge thérapeutique. Depuis la première classifi ca- tion proposée en 1975 par N. Martini et M.R. Melaned (8) , les critères permettant de classer les tumeurs multi- ples pulmonaires ont évolué, intégrant désormais les caractéristiques histologiques des tumeurs mais aussi leurs caractéristiques moléculaires. Les caractéristiques histologiques, permettant d’orienter vers une origine métastatique ou la présence de tumeurs primitives diff é- rentes, prennent en compte la morphologie des cellules tumorales et leur organisation mais aussi la composition de leur stroma. Dans le cas des adénocarcinomes, les critères tiennent compte de l’architecture prédomi- nante des tumeurs, mais également des contingents minoritaires qui peuvent être aussi retrouvés dans les nodules métastatiques. Il est cependant rare que les pourcentages de contingents architecturaux soient identiques entre la tumeur et sa ou ses métastases.

Concernant les carcinomes épidermoïdes, les critères importants sont la présence ou non d’une kératinisa- tion et la diff érenciation basaloïde. Le stroma tumoral est également une caractéristique propre à chaque tumeur, il est très hétérogène d’une tumeur à l’autre, de par son abondance et sa composition en matériel extracellulaire (stroma fi breux, voire desmoplasique, ou stroma fi broélascéinique) et en cellules immunitaires (densité et type de cellules : lymphocytes, plasmocytes, histiocytes, polynucléaires neutrophiles).

La caractérisation moléculaire des tumeurs joue éga- lement un rôle primordial dans la distinction entre les métastases et les autres tumeurs primitives, notamment si des prélèvements biopsiques sont les seuls acces- sibles, ne permettant pas une analyse morphologique précise. Il peut néanmoins être diffi cile d’inter préter cer- taines situations, en particulier dans les cas de tumeurs présentant des mutations “de branche” ou “privées”.

Ainsi, une métastase peut présenter une mutation TP53 qui n’est pas détectée dans la tumeur initiale, car la mutation était présente dans un sous-clone cellulaire très minoritaire, situé hors du site analysé ou à une fréquence trop faible pour être détectée. Par ailleurs, certaines mutations sont fréquentes, comme la muta- tion p.Gly12Cys du gène KRAS , et leur présence dans

potentiel entre les tumeurs. En eff et, 2 tumeurs situées dans le poumon droit et dans le poumon gauche, sans métastase ganglionnaire associée, sont plus probable- ment 2 tumeurs synchrones que l’une la métastase de l’autre. Finalement, c’est la combinaison des aspects cliniques, histologiques et moléculaires qui permet généralement de diff érencier les tumeurs primitives multiples des métastases.

Hétérogénéité des tumeurs mutées EGFR

Bien que le sous-groupe des cancers du poumon “ EGFR mutés” soit une entité individualisée, chaque tumeur est unique et, derrière l’apparente homogénéité, il existe une hétérogénéité de pronostic et de réponse au trai- tement (fi gure 2, p. 168 ) .

Les mutations d’ EGFR , dans le cancer du poumon, sont toutes des mutations du site tyrosine kinase. Néanmoins elles ne sont pas équivalentes, en particulier sur le plan de la réponse aux inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) anti-EGFR. On identifi e 3 groupes de mutations : les mutations fréquentes – soit 85 à 95 % des mutants –, qui comprennent les délétions de 9 à 24 paires de bases au sein de l’exon 19 (DEL19) et la mutation p.Leu858Arg (groupe 1) ; les mutations rares mais récurrentes qui impliquent les codons 709, 719, 768 et 861 (groupe 2) ; enfi n, les mutations de l’exon 20 qui correspondent à des insertions respectant la phase ouverte de lec- ture, localisées entre les acides aminés 767 et 774 et la mutation ponctuelle EGFR p.Thr790Met (groupe 3).

Globalement, on attend 70 à 80 % de réponse aux ITK de première ou de deuxième génération dans le groupe 1, moins de 50 % de réponse dans le groupe 2, une moins bonne réponse en cas d’association de mutations des groupe s 1 et 2 et l’absence de réponse pour le groupe 3.

