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Chapitre 2 Le discours sur la science et la technologie

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Academic year: 2022

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Chapitre 2 – Le discours sur la science et la technologie

1. Discours et philosophie des sciences et techniques 1.1 Progrès universel et certitudes ethnocentriques 1.2 L’âge du calcul

1.3 Critique de la modernité technique : la créature de Frankenstein

2. Technologie et sociétés de contrôle

[Lectures de W. Benjamin, G. Orwell, G. Deleuze, M. Foucault, B. Stiegler]

2.1 De la discipline au contrôle

2.2 Le pharmakon à l’époque hyperindustrielle 2.3 Prothétisation et technologies relationnelles

Conclusion

Références bibliographiques du chapitre 2

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1. Discours et philosophie des sciences et techniques – Entre l’émergence de l’humanité et sa tendance progressive à « l’abstraction » se déploie donc l’essor des techniques. Délaisser la griffe pour l’outil, le geste de désignation pour la parole, la mémoire orale pour l’écrit : cette libération à la déréalisation paraît être celle de la pensée même.

1.1 Progrès universel et certitudes ethnocentriques – Aux alentours du XVIème s., un certain nombre de mutations vont opérer, à une époque connue pour être celle des grandes découvertes. Nous avons vu, en introduction, que, jusqu’alors, en Occident, la science et le discours scientifique, étaient, selon la conception aristotélicienne séparés de la vie quotidienne (et dans une langue elle-même à part). Or, à la Renaissance, se déploie à la fois « l’idée d’un progrès de l’humanité apporté par le développement scientifique et culturel » et simultanément celle « que ce progrès doit être distribué dans toutes les couches de la société » (Auroux 1994 : 73). Cet engouement est d’autant plus fort que les Humanistes opposent leur époque à la récession d’un Moyen-Âge jugé obscur et vont peu à peu revendiquer le dépassement de l’Antiquité admirée. En 1620, au terme d’un certain recul, le poète érudit (y compris dans des disciplines non littéraires) Alessandro Tassoni pourra s’exclamer :

« Qu’ont inventé les Grecs et les Romains qui puisse se comparer à l’imprimerie ? […] Passons au compas et à la carte marine […] Quelle gloire pour celui qui a appris aux Portugais à naviguer vers un pôle inconnu, d’un horizon à un autre ! […] Quelle invention aussi terrible a-t-on imaginé qui puisse rivaliser avec nos artilleries ? […] Qu’auraient dit les Grecs et les Latins de la brillante invention des horloges mécaniques, qui sonnent et montrent les heures dans une ronde perpétuelle comme les mouvements des planètes ? À lui seul le télescope, qui vous permet de voir des choses éloignées de quinze ou vingt milles comme si elles étaient devant vous, et qui découvre des étoiles invisibles dans le ciel, surpasse de loin n’importe quelle invention des Grecs et des Latins tout au long de ces siècles tant vantés »1.

C’est aussi l’heure des colonisations, au nom du progrès universel : dans la doxa occidentale, nul ne doute alors que les sociétés européennes soient porteuses d’un idéal civilisationnel supérieur face à la barbarie de peuples primitifs qui renvoient à l’image de l’état de nature dont auraient su s’extraire les Occidentaux… Ce que n’ont pas su ni sans doute voulu voir les conquérants2, c’est, en particulier que la civilisation précolombienne avait su établir la plus grande ville du monde (Tenochtitlan) en son temps et développer de remarquables connaissances mathématiques et astronomique. L’œuvre monumentale, bien que partiellement mise au jour, reste à nos yeux actuels considérable et atteste de grandes compétences architecturales. Et que dire de la richesse exceptionnelle de l’art olmèque, ou encore de l’invention des notions d’infini et de zéro par les Mayas ? De bien curieux « primitifs » que ces concepteurs de calendriers, d’horoscope, de système numéral, d’écritures glyphiques, de codex et de papier d’amate… toutes manifestations culturelles qui s’avèrent d’assez pauvres vestiges au regard de ce qu’a dû être la technologie maya à ce qu’en subodorent les spécialistes contemporains. Peu de voix connues et d’autorité s’élèvent à l’époque de la conquête (B. De Las Casas, au-delà des ambigüités qu’on a pu lui reprocher3 ou Montaigne, si moderne, demeurent de notoires exceptions) pour inviter à ouvrir les esprits occidentaux aux traditions du « Nouveau-Monde ».

                                                                                                                                       

1 Cité par Monique Mund-Dopchie à la suite de John Hale (1993/1998 : 611-612).

2 Plusieurs civilisations étaient en fait déjà éteintes à l’arrivée des Européens. Au reste les archives et l’importante documentation écrite – des Mayas, par exemple – ont été systématiquement détruites au nom de la lutte de la Chrétienté contre ce qu’elle tenait pour de l’idolâtrie.

3 Le dominicain Bartolomé de Las Casas est connu pour avoir défendu, au milieu du XVIème s., la cause sociale et juridique des Amérindiens, dénonçant en particulier les exactions des Conquistadors (Très Brève Description de la Destruction des Indes). Mais son succès moral et d’influence vis-à-vis des pouvoirs de l’époque a mécaniquement induit un transfert sur les peuples africains en déclenchant la Traite des Noirs. On lui a en fait reproché d’avoir, dans sa jeunesse, accepté, afin de soulager le travail des Indiens, d’autoriser un temps les colons à recourir à des esclaves arrachés au sol d’Afrique. Cette compromission a fait longtemps oublier toutefois son repentir et sa vigoureuse dénonciation de cette nouvelle forme d’esclavage, comme tout aussi cruelle et inhumaine que la précédente. Force est de constater que son Histoire des Indes qui contient cette position ferme n’est parue que trois siècles après sa mort, ce qui n’a guère facilité la levée d’un certain contre-sens selon ses apologues.

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Cette parenthèse se veut souligner la mentalité d’une période où la foi dans les progrès technologiques se tisse et s’amplifie dans les certitudes ethnocentrées. On peut considérer qu’elle annonce une prééminence, du fait du rapport de forces entre les cultures techniques dans la forme même (impérialiste) que prendront les processus innovants : la « persistance » d’un sous- développement technique que l’on croit lire parfois notamment dans les traditions océaniennes, africaines ou amérindiennes est en fait largement explicable par la régression à laquelle elles ont été ramenées par la colonisation et la conquête d’autres sociétés et tout particulièrement celles de l’Europe occidentale à partir de l’essor du mode de production capitaliste, au début du XVIème s. :

« Les sociétés que nous appelons “ sous développées ” ne sont pas telles de leur propre fait, et on aurait tort de les concevoir comme extérieures au développement occidental ou restées indifférentes devant lui.

En vérité, ce sont ces sociétés qui par leur destruction directe ou indirecte entre le XVIème s. et le XIXème s. ont rendu possible le développement du monde occidental. Entre elles et lui existe un rapport de complémentarité. Le développement lui-même et ses exigences avides, les ont faits telles que ce développement les découvre aujourd’hui. » (Lévi-Strauss 1973 : 368)

Mais cette régression (ce régrès selon le mot du grand géographe É. Reclus) est accentuée par la condescendance occidentale pour les peuples dits « primitifs » (qu’ira jusqu’à reproduire l’anthropologie structurale de C. Lévi-Strauss, même dans l’expression de sa gêne pour l’emploi du terme, dont il concède la circularité en sciences sociales) : l’approche anthropologique n’y voit-elle pas des sociétés définies par « l’archaïsme de leurs techniques et de leurs institutions » (Lévi- Strauss 1974 : 116).

