3. Mesure de Haar sur un groupe compact (suite)
Définition 3.8. — Soit (X, d) un espace m´etrique, A une partie born´ee de X.
On note δ(A) son diam`etre, c.-`a-d.,
δ(A) = sup{d(x, y)|x, y∈A}.
Lemme 3.9. — 1)Soient X un espace m´etrique, A une partie born´ee de X, et A son adh´erence. Alors δ(A) =δ(A).
2) SoientV un espace vectoriel norm´e, A une partie born´ee, C l’enveloppe convexe de A. Alors Cest un convexe born´e et
δ(A) =δ(C) =δ(C).
D´emonstration. — 1) Il est clair que δ(A) 6 δ(A). R´eciproquement, soient ε >0 etx, y∈A. Il existe x0, y0 ∈A tels qued(x, x0) +d(y, y0)< ε, alors
d(x, y)6d(x0, y0) +ε6δ(A) +ε.
Commex, y∈A sont arbitraires, il en r´esulteδ(A)6δ(A) +ε. Puisque εest arbitraire, il vient δ(A)6δ(A), d’o`u l’´egalit´e.
2) Montrons que δ(C) 6 δ(A). Soient x1, . . . , xm, y1, . . . , yn ∈ A et t1, . . . , tm, s1, . . . , sn ∈ [0,1] tels que P
iti = 1 = P
jsj. Utilisant ces deux
´egalit´es, on obtient kX
i
tixi−X
j
sjyjk6X
i
tikxi−X
j
sjyjk
6X
i
tiX
j
sjkxi−yjk6δ(A).
(0)version du 19/9/06
Ceci montre que C est born´e etδ(C) =δ(A). Alors, d’apr`es le point 1),δ(C) = δ(C). Enfin, C est convexe d’apr`es le lemme 3.7.
Lemme 3.10. — Soient(X, d) un espace m´etrique born´e etGune famille ´equi- continue de transformations de X. Pour tout x∈X, soit
δG(x) :=δ(Gx)
le diam`etre de Gx. Alors, l’application x7→δG(x) est continue.
D´emonstration. — Soient x0 ∈X et ε >0. Par ´equicontinuit´e de G, il existe η >0 tel que :
∀g∈G,∀x∈X, d(x, x0)< η ⇒d(g(x)−g(x0))< ε/2.
Supposons d(x, x0)< η et soientg, g0 ∈G. Alors d(g(x), g0(x))6 ε
2+d(g(x0)g0(x0)) + ε 2.
On obtient donc queδG(x)6δG(x0) +ε, et de mˆemeδG(x0)6δG(x) +ε, pour toutx∈X tel que d(x, x0)< η. Ceci prouve la continuit´e de δG.
Théorème 3.11(Kakutani). — Soient V un espace vectoriel norm´e, C un convexe compact non vide, et G un groupe ´equicontinu de transformations affines de C.
1)Siδ(C)>0, c.-`a-d., siCcontient au moins deux points, il existe un sous- ensemble non-vide, G-stable, compact et convexe, A⊂Ctel que δ(A)< δ(C).
2)Par cons´equent, G a un point fixe dans C.
D´emonstration. — 1) Supposons δ(C) > 0. Comme G est ´equicontinu et C compact, il existeη >0 tel que
(1) ∀g∈G,∀x, y∈C, kx−yk< η ⇒ kg(x)−g(y)k6 1 2δ(C).
Comme C est compact, il existey1, . . . , yn∈C tels que
(2) C⊆
[n i=1
B(yi, η).
Posonsy= (y1+· · ·+yn)/net soient c∈C etg∈G arbitraires. D’apr`es (2), il existe i0 tel quekg−1(c)−yi0k< η, et donc, d’apr`es (1),
kc−g(yi0)k6 1 2δ(C).
Alors
kc−g(y)k6 1 n
Xn i=1
kc−g(yi)k6 δ(C) n
µ
(n−1) +1 2
¶ .
Il en r´esulte, en particulier, que Gy est de diam`etre δ0 6(1−1/2n)δ(C)< δ(C).
Soit A l’adh´erence de l’enveloppe convexe de Gy. Alors A est un convexe non- vide, G-stable, et de diam`etreδ0, d’apr`es le lemme 3.9. D’autre part, ´etant un ferm´e de C qui est compact, A est compact. Ceci prouve le point 1).
