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L’histoire du maintien de la paix : nouvelles perspectives

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Academic year: 2022

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Histoire du maintien de la paix Par Magali Deleuze Introduction

La paix est une vieille idée mais la volonté de la maintenir est récente. Le maintien de la paix, en tant qu'activité, est relativement récent dans l’histoire. La forme la plus aboutie- le maintien de la paix onusien - date de 1945 et l’idée que maintenir la paix est une obligation morale de tout État, car la paix est une valeur religieuse ou morale et juste, ne date que du XVIIe siècle.

Cependant, l'idée de maintien de la paix que l'on pourrait définir globalement par une intervention militaire collective dans le but d'assurer la paix, à une longue histoire. Auparavant, l’idée de paix existait, mais elle était profondément dépendante de la guerre et son maintien, et donc peu élaborée. Les hommes de l’Antiquité préféraient préparer la paix par la guerre plutôt que de « maintenir » la paix. Le temps était rythmé par les périodes de guerre et par les périodes de trêves qui suivaient. Le nom commun « paix » n’existait d’ailleurs pas chez les Grecs, mais le concept d’absence de guerre civile existait et était valorisé. La célèbre Pax romana des Romains représente, peut-être, la forme la plus avancée d’une volonté institutionnelle de conserver la paix intérieure, afin de mieux pouvoir faire la guerre aux barbares. La paix existait bien chez nos ancêtres, mais sa définition et le concept de paix qui en découle ont beaucoup évolué dans l’histoire. Or, il semble difficile aujourd’hui de comprendre la complexité et l’évolution du maintien de la paix contemporain, sans en connaître sa naissance et ses racines. Une synthèse, dédiée à l’enseignement de l’histoire du maintien de la paix, semble donc utile aux étudiants, mais aussi à ceux qui veulent acquérir certaines bases historiques et connaître les grands textes et sources de l’histoire du maintien de la paix. Certains de ces textes ont été inclus à la fin de chaque chapitre dans ce livre. Il ne s’agit pas ici de faire un plaidoyer pour le maintien de la paix onusien, ni un texte polémique sur les leçons à tirer de l’évolution de l’idée de paix dans

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l’histoire, mais un survol historique des principales connaissances actuelles sur l’histoire du maintien de la paix et ses principales opérations jusqu’à aujourd’hui.

L’historiographie sur le maintien de la paix est à la fois dense et clairsemée. De très nombreux livres existent sur le thème de la Paix1, notamment avec une approche philosophique ou politique. La paix est aussi reliée à l’histoire des guerres ce qui peut expliquer le nombre vertigineux de livres généralistes sur le sujet. Par contre, des domaines précis, comme l’histoire de la paix depuis l’Antiquité ou l’histoire du maintien de la paix depuis ses origines, sont beaucoup moins couverts par les spécialistes, en particulier en langue française. On compte sur les doigts des mains, les livres (en français et en anglais) qui traitent spécifiquement de l’histoire du maintien de la paix, depuis ses origines.

L’historiographie des casques bleus et celle des principales opérations de maintien de la paix (OMP) représentent la majorité des études reliées au maintien de la paix, principalement en anglais. Il s’agit souvent de périodes particulières, de pays ou de continents, qui sont traités dans ces monographies. Le cadre théorique des notions de maintien de la paix de l’ONU se retrouve également dans de nombreuses études de science politique, ainsi que l’histoire récente du maintien de la paix : ce que l’on appelle la troisième génération d’OMP (depuis 1995). Le site internet de l’ONU fournit aussi une base de documentation factuelle et parfois analytique. On retrouve donc de plus en plus d’informations, de guides du maintien de la paix, de dossiers spéciaux dans les magazines ou encore de retransmissions via l’internet de colloques sur le maintien de la paix. Il est à noter que de plus en plus d’universités (notamment au Canada) ont développé des programmes et des sites web dédiés au maintien de la paix et aux enjeux stratégiques des opérations de paix. Les étudiants disposent ainsi de ressources assez variées

1 Une recherche sur google livres avec histoire de la paix et History of Peace (titre et expression exacts sélectionnés) donne un millier de livres en anglais et plus de 6000 en français.