C’est à cette aune relativisatrice qu’il faut donc bien (re)considérer les progrès technoscientifiques qui surviennent aux Temps Modernes en Occident, à commencer par leur mode d’inscription conceptuel (philosophique et langagier). Ainsi contextualisée, la réflexion linguistique de l’époque (XVIème s. - XVIIème s.) qui met au jour l’existence de règles langagières, non seulement n’échappe pas au mouvement général mais en participe directement. Des millénaires après l’invention de l’écriture et de la grammaire, le processus de grammatisation se poursuit en effet dans la réflexion sur la régularité des langues et l’invention de l’imprimerie. On verra dans l’ère numérique un prolongement de cette même dimension socio-technique de la grammaire, sans qu’il soit aisé de dégager les déterminations locales sur les langues (notamment, en termes de codification, de normes d’usage…) du regard porté sur elles. En revanche, les effets de cette praxis de linguistique sont clairement perceptibles dans le temps et l’espace des langues :

« Tout comme les routes, les canaux, les chemins de fer et les terrains d’aviation ont modifié nos paysages et nos modes de transport, la grammatisation a profondément modifié l’écologie de la communication et l’état du patrimoine linguistique de l’humanité. Il est clair, entre autres choses, que les langues peu, voire non « outillées », ont par là même été davantage exposées à la disparition. Il est certain que la grammatisation a eu pour contrepartie un immense linguicide, tantôt volontaire (politique linguistique et lutte entre différents centres), tantôt pas (choix non raisonné de variantes locales). » (Auroux 1994 : 116)

L’outillage linguistique qu’évoque ici S. Auroux met au jour une double conséquence qui n’est pas propre qu’au domaine du langage : d’un côté, les instruments (écriture, grammaire, alphabet, imprimerie, codage numérique…) qui assurent les niveaux de déploiement technique (permettant la mémorisation, la pérennité du système en vigueur, l’élévation des degrés d’abstraction, la spécialisation des usages linguistiques pour d’autres activités humaines que la stricte communication, l’amélioration de la transmission des connaissances, les techniques de traduction, le développement de nouveaux objets techniques…) ont tendance à renforcer l’influence des systèmes qui s’en servent ; de l’autre, ils amenuisent d’autant celle des systèmes qui n’y font pas recours (problème des langues sans écriture, etc.)4. À l’enrichissement et au renforcement des sociétés recourant aux nouveaux outils techniques correspondent invariablement l’appauvrissement et l’affaiblissement des modèles plus traditionnels (et notamment en raison des rapports notés supra). Cette question ne sera pas réellement problématisée, comme on va voir, avant l’époque

                                                                                                                                       

4 Rappelons qu’on considère qu’actuellement sur les 6000 langues existantes, la moitié est menacée de disparaître ; c’est déjà le cas, en moyenne, pour une langue chaque quinze jours. Ajoutons que seuls 10 % des langues sont présentes sur Internet et que 90 % des langues d’Afrique ne sont pas écrites.

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moderne et il faudra attendre le XXème s. – au cours duquel les avancées technologiques vont accélérer leur course (amenuisant au passage les temps d’inertie et d’adaptation) – pour qu’elle fasse l’objet d’une réflexion sur le bien-fondé de cet état de choses. Il faut dire que les nouvelles standardisations issues, à l’époque contemporaine, et avec l’économie de marché et l’uniformisation des systèmes politiques de la révolution technologique en occident ont renouvelé l’arrogante prétention de ce dernier à l’universalisation… avant de connaître de plus récentes contestations, non moins radicales aux plans idéologique, économique, social, culturel… et linguistique (seules 4 des 10 langues les plus parlées au monde sont d’origine européenne, le mandarin regroupant 4 fois plus de locuteurs que l’anglais ou le castillan qui occupent respectivement les rangs suivants…).

1.2 L’âge du calcul – Entretemps, le XVIIème s., connu comme celui de la période classique, a vu aussi le déploiement de l’algèbre comme « soulagement de l’imagination »5 : c’est l’ère du raisonnement analogique et de la « pensée calculable ». Bien entendu, cela n’implique nullement qu’on ait inventé le calcul à cette époque (le mot latin « calculum » renvoie à des petits cailloux de comptage déjà en circulation au néolithique). Mais cette période voit un nouveau déploiement des outils issus de la grammatisation : d’un côté, l’assurance philosophique de la maîtrise – une certitude qui se coule bientôt dans l’idéologie dominante – que l’intelligence humaine et les instruments techniques qui la développent doit accomplir sur le monde6 ; de l’autre, l’optimisation des langages logiques, poursuivant le processus historique (commencée en fait avec l’activité préhistorique de numération) de décharges du sens. C’est en effet sur un dégagement du sens tel qu’il fonctionne dans le cadre du langage naturel que reposent les langages formels, tels le symbolisme mathématique. Leibniz ou Condillac envisageaient la création d’un langage universel fait de la combinaison de symboles simples et, par là, de réduire la pensée à des signes manipulables. Il s’agit de voir plus précisément dans l’abstraction mathématique la poursuite de la projection des données linguistiques (et graphiques) représentant l’espace physique vers un espace abstrait et théorique (une topologie soit, proprement, un discours sur l’espace) qui conduira, par suite, comme on sait, à l’informatisation des ressources et des procédures et au règne des mondes virtuels. Il s’agit aussi d’un univers de cohérence logique, qui tient par l’efficacité interne de ses algorithmes et de ses propositions démontrables. La recherche est aussi celle de la vérité première, brute, de l’univers sous les relations algébriques et celle des algorithmes. C’est, par exemple, la force de la science physique que d’avoir su, par ses modélisations rigoureuses, approcher les données de la matière particulaire et cosmique, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Cette vérité de l’univers comme Nombres, offre bien entendu – et on trouve là matière à nouveau paradoxe – à se relier à la tradition antique de l’ésotérisme mystique présocratique : pour la tradition pythagoricienne, en effet « les choses sont nombres »7. On reverse ici à nouveau dans l’idéologique : que la science puisse accéder à une vérité sans fard, mais aussi hors contexte et in fine éternelle n’a sans doute pas peu contribué à conduire à l’arrogance démesurée (péché mortel en Grèce ancienne, connu sous le nom d’hubris) du XXème s.

Toutefois, calculateurs et algorithmes issus de la formidable expansion des formalismes assument un effort de la pensée sur elle-même, une expérimentation de l’idée par elle-même.

Comme l’explique B. Bachimont (2004 : 2), à partir du XVIIème s., trois voies dans l’approche du signe vont être développées : celle, cartésienne, de la construction des figures géométriques, celle, défendue par Leibniz, d’un formalisme arithmético-algébrique et celle du raisonnement philosophique qu’incarnera plus spécialement Kant.

                                                                                                                                       

5 Condillac, cité par Quéau (1985 : 195).

6  Ainsi, le cartésianisme, qu’on peut voir notamment comme une réaction au fameux procès de Galilée (en 1633) repose

sur l’assomption selon laquelle l’homme doit se « rendre comme maître et possesseur de la nature » (R. Descartes, Discours de la Méthode, 1637).