Le point 2) en d´ecoule. En effet, d’apr`es le lemme 3.10, l’application c 7→
δ(Gc) est continue, donc atteint sur le compact C son minimum en un point c0, etc0 est un point fixe de G si δ(Gc0) = 0.
Supposonsδ(Gc0)>0 et soit X l’adh´erence de l’enveloppe convexe de Gc0. D’apr`es le corollaire 3.6 et le lemme 3.9, X est G-stable, compact, et de dia- m`etre δ(Gc0) > 0. D’apr`es le point 1), il existe une partie G-stable non-vide A⊂X telle que δ(A)< δ(X). Alors, pour tout a∈A, on a
δ(Ga)6δ(A)< δ(X) =δ(Gc0),
une contradiction. Doncδ(Gc0) = 0, c.-`a-d., c0 est un point fixe. Le th´eor`eme est d´emontr´e.
3.4. Mesures de Radon. — Soit X un espace compact.
Définition 3.12. — On note C(X) l’espace des fonctions continuesf : X→C, muni de la norme
kfk:= sup
x∈X
|f(x)|.
On ´ecrit f >0 sif est `a valeurs dans R+.
Définition 3.13. — Soit ν : C(X) → C une forme lin´eaire. On dit que ν est positivesiν(f)>0 pour tout f >0.
Lemme 3.14. — Soit ν: C(X)→Cune forme lin´eaire positive.
1)Si f ∈C(X) est `a valeurs r´eelles, alors ν(f)∈R.
2)Pour tout f ∈C(X), on a
|ν(f)|6ν(|f|)6ν(1X)kfk,
(o`u 1X d´esigne la fonction de valeur constante1). Donc ν est continue.
D´emonstration. — 1) Soit f ∈C(X) `a valeurs r´eelles. Posons f+= max{f,0}, f−= max{−f,0}.
Alorsf+etf− sont continues, `a valeurs dansR+, et l’on af =f+−f−. Donc ν(f) =ν(f+)−ν(f−) appartient `aR.
2) Posons ν(f) =re−iθ et soientg=eiθf et u= (g+g)/2,v= (g−g)/2i.
Alorsu etv sont continues et `a valeurs r´eelles, et l’on a
|ν(f)|=r=eiθν(f) =ν(eiθf) =ν(g) =ν(u) +iν(v).
Commeν(u), ν(v)∈Rd’apr`es 1), il vientν(v) = 0, d’o`uν(f) =ν(u). De plus, on a
u6|f|6kfk ·1X, d’o`u
|ν(f)|=ν(u)6ν(|f|)6ν(1X)kfk.
Le lemme est d´emontr´e.
Définition 3.15. — Unemesure de Radonsur X est une forme lin´eaire conti- nue ν: C(X)→C. On dit queν est positivesiν(f)>0 pour tout f >0.
D’apr`es le lemme pr´ec´edent, toute forme lin´eaire positive est continue, donc est une mesure de Radon positive.
Remarque 3.16. — Soit X un espace compact X. Se donner une mesure de Radon positive sur X permet d’avoir une bonne th´eorie de l’int´egration sur X. De fa¸con plus pr´ecise, on a une correspondance bijective entre mesures de Radon positives et mesures de Borel positives r´eguli`eres, voir par exemple [Ru75, Chap. 2].
3.5. Mesure de Haar sur un groupe compact. — Soit G un groupe compact. Alors C(G) est un espace de Banach, et G y op`ere lin´eairement par les translations `a gauche Lg et `a droite Rg :
(Lgφ)(x) =φ(g−1x), (Rgφ)(x) =φ(xg).
On a
kLgφk= sup
x∈G
|φ(x)|=kφk,
donc chaque Lgest une isom´etrie, et de mˆeme pour Rg. Donc les familles LG= {Lg |g ∈G} et RG sont ´equicontinues. D’autre part, notonsφ∨ l’application g7→φ(g−1).
Théorème 3.17. — Soit G un groupe compact. Il existe une unique mesure de Radon positive M : C(G)→C, de masse totale1, c.-`a-d., telle que M(1) = 1, et qui estG-invariante `a gauche, c.-`a-d.,
(1) ∀g∈G,∀φ∈C(G), M(Lgφ) = M(φ).
De plus, Mest aussi invariante `a droite :
(2) ∀g∈G,∀φ∈C(G), M(Rgφ) = M(φ), et invariante par inversion :
(3) M(φ∨) = M(φ).