Les données récentes montrent que les patients por- teurs de tumeurs mutées DEL19 ont globalement un meilleur taux de réponse et une survie sans progres- sion (SSP) plus longue que les patients porteurs d’une tumeur EGFR p.Leu858Arg (9) . Cette diff érence pour- rait être plus marquée avec l’afatinib (ITK de deuxième génération). Concernant les mutations du groupe 2, une revue détaillée de la réponse ou de l’absence de réponse à l’ITK pour les patients porteurs de mutations rares ou très rares est rapportée par E. Massarelli et al. (10) . Bien qu’il n’existe pas de données claires d’orien- tation concernant le choix de l’ITK en première ligne, les

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 168

Figure 2. Hétérogénéité des adénocarcinomes du poumon EGFR mutés . Hétérogénéité

intertumorale Hétérogénéité

intratumorale et hétérogénéité intersite

Hétérogénéité intratumorale et pression de sélection

• Différentes mutations de l’EGFR

• Différents ratios alléliques des variants de l’EGFR

• Différentes mutations associées à l’EGFRm

• Différentes amplifications associées à l’EGFRm

• Différences épigénétiques

• Différence du microenvironnement

• Biopsies multiples ?

• ADN tumoral circulant • Biopsies itératives ?

• ADN tumoral circulant

Évaluation Évaluation

Traitement

EGFRm : Epidermal Growth Factor Receptor Mutant.

données compilées des diff érentes études LUX-Lung montrent que l’afatinib a une activité antitumorale dans le cas des patients porteurs de mutations du groupe 2, ce qui suggère que le choix, en situation de mutation rare, pourrait se porter sur cet ITK (11) .

Au-delà des mutations d’ EGFR , les données de séquen- çage haut débit de The Cancer Genome Atlas (TCGA) [http://www.cbioportal.org/] ont montré que ces tumeurs présentent une charge mutationnelle moins importante que celle des tumeurs du poumon “non EGFR mutées”, mais qu’il existe une grande hétérogénéité des mutations associées qui pourrait avoir un impact sur la réponse aux ITK. Les mutations de l’ EGFR peuvent être associées à une mutation de TP53 , de PIK3CA , de CTNNB1 ou, plus rarement, d’ AKT1 et de PTEN . La présence de certaines mutations de TP53, n’altérant pas de manière majeure la structure de la protéine, a été associée à une survie diminuée, chez les patients ayant – ou non − une tumeur EGFR mutée (12) . Par ailleurs, l’analyse des points chauds de mutations d’un panel de 22 gènes suggère, dans une petite série de patients en première ligne de traitement par géfi tinib, que la présence de mutation de TP53 ou la coexistence de plusieurs mutations pourrait être asso- ciée à une SSP diminuée (13). À ce jour, il n’y a pas de recommandations quant à l’orientation thérapeutique en fonction d’un profi l mutationnel donné. L’analyse des données relatives à l ’association de mutations à plus large

échelle, facilitée par la généralisation du NGS ciblé en routine, permettra sans doute d’optimiser les schémas thérapeutiques.

Tumeurs du poumon EGFR mutées : résistance aux inhibiteurs de tyrosine kinase

La SSP des patients recevant un ITK anti-EGFR est le plus souvent inférieure à 1 an. L’acquisition de résistances secondaires refl ète l’hétérogénéité génétique initiale (sélection d’un clone résistant), l’instabilité génétique tumorale (émergence d’un clone résistant) et, parfois, sans doute, les 2 phénomènes simultanément (fi gure 3) . Il existe 3 classes de rechute clinique qui peuvent témoi- gner de l’existence de divers mécanismes moléculaires ou cellulaires de résistance au traitement : les rechutes locales d’évolution lente, les rechutes extrapulmonaires systémiques et les rechutes cérébrales. On peut classer les mécanismes de résistance secondaires aux anti-EGFR en 4 grandes catégories :

acquisition d’une mutation d’ EGFR de résistance, en premier lieu la mutation p.Thr790Met ;

activation d’une voie de signalisation indépendante de l’EGFR via l’acquisition de mutations ou d’ amplifi - cation s d’autres oncogènes ;

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 169 Figure 3. Évolution clonale et résistance au traitement ciblé : exemples.