7 De l’allégorie platonicienne de la Caverne à celle de la Matrice (film des frères Wachowski), l’idée que l’humanité, esclave des apparences, n’accède qu’à une part superficielle de la réalité a traversé toutes les traditions philosophiques, artistiques ou religieuses.

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La première est celle d’un raisonnement (intuitif) guidé par l’évidence de la figure géométrique qui montre directement ce qu’elle signifie et lui confère, précisément sa valeur. Face aux apories subjectives (et donc arbitraires) dont est suspecte l’évidence, le symbolisme mathématique repose sur une combinatoire de lois purement formelles et la complexité de raisonnements suppléant économiquement les données qu’on ne peut mobiliser intellectuellement : les signes (symboles ou dénominations) sont aptes à représenter l’expérience et les concepts techniques les plus sophistiqués. Les deux conceptions ont en commun de travailler à partir des symboles eux-mêmes, qu’il y ait co-présence (cas des figures) ou non (cas du formalisme) des données conceptuelles représentées. En revanche, la troisième approche, revendiquée notamment par Kant, doit dépasser les pièges du verbalisme (confiance en la combinaison formelle des mots, sans se préoccuper du contenu symbolique de leur assemblage) et de l’intuitionnisme (limité par l’absence de partage de l’information qu’il suppose).

Ces voies se distinguent, dans une tentative de dépassement successif ; mais elles ne substituent pas définitivement l’une à l’autre : elles se maintiennent, comme démarches intellectuelles et supports de l’activité des technosciences jusqu’à nos jours. En tout état de cause, la conception traditionnelle du monde reposant essentiellement sur une cosmologie idéologique et religieuse va, à partir de la seconde moitié du XVIIIème s., se muer en constitution de savoirs objectifs (telles que l’astronomie ou la physique mathématique) sous l’impulsion des Encyclopédistes ou encore de Kant, par exemple. Or, comme y appelle le sociologue P. Fougeyrollas (1983 : 81), il importe de différencier la science par nature inventive (« forces de la production et de la connaissance objective ») de l’idéologie, tendanciellement conservatrice (« forces du maintien de l’ordre et de l’obscurcissement intellectuel »). Cette distinction va précisément se compliquer d’une relation conflictuelle entre les approches traditionnelles de la connaissance et de la compréhension du monde, plutôt conservatrices, et celles inspirées par la rationalité techno-scientifique, plutôt progressistes.

Cette dichotomie va perdurer. Comment ne pas constater que le XXème s., ère du doute et du soupçon en philosophie, a particulièrement critiqué les développements technologiques que sa société a massivement engendrés ? On peut envisager l’actuel retour de tendances fortes à l’irrationalité sous les espèces du doute face aux technosciences, non comme une conséquence de la course débridée de la technique ou des égarements de la science mais comme une insuffisance idéologique : la tendance à la conservation de rapports socio-économiques empêcherait la pensée assumée et lucide des dépassements technologiques qui ont fait la force culturelle de l’humanité.

- sources formalistes (langages formels) de la mise en symbole du discours scientifique ;

- émergence et permanence de la double dichotomie artefact/raison (ordonnancement cohérent des connaissances) VS naturalité/sapience (connaissance traditionnelle et rituelle), à mesure que s’accélèrent les changements techniques qui induisent des modifications dans les comportements sociaux ;

- la science, généraliste se distingue encore aux siècles classiques de la technique, spécialisée qui en est une application ingénieuse ;

- prémisses universalisantes du stade contemporain de la globalisation : elles ont anticipé les processus de standardisation et posé la généralisation des normes dans le domaine des technologies et au-delà des fonctionnements sociaux.

Pour mémoire

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1.3 Critique de la modernité technique : la créature de Frankenstein

Chacun connaît probablement le fameux récit de la création et du parcours tragique du monstre auquel donne vie dans le roman gothique de Mary Shelley, le personnage du professeur Victor Frankenstein. Le roman, publié par la jeune auteure en 1817 a un sous-titre : Le Prométhée moderne. On en connaît assez souvent l’adaptation cinématographique la plus aboutie : celle de J. Whales (1931) avec le magistral Boris Karloff dans le rôle du monstre.

Il est intéressant de retenir le lien, à travers le mythe de Prométhée, à celui du feu et, d’autre part, de considérer qu’à l’époque où écrit Mary Shelley, c’est l’électricité qui renvoie au questionnement du rapport entre sciences et irrationalité. C’est l’époque du mesmérisme et des expériences de salon : une part de surnaturel entre ainsi dans ce rapport magique à cette « fée » de l’électricité. Quand M. Shelley évoque

dans son roman la création du fameux monstre (quand, pour la première fois, ouvrant l’œil, il donne signe de vie), le récit est elliptique, ambigu, peu technique et le développement qui l’a précédé relève plutôt de la référence alchimique, sous un rapport ésotérique8. Frankenstein épris de science dit s’être passionné tout jeune pour « la pierre philosophale et l’élixir de vie ». Tout au long du récit le personnage va balancer entre les deux approches de la science au double sens (savoir traditionnel et/ou connaissance scientifique) où le terme s’entend encore au XVIIIème s., époque à laquelle vit le héros du roman. Ce processus va se retrouver au cinéma, avec la première transposition filmée en 1910 par… Thomas A. Edison, le célèbre inventeur, homme d’affaires et touche-à-tout génial. On y voit (ou plutôt on décèle à la lecture de la copie numérisée9) une métamorphose, assez scabreuse, dans un creuset enfermé dans un cabinet sécurisé (Fig. 3). La vie émerge sans plus d’intervention humaine, sans contact avec le démiurge. Ce placard constitue une mystérieuse

                                                                                                                                       

8 Cette conception de l’ésotérisme, qui relève d’ailleurs d’une tradition où la connaissance est avant tout révélation d’un secret enfoui, divulguable à quelques rares initiés, participe de la naturalité (et du surnaturel) et non des pratiques et artefacts humains. Il n’est surtout pas sous le regard du plus grand nombre ni sous le contrôle de la rationalité des procédures scientifiques. Reste que le roman n’établit pas de partition aussi nette entre science (en appui sur la méthode expérimentale vérifiable et contrôlée) et sapience (qui procède d’une tradition hermétique) : V. Frankenstein n’est-il pas spécialiste de philosophie naturelle, un état de la connaissance traditionnelle pré-cartésienne (et pré-galiléenne) médecin (physician) qui trouve dans la chimie moderne un prolongement satisfaisant à ses attentes ? Or c’est à l’époque concernée (XIXème s.) que le terme – qui avait progressivement et depuis Newton été remplacé par celui de physique – redevient à la mode auprès des partisans du créationnisme, soucieux de voir l’évolutionnisme rejeter toute forme d’explication surnaturelle. M. Shelley, quant à elle, prend soin de se distinguer de son personnage dans la préface, qui se prévaut notamment de la lecture du récit en plausibilité soumise précédemment pour lecture à … Charles Darwin !

9 Longtemps perdu, le film d’Edison, qui date de 1910, a été retrouvé en 2003 puis restauré et numérisé. On peut en lire la vidéo à l’adresse suivante : http://www.youtube.com/watch?v=TcLxsOJK9bs.