On note M(φ) =R
Gφ(g)dg. Alors, on a les ´egalit´es :
∀h∈G, Z
G
φ(g)dg= Z
G
φ(h−1g)dg = Z
G
φ(gh)dg= Z
G
φ(h−1gh)dg
et Z
G
φ(g)dg= Z
G
φ(g−1)dg.
D´emonstration. — Soit φ∈ C(G), et soit C = Cφ l’adh´erence dans C(G) de l’enveloppe convexe de LGφ. D’abord, comme l’application (g, x) 7→ φ(g−1x) est uniform´ement continue sur le compact G×G, l’application
G−→C(G), g7→Lgφ
est continue. Par cons´equent, son image LGφ est compacte. Donc, d’apr`es le th´eor`eme 3.5, C est un convexe compact G-stable.
L’action de G est ´equicontinue puisque chaque Lg est une isom´etrie. Donc, d’apr`es le th´eor`eme du point fixe de Kakutani, C contient une fonction ψ qui est invariante par LG, et est donc une constantec.
De mˆeme, il existe une fonction constantec0 dans l’adh´erence C0 de l’enve- loppe convexe de RGφ. Montrons quec=c0.
Soit ε >0. Il existeg1, . . . , gm ∈G, et a1, . . . , am>0 tels queP
ai = 1 et
(4) ∀g∈G, |c−X
i
aiφ(gi−1g)|< ε.
De mˆeme, il existeh1, . . . , hn∈G, et b1, . . . , bn>0 tels queP
bj = 1 et
(5) ∀g∈G, |c0−X
j
bjφ(ghj)|< ε.
Dans (4), prenons g = hj, multiplions par bj et sommons pour j = 1, . . . , n.
CommeP
bj = 1, on obtient
(6) |c−X
j,i
bjaiφ(g−1i hj)|< ε.
De mˆeme, dans (5), prenons g = g−1i , multiplions par ai et sommons pour i= 1, . . . , m. CommeP
ai = 1, on obtient
(7) |c0−X
i,j
aibjφ(gi−1hj)|< ε.
Il r´esulte de (6) et (7) que |c−c0|<2ε, ceci pour tout ε >0. Donc,c=c0. Il en r´esulte quec est l’uniquepoint fixe de LG dans C ; en effet, si c1 en est un autre, alorsc1 =c0 =c. (Joli, n’est-ce pas ?) C’est aussi l’unique point fixe de RG dans C0.
Donc, `a chaqueφ∈C(G), on associe un scalaire M(φ)∈C, qui est l’unique fonction constante contenue dans l’adh´erence de l’enveloppe convexe de LGφ, resp. de RGφ.
Il r´esulte de la construction que M(φ)∈R+ si φ>0, que M(1) = 1, et que M(Lgφ) = M(φ) = M(Rgφ), ∀g∈G.
Montrons que M est lin´eaire. Il r´esulte de la construction que M(aφ) = aM(φ) pour tout a∈C. Montrons que
(∗) M(φ+ψ) = M(φ) + M(ψ).
Soit ε >0. Il existeg1, . . . , gm ∈G, et a1, . . . , am>0 tels queP
ai = 1 et (8) ∀g∈G, |M(φ)−X
i
aiφ(g−1i g)|< ε.
Posons, pour toutg∈G,
θ(g) =X
i
aiψ(gi−1g).
Alorsθ∈Cψ et donc Cθ ⊆Cψ. Comme M(ψ) est l’unique fonction constante contenue dans Cψ, on obtient M(θ) = M(ψ). Donc il existe h1, . . . , hn∈G, et b1, . . . , bn>0 tels queP
bj = 1 et
∀g∈G, |M(ψ)−X
j
bjθ(h−1j g)|< ε,
c.-`a-d.,
(9) ∀g∈G, |M(ψ)−X
j,i
bjaiψ(g−1i h−1j g)|< ε.
Or, rempla¸cant dans (8) g par h−1j g, multipliant par bj et sommant pour j= 1, . . . , n, on obtient
(10) ∀g∈G, |Mφ−X
j,i
bjaiφ(g−1i h−1j g)|< ε.
De (9) et (10) on d´eduit que les ´el´ements hjgi ∈ G et aibj ∈ [0,1] v´erifient P
i,jaibj = 1 et
(11) ∀g∈G, |M(φ) + M(ψ)−X
j,i
bjai(φ+ψ)((hjgi)−1g)|<2ε.
