Sur les planches…
Ma robe blonde et mon teint lumineux charment bien souvent le commun des mortels. D’ailleurs, mes cernes, loin de tirer mes traits, offrent une certaine rondeur à mes courbes qui ne laissent pas indifférents les adeptes de l’ancien. Fort de mon essence, je me pare d’abricotier, d’acajou ou encore de genévrier comportant en mon sein toute la nature. Etant très coquet, je travaille mon look afin de m’envelopper d’élégance et de grâce.
Je constate au fil du temps que les sosies se multiplient….
Allongé sur le sol, chaque jour, je supporte un nombre variable de personnes. Il en est de délicates, déposant leurs pas légers sur mon flanc, un pas aérien, souple qui me frôle, me caresse. Parfois même on me chatouille entre les veines au rythme d’un déplacement rapide mais fluet. Certains ont le pas plus lourd dû à leur corpulence mais j’y décèle tout de même un caractère plus marqué pouvant même aller jusqu’à l’indélicatesse. Un pas engagé certes mais qui manque d’attention à la limite du piétinement. Alors, je grogne, du moins je grince et je sens une forme de communion entre lui et moi dans la mesure où mon grincement semble le faire grincer des dents, laissant place à un pas hésitant et même maladroit.
Les jeunes femmes aiment également me piquer au vif avec leurs talons aiguilles qu’elles prennent plaisir à faire résonner sur mon flanc. Ce martellement est assez entraînant et laisse entendre au fil des pas une mélodie mais attention car cette marche en rythme est parfois à la limite du faux pas.
Je suis le grand témoin du foyer. Assistant aux conflits, tentant d’ailleurs de les apaiser en amortissant le bruit des pas nerveux, sentant les corps s’échauffer, le sang bouillonner au plus profond de mes entailles. Je garde la marque de ces multiples souffrances qui se déroulent sous mon toit, souvenir des blessures jamais refermées. Il y a les égratignures et les grosses fissures. Mais j’assiste quotidiennement à des moments de joie. Je sens ce pas enthousiaste que je reconnais parmi cent. Un pas engagé, amusé qui porte en lui toute la dynamique de la vie. Et même si ce n’est jamais pour moi que l’on se met à genoux, je suis toujours le principal témoin des unions me gardant bien d’être jaloux !
Je dois avouer que j’aime beaucoup les enfants. Ils aiment s’allonger sur moi, m’enlaçant de leurs bras, s’accrochant à moi comme on s’attache à une mère dans le but d’avancer, de faire son chemin. Leurs rires spontanés illuminent un peu plus mon teint, leurs glissements le long de mes lignes m’enveloppent d’affection. C’est d’ailleurs pour cela que je leur pardonne bien souvent de me salir, laissant ma robe tâchée et collante mais ayant réchauffé mon cœur de bois.
Ainsi, en tant que parquet qui se respecte, ayant un devoir d’accueil nécessitant une immense discrétion, je peux dire que chaque jour, j’ai du pain sur la planche.