Fig. 2 : gros plan du visage de la créature (interprétée par B. Karloff) dans le film de 1931. On y lit la trace de techniques empruntées à la chirurgie plastique ou à la mécanique.

Fig. 3 : la scène de la transmutation dans le film d’Edison (1910). Un Frankenstein au comble de l’exaltation vient de verser une mixture savamment préparée dans le creuset (au fond du placard /four dont les portes vont bientôt être fermées) d’où émanent d’étranges et denses vapeurs. On notera la présence du squelette, posé sur une chaise, qui renvoie à la fois à la salle d’histoire naturelle et à la méditation baroque sur notre mortelle condition…

Fig. 1 : frontispice d’une réédition (1831) de l’ouvrage de M. Shelley.

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boîte noire dont le spectateur (et lui seul) est en partie avisé : on lui cache l’essentiel du processus, réalisé au fond du creuset (Fig. 4).

Il est intéressant de constater que telle n’est pas l’image traditionnelle que nous retenons du monstre de Frankenstein. On garde en mémoire en effet l’image, beaucoup plus tenace, du film de J. Whales de 1931. Les qualités de ce dernier, sans conteste bien supérieures à celles d’Edison, qui n’est encore qu’un pionnier du 9ème art – parmi tant d’autres pôles d’intérêt de sa part : cf. la Partie II du cours –, sont sans doute à l’origine de cette popularité. Cependant, il est notable de constater que c’est dans le film de Whales que l’on voit l’apparition de l’appareillage électrique et de l’étincelle stimulante, l’éclair qui donne la vie10 et non dans celui d’Edison qui pourtant est aussi l’un des grands noms (notamment

comme inventeur obstiné de la lampe à filament) de la maîtrise du fluide de la modernité, par excellence.

Or le paradoxe n’est qu’apparent : Edison reste fasciné, comme Mary Shelley, par le mythe du feu – que rappelle le creuset –, l’aventure prométhéenne et la bravade de l’interdit. Victor n’est pas maître de sa créature ni de sa genèse.

Tout au plus est-il l’imprudent démiurge, assez savant pour initier le processus mais pas assez pour le comprendre : sa connaissance d’origine ésotérique est insuffisante ; rationalité et technologie lui font défaut. Il n’y a donc pas de raison pour qu’Edison, au moment où il s’empare de la fable, en prolonge les répercussions à sa propre conception de la modernité scientifique, laquelle est tournée vers la maîtrise ordonnée, informée, du monde, de l’énergie ou de la lumière et tourne le dos aux antiques conceptions dont l’obscurantisme est reversé à la fable (celle des ésotérismes du Grand Œuvre alchimique et de la magie noire) et au monde des mystères. À peine vingt ans après, le cinéma n’est plus la simple inscription du mouvement reproduisant des saynètes théâtrales ou quasi (la grande popularité du monstre de Mary Shelley à l’époque doit beaucoup à l’explosion du nombre de ses transpositions scéniques). Il s’agit déjà d’un art, au sens moderne – c’est-à-dire bien plus qu’une technique –, c’est une création propre à représenter non seulement la diversité des représentations du monde et des symboles qui le traversent mais encore, de façon réflexive, des dangers et enjeux de la société. De ce point de vue, d’ailleurs, si les spécialistes du cinéma s’accordent à voir dans le Frankenstein de 1931 une véritable œuvre, propre à illustrer l’une des fondations de la geste hollywoodienne, c’est parce que le cinéma, qui sert à montrer n’est jamais autant lui-même que quand il met en scène un monstre.

Le socio-anthropologue et philosophe Bruno Latour a examiné la portée de l’œuvre de Mary Shelley, dont on rappelle le sous-titre : Le Prométhée Moderne. Or, si dans la tradition grecque, Prométhée est bien celui par qui le scandale survient – donnant à l’humanité le feu, volé aux dieux, il est précisément puni pour son inconséquence, sa démesure (son hubris) –, du point de vue divin

                                                                                                                                       

10 Le fond musical choisi par le réalisateur pour illustrer la scène n’est autre qu’un extrait du célèbre Oiseau de Feu du compositeur Igor Stravinsky (œuvre créée en 1910) : une nouvelle attestation du rapprochement visé du fantastique et de la modernité…

Fig. 5 : la scène où Frankenstein donne vie à sa créature (photogramme extrait du film de J. Whales).

Fig. 4 : ce que le spectateur peut observer de la mystérieuse transmutation, derrière les portes du four (photogramme extrait du film d’Edison de 1910).

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par un châtiment perpétuel (un aigle est supposé venir chaque soir dévorer son foie, qui repousse). Il est l’antithèse de l’autre mythe grec de l’âge d’or comme responsable à la fois de l’invention des techniques et de la transgression d’un certain ordre naturel (V. notamment Mund-Dopchie 2001).

Mais, selon les traditions, survient un moment où même l’aigle se lasse et finit par abandonner l’éternel supplicié, qui devient l’oublié de tous : des dieux, comme, surtout, des hommes, dans leur infinie ingratitude. On peut, avec Latour, envisager alternativement le sort fait à la « créature » : le vrai problème, tel qu’il est mis au jour au terme du roman est moins la création elle-même que son abandon, le désamour pour l’être produit par Frankenstein. D’ailleurs, dans une perspective tout autre, celle de la tradition judéo-chrétienne – sans doute celle de M. Shelley elle-même – Dieu punit Adam et Ève de leur orgueil démesuré, pour avoir goûté à l’arbre de la connaissance mais, comme le souligne Latour, il n’abandonne pas pour autant sa création, à laquelle il sacrifie même son propre fils. Le laboratoire de Victor Frankenstein est tout aussi brouillon que celui de Dieu et de son paradis terrestre mais contrairement à ce dernier, il est déserté, abandonné par son créateur… L’acte de création supposait du soin, de l’accompagnement, la patience d’un père et celle du savant qui doit se livrer méticuleusement à ses expériences, faire attention, apprendre à aimer sa créature, fût- elle monstrueuse. Au lieu de cela, seul semble compter le succès immédiat, avant la fuite, la désertion. Il s’agit de l’un des premiers grands romans d’anticipation qui nous met ainsi en garde non contre la science mais contre son interruption. Comme le dit Latour (2010),

Aussi étrange que cela sonne, il faut aimer les sciences, les techniques, les marchés, bref, l’artificiel d’une Terre dont il faut apprendre à renouveler la face.

Cet accompagnement des sciences et des techniques constitue une approche dialectique élégante pour résoudre la contradiction interne à l’avancée et au déploiement exponentiel au XXème s. des technologies, suppléant l’humanité dans bien des tâches… au point de devenir un risque, un danger monstrueux suscitant la défiance a priori. Aimer nos créations, notre activité technologique, c’est bien entendu, savoir dire non, à certaines occasions : faire jouer la « paternelle » raison, dans notre intérêt autant que dans le leur propre. Mais il n’est qu’à rappeler ce qu’il advient actuellement (et depuis plusieurs décennies) du débat public sur les avantages et les inconvénients de la maîtrise de l’atome et de l’énergie nucléaire, de l’utilisation des hydrocarbures et de leurs dérivés, des organismes génétiquement modifiés, des ondes électromagnétiques, des nanotechnologies, etc., pour réaliser à quel point, pour la société hyperindustrielle (Stiegler), le choix d’une rationalité (plutôt qu’une autre, dans le temps…) est cornélien.