EGFR p.Leu858Arg EGFR Del19

+ sous-clone EGFR Del19/p.Thr790Met EGFR p.Gly719Ala

+ sous-clone EGFR p.Gly719Ala/p.Thr790Met + sous-clone MET amplifié

EGFR p.Leu858Arg

PIK3CA muté EGFR Del19/p.Thr790Met EGFR p.Gly719Ala/p.Thr790Met MET amplifié

Traitement Traitement Traitement

transformation histologique en carcinome à petite cellules ;

activation du processus de transition épithélio- mésenchymateuse (EMT) [tableau] . Le lien entre rechute clinique et mécanismes de résistance n’est pas encore clairement défi ni, même si la mutation p.Thr790Met est volontiers associée à une rechute d’évolution lente, et la transformation en carcinome à petites cellules, associée à une rechute d’évolution rapide.

Parce qu’il existe aujourd’hui des traitements de deuxième ligne validés (ITK de l’EGFR de troisième génération) ou des traitements potentiels anti-MET ou anti-ERBB2, par exemple, il serait utile de pouvoir prédire et prévenir le développement d’une résistance secondaire. Plusieurs études ont ainsi cherché à iden- tifi er au dia gnostic la présence d’un sous-clone EGFR p.Thr790Met en utilisant des méthodes très sensibles de typage et en faisant l’hypothèse selon laquelle une sélection par le médicament de ce sous-clone contribuerait à la survenue d’une résistance rapide au traitement de première ligne. L’étude de Y. Fugita et al. montre que, de façon surprenante, il n’y a pas de diff érence de durée de réponse entre les patients sans et avec mutation p.Thr790Met au diagnostic (avec des ratios d’allèles mutés p.Thr790Met allant de 0,02 à 1,82 %) [14] . Les auteurs concluent que cette obser- vation pourrait être en lien avec le pronostic favorable

associé à la présence d’une mutation p.Thr790Met par d’autres groupes. Globalement, tous les travaux exploratoires visant à identifi er un sous-clone EGFR p.Thr790Met au diagnostic rapportent la présence de

Tableau. Hétérogénéité des mécanismes de résistance aux ITK de l’EGFR de première génération.

Fréquence des altérations (%)

Avant ITK de l’EGFR Après ITK de l’EGFR Mutation de résistance (EGFR)

p.Thr790Met 1 40-50

p.Asp761Tyr, p.Leu747Ser,

p.Thr854Ala < 1 < 5

Activation d’autres voies de signalisation

Amplifi cation de MET < 5 5-20

Surexpression d’HGF 30 60

Amplifi cation d’ERBB2

(HER2) 2 10

Mutations de PIK3CA 2-3 5

Amplifi cation de CRKL 3 9

Mutation de BRAF 0 1

Modifi cations phénotypiques

Transformation en CBPC < 1 3-15

EMT < 1 20-40

CBPC : carcinome bronchique à petites cellules ; EMT : transition épithéliomésenchymateuse.

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 170

Figure 4. ADN tumoral circulant (ADNtc), refl et de l’hétérogénéité spatiotemporelle des tumeurs.

Hétérogénéité

intratumorale et intrasite Hétérogénéité

sous pression de sélection, suivi

ADNtc : témoin de l’hétérogénéité moléculaire temporelle

ADNtc : témoin de l’hétérogénéité moléculaire spatiale

Traitement

? ? la mutation dans environ 40 % des tumeurs, avec des

ratios alléliques variant entre 0,02 et 3,5 %. Ces résul- tats, parfois discordants quant à l’impact prédictif des sous-clones p.Thr790Met, posent la question de l’intérêt clinique de ce typage et soulignent l’existence possible de faux positifs , liés à la fi xation formolée des tissus analysés. La fi xation peut en eff et générer des artefacts de type G>A et C>T (variation similaire à celle de la mutation p.Thr790Met) à faible fréquence allélique.

Prévoir l’échappement thérapeutique à l’instauration du traitement semble donc encore diffi cile. Néanmoins, il est aujourd’hui possible de suivre l’évolution et de caractériser le mécanisme moléculaire à l’origine de la rechute par l’étude de l’ADN tumoral circulant (ADNtc).