Commeεest arbitraire, il en r´esulte que M(φ) + M(ψ)∈Cφ+ψ, d’o`u M(φ) + M(ψ) = M(φ+ψ). Ceci prouve la lin´earit´e de M. Donc, M est une mesure de Radon positive, de masse totale 1, et elle v´erifie les conditions (1) et (2) du th´eor`eme.
Si M0 : C(G)→Cest une forme lin´eaire positive invariante par LG, et telle que M0(1) = 1, on a n´ecessairement M0 = M. En effet, soit φ∈ C(G) et soit ε >0. Comme la fonction constante M(φ) est dans l’adh´erence de l’enveloppe
convexe de LGφ, il existe g1, . . . , gm ∈G, et a1, . . . , am >0 tels que P ai = 1 et
(†) kM(φ)−X
i
aiLgiφk< ε.
Posonsγ = M(φ)−P
iaiLgiφ. Comme M0 est LG-invariante et v´erifie M0(1) = 1, alors (†) entraˆıne, d’apr`es le lemme 3.14,
|M(φ)−M0(φ)|=|M0(γ)|6M0(1)· kγk6ε,
d’o`u,ε´etant arbitraire, M0(φ) = M(φ). Ceci montre que M est l’unique mesure de Radon positive, de masse totale 1, qui soit invariante `a gauche (resp. `a droite).
Enfin, posons M0(φ) = M(φ∨). C’est une mesure de Radon positive, de masse totale 1, qui v´erifie (1) et (2). Donc M0 = M, c.-`a-d., M est invariante par inversion. Ceci prouve (3).
Soit k : G×G → C une fonction continue. Pour x ∈ G, la fonction y 7→
k(x, y) est continue, et l’on pose K(x) =
Z
G
k(x, y)dy, K0(y) = Z
G
k(x, y)dx.
Alors K et K0 sont continues, puisque k est uniform´ement continue sur le compact G×G. On peut donc consid´erer les int´egrales
Z
G
K(x)dx et Z
G
K0(y)dy.
Corollaire 3.18(Théorème de Fubini). — On a Z
G
K(x)dx= Z
G×G
k(x, y)dxdy = Z
G
K0(y)dy.
D´emonstration. — Montrons la premi`ere ´egalit´e. Soitε >0. Il existe desgi et hj dans G et dessi, tj >0 tels queP
isi= 1 =P
jtj et
∀y∈G, |K(x)−X
i
sik(x, gi−1y)|< ε/2,
∀x∈G,
¯¯
¯¯
¯¯ Z
G
K(g)dg−X
j
tjK(h−1j x)
¯¯
¯¯
¯¯< ε/2.
Donc, les ´el´ements (hj, gi) de G×G ettjsi >0 v´erifientP
i,jtjsi= 1 et
∀(x, y)∈G×G,
¯¯
¯¯
¯¯ Z
G
K(g)dg−X
i,j
sitjk(h−1j x, gi−1y)
¯¯
¯¯
¯¯< ε.
Ceci montre que le scalaire R
GK(g)dg est dans l’adh´erence de l’enveloppe convexe de LG×Gk, d’o`u
Z
G
K(g)dg= Z
G×G
k(x, y)dxdy.
Ceci prouve la premi`ere ´egalit´e, et la seconde s’obtient de fa¸con analogue.
4. Repr´esentations unitaires et th´eor`eme de Peter-Weyl
4.1. Repr´esentations continues. — Soit V un C-espace de Banach. On note Aut(V) le groupe des automorphismes de V, c.-`a-d., des applications lin´eaires bijectives et bicontinuesf : V−→∼ V. D’apr`es le th´eor`eme de l’appli- cation ouverte, toute application lin´eaire continue et bijective V →V est bi- continue (c.-`a-d., son inverse est ´egalement continue), voir par exemple [Ru75, Thm. 5.10]. Donc, Aut(V) est le groupe des applications lin´eaires continues bijectives.
Définition 4.1. — Soit G un groupe topologique. Unerepr´esentation conti- nuede G dans l’espace de Banach V est la donn´ee d’un morphisme de groupes π : G→Aut(V) tel que l’application
µ: G×V−→V, (g, v)7→π(g)v soit continue.
On dit queπ est topologiquement irr´eductible si V ne poss`ede pas de sous- espaceferm´eG-stable autre que {0} et V.