2. Technologie et sociétés de contrôle – La peur des technologies est, comme on vient de l’observer, un thème récurrent dans le domaine artistique et philosophique. La relecture d’un des mythes du feu, précédemment exposée, réservée traditionnellement à un questionnement religieux ou romantique va trouver un écho croissant au XXème s., surtout à partir de l’entre-deux guerres dans une pensée rationnelle éclairée. La technologie apparaît comme pouvant être beaucoup plus meurtrière que progressiste pour l’ensemble de l’humanité, même bon an mal an et tous comptes faits. C’est que le caractère massif des destructions matérielles et humaines dans la première grande conflagration mondiale a montré le caractère le plus annihilateur de la technique soumise à des impératifs qui gouvernent la compétition entre les nations. Le fait n’est, bien entendu, pas nouveau mais il est évident qu’un seuil qualitatif a été franchi : la Seconde Guerre Mondiale, occasionnant une régression généralisée confirmera malheureusement le pronostic d’un philosophe aussi exigeant que Walter Benjamin :

« le caractère destructeur de la guerre fournit la preuve que la société n’est pas assez mûre pour incorporer la technologie comme son organe, que la technologie n’a pas été suffisamment développée pour faire face aux forces élémentaires de la société ».

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De même, pour Georges Orwell, auteur du fameux 1984 aux accents délibérément prophétiques,

« les technologies ne résultent plus d’une application stricte de la science ». Il s’agit là de penseurs assurément progressistes, qui font écho aux avertissements et pronostics d’un Karl Marx, au siècle précédent, lequel estime pourtant comme principiel l’allègement du travail humain par les machines… un développement quasi inéluctable mais qui nécessite à terme un bouleversement des structures sociales. Non seulement celui-ci, en dépit des importants processus révolutionnaires du XXème s. n’est pas advenu (ou abouti, selon le point de vue à partir duquel on l’envisage) mais l’écart sociétal entre l’essor des moyens technologiques et la satisfaction des besoins des forces productives (entendre : les couches massives de la population mondiale qui sont à la source directe de la fabrication des richesses et de la transformation des ressources, à l’inclusion de leurs outils de travail) n’a jamais paru aussi important. D’un autre côté, l’impasse constatée ne se résout pas dans la mise en œuvre d’un programme de société nouvelle, contrairement à ce qu’il en a été dans les stades précédents de transformation des modes de production (l’esclavagisme remplacé par le féodalisme, auquel vient se substituer le capitalisme). Ce problème, qui renvoie à nouveau au rapport entre société et technologie, va faire l’objet d’une réflexion plus poussée et affinée, à partir du dernier quart du XXème s.

2.1 Technologies et sociétés de contrôle – Les grandes disputes que nous venons rapidement d’aborder, sont devenues quelque peu incantatoires au fil du temps. On sait l’abondance contemporaine des thématiques en termes de bienfaisance / nuisance dans le domaine de la science comme meilleure et pire des choses et leurs retombées afférentes sur l’attraction-fascination / peur- critique des technologies : effets des gaz à effets de serre, diffusion des rayonnements et des radiations, omniprésence des ondes, enjeux autour des organismes génétiquement modifiés, des nanotechnologies, dépendance des médias, addictions aux objets techniques…

Au-delà des polémiques locales (la question du nucléaire peut-elle se poser en dehors de celles du rapport entre sociétés et énergie ?) ou décontextualisées (comment intemporellement affirmer que la technologie est en soi une bonne ou une mauvaise chose ?) il est devenu urgent de penser plus globalement notre rapport à la culture technique à l’aune d’une mise en perspective historique et sociale. Certains philosophes contemporains, tels Michel Foucault ou Gilles Deleuze se sont attelés à cette redoutable tâche. Leur diagnostic repose sur l’observation d’un processus de transformation sous-jacent qui traverse et travaille les sociétés dites de la post-modernité.

Pour sa part, Foucault a décrit avec précision le passage des sociétés de souveraineté à celles de discipline. Au début du XIXème s., ces dernières, issus de la discipline11 des siècles classiques instaurent le fonctionnement du pouvoir disciplinaire construit sur le panoptisme. Le modèle conçu par l’anglais Bentham pour les prisons (et inspiré, semble-t-il, d’une ménagerie installée auparavant à la Cour de Louis XV) va entrer en vigueur pour surveiller les malades mais aussi le travail des ouvriers, puis celui des écoliers :

« L’asile psychiatrique, le pénitencier, la maison de correction, l’établissement d’éducation surveillée ; et pour une part les hôpitaux, d’une façon générale, toutes les instances de contrôle individuel fonctionnent selon un double mode : celui du partage binaire et du marquage (fou-non fou ; dangereux-inoffensif ; normal-anormal) ; et celui de l’assignation coercitive, de la répartition différentielle (qui il est ; où il doit être ; par quoi le caractériser, comment le reconnaître ; comment exercer sur lui, de manière individuelle, une surveillance constante, etc.).

D’un côté, on « pestifère » les lépreux ; on impose aux exclus la tactique des disciplines individualisantes ; et d’autre part l’universalité des contrôles disciplinaires permet de marquer qui est « lépreux » de faire jouer contre lui les mécanismes dualistes de l’exclusion. Le partage constant du normal et de l’anormal, auquel tout individu est soumis, reconduit jusqu’à nous et en les appliquant à de tout autres objets, le marquage binaire et l’exil du lépreux ; l’existence de tout un ensemble de techniques et d’institutions qui se donnent pour tâche de mesurer, de

                                                                                                                                       

11 L’emprisonnement est ainsi, selon Foucault (1975) une « technologie nouvelle : la mise au point, du XVIème au XIXème s., de tout un ensemble de procédures pour quadriller, contrôler, mesurer, dresser les individus, les rendre à la fois “ dociles et utiles ”. Surveillance, exercices, manœuvres, notations, rangs et places, classements, examens, enregistrements, toute une manière d’assujettir les corps, de maîtriser les multiplicités humaines et de manipuler leurs forces s’est développée au cours de siècles classiques, dans les hôpitaux, à l’armée, dans les écoles, les collèges ou les ateliers : la discipline ».

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contrôler, et de corriger les anormaux, fait fonctionner les dispositifs disciplinaires qu’appelaient la peur et la peste. Tous les mécanismes de pouvoir qui, de nos jours encore, se disposent autour de l’anormal, pour le marquer comme pour le modifier, composent ces deux formes dont elles dérivent de loin » (Foucault 1975 : 232- 233).

L’institution disciplinaire par excellence, la prison, voit le développement du dispositif panoptique12

« qui doit améliorer l’exercice du pouvoir en le rendant plus efficace, un dessin des coercitions subtiles pour une société à venir » (Foucault 1975 : 211). Cette étape qui voit le développement spécialisé de l’institution disciplinaire lui semble transitoire, dans le cadre d’une société où émerge un autre rapport au pouvoir. Dans cette société, que Deleuze (à la suite de Burroughs) appellera

« société de contrôle », on va « désenfermer les disciplines et les faire fonctionner de façon diffuse, multiple, polyvalente dans le corps social tout entier » (ibidem). Les mécanismes disciplinaires vont dès lors s’essaimer (alors que les établissements disciplinaires ne vont cesser de se démultiplier) mais aussi se désinstitutionnaliser.