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pour étudier le maintien de la paix à travers la littérature et à partir des sources généralement fiables, et ce, même si les études historiques restent peu présentes dans l’historiographie du maintien de la paix.

Qu’est-ce-que le maintien de la paix? De quoi parle-t-on exactement? Les grandes études de synthèse sur le maintien de la paix reprennent souvent ce que l’on pourrait appeler les définitions théoriques (le cadre philosophique et politique) du maintien de la paix qui se développent dans les années 1950-1960 avec J. Boulding, J.Gatlung et tous ceux qui s’intéressent au concept en vogue alors : la résolution des conflits. Un deuxième type de définition, que l’on pourrait appeler les définitions pratiques (les définitions de l’ONU dans le cadre des OMP) se retrouvent également dans l’historiographie du maintien de la paix. On utilise ainsi souvent la définition officielle que le secrétaire général de l’ONU Boutros Boutros-Ghali donna au maintien de la paix en 1992 : «Le maintien de la paix consiste à établir une présence des Nations Unies sur le terrain, ce qui n’a jusqu’à présent été fait qu’avec l’assentiment de toutes les parties concernées, et s’est normalement traduit par un déploiement d’effectifs militaires et/ou de police des Nations Unies ainsi que, dans bien des cas, de personnel civil. Cette technique élargit les possibilités de prévention des conflits aussi bien que de rétablissement de la paix»2. Un troisième type de définition est moins développé : la définition historique du maintien de la paix. L’étude sémantique de «maintien de la paix» permet pourtant de mieux cerner la signification que ce terme a revêtue au cours de l’histoire. L’expression maintien de la paix vient du latin Pax (paix) et de manus (main) et tenere (tenir), ce qui indique une certaine contrainte pour faire durer la paix bien que le verbe latin tenere ait donné plusieurs mots aux sens divers (durer, ténor, abstention, obtenir, détenu, etc.)3. Les auteurs s’accordent sur le fait que dans le sens moderne du

2 Article 20 de l’Agenda pour la paix, Boutros Boutros-Ghali, ONU, 1992. Original en ligne sur le site de l’ONU, Documents historiques du Conseil de sécurité: http://www.un.org/depts/dhl/dhlf/landmark_sc/topical.htm

3 Voir M.L. Pourret, Dictionnaire étymologique, Paris, Librairie classique de Ch. Fourault et fils, 1886, p. 478

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terme, l’expression «maintien de la paix» est apparue avec la première mission des casques bleus de l’ONU, créée par le canadien Leaster B. Pearson en 1956 lors de crise de Suez. Le nom anglais «Peacekeepers» qui qualifiait les soldats de l’ONU envoyés sur le terrain pour aider à maintenir la paix en surveillant de façon impartiale la cessation des hostilités, a donné le nom

«peacekeeping» qui est souvent utilisé après Suez. Les anglophones soulignent que le terme

«Peacekeeping» n’apparait pas dans la Charte des Nations Unies (en version anglaise) et qu’il s’agit plutôt d’un terme ad hoc, à l’image d’ailleurs du «Peacekeeping». En effet, dans la version anglaise de l’original de la Charte des Nations Unies, on y trouve plutôt le terme «The Maintenance of Peace » ou «to Maintain International Peace »4. Ce qui correspond peut-être à une expression usuelle en anglais à l’époque bien que le terme «Peace-keeping» (ou peacekeeping) existe bien dans les dictionnaires anglais d’avant la Deuxième Guerre mondiale, on en signale l’usage dans quelques journaux anglophones dès 19105. Cependant, dans toutes les autres langues de la Charte des Nations Unies, le terme «maintien de la paix », tel qu’utilisé aujourd’hui, y est bien présent et clairement présenté comme l’un des buts à atteindre dès l’article 1 de la charte. Il n’est pas clairement indiqué, bien sûr, que des soldats appelés casques bleus deviendront les professionnels du maintien de la paix mais tout indique, dans la Charte, que les moyens devront être mis en œuvre pour faire respecter, de gré ou de force, la paix et la sécurité internationale.