On rappelle que sur un espace vectoriel complexe ou r´eel de dimension finie, toutes les normes sont ´equivalentes, et tout sous-espace est complet donc ferm´e.
Par cons´equent, une repr´esentation de dimension finie est topologiquement irr´eductible si et seulement si elle est (alg´ebriquement) irr´eductible.
Supposons que G soit un groupe compact. On peut tirer un premier b´en´efice de la construction de la mesure de Haar sur G.
Proposition 4.1. — Soit G compact. Toute repr´esentation continue de dimen- sion finie est somme directe de repr´esentations continues irr´eductibles.
D´emonstration. — On suit pas `a pas la d´emonstration dans le cas o`u G est fini. Choisissant une base de V, on identifie V =Cn. On munit V du produit scalaire hermitien usuel, qu’on d´esigne parh−,−i. Pourx, y∈V, l’application g7→ hgx, gyi est continue ; on pose
(x, y) = Z
G
hgx, gyidg.
Alors (−,−) est hermitien sym´etrique, et il est d´efini positif puisque pour x6= 0 on a
(x, x) = Z
G
hgx, gxidg >0.
Donc (−,−) est un nouveau produit scalaire hermitien sur V. De plus, il est G-invariant, par invariance de la mesure de Haar. En effet, pour tout h∈G, on a
(hx, hy) = Z
G
hghx, ghyidg = Z
G
hgx, gyidg = (x, y).
La norme d´efinie par ce produit scalaire est ´equivalente `a la norme initiale, et si W un sous-espace G-stable de V, alors l’application G×W→W, obtenue par restriction, est continue. Le reste de la d´emonstration est alors identique au cas o`u G est fini.
4.2. Repr´esentations unitaires. —
Définition 4.2. — Soit H un espace de Hilbert, de dimension finie ou infinie. Un op´erateur lin´eaireu: H→H est dit unitaires’il pr´eserve le produit scalaire, c.-`a-d., si (u(x), u(y)) = (x, y) pour toutx, y∈H. Dans ce cas, ku(x)k=kxk pour toutx, donc uest une isom´etrie et est continu.
R´eciproquement, siuest une isom´etrie, alorsupr´eserve le produit scalaire, car en calculant
ku(x+y)k et ku(x−iy)k
on voit que (ux, uy) a la mˆeme partie r´eelle et imaginaire que (x, y).
Si u est un op´erateur unitaire bijectif, l’application inverse est aussi uni- taire, donc une isom´etrie et a fortiori continue. On notera U(H) le groupe des op´erateurs unitaires bijectifs.
Si G est un groupe compact, on a vu que toute repr´esentation continue de dimension finie de G peut ˆetre munie d’un produit scalaire hilbertien G- invariant, c.-`a-d., d’une structure d’espace de Hilbert pour laquelle G agit par des op´erateurs unitaires. D’autre part, les espaces de Hilbert sont les espaces vectoriels norm´es de dimension infinie qui sont les plus proches des espaces de dimension finie. Ceci conduit `a ´etudier, pour un groupe topologique G quelconque, les repr´esentations de G par des transformations unitaires dans un espace de Hilbert H. Il faut aussi tenir compte de la topologie de G, c.-`a-d., demander que l’action de G sur H soit continue.
Définition 4.3. — Soit G un groupe topologique. Une repr´esentation uni- taire de G dans un espace de Hilbert H est la donn´ee d’un morphisme de groupes π: G→U(H) tel que l’application
µ: G×H−→H, (g, v)7→π(g)v
soit continue. En fait, il suffit de demander que, pour toutx0∈H, l’application g7→π(g)x0 soit continue en 1, l’´el´ement neutre de G.
En effet, supposons cette condition v´erifi´ee et soit ε > 0. Par hypoth`ese, il existe un voisinage V de 1 dans G tel que
∀h∈V, k(π(h)−id)x0k< ε/2.
Soit g0 ∈ G arbitraire. Alors, pour tout g ∈ g0V et x ∈ B(x0, ε/2) on a, puisque π(g) et π(g0) sont des isom´etries :
kπ(g)x−π(g0)x0k6kπ(g)(x−x0)k+kπ(g0)(π(g−10 g)−id)x0k6 ε 2 +ε
2 =ε.
Ceci prouve queµ est continue en (g0, x0).
4.3. Op´erateurs compacts. —
Définition 4.4. — Soient E,F deux espaces de Banach etu: E→F un op´era- teur lin´eaire. On dit que uest compactsi l’image par u de la boule unit´e de E a une adh´erence compacte.