« Nous sommes dans une crise généralisée de tous les milieux d’enfermement, prison, hôpital, usine, école, famille. La famille est un « intérieur », en crise comme tout autre intérieur, scolaire, professionnel, etc. Les ministres compétents n’ont cessé d’annoncer des réformes supposées nécessaires. Réformer l’école, réformer l’industrie, l’hôpital, l’armée, la prison ; mais chacun sait que ces institutions sont finies, à plus ou moins longue échéance. Il s’agit seulement de gérer leur agonie et d’occuper les gens, jusqu’à l’installation de nouvelles forces qui frappent à la porte. Ce sont les sociétés de contrôle qui sont en train de remplacer les sociétés disciplinaires.

« Contrôle », c’est le nom que Burroughs propose pour désigner le nouveau monstre, et que Foucault reconnaît comme notre proche avenir. Paul Virilio aussi ne cesse d’analyser les formes ultra-rapides de contrôle à l’air libre, qui remplacent les vieilles disciplines opérant dans la durée d’un système clos. Il n’y a pas lieu d’invoquer des productions pharmaceutiques extraordinaires, des formations nucléaires, des manipulations génétiques, bien qu’elles soient destinées à intervenir dans le nouveau processus. Il n’y a pas lieu de demander quel est le régime le plus dur, ou le plus tolérable, car c’est en chacun d’eux que s’affrontent les libérations et les asservissements.

Par exemple dans la crise de l’hôpital comme milieu d’enfermement, la sectorisation, les hôpitaux de jour, les soins à domicile ont pu marquer d’abord de nouvelles libertés, mais participer aussi à des mécanismes de contrôle qui rivalisent avec les plus durs enfermements. Il n’y a pas lieu de craindre ou d’espérer, mais de chercher de nouvelles armes. » Deleuze (1990)

Un prolongement du diagnostic de Deleuze peut être trouvé dans le recyclage d’objets techniques destinés à la fonction régalienne de surveillance, telle que l’administration pénitentiaire l’a développée : le fameux contrôle panoptique13 (Foucault 1975 : 228-264) des prisonniers, relayé à l’époque contemporaine par le canal interne des caméras a connu un déploiement retentissant en mode externe, dans le cadre de la vidéosurveillance urbaine ; plus récemment, les portiques de sécurité à rayons X, aptes à scanner les corps humains (et non plus seulement les objets) expérimentés dans certains aéroports et qui ont défrayé la chronique avaient été d’abord en vigueur dans des centres pénitentiaires. Mais l’insistance du contrôle social comme « nouveau monstre » issu du mariage de la maîtrise des rapports sociétaux de dominance et de la technologie ne donne pas

                                                                                                                                       

12 Il s’agit d’un aspect directement corrélé à la technologie. On doit en effet, un siècle plus tôt, à Bentham (1791) un modèle architectural de prison dit Panopticon qui assure une surveillance interne (sur le principe d’un tour centrale assurant l’observation permanente des cellules disposées en anneau tout autour). Il s’agit de voir sans être vu et sans donner d’indices de la présence / absence des gardiens. Il s’agit surtout que les prisonniers se sentent constamment sous surveillance. Pour cela, une ingénieuse machinerie va être mise au point. L’innovation réside aussi dans le fait qu’on ne conserve que l’enfermement et non plus la dissimulation. La résolution du problème technique de la surveillance ouvre en fait à une nouvelle conception de la société. La société des disciplines est aussi celle « des techniques pour assurer l’ordonnance des spécificités humaines » (Foucault 1975 : 254).

13 Le panoptisme repose sur un système social de surveillance généralisé, recoupant un quadrillage administratif systématique de l’espace et des procédures d’enregistrement permanentes (sous formes de rapports, observations, prises de notes de divers agents et corps institutionnels) valant en particulier dans le domaine de la lutte contre les épidémies.

Le début du XIXème s. voit la généralisation de ce que Foucault appelle le « pouvoir disciplinaire ».

Activité d’un opérateur dans un centre de vidéosurveillance urbaine. Photographie floutée (en raison du… droit à l’image !).

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lieu chez Deleuze à une simple déploration. La comparaison avec les problèmes et contradictions des sociétés précédentes permet en effet d’une part de ne pas tenter de faire obstacle aux processus historiques, en soi, mais de déplacer l’objet philosophique de la critique sociale vers la nouvelle nature du lien entre idéologie, technique et rapports sociaux : il s’agit avant tout de constater la nature qualitative du changement opéré, en vue d’en combattre les effets les plus négatifs sur les structures et comportements sociaux. Un nouvel effet seuil est ainsi dégagé, à remettre en perspective dans le cadre plus général des modes d’inscription de la technologie dans l’aventure humaine. L’évolution des technologies s’avère de la sorte corrélée à celle des sociétés, économiquement, socialement, culturellement, psychologiquement. Elle induit d’observer les processus émergents et de les appréhender en réassociant les objets techniques et sociétaux :

« L’étude socio-technique des mécanismes de contrôle, saisis à leur aurore, devrait être catégorielle et décrire ce qui est déjà en train de s’installer à la place des milieux d’enfermement disciplinaires, dont tout le monde annonce la crise. Il se peut que de vieux moyens, empruntés aux anciennes sociétés de souveraineté, reviennent sur scène, mais avec les adaptations nécessaires. Ce qui compte, c’est que nous sommes au début de quelque chose. » (ibidem)

Bien que très bref, le texte de Deleuze renvoie à un certain nombre de manifestations sociales, culturelles ou institutionnelles pour exemplifier le propos :

Beaucoup de jeunes gens réclament étrangement d’être « motivés », ils redemandent des stages et de la formation permanente ; c’est à eux de découvrir ce à quoi on les fait servir, comme leurs aînés ont découvert non sans peine la finalité des disciplines. Les anneaux d’un serpent sont encore plus compliqués que les trous d’une taupinière.

[…]

Dans le régime des prisons : la recherche de peines de « substitution » au moins pour la petite délinquance, et l’utilisation de colliers électroniques qui imposent au condamné de rester chez lui à telles heures. Dans le régime des écoles : les formes de contrôle continu, et l’action de la formation permanente sur l’école, l’abandon correspondant de toute recherche à l’Université, l’introduction de l’« entreprise » à tous les niveaux de scolarité.

Dans le régime des hôpitaux : la nouvelle médecine « sans médecin ni malade » qui dégage des malades potentiels et des sujets à risque, qui ne témoigne nullement d’un progrès vers l’individuation, comme on le dit, mais substitue au corps individuel ou numérique le chiffre d’une matière « dividuelle » à contrôler. Dans le régime d’entreprise : les nouveaux traitements de l’argent, des produits et des hommes qui ne passent plus par la vieille forme-usine. Ce sont des exemples assez minces, mais qui permettraient de mieux comprendre ce qu’on entend par crise des institutions, c’est-à-dire l’installation progressive et dispersée d’un nouveau régime de domination. Une des questions les plus importantes concernerait l’inaptitude des syndicats : liés dans toute leur histoire à la lutte contre les disciplines ou dans les milieux d’enfermement, pourront-ils s’adapter ou laisseront- ils place à de nouvelles formes de résistance contre les sociétés de contrôle ? Peut-on déjà saisir des ébauches de ces formes à venir, capables de s’attaquer aux joies du marketing ? (ibid.)