La création des casques bleus, celle des opérations de maintien de la paix et leur évolution sont, en quelque sorte, des conséquences historiques logiques du texte fondateur de l’ONU. L’histoire

4 Par exemple dans l’article 1 aux paragraphes 1 et 6. Voir les versions originales numérisées de la charte, dans les 5 langues officielles (anglais, français, mandarin, russe, espagnol) sur le site de l’ONU :

http://treaties.un.org/doc/Publication/CTC/uncharter-all-lang.pdf

5 Voir le Oxford English Dictionary, article «Peacekeeping».

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même de la création de l’ONU, des discussions américaines sur la nécessité d’éviter de créer une coquille vide, indique dès le début une volonté forte de passer à l’action dans le cadre de l’ONU.

Ce passage à l’action a été ralenti, lors des premières années de l’ONU (1945-1948), à cause du droit de véto qu’avaient les cinq grandes puissances, afin de refuser d’intervenir dans les conflits d’après-guerre. Le maintien de la paix, et en particulier la décision d’intervenir dans un conflit, est en effet d’abord la prérogative du Conseil de Sécurité. En 1948, cependant, un accord entre les grands, permet l’envoi de la première mission de maintien de la paix : l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST-UNTSO6) en Palestine composé d’observateurs militaires non-armés. Le maintien de la paix fait donc progressivement partie du travail de l’ONU et représente sa contribution concrète à la résolution pacifique des conflits internationaux et à la prévention des guerres. L’expression moderne est donc reliée à la naissance de l’ONU et au contexte de guerre froide. On trouve également aujourd’hui les termes force de maintien de la paix et opérations de maintien de la paix (OMP) qui sont directement reliés aux soldats engagés par l’ONU pour faire appliquer les mandats de l’ONU lors d’un conflit. Depuis l’arrivée de la troisième génération d’OMP plus musclées (après 1995), le terme maintien de la paix a été remis en question. On ne maintient finalement plus grand-chose, car la paix n’existe pas encore dans les pays où l’ONU intervient. Les termes de rétablissement de la paix (peacemaking), imposition de la paix (peace enforcement) et consolidation de la paix (peacebuilding) sont maintenant utilisés par les spécialistes pour couvrir ce que la population en général entend par maintien de la paix.

Le contexte a évolué depuis la guerre froide, les missions de paix aussi et le maintien de la paix a par conséquent aujourd’hui un nouveau visage, relié notamment à son histoire et aux efforts de

6 Afin de faciliter la recherche, souvent en anglais, nous donnons l’abréviation anglaise des missions après celle en français. Ici, ONUST en français et UNTSO (United Nations Truce Supervision Organization) en anglais.

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l’ONU pour faire évoluer le maintien de la paix. Ce nouveau visage est méconnu, incompris par beaucoup qui acceptent mal que les casques bleus fassent de plus en plus d’opérations militaires et policières. Il existe cependant encore quelques missions traditionnelles de maintien de la paix dans le monde où les casques bleus observent, surveillent, mais n’interviennent pas, mais la plupart des nouvelles missions créées par l’ONU ne sont plus des missions de «maintien» de la paix, au sens traditionnel. Le terme de «paix robuste» a été envisagé à l’ONU, et par plusieurs chercheurs, mais il semble qu’il ait fait long feu. J. Coulon utilise le terme «d’opérations de paix» qui, en effet, recouvre peut-être mieux, la diversité du maintien de la paix aujourd’hui.

L’ONU, sur son site internet, utilise toujours le terme de maintien de la paix bien qu’il faille se diriger vers la section Paix et sécurité, puis vers Bureaux de l’ONU pour aboutir sur le site Opérations de maintien de la paix. On nous indique alors que «les opérations de maintien de la paix de l'ONU aident les pays déchirés par des conflits à créer les conditions d'un retour à une paix durable»7. Maintenir une paix existante relève donc plus de situations passées que présentes.