Définition 4.5. — Soit H un espace de Hilbert, et K : H → H un op´erateur lin´eaire continu. On dit que K est auto-adjointsi l’on a :
∀x, y∈H, (Kx, y) = (x,Ky).
On a le th´eor`eme suivant, de d´ecomposition spectrale pour les op´erateurs compacts auto-adjoints.
Théorème 4.6. — SoientHun espace de Hilbert etK6= 0un op´erateur compact auto-adjoint. Alors :
1)Les valeurs propres deK sont r´eelles et les espaces propresHλ sont deux
`a deux orthogonaux. De plus, K a pour valeur propre ±kKk 6= 0.
2) dimCHλ <∞ si λ6= 0, et pour tout ε >0, il n’y a qu’un nombre fini de valeur propresλ telles que |λ|>ε; c.-`a-d., l’espace
M
|λ|>ε
Hλ est de dimension finie.
3)L
λHλ est dense dans H.
D´emonstration. — Voir [BtD, III.2.6] ou [Zi,§3.2].
Fin de la s´eance du 19/9
4.4. Op´erateurs `a noyaux. —
Théorème 4.7(Ascoli). — Soit X un espace compact etΦun sous-ensemble de C(X). On suppose que Φest ´equicontinu et que pour tout x∈X, l’ensemble
Φ(x) :={φ(x)|φ∈Φ}
est une partie born´ee de C. Alors, Φ est totalement born´e dans C(X), donc son adh´erence est compacte.
D´emonstration. — Voir par exemple [Di81, 6.3.1] ou [Ru73, Appendix, A5].
Soit G un groupe compact. Sur C(G), on peut introduire le produit scalaire hermitien
(φ, ψ) = Z
G
φ(g)ψ(g)dg, et donc la norme kφk2 =p
(φ, φ). On note L2(G) le compl´et´e de C(G) pour cette norme. Alors l’inclusionτ : C(G),→L2(G) est continue et son image est dense dans L2(G).
Pour toutφ∈L2(G), la forme lin´eaire
(−, φ) : L2(G)−→C, ψ7→(ψ, φ) est continue, car
(1) |(ψ, φ)|6kφk2· kψk2 d’apr`es l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz.
Soit k ∈ C(G×G). Pour chaquex ∈ G, l’application kx :y 7→ k(x, y) est continue ; de plus, commekest uniform´ement continue sur le compact G×G, alors l’application
G−→C(G), x7→kx est continue. Pour tout φ∈L2(G), d´efinissons K(φ) par
(2) K(φ)(x) =
Z
G
k(x, y)φ(y)dy= (kx, φ).
D’apr`es ce qui pr´ec`ede, K(φ) est une fonction continue. On a donc d´efini un op´erateur lin´eaire
K : L2(G)−→C(G),→L2(G).
Lemme 4.8. — 1)L’op´erateurK : L2(G)→L2(G) est compact.
2)Si de plus k v´erifiek(y, x) =k(x, y), alors K est auto-adjoint.
D´emonstration. — 1) Posons M =kkk∞= sup(x,y)∈G×G|k(x, y)|. Alors, pour toutx∈G, on akkxk26M. Combinant ceci avec (2) et (1), on obtient
|K(φ)(x)|6M· kφk2. Il en r´esulte que la famille de fonctions
F :={K(φ)| kφk2 61}
est ´equicontinue et uniform´ement born´ee. Donc, d’apr`es le th´eor`eme d’Ascoli, son adh´erence F dans C(G) est compacte. Comme l’inclusion τ : C(G) ,→ L2(G) est continue, alorsτ(F) est compact et co¨ıncide donc avec l’adh´erence de F dans L2(G). Ceci montre que K est compact.
2) On a
(K(φ), ψ) = Z
G
K(φ)(y)ψ(y)dy= Z
G
µZ
G
k(y, x)φ(x)dx
¶
ψ(y)dy, et d’apr`es le th´eor`eme de Fubini (3.18), ceci ´egale
Z
G×G
k(y, x)φ(x)ψ(y)dxdy.
On montre de mˆeme que (φ,K(ψ)) =
Z
G
φ(x) µZ
G
k(x, y)ψ(y)dy
¶ dx=
Z
G×G
k(x, y)φ(x)ψ(y)dxdy, et l’assertion 2) en d´ecoule.
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