Entre autres réflexions nouvelles, on retiendra, dans le passage qui précède, la question de l’individualité, à une époque où on en revendique partout les manifestations et assomptions.

Deleuze conteste en effet la fausse évidence de l’autonomie et du régime de liberté qui est donné comme un allant-de-soi et propose de la lire dans le registre de la division (revenant au sens étymologique) à partir de la systématisation de l’usage statistique dans les pratiques de planification, d’organisation et de curation (le cas de la médecine est en particulier avancé)14. Cette idée nous renvoie bien entendu à l’ère du numérique (et du comptage social : deux retombées de la grammatisation et de ses formes de discrétisation) en soulignant à quel point l’artefact technique perd son rôle libérateur dès qu’il s’agit de le soumettre à la dominance et au contrôle social (« nouveau monstre »).

On terminera ce panorama sélectif de certaines facettes de la pensée de l’évolution technologique par les réflexions synthétiques d’un penseur actuel original, aussi nourri des précédents auteurs qu’attentif aux données du réel contemporain.

                                                                                                                                       

14 De la sorte, il s’agit moins d’une critique de la tendance à l’individualisme que de mettre en avant le fait que, contrairement aux apparences, les sujets sont faussement libres de leurs actes (ce que supposerait d’ailleurs la dénonciation même de pratiques individualistes).

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2.2 Le pharmakon à l’époque hyperindustrielle – C’est aussi en philosophe que B. Stiegler conduit une réflexion sur la dissociation, depuis la Grèce antique entre la philosophie et la technique : la première s’étant détourné du fait de penser la seconde, alors même que la vérité philosophique ne peut que prendre appui sur la tekhnè (comme dans le cas de l’écriture). Or cette dernière est précisément ce qui constitue la spécificité humaine, laquelle repose sur une artefactualité qui est aussi son essence. On voit la retombée politique (au sens philosophique) : la technicité essentielle fonde le principe, tout aussi essentiel, de la controverse, de la conflictualité, voire de la guerre, puisque, par définition, elle ne va pas de soi, n’est pas donnée, mais construite et donc fondamentalement discutable. Se pose donc la question de la nature même du sociétal (du latin : socius), du vivre ensemble : si la dimension symbolique (de la pensée du monde, sur le monde) est celle d’un environnement associé, les milieux des objets techniques et des nouvelles technologie sont ceux de la dissociation. Ce problème fait l’objet d’une interrogation plus poussée pour l’époque actuelle, dite hyperindustrielle.

« La question du XXIe siècle est celle de la révolution des modes d’existence humains, qui doivent devenir des modes de consommation en liquidant les savoir-vivre dans ce qui devient une économie industrielle de services dont les industries de programmes sont la base. C’est ce qui conduit à la destruction des milieux associés, c’est- à-dire des milieux symboliques, qui sont remplacés par des milieux dissociés, c’est-à-dire des milieux cybernétiques. »

Enregistrant le caractère moribond d’un système capitaliste consumériste, le philosophe constate aussi l’émergence d’une économie alternative de la contribution : l’innovation permanente, née au alentours de 1780, a été rendue possible par l’essor de la technologie. Mais l’extrême accélération de son développement, à l’époque contemporaine, de l’« innovation descendante » (car hiérarchisée du « haut » de la décision au « bas » de l’application) ne permet plus de prendre le temps de l’intégration sociale et de l’apprentissage adapté qu’il suppose, d’un nouveau savoir-vivre. Le consumérisme, comme technique innovante (sous l’angle du marketing, devenue pour l’auteur la

« science des sociétés de contrôle ») a permis de différer l’impasse économique, d’un point de vue capitalistique, d’une technologie satisfaisant de seuls besoins. Mais elle réduit du coup – en particulier grâce aux méthodes du marketing – à un calcul jusqu’au désir de consommer en parvenant à transformer ce dernier en pulsion toxique. Stiegler souligne que ce mouvement obsessionnel conduit à l’annihilation de relations sociales, la guerre interindividuelle, les crises financières récurrentes, le surendettement généralisé, la pollution globale et la destruction des ressources… Toutefois, les technologies numériques ont ouvert à un nouveau déploiement, celui d’une intelligence collective, support d’une économie alternative de la contribution (organisée en réseaux de contributeurs qui tendent à subsumer l’opposition consommateurs / producteurs : logiciels libres et gratuits, encyclopédies participatives, médias contributifs…) et de l’innovation ascendante mais qui nécessite, pour sortir d’un stade embryonnaire et s’épanouir d’inventer un nouveau modèle civilisationnel.

Mais cette voie ne va pas davantage de soi que pour les phases précédentes du rapport de l’humanité à sa technologie. Il s’agit en effet de penser cette dernière comme pharmakon : un terme que Stiegler reprend à Derrida. La technologie peut être comprise simultanément comme poison et comme remède plutôt que comme un cadre qui réduirait les êtres humains à de la matière brute, première15. À travers le principe de pharmacologie, on retrouve un écho d’une pensée également rencontrée chez Latour, puisque le pharmakon, c’est aussi « ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin au sens où il faut faire attention ». C’est à la fois le danger et ce qui sauve.

Telle est l’ambivalence de toute technique, qui est pharmaco-logique : du silex qui sert d’outil pour construire ou d’arme pour détruire à l’écriture alphabétique : instrument d’émancipation / d’aliénation.

                                                                                                                                       

15 Il est amusant qu’en Grèce ancienne, le mot ait aussi désigné l’équivalent du bouc émissaire (au sens d’exutoire).

Stiegler souligne que, précisément, le pharmakon peut devenir ce bouc émissaire : les techniques rendues responsables de tous les maux, dans une société incapable de les intégrer et de les gérer. Un pharmakon peut aussi, dans certaines conditions sociales et historiques être à prohiber en soi, en dépit de l’intérêt qu’il y a à cultiver plutôt une pharmacologie positive : la domestication de l’énergie nucléaire soulève ce problème.

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2.3 Prothétisation et technologies relationnelles – Au fond, en replaçant cette conception à l’échelle historique, le véritable constat concerne l’inflexion enregistrée par le processus de prothétisation : notre histoire a été jalonnée d’une longue extériorisation technique, c’est-à-dire dans la mesure où les instruments ont consisté à prolonger l’action de notre corps, jusqu’à l’activité mentale de notre cerveau. Or Stiegler note qu’à l’époque contemporaine, non seulement les prothèses se déploient en nous mais encore et surtout elles touchent à l’essence du processus biologique même, puisque qu’elles concernent la reproduction du vivant : le cas des organismes génétiquement modifiés (OGM) en est une illustration dont la problématique traverse l’espace public.