Explorer l’hétérogénéité tumorale spatiotemporelle via l’ADN tumoral circulant

De l’ADN d’origine tumorale circule dans le sang des patients atteints de cancer. Qu’il soit libéré par apop- tose ou nécrose, ou éventuellement sécrété par les cellules tumorales, sa quantité est proportionnelle à la masse tumorale et dépendante du type de cancer

et des localisations métastatiques. En supposant que tous les sites (primitif et métastatiques) participent de façon équivalente à générer de l’ADNtc, alors le profi l moléculaire de l’ADNtc refl ète la globalité du processus tumoral. L’ADNtc est donc un outil d’étude précieux de l’hétérogénéité spatiale, comme témoin de l’ensemble des sites tumoraux et de l’hétérogénéité temporelle par le suivi longitudinal des mutations au fi l du temps (fi gure 4) .

Aujourd’hui, la recherche des mutations de sensibilité aux ITK de l’EGFR est validée au diagnostic et en cas de rechute pour la mutation de résistance EGFR p.Thr- 790Met. Le typage de l’ADN circulant par l’utilisation d’un séquençage haut débit “à grande profondeur” (Ultra Deep Sequencing) associé à une méthode d’analyse dédiée permet d’obtenir une sensibilité d’environ 0,5 % pour un minimum de 3 ng d’ADN analysés (15) . La concordance entre l’analyse de la tumeur et celle de l’ADNtc, dans une série de cancers EGFR mutés, est de 72 % ; il y a 4 % de concordance partielle et 24 % de discordance, du fait – très probablement – de l’existence d’ une hétéro- généité entre les lésions chez un même patient (16) . Une publication récente rapporte les résultats d’analyse par NGS de l’ADN plasmatique de 46 patients traités par rocilétinib, un ITK de troisième génération, après

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 171 la mutation d’ EGFR p.Thr790Met étaient observées une

augmentation du nombre de copies de MET ou d’ ERBB2 dans 34 % des cas, une autre mutation d’ EGFR , de PIK3CA ou RB1 dans 7 % des cas, et 3 anomalies moléculaires concomitantes dans 5 % des cas. D’après cette étude, un ratio allélique p.Thr790Met/mutation de sensibilité (DEL19 ou p.Leu858Arg) élevé (> 0,5) était associé à la réponse thérapeutique au rocilétinib. Au contraire, la préexistence d’une amplifi cation de MET ou d’ ERBB2 était associée à une durée de réponse brève. Cette étude confi rme que les mécanismes de résistance aux ITK de l’ EGFR de troisième génération diff èrent selon la molé- cule utilisée. L’amplifi cation de MET était observée dans 26 % des prélèvements à progression sous rocilétinib. La mutation d’ EGFR p.Cys797Ser de résistance à l’osimerti- nib, qui est un autre ITK de l’EGFR de troisième généra- tion, n’était détectée que chez un seul des 46 patients, alors que sa fréquence dépasse les 30 % à progression sous osimertinib. De plus, 3 nouvelles mutations d’ EGFR étaient identifi ées (p.Glu709Lys, Leu692Val et Leu798Ile) ainsi que des néo-mutations de KRAS (p.G12V, p.Q61H et p.A146T), jamais décrites à ce jour dans le contexte d’une progression sous ITK de l’ EGFR. Cette étude illustre la très grande hétérogénéité des mécanismes moléculaires de résistance qui concourent à l’activation des voies de signalisation MAPK et PI3K/AKT en aval

mais potentiellement dans des sites diff érents.

Conclusion

L’hétérogénéité tumorale est un témoin de la plas- ticité cellulaire et le facteur limitant majeur de l’effi- cacité des thérapies ciblées. Nous avons aujourd’hui les moyens techniques de l’explorer au diagnostic et au cours du temps. Nous devons maintenant apprendre comment utiliser au mieux ces obser- vations, pour proposer des lignes de traitement séquentielles optimales, en fonction de l’émergence de sous-clones résistants. Ce que nous apprenons des tumeurs EGFR mutées peut également s’appli- quer aux adénocarcinomes du poumon porteurs de réarrangements d’ ALK et de ROS1 et bénéficiant de thérapies ciblées. Au-delà de ces tumeurs, il est clair que toute tumeur pulmonaire évolue dans l’es- pace et dans le temps, en fonction des pressions de sélection exercées par le microenvironnement et des thérapeutiques administrées. L’analyse dynamique et globale du contingent tumoral évolutif deviendra très vite incontournable pour ajuster les décisions thérapeutiques au fur et à mesure de nos progrès

dans le contrôle de la maladie.

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R é f é r e n c e s

A. Lupo déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.

H. Blons, D. Damotte et K. Leroy n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

Références

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