Nous tenterons dans ce livre de synthèse de faire comprendre l’évolution du maintien de la paix depuis son origine, d’expliquer certains textes fondateurs du maintien de la paix, de replacer dans leur contexte historique les concepts théoriques de sécurité et de résolution des conflits et de présenter les principales missions de maintien de la paix de l’ONU en insistant sur leur histoire, afin de permettre à chacun d’évaluer les succès ou les réussites de ces missions. L’histoire du maintien de la paix est aussi celle des hommes et des femmes, militaires, civils, fonctionnaires de l’ONU, qui ont cru et qui croient encore aujourd’hui, que la meilleure façon de terminer un conflit est de l’éviter malgré le prix que cela peut coûter en argent et en vies humaines. Dans un but pédagogique, nous avons décidé de donner un ordre chronologique à ce livre. Un premier chapitre nous permettra d’explorer la vision des hommes de l’Antiquité et du Moyen Âge sur

7 http://www.un.org/fr/peacekeeping/operations/peacekeeping.shtml (site de l’ONU en français)

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l’idée de paix et de son maintien dans l’histoire. Des fondements philosophiques, religieux et politiques proviennent de ces périodes, où il n’y a pas de maintien de la paix dans le sens actuel du terme, mais où il y a de nombreux éléments fondateurs de l’idée moderne de paix. Un deuxième chapitre abordera la période charnière des XVIe-XVIIIe siècles en ce qui concerne le développement moderne de l’idée politique du maintien de la paix international et des premiers traités européens (le traité de Westphalie, par exemple). La gestation de l’idée juridique de la paix, du droit à la paix et, pour certains, du droit à la paix perpétuelle, est féconde à cette époque.

Le troisième chapitre présentera la naissance contemporaine du maintien de la paix avec la tentative ratée de la SDN après la Première Guerre mondiale et finalement la création des bases du maintien de la paix par l’ONU en 1945. Le quatrième chapitre abordera la première génération des opérations de maintien de paix (OMP) de 1948 à 1978, ce que l’on appelle généralement le maintien de la paix traditionnel. Une génération de missions de surveillance, d’observation des cessez-le-feu dans un contexte où les belligérants acceptent la présence de casques bleus pour encadrer et assurer le maintien de la paix. La guerre froide et la complexité progressive des conflits à la fin des années 1970 mettent un terme, pour dix ans, aux OMP de l’ONU. Le cinquième chapitre débute avec la deuxième génération d’OMP de 1989 à 1995, pendant laquelle l’ONU entame une grande réflexion sur l’évolution de ce que doit être le maintien de la paix et sur la nécessité de mandats plus musclés pour les casques bleus. L’histoire rattrape trop vite la bonne volonté des Nations Unies et la chute de l’Union soviétique entraîne les OMP dans des conflits d’une ampleur et d’une violence sans précédent créant ainsi les plus grands échecs du maintien de la paix onusien (en Somalie et au Rwanda, notamment). Le sixième chapitre analyse la troisième génération de maintien de la paix (depuis 1995) à travers la grande réforme dont l’ONU a finalement accouché pour rendre ses opérations plus efficaces et tenter d’éviter les erreurs passées. Le chapitre 7 de la charte de l’ONU, celui qui permet

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d’imposer la paix par la force, est de plus en plus utilisé, alors que de nouveaux enjeux apparaissent dans la gestion du maintien de la paix : éviter les génocides, confier des mandats de maintien de la paix aux organisations régionales (comme l’OTAN, par exemple), justifier les budgets faramineux de l’ONU, etc. Le contexte historique rend cependant très difficile la tâche de l’ONU : l’aspect religieux, ethnique et économique des conflits, le terrorisme international et des situations où la paix (à travers des cessez-le-feu ou des accords de paix) n’est jamais établie, obligent l’ONU à intervenir pour contenir des guerres et non pour maintenir la paix. Il est donc de plus en plus difficile de convaincre les populations que des casques bleus, même armés, peuvent bâtir la paix mondiale en faisant la guerre. Le dernier chapitre traite de ce que plusieurs appellent une quatrième génération d’opérations qui ne sont plus des missions de maintien de la paix mais des missions de stabilisation par exemple, confiées à une tierce organisation, telle la FIAS en Afghanistan (depuis 2001) et propose un bilan général du maintien de la paix.

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