Pour terminer, on abordera, toujours à la suite de Stiegler, la question des technologies relationnelles : généralement dénommées technologies de l’information et de la communication, et issues de innovations constituées par les divers supports médiatiques (tels la radio et téléphone, dont il sera question plus précisément au prochain chapitre) elles relèvent historiquement du processus de grammatisation. Comme on l’a noté pour l’émergence des écritures, ce processus, directement issu du mouvement technologique pluri-millénaire a opéré une représentation spatialisée du temps (autrement dit, il a discrétisé le flux temporel). Cette décomposition (de la parole à l’écrit, du geste à la machine-outil…) qui a mené à l’automatisation, à l’informatique et au numérique vaut aujourd’hui pour les relations (psycho)sociales qui sont littéralement à leur tour grammatisées (Stiegler dit aussi engrammées) par les technologies relationnelles. On pense naturellement pour ces dernières aux réseaux sociaux : ils n’en constituent cependant qu’une partie, dans la mesure où leur milieu technologique associé est formé par l’internet (formé, rappelons-le, d’applications : le web, le courrier électronique, la messagerie instantanée…). Les possibilités ouvertes sont indéniables : l’activité contributive et les logiques participatives, plutôt démocratiques (bottom-up) déploient une inter-relation individuelle, une co-individuation. Mais cette dimension positive (associée) est court- circuitée et contrariée par le fait que le web soit aussi un système industriel « dépossédant les internautes de leurs données pour les soumettre à un marketing omniprésent et individuellement tracé et ciblé par les technologies du user profiling ». Les altérations des réseaux sociaux par la tendance à « monétiser à court terme le graphe des relations sociales » la nécessité, pour B. Stiegler de viser à une écologie relationnelle (qui consiste à accompagner les environnements technologiques concernés et développer une transindividuation positive).

Les technologies relationnelles sont avant tout des technologies industrielles de transindividuation : elles produisent de la transindividuation en grammatisant les relations elles-mêmes, et cette grammatisation sur- détermine la constitution les relations des individus qui s’y co-individuent et se socialisent ainsi.

Généralement, cette grammatisation, à ce stade de développement des réseaux sociaux et des technologies relationnelles numériques, n’est pas encore un objet d’individuation collective thématisé et critiqué, c’est-à-dire adopté : les technologies relationnelles rendent possibles la constitution d’espaces et de temps relationnels critiques (c’est-à-dire de circuits de transindividuation critiques), mais en l’état actuel de leur organisation, ce sont au contraire et en très large part des dispositifs acritiques, le gain engendré par la grammatisation des relations elles-mêmes étant exclusivement mis au service des intérêts commerciaux des entreprises qui exploitent ces réseaux, et à l’encontre des intérêts existentiels de ceux qui forment la réalité de ces réseaux – à savoir leurs membres.

Comme tout pharmakon, les technologies relationnelles peuvent tout aussi bien produire des court-circuits dans la transindividuation que des circuits longs. Si le champ de ces technologies est laissé aux seules forces du marché, il en résultera immanquablement un raccourcissement drastique des circuits de transindividuation – induit par la volonté du marché de « monétiser » à très court terme le graphe des relations sociales. (Stiegler 2008 et Ars Industrialis : http://arsindustrialis.org/).

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Conclusion de la première partie

Issu de ce que l’on considère la première hominisation, le langage a instauré les mythes, les paradigmes, les conceptions du monde… La seconde hominisation n’est-elle pas celle du dynamisme de la technique et du calcul ? Est-elle plutôt (ou aussi) celle de l’assomption de la fonction mythique par la technique (la seconde dissimulant la première ? Cf. la réflexion autour de Frankenstein). En tout état de cause, on assiste depuis le dernier quart du XXème s. au déploiement des technologies de l’esprit (Stiegler) qui regroupent les supports associés et convergents de l’audiovisuel, des télécommunications et de l’informatique. C’est dire à quel point la technique qui fut à la fois l’essence de notre fondation en tant qu’êtres humains demeure notre cadre environnemental.

Pour tenter une très succincte synthèse on dira que la science contemporaine s’est faite plus raisonnable, dans le domaine de l’assertion des vérités visant à mettre au jour la réalité sous-jacente, pythagoricienne, numérique du monde. Cette prudence participe du parcours d’une anthropologie de la connaissance et explique sans doute a contrario le retour de flamme d’une défiance traditionnelle, mystique et idéologique. Le versant négatif du pharmakon (machines à remplacer l’homme non seulement pour le soulager mais aussi aptes à lui retirer sa dignité de travailleur, technologies extensivement tournées vers la satisfaction de nouveaux besoins, sans cesse croissants, au prix de la destruction même de l’environnement, suspicions ou constats d’altérations de l’intégrité naturelle et humaine…) renforce encore le ferment de ce rejet. Comment ne pas constater une fois encore, que la dichotomie fondamentale trouve une nouvelle acuité à l’ère du numérique.

Dans le même sens, on empruntera à B. Bachimont (2004) ces quelques lignes :

La technique apparaît habitée dans son principe même d’une ambivalence fondamentale où elle est à la fois une émancipation et une aliénation. Émancipation, car elle permet à la conscience de s’ancrer dans son environnement, d’hériter de son passé (mémoire des contenus) et d’anticiper son avenir (les projets techniques).

La technique invente de nouveaux possibles et ouvre des horizons inédits à la pensée et à l’action. Mais aussi aliénation car, dans son développement même, elle tend à réduire l’acteur humain à un simple composant et exécutant, supprimant sa liberté et ravalant sa responsabilité. Le numérique, étape décisive dans l’évolution de notre technique contemporaine, ne fait qu’exacerber cette tension. Dégageant le principe même de la technique, le numérique est un passage à la limite qui permet de reposer de manière encore plus nette la confrontation de la promesse et de la menace.

La technique questionne bien à la fois centralement notre époque et toutes celles traversées par l’humanité : n’avons-nous pas défini l’apparition de toute culture humaine comme indissociable de l’idée d’outillage et de technique ? Cette première circularité (technique et humanité se définissant mutuellement) est sans doute à l’origine de l’ambivalence de notre rapport global à la technique porteuse de progrès (pour s’affranchir de tâches toujours plus sophistiquée) et de régrès (perdre en en autonomie individuelle ce que font les machines à notre place). Le XXème s. et plus particulièrement avec l’arrivée du numérique a vu l’accentuation de ce paradoxe. Au-delà, tout porte à penser qu’il manque à notre époque d’ultra-célérité des mutations globales à la fois une structure sociétale et une pensée, au moins aussi réactives (?) ou à tout le moins mieux adaptées, permettant de les appréhender, de les maîtriser, bref : de les aimer, au sens de Latour…

Au terme de ce premier volet, un certain nombre de réflexions relevant de la culture technique, de son rapport à des discours savants circulant à propos des technologies et de leurs usages vous ont été soumises. Il faut désormais esquisser le lien à la seconde partie de notre enseignement. On verra tout d’abord dans cette dernière un prolongement illustratif précisant l’examen de l’évolution conjointe des techniques et des discours s’y rapportant. Dans leur modernité, les technologies pour communiquer se prêtent singulièrement à une telle étude. Elles constituent à la fois l’origine et, dans leur développement, l’actualisation des technologies relationnelles au sens où Stiegler l’entend. Mais pour procéder à ce retour spécialisé sur cette catégorie de technologies, plus directement liées à problèmes de médiation et de communication qui sont à la base de votre formation, l’approche proposée sera distincte et complémentaire des lignes qui précèdent et des approches philosophiques qui les sous-tendent. Plusieurs autres disciplines seront convoquées, qui convergent pour envisager une histoire des usages des technologies pour communiquer.

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